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Les continents : les secrets du plancher des vaches

Description, formation, évolution, et dérive des continents

Je vais commencer ce tutoriel en posant une question toute simple.

Combien de continents possède notre planète, et quels sont-ils ?

Vous avez certainement vu en géographie qu'il existe 7 continents :

  • l'Afrique ;
  • l'Amérique du nord ;
  • l'Amérique du sud ;
  • l'Europe ;
  • l'Asie ;
  • l'Océanie ;
  • l'Antarctique.

Mais si vous posez la question à un géologue, il vous répondra seulement cinq continents :

  • l'Amérique ;
  • l’Eurasie ;
  • l'Afrique ;
  • l'Océanie ;
  • l'Antarctique.

Mais pourquoi ? Après tout, qu'est-ce qu'un continent pour un géologue ? Qu'est-ce que la géologie a à nous dire sur les continents ? C'est le but de ce tutoriel que de répondre à ces questions.

Lithosphère continentale

Intuitivement, on se dit qu'un continent est une portion de terre qui n'est pas recouverte par l'eau, et qui est suffisamment grande pour ne pas être considérée comme une île. Mais cette définition n'est pas celle qui est utilisée par les géologues. A vrai dire, un géologue ne parle pas vraiment de continents et d'océans : à la place, il fait la distinction entre lithosphère (croute) continentale et océanique.

Définition de la lithosphère

Pour rappel, la lithosphère est située à la surface de la Terre ou d'une planète. Il existe plusieurs définitions de la lithosphère, qui se basent sur des critères différents. Mais dans tous les cas, la lithosphère comprend la croute, avec une partie du manteau. C'est un point sur lequel il faut insister : la lithosphère n'est pas la croute, mais un concept différent.

Lithosphère élastique

La lithosphère élastique se base sur le comportement des roches sous l'effet d'une contrainte (d'une pression ou d'une force de déformation). Sous des pressions faibles, une roche va se déformer de manière élastique : si on stoppe la contrainte, elle reprend sa forme originelle. Dans un intervalle de pression plus élevé, elle va se déformer de manière plastique : la déformation sera irréversible. Enfin, si la contrainte est trop forte, elle casse : on obtient une faille, avec un petit séisme lors de sa formation.

Suivant la température et la pression, les intervalles de déformation plastique et élastique vont varier. A de faibles températures et pressions, la roche est cassante : l'intervalle plastique est très réduit, rendant la roche facile à casser. Pour des températures et pression plus élevées, la roche a un intervalle plastique plus large et peut se déformer de manière plastique sans pour autant casser : elle est alors dite ductile.

La distinction entre asthénosphère et lithosphère élastique se base sur le fait qu'à partir d'une certaine profondeur, les roches deviennent ductiles. Au-dessus de cette profondeur, on trouve la lithosphère, composée de roches cassantes. En-dessous, on trouve l’asthénosphère, composée de roches ductiles.

Lithosphère sismique

La lithosphère sismique se base sur la vitesse des ondes sismiques. Il faut savoir que certaines ondes d'un séisme parcourent la Terre de part en part plusieurs fois de suite avant de s'atténuer. Les sismologues peuvent enregistrer les ondes d'un tremblement de Terre lointain avec des sismographes en divers endroits de la Terre : à partir de ces données, il peuvent reconstituer le trajet des ondes sismiques et leur vitesse de propagation.

La vitesse de ces ondes dépend d'un paquet de paramètres :

  • la composition des roches traversées (et plus précisément de paramètres mécaniques comme le module de compressibilité) ;
  • de la température ;
  • de la densité des roches ;
  • etc.

Vers 10 à 60 kilomètres de profondeur, les ondes sismiques ralentissent. Cette zone de ralentissement des ondes sismiques, située dans le manteau supérieur, est appelée la zone de faible vélocité, ou LVZ (Low Velocity Zone). Elle définit la limite entre lithosphère et asthénosphère sismique. Attention : cette limite n'est pas la même que pour la lithosphère élastique, la différence étant de quelques kilomètres en certains endroits.

Lithosphère thermique

La lithosphère thermique est définie par la température des roches du manteau. Typiquement, la température augmente avec la profondeur. Il arrive à un point où les roches du manteau arrive à une température d'environ 1300°C : cette limite de température permet de définir une ligne qui définit la limite entre lithosphère et asthénosphère thermique.

Propriétés de la lithosphérique

La lithosphère continentale a des propriétés différentes de la lithosphère océanique.

Épaisseur

Par exemple, la lithosphère est beaucoup plus épaisse sous les continents que sous les océans. La lithosphère océanique ne dépasse que rarement les 10 kilomètres, alors que les continents ont une lithosphère épaisse de 69 à 150 kilomètres.

