Force des ponts H

Eau vs amoniac vs les deux

Le problème exposé dans ce sujet a été résolu.

Bonjour tout le monde :)

La rentrée s'approche doucement, et puisque je suis maintenant de l'autre côté de la barrière1, il est temps que je prépare mes exercices. Or, dans un d'eux, il est nécessaire de calculer la force des ponts H entre deux molécules.

Je fait donc tourner GAMESS et, en phase gazeuse et à un niveau de calcul pas très élevé mais correct2, j'obtient les énergies suivantes:

Donneur Accepteur Energie (kj mol-1) Enthalpie via Wikipedia (kj mol-1)
H2O H2O -16 - 21
NH3 NH3 -9 -13
H2O NH3 -20 -29

Énergie des ponts hydrogènes, calculée comme $E = E_{dim} - E_D - E_A$. Le donneur de pont H a son hydrogène pointé vers l'atome électronégatif de l'accepteur (voir ci-dessous). Les chiffres de "Wikipedia" sont issus de cette page. Tout est en phase gazeuse.

Ce qui m'étonne un peu, c'est bien entendu la dernière ligne, sauf que vous pouvez constater que je suis dans l'ordre d'idée donné par Wikipédia, donc il ne s'agit pas d'une erreur de calcul de ma part (je pourrait m'amuser à monter plus haut en méthode de calcul, mais ça va me bouffer du temps pour rien).

Pourquoi est ce qu'un pont H est plus fort entre H2O et NH3 ? Je trouve ça personnellement contre intuitif, et ce pour deux raisons: l'oxygène est plus électronégatif que l'azote, donc techniquement, l'eau devrait plus attirer l'hydrogène de son voisin et former des ponts hydrogènes plus forts. D'autre part, si on résonne en terme d'acidité, H2O est plus acide que NH3, donc ça me conduit à la même conclusion.

Qu'est ce que j'ai raté ?

EDIT: et voilà les paramètres géométriques, faites pas attention aux couleurs, l'hydrogène est en bleu et l'azote en mauve :

Géométrie de ponts H


  1. mouahahaha :p 

  2. HF/aug-cc-pVDZ, ça va, mais ça pourrait être mieux 

+1 -0

Ton raisonnement tiens la route, mais je dirais que ça dépend si tes calculs prennent en compte la basicité de l'ammoniaque justement.

  • L'azote accepte volontiers un H+ de l'eau. Donc e doublet est plus fortement donné de la part de l'azote que l'oxygène le ferais ! Compare l'autoprotolyse de l'eau et la manière dont l'ammoniaque chope les hydrogène labile de l'eau… J'pense que l'ammoniaque est plus demandeur de proton. Voilà pour le "au cas où tu n'es pas pris ça en compte et/ou si ça influe" ce qui peut être contestable je ne suis pas un pro :D mea culpa si c'est HS

EDIT: Un peu tiré par les cheveux : mais l'oxygène est plus petit que l'azote, donc moins polarisable ? t'as pris ça en compte ?

+0 -0

J'suis pas chimiste de formation, juste biologiste-biochimiste (çad que je suis fais ni l'un ni l'autre) donc je vais peut-être dire une connerie mais c'est pas lié à l'existence d'un moment dipolaire de l'eau, qui fait que la liaison est plus forte ?

Je crois me souvenir d'une remarque d'une prof de chimie qui nous faisait en tout cas remarquer qu'une bille d'eau était moins freiné dans l'ammoniac liquide que dans l'eau, avec également des histoires de températures d'ébullition moins élevée chez l'ammoniac que chez l'eau, avec l'explication bateau les molécules d'ammoniac se retiennent moins les unes aux autres d'où un "paradoxe de la température d'ébullition".

Et dans tout mes cours de biologie on érige l'eau comme liquide génial, polarisable avec de fortes liaisons H qui assurent la cohésion de l'eau - très importante pour la circulation de la sève dans les végétaux au passage -, une eau "structurée" dans les interfaces bicouche lipidique - cytosol qui paraît-il serait lié à cette cohésion de l'eau due aux ponts H…

Fin bref peut-être faux - dans lequel cas je serais content d'apprendre pourquoi ! Ça peut toujours servir - mais de mémoire je te sortirais quelque chose comme ça.

+1 -0

a mon avis tes deux hypothèses qui ne sont pas justifiées :

l'oxygène est plus électronégatif que l'azote, donc techniquement, l'eau devrait plus attirer l'hydrogène de son voisin et former des ponts hydrogènes plus forts.

Ici tu ne nous parle pas du cas NH3 donneur H2O accepteur, donc tu ne peux pas utiliser cet argument. Par contre c'est vrai que si tu faisait le calcul tu devrais trouver des valeurs plus basse pour NH–O que pour NH–N. Je reviendrai plus bas sur un autre problème qui va avec cette citation.

D'autre part, si on résonne en terme d'acidité, H2O est plus acide que NH3, donc ça me conduit à la même conclusion.

justement, la conclusion est fausse, l'eau étant plus acide, elle laisse plus facilement trainer ses protons. Le pKa du couple NH3/NH2- est de 28 alors que celui du couple H2O/OH- est de 15.7

Pour revenir à ton premier raisonnement, je pense que tu le prends à l'envers, l'électronégativité du donneur a beaucoup plus d'influence que celle du récepteur :

C'est pas parce-que O est très électronégatif qu'il attire plus les protons de ses voisin, au contraire, c'est pour cette raison qu'il laisse moins trainer ses électrons près des siens et donc plus le donneur est électronégatif plus le moment dipolaire résultant est fort et plus le récepteur polarisable peut "s'approcher".

