Dénomination des excitations électroniques

Le problème exposé dans ce sujet a été résolu.

Bonjour,

Je lisais un document de spectroscopie, et je suis tombé sur un graphique qui montre les déexcitations entre différents niveaux d'excitations. J'aimerais bien comprendre comment les noms sont donnés. J'ai vu par exemple $B_3\Pi$ et $X\Sigma$.

La partie grecque vient du caractère liant/anti-liant si j'ai bien compris, mais je ne suis pas parvenu à trouver d'informations sur la première partie des noms. Quelqu'un saurait ? Une synthèse rapide sur la partie grecque pourrait aussi être utile, si ça ne vous demande pas trop de travail.

Merci !

Salut!

J'avais pas mal galéré à l'époque avec ça… Je suis en train de relire mes notes sur le sujet. Quelle est la molécule en question? C'est important de le savoir pour dessiner le diagramme des orbitales moléculaires (MOs). J'ai de quoi t'aider avec N2 et O2 si jamais. ;)

Pour déjà répondre rapidement à ta question, sans garantie:

La première lettre indique simplement l'état électronique:

  • X : état fondamental
  • A : 1er état excité
  • B : 2ème état excité
  • C : 3ème état excité

(le soucis c'est que l'ordre des excitations est parfois bizarre, mais passons..)

Normalement cette lettre porte un exposant:

  • 1 = singulet
  • 2 = doublet
  • 3 = triplet

Ensuite pour la lettre grecque c'est plus compliqué et il faut regarder le diagramme des MOs correspondant à la molécule de près. Le diagramme devrait contenir les MOs suivantes avec leur valeurs $\lambda$ associées:

  • $\sigma$ ($\lambda$=0)
  • $\sigma^*$ ($\lambda$=0)
  • $\pi$ ($\lambda$=1)
  • $\pi^*$ ($\lambda$=-1)

Pour chaque électron, il faut regarder dans quelle orbitale il se trouve, prendre la bonne valeur $\lambda$ et faire une somme pour tous les électrons. La valeur absolue de cette somme te donne la lettre grecque:

  • 0 = $\Sigma$
  • 1 = $\Pi$

Voilà, j'espère que le formalisme correspond à ton diagramme et t'aidera à comprendre. Je vais essayer de poster un diagramme complet demain. :)

Merci pour la réponse très rapide et complète.

C'est un document sur l'$I_2$, mais qui porte presque intégralement sur le spectre vibrationnel, et le nom des états n'est pas fondamental (sans jeu de mot) pour comprendre, mais tant qu'à faire…

Ton explication est très claire, sauf peut-être pour l'exposant. Simplet, doublet et triplet pour quoi ? Le lien entre les deux atomes ? Ça va changer avec les excitations ?

Non, ça a rapport, en très gros, avec le spin des électrons sur tes niveaux électroniques. Parce que pour prendre le cas de l'hydrogène, si t'excite un électron sur sa $\sigma^\star$, les deux électrons de ton système peuvent s'arranger de 4 manières différentes:

J'aimerai pouvoir te dire que les deux premières sont des états singulets et les deux autres sont des états triplets, et c'est souvent ce qu'on considère, mais c'est pas tout à fait vrai (y'a une histoire de combinaison, si t'aime la lecture et la chimie quantique, c'est là). Bref, en général, quand t'as deux électrons célibataires avec des spins opposé, on peut parler d'état triplet. Ou alors, c'est quand tu as deux électrons de même spin sur le même niveau, genre "$--\hspace{-0.75cm}\uparrow \uparrow$".

En général, les états triplets, c'est plus stable, mais la transition singulet-triplet, c'est transition forbidden [transition interdite] (par exemple, l'oxygène de l'air, $O_2$ est un triplet, mais il ne réagit pas parce que seul son état singulet est réactif et que c'est transition forbidden). C'est ce qui est derrière le concept de fluorescence/phosphorescence et ce pourquoi l'un dure plus longtemps que l'autre (la phosphorescence implique un état triplet, donc une transition interdite, donc le temps de transition triplet $\ce{<->}$ singulet est plus lent).

Quand à l'état doublet, si tu tiens vraiment à ce que j'explique ça, il va falloir que je me lance sérieusement dans les maths du lien que je t'ai donné plus haut. Sauf si mathiasm a une explication simple (auquel cas je prend, parce que je suis incapable d'expliquer simplement ce qu'est un état doublet).

