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Les tétrades

"Toute la théorie dont vous aurez besoin" - Chapitre 5

Amis musiciens et mélomanes, mélophiles ou philomèles, bonjour !

Aujourd’hui nous allons attaquer un gros morceau, avec lequel nous terminerons de nommer tous les accords de la musique occidentale : les tétrades et leurs extensions.

Cette vidéo est assez longue, j’en suis conscient. Sachez cependant que les 10 dernières minutes ne sont qu’un long exemple d’application.

Récapitulatif des tétrades courantes

Tétrade Triade Septième Exemple Notation(s)
Majeure 7 Majeure Majeure do majeur 7: do-mi-sol-si CΔ, CMaj7
7 Majeure Mineure do 7: do-mi-sol-si♭ C7
Mineure 7 Mineure Mineure do mineur 7 : do-mi♭-sol-si♭ C-7, Cm7
Mineure 7 ♭5 Diminuée Mineure do mineur 7 ♭5 : do-mi♭-sol♭-si♭ C-7(♭5), Cø
Diminuée 7 Diminuée Diminuée do diminué : do-mi♭-sol♭-si𝄫 Co7

Ou bien si vous préférez la notation musicale :

Liste des extensions possibles par accord

À ce stade, il est très possible que vous soyez un peu déboussolés par ce qui ressemble furieusement à une règle, et arbitraire qui plus est !

On ne peut pas mettre n’importe quelle extension sur n’importe quel accord.

En réalité, c’est parce que l’utilisation pratique des extensions (lorsque l’on compose ou improvise) est guidée par des concepts que nous allons tout juste commencer à voir dans la prochaine vidéo : on choisit les extensions en fonction de la "couleur" (gamme ou mode… pensez alphabet de 7 notes) que l’on désire faire entendre. Or, nous le verrons, la musique occidentale repose sur un nombre limité de "gammes-mères" ou "systèmes", ce qui limite d’autant le nombre de combinaisons d’extensions que l’on croise dans la pratique.

Soyez donc rassurés si cela vous semble encore flou : c’est le genre de concept qui demande moins d’une heure à comprendre et littéralement des années à maîtriser. Le but de cette vidéo était simplement d’apprendre à les chiffrer : maintenant que nous savons les nommer, nous sommes armés pour au moins les reconnaître, et c’est en les observant en situation, en analysant de nombreux morceaux (comme nous le ferons après cette série), que l’on apprend à réellement les apprivoiser et les incorporer à notre langage musical.

Pour l’heure, contentons-nous de lister les extensions possibles pour chaque tétrade.

Accord majeur 7

Je les ai énumérées au moins deux fois, mais les voici quand même répétées à l’écrit :

  • neuvième majeure (9) ;
  • onzième augmentée (♯11) ;
  • treizième majeure (13).

Accord 7

Un accord 7 peut réellement être "pourri" avec beaucoup d’extensions altérées. Nous verrons dans le prochain épisode que c’est parce que sa "fonction" (son rôle) est de créer une tension, et donc du mouvement dans l’harmonie :

  • neuvième majeure (9), mineure (♭9) ou augmentée (♯9) ;
  • onzième augmentée (♯11) ;
  • treizième majeure (13) ou mineure (♭13).

Dans la vidéo je montre un accord "7♯5♯9". Quoique très répandu (notamment dans les Real Book, les recueils de standards de jazz), ce chiffrage doit être pris avec des pincettes. Je ne m’attarderai pas sur les considérations théoriques qui entrent en œuvre ici car c’est une remarque qui n’a pas grande importance en définitive1, mais vous ne manquerez certainement pas de croiser quelque puriste pour vous expliquer que "c’est pas ♯5♯9 mais ♭10♭13 !", ce qui ne fera pas vraiment avancer le schmilblick et risque de vous perdre plus qu’autre chose avec cette extension ♭10 qui semble sortir de nulle-part. Retenez simplement que cet accord peut être plus correctement noté "Alt." (pour "altéré"). ;)

Accord mineur 7

L’accord mineur 7 supporte les trois extensions sans aucune altération :

  • neuvième majeure (9) ;
  • onzième juste (11) ;
  • treizième majeure (13).