Dans le cas de l’ammoniac, les électrons de la liaison NH ont une plus forte probabilité de présence près de l'hydrogène que dans le cas de l'eau, et comme les électrons du récepteurs n'aiment pas trop ceux du donneur (répulsion), la liaison est donc moins forte dans les cas NH–N et NH–O. Si tu fais les mêmes calculs avec HF tu trouveras des énergies de liaison encore plus forte dans le cas de F donneur alors que c'est le plus électronégatif des trois, mais dans l'autre sens ça devrais pas être terrible voire nul.

+3 -0

L'explication de Akio corrobore ce que j'ai pu entendre par ailleurs : les ponts H sont aussi et surtout une histoire de nucléophile, et de fait, l'azote est plus nucléophile dans ce cas là. Nice :)

@Goeland-Croquant: aaaah, l'eau ^^

Ceci étant dis, cette cohésion n'est pas seulement due à son moment dipolaire, sinon le monoxyde de carbone serait probablement liquide à température ambiante (bon, faut aussi comparer ce qui est comparable, le moment dipolaire du CO est de 0.12 D, contre 1.8 D pour l'eau, mais c'est le premier exemple qui me vient en tête). Même chose pour le chlorométhane CH3Cl qui à priori ne fait pas de pont H (moment dipolaire de 1.9 D et qui bout à -23°C) : il y a bel et bien un effet des ponts hydrogènes, qu'on peut voir comme des liaisons faibles entre les molécules d'eau (ou une interaction inter-moléculaire assez forte, selon), ce qui fait une énergie supplémentaire à apporter au système pour passer en phase gazeuse (plus d'interaction inter-moléculaire).

Et si tu fais le calcul où NH3 est donneur et H2O accepteur, juste pour comparer, et voir si tu retrouves à peu près le "8 kJ/mol" de Wikipedia ? (mêmes conditions de calcul) Les bases de type cc-pVDZ sont optimisées pour un calcul de type interaction de configuration ; as-tu fait ceci ou juste un calcul HF ?

Et si tu fais le calcul où NH3 est donneur et H2O accepteur, juste pour comparer, et voir si tu retrouves à peu près le "8 kJ/mol" de Wikipedia ? (mêmes conditions de calcul)

GAMESS est un peu pénible : si je tente la situation inverse, il passe son optimisation à me les retourner. D'autres codes de chimie quantique, un peu plus customisable me permettraient probablement d'obtenir "l'autre configuration".

Les bases de type cc-pVDZ sont optimisées pour un calcul de type interaction de configuration ; as-tu fait ceci ou juste un calcul HF ?

darrigan

Comme je l'avais expliqué dans mon message de départ, le but n'était pas non plus de pousser le niveau de calcul trop loin, comme c'était juste pour un exercice visant à apprendre aux étudiants l'utilisation de GAMESS (sachant qu'à ce moment là, ils auront vu uniquement Hartree-Fock).

Ceci étant dit, puisque tu mentionne ça, je répondrais que mon expérience me dit d'inclure des fonctions diffuses dans la base d'orbitale (pour tenter de mieux décrire les interactions à longues distances, d'ou le "aug-") et qu'ensuite, je me dirigerait plutôt vers la théorie des perturbations pour régler ce genre de problème, probablement MP2, si tu veux mon avis : je pense (mais je peux me tromper) qu'on soit plus sur une erreur due à la corrélation "statique" plutôt que "dynamique". Et comme MP2 permet en général d'inclure la plupart de la corrélation statique, z'y va ;)

Tiens pour voir je tenterais bien de faire ces calculs avec Gaussian en CAM-B3LYP/6-311G(d,p). :)

darrigan

La DFT, c'est toujours au petit bonheur la chance (et je connais CAM-B3LYP que de nom). Enfin, si tu fait un calcul avec Gaussian vas-y franchement: prend opt=tight freq, comme ça t'as vraiment l'enthalpie et pas l'énergie, et c'est optimisé "correctement" ;)

PS: je maintiens qu'une petite diffuse ferait pas de mal.

+0 -0

Résultats Gaussian avec CAM-B3LYP/6-311G++(d,p) (opt=tight et freq évidemment… résultats à partir des enthalpies) :

HOH……OH2 : -20,19 kJ/mol

H2NH……NH3 : -9,55 kJ/mol

HOH……NH3 : -25,71 kJ/mol

L'évolution est comparable à la tienne.

+2 -0

Résultats Gaussian avec CAM-B3LYP/6-311G++(d,p) (opt=tight et freq évidemment… résultats à partir des enthalpies) :

HOH……OH2 : -20,19 kJ/mol

H2NH……NH3 : -9,55 kJ/mol

HOH……NH3 : -25,71 kJ/mol

L'évolution est comparable à la tienne.

darrigan

De fait :)

Ce que je trouve intéressant, c'est que là ou HF sous-estime clairement le résultat (même quand on prend les enthalpies, j'ai du avoir les chiffres sous la main à un moment), toi tu trouves des énergies quelques peu sur-estimées. Il y a probablement plusieurs raisons à ça, comme le fait qu'on considère des dimères.

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