+1 -0

Merci, j'en ai profité pour vagabonder un peu sur wikipedia du coup.

En gros, singulet, doublet et triplet font référence au nombre de ms que l'on peut avoir, qui correspond à 2s+1. Donc si le spin du système est 0, on a un état singulet, si c'est 1/2, on a un état doublet et si c'est 1, un état triplet.

Si on continue sur le raisonnement, ça donne que si tous les électrons sont mis sur des orbitales complètent, on aura un état singulet. Si l'orbitale n'est pas complète, ça va dépendre. En excitant un électron vers une autre orbitale, on a deux éléctrons indépendant, qui si ils ont le même spin, vont créer un état triplet. En ionisant un état singulet (+ ou - 1), on devrait avoir un état doublet.

Je fais fausse route, ou c'est à peu près ça ? Nonobstant l'inexhaustivité bien entendu.

Chose promie, chose due:

Je vais tenter une explication complète avec la molécule d'azote N2 comme exemple. Elle n'a pas trop d'électrons, en a quand même plus que H2 et n'a pas la particularité de l'état fondamental triplet de O2. ;)

Un atome isolé d'azote N a la configuration électronique suivante: 1s2 2s2 2p3 ou plus précisément 1s2 2s2 2px1 2py1 2pz1 (=orbitales atomiques).

Dans une molécule d'azote N2, ces orbitales atomiques (AOs) forment des orbitales moléculaires (MOs) $\sigma$ et $\pi$. Quelques conventions: si l'orbitale est anti-liante, elle porte l'exposant *. Si l'orbitale possède un centre d'inversion i, elle porte un indice g; si elle ne possède pas de centre d'inversion, elle porte l'indice u. Voici donc le diagramme des MOs:

État fondamental

(on constate que les 2 orbitales $\pi_u$ sont plus basses en énergie que la $\sigma_g$, c'est une spécificité de N2 à savoir)

Dans le diagramme de MOs ci-dessus, j'ai déjà placé les 14 électrons de la molécule en partant du bas et en suivant le principe d'exclusion de Pauli, ce qui donne l'état fondamental.

Le terme spectroscopique suit les normes suivantes:

{X,A,B,…}{1,3}{$\Sigma$,$\Pi$,…}{g,u}

  • X signifie "état fondamental", A "1er état excité", etc.
  • l'exposant 1 ou 3 indique si l'état est singulet ou triplet
  • le symbole grec indique la valeur absolue de la somme des moments angulaires $\lambda$ pour chaque électron ($\Sigma$ pour une somme de 0, $\Pi$ pour 1). Les moments angulaires valent $\lambda=0$ pour les MOs $\sigma$, $\lambda=-1$ pour les $\pi$ de gauche et $\lambda=1$ pour les $\pi$ de droite.
  • g ou u se détermine en faisant le produit total des u/g pour chaque électron avec les règles de multiplication suivantes: gxg=g, uxu=g, gxu=u

Donc pour l'état fondamental ci-dessus, on a:

  • état fondamental $\rightarrow$ X
  • singulet $\rightarrow$ 1
  • |0+0 + 0+0 + 0+0 + 0+0 + (-1)+(-1) + 1+1 + 0+0 | = 0 $\rightarrow$ $\Sigma$
  • g g u u g g u u u u u u g g = g

Ce qui donne au final X1$\Sigma$g.


Le 1er état énergétique situé au-dessus de l'état fondamental est celui avec un électron situé dans la MO $\pi_g$* au lieu de la MO $\pi_u$ et est un état triplet (c'est un constat expérimental, il faut le savoir "par coeur" je crois):

1er état excité

Terme spectroscopique:

  • 1er état excité $\rightarrow$ A
  • triplet $\rightarrow$ 3
  • | 0+0 + 0+0 + 0+0 + 0+0 + (-1) + 1+1 + 0+0 + (-1) | = 0 $\rightarrow$ $\Sigma$
  • g g u u g g u u u u u g g g = u

Soit A3$\Sigma$u.


Le 2ème état excité est avec un électron dans la MO $\pi_g$* au lieu de la MO $\sigma_g$ et est un état triplet, le terme est B3$\Pi$g. Je vous laisse vérifier pour voir si vous avez compris!