La lithosphère est notamment beaucoup plus épaisse sous les chaines de montagnes, où l'on peut observer des épaisseurs de 150 kilomètres dans certains cas extrêmes. Tout se passe comme si les montagnes étaient des véritables icebergs, dont la partie "émergée" serait moins importante que la partie "immergée". Par analogie avec les icebergs, on dit que les chaines de montagnes ont une racine lithosphérique, une sorte de prolongement de la chaine de montagne dans le manteau.

Composition chimique

Pour ce qui est de la lithosphère continentale, il faut faire la distinction entre le manteau lithosphérique, et la croute continentale.

La croute continentale est composée de roches magmatiques riches en silice (granites, andésites, etc) et de roches métamorphiques : pour simplifier, on peut dire que les continents sont formés de granites. En comparaison, la croute océanique est essentiellement composée de basalte et de gabbros, deux roches pauvres en silice.

La différence de composition chimique est essentiellement ce qui différencie la croute océanique de la croute continentale. Cette différence de composition chimique entre croute océanique et continentale tient dans les mécanismes de formation et d'évolution des deux croutes. La lithosphère océanique se forme par fusion du manteau au niveau des dorsales : dans ces conditions, la fusion du manteau est essentiellement due à une baisse de pression, ce qui donne un magma basaltique.

Mais pour les continents, c'est autre chose. Le magma qui va alimenter les continents est essentiellement formé au niveau des zones de subduction (avec des exceptions pour les volcans de points chaud ou les rifts). Dans les zones de subduction, le magma se forme par ajout d'eau dans le manteau qui le fait fondre. Les magmas formés sont alors andésitiques : la lithosphère mantellique subira des injections de magma andésitiques qui se solidifieront en partie et s'incorporeront dans la croute continentale.

Au niveau du manteau, on peut considérer en première approximation qu'il n'y a pas de différence entre lithosphère océanique et continentale. Les deux sont composées de la même roche : la péridotite. Dans les deux cas, la vitesse de transmission des ondes sismiques est la même (8 à 8,4 kilomètres par secondes), ce qui semble indiquer qu'elles ont la même densité. Mais il existe quand même quelques différences assez légères au niveau de la composition chimique, dans les rapports de certains isotopes.

Densité

Cette différence de composition chimique a une conséquence : la lithosphère continentale est aussi beaucoup moins dense que la lithosphère océanique. Mais laissons parler les chiffres : la lithosphère océanique a une densité d'environ 3, contre 2,5 pour la lithosphère continentale.

Âge

La lithosphère continentale est aussi plus vielle. Certains morceaux de continents sont vieux d'environ 4 milliards d'années, et de nombreuses portions de continents datent d'il y a plusieurs milliards d'années. En comparaison, la lithosphère océanique est beaucoup plus jeune, et dépasse rarement les centaines de millions d'années.

Il faut dire que les continents sont nettement moins denses que les plaques océaniques, et sont donc épargnés par la subduction. Là où la lithosphère océanique est rapidement détruite et enfouie lors de la subduction, la subduction continentale est plus rare, et elle ne permet pas de recycler des continents entiers.

Croute inférieure et supérieure

La croute continentale peut être vue comme une superposition de deux croutes séparées :

  • une croute supérieure ;
  • et une croute inférieure.

Les deux croutes se différencient essentiellement par leur comportement et la vitesse des ondes sismiques. Du fait de la différence de température, densité, et pression, les ondes sismiques voient leur vitesse varier entre les deux croutes. Dans certains cas, on observe une discontinuité : les ondes sismiques voient leur vitesse augmenter brutalement lors du passage de la croute supérieure à la croute inférieure. Cette limite donne donc la discontinuité de Conrad. Mais on ne l'observe pas sur tous les continents, et elle disparait dans certaines situations spécifiques (sous les chaines de montagne, notamment) : à la place, on observe plutôt une transition progressive entre les deux croutes, qui se traduit par une diminution progressive de la vitesse des ondes sismiques.

La densité de la croute supérieure est plus faible que pour la croute inférieure. Il faut dire qu'avec le poids des roches situées au-dessus, les roches de la croute inférieure sont nettement tassées que les autres, ce qui leur donne une densité supérieure. Plus étrange est la conductibilité électrique supérieure de la croute inférieure, qui reste encore inexpliquée.

En-dessous d'une certaine profondeur, la température et la pression sont tellement faibles que la croute continentale est cassante. Mais en-dessous de cette même profondeur, les roches de la croute deviennent ductiles.

Je parle bien de la croute continentale, et non de la limite entre lithosphère et asthénosphère.

Vu qu'elle est cassante, la croute continentale supérieure est le lieu où les séismes se déclenchent. Par contre, on n'a jamais observé de séismes dans la croute inférieure : les roches plient au lieu de casser, ce qui n'est pas optimal pour déclencher des séismes. Pour la même raison, on trouve des failles, chevauchements et autres structures de déformation tectonique essentiellement dans la croute supérieure.