Accord mineur 7 ♭5

L’accord mineur 7 ♭5 ne supporte pas la 13e naturelle, car cette extension nous ferait alors entendre un accord 7 renversé sur sa tierce, ce qui dénaturerait la tétrade.

Par exemple : B-7♭5 = si-ré-fa-la. Si on ajoutait une 13e, cela nous donnerait si-ré-fa-la-sol, que l’on interpréterait plutôt comme sol-si-ré-fa-la : G9.

  • neuvième majeure (9) ;
  • onzième juste (11).

Accord diminué 7

L’accord diminué est un cas particulier qui demande de faire une légère contorsion au principe des "tierces empilées". On peut ajouter n’importe quelle note située un ton au-dessus de chaque note de la tétrade :

  • neuvième majeure (9) ;
  • onzième juste (11) ;
  • treizième mineure (♭13) ;
  • septième majeure (Δ), que l’on appellerait plus rigoureusement une quatorzième naturelle (♮14).

Chose très remarquable : lorsque l’on ajoute une unique extension (appelons-la "X") à l’accord diminué, ce dernier devient enharmonique avec l’accord X7♭9.

Par exemple : Co7 = do-mi♭-sol♭-si𝄫. Si on ajoute une neuvième (ré), cela donne "do-mi♭-sol♭-si𝄫-ré". Par enharmonie, on peut réinterpréter cet accord comme ré-fa♯-la-do-mi♭ = D7♭9.

C’est pourquoi on dit qu’un accord diminué cache très souvent un accord 7 dont on a retiré la basse : il peut même en cacher 4 !


  1. Le seul contexte où cela peut avoir un impact, c’est lorsque l’on doit improviser sur cet accord en jazz. La première fois qu’on le croise, on peut être un peu confus parce que ce chiffrage ne correspond à aucune gamme. Mais une fois que l’on a compris qu’il s’agissait de la "gamme altérée", on crée une bonne fois pour toute l’association entre les deux, et le problème est alors définitivement résolu.

J’espère que cette vidéo n’est pas trop lourde. J’ai longuement hésité à me contenter des tétrades dans cet épisode pour aborder les extensions dans le suivant, mais je me suis dit qu’il était plus commode de voir les deux dans la même vidéo, pour en finir plus vite avec les superpositions de notes et le vocabulaire un peu gratuit, et enfin commencer à étudier leurs enchaînements dans le prochain épisode.

N’hésitez pas à me faire des retours, tant sur la forme que sur le fond, en particulier si certaines choses vous semblent confuses ou obscures. Bien que le meilleur moyen de retenir toutes ces infos sera de les revoir appliquées en situation dans les prochaines vidéos, le but reste quand même de ne pas créer une marche trop haute d’un épisode à l’autre. :)

1 commentaire

Je suis tombé sur cette progression "à la Bill Evans", qui comprend des accords très riches en extensions altérées et des substitutions un peu exotiques.

En particulier, c’est peut-être la première fois que je vois un accord diminué conclure une phrase (je le comprends comme une appoggiature laissée en suspens, et que l’on utilise ici en lieu et place d’un FΔ). Mais surtout, ce qui est intéressant dans le contexte de ce billet, c’est de voir que cet accord est chiffré avec une quatorzième : Fo7(♮14). C’est un "bécarre quatorze", c’est-à-dire une septième majeure.

En effet, cet accord comporte déjà une septième qui est diminuée (le ré à la main gauche est noté par enharmonie, mais c’est un mi𝄫), et on ne peut pas chiffrer à la fois une septième diminuée et une septième majeure (le mi♮ à la main droite). Cette dernière est donc une extension, et l’extension qui correspond à la septième, c’est la quatorzième.

C’est la première fois que je croise cette extension dans la nature. Pour le coup, je pense qu’il n’y a vraiment que dans une poignée de contextes harmoniques très poussés que l’on va croiser ce genre de choses, mais si vous avez assez de technique pour jouer cette progression (tout doux, sur un tempo lent, et en faisant bien ressortir la note la plus aiguë à chaque fois… non, ce n’est pas trivial), vous remarquerez que ça sonne d’une façon à peine croyable.

Une progression à la Bill Evans
Une progression à la Bill Evans
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