Ce n'est pas parce que tous ces états excités existent que toutes les transitions entre eux sont permises!


J'espère que c'est désormais un peu plus clair pour vous? N'hésitez pas à demander pour plus de précisions. :)

Le seul soucis d'après moi est de savoir l'ordre des excitations (d'ailleurs je suppose qu'on les obtient uniquement par expérience, mais je ne connais pas grand chose à ce domaine…). Mais à part ces A/B/…, vous devriez être capables de donner le terme spectroscopique pour tout diagramme rempli d'électrons.

Bonne chance!

+3 -0

J'ai pas réagi, mais j'ai compris. Je me demandais si il y avais pas des histoires de symétrie dans le machin, parce que ça me semblait étrange qu'une excitation rende un état triplet (alors que j'ai bien dis que singulet-triplet, c'était une transition interdite), mais comme j'ai rien trouvé de probant, j'ai rien dit ^^

Hmm tu as raison, c'est bizarre cette histoire de spin. Je vais corriger mon post au niveau du vocabulaire pour qu'il n'y ait pas de malentendu. Merci pour la remarque.

Mais je me demande quand même comment on accède à cet état (qu'on peut observer sur un spectre électronique): en redescendant d'un autre? en violant la règle du spin par couplage spin-orbite? Je vais voir si je trouve une réponse.

Transition interdite veux pas dire non plus qu'on ne l'observe pas, mais que sa probabilité est beaucoup plus faible. Pour ce qui est de la symmétrie, il y a les règles de Laporte, ceci dit ça s'applique plutôt au complexes inorganiques. Pour l'iode, je penche pour cette histoire d'interaction spin orbite.

Transition interdite veux pas dire non plus qu'on ne l'observe pas, mais que sa probabilité est beaucoup plus faible. Pour ce qui est de la symmétrie, il y a les règles de Laporte, ceci dit ça s'applique plutôt au complexes inorganiques. Pour l'iode, je penche pour cette histoire d'interaction spin orbite.

pierre_24.

Exact, il y a les interdictions basées sur la symétrie et celles basées sur le spin. Celles sur le spin sont plus dure à outrepasser.

Je viens de parcourir un article intéressant (que je peux envoyer par email si vous le souhaitez). Il confirme ce que nous disions: :)

"Les états triplets de N2 ne peuvent pas être atteints par absorption de photons à partir de l'état fondamental singulet et ne sont par conséquent pas visibles sur le spectre d'absorption."

"En revanche on peut observer des transitions grâces aux photons émis lors de transitions descendantes à partir d'états excités obtenus par bombardement d'électrons libres sur les molécules de N2." (méthode qui permet visiblement de "monter" à n'importe que état excité)

Parmi les 3 premiers états excités A3 $\Sigma_u$, B3$\Pi_g$ et C3$\Pi_u$ on peut voir les transitions C$\rightarrow$B et B$\rightarrow$A mais pas C$\rightarrow$A pour des raisons de symétrie et aucune transition vers l'état fondamental X1$\Sigma_g$ à cause du spin.

+0 -0

J'ai finalement eu le temps de lire tout ça, merci beaucoup pour les explications.

Quelques questions : 1) À propos des orbitales moléculaires (je me suis arrêté aux orbitales atomiques dans mon cours, donc c'est peut-être évident), est-ce que l'orbitale g a une énergie plus basse que celle u pour sigma (le contraire pour pi) de manière systèmatique, ou y a-t-il un moyen pour le savoir ? 2) Je ne comprends pas pourquoi les deux excitations sont dans ce sens. D'après le diagramme, la 2ème demande moins d'énergie que la première. Comment sont-elles classées si ce n'est par l'énergie ?

Merci encore

J'ai une réponse pour la première question,

Donc, revenons à la théorie des orbitales moléculaires. La théorie LCAO te dit qu'une orbitale moléculaire est une combinaison linéaire d'orbitale atomique. Autrement dit, si tu as la molécule de H2, t'as une orbitale 1s sur chaque hydrogène (un hydrogène A et un hydrogène B), et t'as deux manière de faire une combinaison linéaire: $1s_A + 1s_B$ et $1s_A - 1s_B$. Pourquoi, parce que la probabilité totale est le carré de ça, $\Psi^2$ et que tu sais très bien que quand t'enlève le carré, t'as soit un "+" soit un "-". Tu te retrouve dès lors avec une orbitale moléculaire $\sigma$ (combinaison positive) et une $\sigma^\star$n (combinaison négative). La première est une orbitale moléculaire "liante", puisque les orbitales se recouvrent et ça abaisse l'énergie (ça se prouve mais c'est un peu plus long, donc prend le pour acquis). La seconde est dite anti-liante.

Le shéma ci-dessous te montre ce que tu peux faire avec des orbitales "s" et "p" (grosso modo, avoir des orbitales moléculaires $\sigma$ ou des $\pi$).

Tu vois que seule les orbitales ayant le même signe (qu'on peut aussi représenter en utilisant de la couleur) peuvent se recouvrir (c'est des maths, en fait). Le fait est que tu retrouve les orbitales $\sigma$ et $\pi$ que tu connais en chimie organique.

Quand a "g" et "u", c'est en fait une question de symétrie, comme l'as dit mathiasm. Ainsi, si ton orbitale moléculaire possède un centre d'inversion, on dira qu'elle est "g". Si elle n'en possède pas (ou qu'en fait, après avoir fait ton inversion, tu dois changer de signe, comme pour les deux lobes d'une orbitale p), on dira qu'elle est "u". Comme tu peux le voir, une orbitale $\sigma$ est "g" pour sa combinaison liante, tantis que la $\pi$ est "u" pour sa combinaison liante.

Tout ça provient d'une branche des maths qui n'as absolument rien à voir avec ça, la théorie des groupes.

Hésite pas à demander plus d'info, je suis pas certains d'être tout à fait clair.

En ce qui concerne le sens des excitations, j'ai pas de réponse absolue, mais je dirais ceci: ce qu'a dessiné mathiasm est arbitraire et ne tient pas compte de l'énergie réelle de chacune des orbitales l'une par rapport à l'autre. Par ailleurs, dans un monde idéal, quand t'excite un électron, les niveaux d'énergies ne changent pas. Dans un monde réel, ce n'est pas vrai et les niveaux changent, ce qui impacte l'énergie d'excitation. Je dirais donc que pour l'ordre, la seule manière de le savoir est de regarder le spectre UV expérimental ou de faire des calculs quantiques.

Après, il y a peut-être une raison plus évidente.

+1 -0

Edit: Grillé par pierre_24, mais j'ai mis du temps à rédiger donc je poste en l'état (espérons que ça concorde avec ce qu'il dit!). ;)

J'ai finalement eu le temps de lire tout ça, merci beaucoup pour les explications.

Merci d'avoir lancé le sujet, c'est intéressant! :)

1) À propos des orbitales moléculaires (je me suis arrêté aux orbitales atomiques dans mon cours, donc c'est peut-être évident), est-ce que l'orbitale g a une énergie plus basse que celle u pour sigma (le contraire pour pi) de manière systématique, ou y a-t-il un moyen pour le savoir ?

La logique est la suivante:

  • Les orbitales liantes sont toujours plus basses en énergie que les anti-liantes (normal, ce sont les liantes qui forment les liaisons!). Donc $\sigma$ est plus basse en énergie que $\sigma$* et $\pi$ est plus basse que $\pi$*. Ceci est indépendant de g et u! (d'ailleurs comme tu l'as justement remarqué, les liantes $\sigma$ sont g tandis que les liantes $\pi$ sont u)

  • Concernant g et u, c'est une convention qui découle de la forme des orbitales. Si l'orbitale possède un centre d'inversion (point rouge sur mon dessin), elle est g (de l'allemand gerade) et sinon u (ungerade):

2) Je ne comprends pas pourquoi les deux excitations sont dans ce sens. D'après le diagramme, la 2ème demande moins d'énergie que la première. Comment sont-elles classées si ce n'est par l'énergie ?

Attention à l'utilisation du mot excitation. Pour faire simple, le mot excitation veut dire passage d'un état à un état plus haut en énergie.

Les états (c'est-à-dire les différents arrangements d'électrons) sont classés par énergie (X est l'état fondamental, A est un peu plus haut en énergie, etc). Quant aux transitions (mouvement d'un électron vers le haut ou vers le bas, qui de fait fait passer la molécule d'un état à un autre), j'ai écrit au hasard C$\rightarrow$B avant B$\rightarrow$A. Honnêtement je ne sais pas s'il y a une convention pour l'ordre…

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