On trouve aussi une légère différence en terme de roches. La croute supérieure est essentiellement composée de roches sédimentaires ou magmatiques : la profondeur est trop faible pour qu'on observe un quelconque métamorphisme. Par contre, la température et la pression augmentant avec la profondeur, le métamorphisme se met en place dans la croute inférieure : celle-ci est donc essentiellement composée de roches métamorphiques et de roches magmatique provenant d'une anatexie (ultra-métamorphisme), comme les granites.

Du fait des fortes pression et du métamorphisme, la croute inférieure est essentiellement litée, composée de plaques discontinues de plusieurs kilomètres de longueur. Elle forme des lentilles aplaties de roches dures insérées entre des terrains moins denses. L'origine de ces lentilles n'est pas connue avec certitude, mais on suppose qu'il s'agit de chambres magmatiques fossiles ou de structures métamorphiques.

Cratons, montagnes, et provinces : la structure interne des continents

L'analyse de la croute continentale montre que celle-ci est formée de provinces soudées les unes aux autres, séparées par quelques rares failles. L'âge de ces portions varie fortement suivant chaque portion : certaines de ces portions sont âgées de plusieurs milliards d'années, tandis que certaines sont beaucoup plus récentes. Techniquement, les portions récentes sont les plus nombreuses : Hurdon a montré dans une de ses études que la proportion de croute continentale récente était largement supérieure à celle de la croute ancienne.

Cratons

Les morceaux de continents les plus anciens, datés de plus d'un milliard d'années, forment des cratons, des portions de continents stables géologiquement. Par stable géologiquement, il faut comprendre que la tectonique des plaques n'a pas pu agir sur ces cratons depuis très longtemps : ils ont survécu à la formation des chaines de montagnes, et n'ont pas été coupés en deux pour donner un nouvel océan. Ils n'ont donc pas pu grossir ni grandir, alors que l'érosion a continué de faire son œuvre : ces boucliers ont été aplanis par l'érosion et n'ont généralement pas plus d'une centaine de mètres d'altitude.

Du fait de leur faible activité géologique, les cratons n'ont pas reçu d'apport magmatique par volcanisme ou intrusion magmatique. Ces cratons forment des socles de roches granitiques et métamorphiques anciennes, comme des granites ou des roches métamorphiques.

Les cratons sont souvent situés au centre des continents. Fait intriguant, l'âge des portions d'un craton varie avec la distance du centre du craton : les portions les plus anciennes sont plus proches du centre du craton que les portions les plus récentes. Tout porte à croire que les continents ont grossi par accumulation de matériel continental autour d'un noyau (le craton en question).

Leur faible activité géologique a aussi une autre conséquence : ils sont froids. La lithosphère des cratons a eu le temps de refroidir et d'évacuer la chaleur accumulée lors de la formation des chaines de montagne ou via le volcanisme. En conséquence, la lithosphère est plus épaisse sous les cratons.

Certains de ces boucliers ont été recouvert par des sédiments et forment des structures stables, sur laquelle aucun mouvement tectonique de petite ampleur n'a d'emprise : ce sont alors des platformes. Si le craton n'est pas recouvert de sédiment, on dit que c'est un bouclier.

Chaines de montagne

On trouve des chaines de montagnes essentiellement sur les bords des continents, ou au contraire en plein milieu de ceux-ci. Les deux cas correspondent à des mécanismes de formation différents : les montagnes au centre des continents proviennent de la collision de deux plaques continentales (Himalaya, par exemple), alors que les montagnes situées sur les bords des continents proviennent de la subduction d'une plaque océanique sous une plaque continentale.

Croute étendue et bassins sédimentaires

Certaines zones de la croute sont étirées par des contraintes provenant des bordures de plaques. Ces zones d'extension sont des zones où la lithosphère s'amincit, et où des dépressions se forment dans la croute : ce sont ce qu'on appelle des bassins sédimentaires. Ces dépressions sont progressivement comblées par des sédiments qui vont ajouter du poids au-dessus de la croute étirée. Progressivement, les sédiments vont s'accumuler, et leur poids va appuyer sur la dépression, la faisant s'enfoncer encore plus : c'est le phénomène de subsidence.

On parle de croute étendue si la lithosphère est tellement étirée qu'elle casse : elle forme des rifts, des fossés d'effondrements composés de failles normales.

Schéma d'un rift adapté d'une image sous domaine public de H'arnet (wikicommons)

Il existe deux types de rifts :

  • les rifts actifs, avec un fort volcanisme ;
  • et les rifts passifs, avec très peu de volcanisme.

Les rifts passifs sont le premier stade de la formation d'un océan : lors de cette phase dite de rifting, le continent commence par être étiré par des mouvements liés aux plaques tectoniques. La croute supérieure est alors tellement étirée qu'elle casse : des fractures se forment, et des morceaux de croute basculent, donnant naissance à un rift. La lithosphère s'amincit progressivement sous ce rift, mais suffisamment rapidement pour que le manteau fonde. Le volcanisme est alors anecdotique, voire inexistant : le rifting est bien passif.

Les rifts actifs se forment à partir d'une remontée de roches chaudes en provenance du manteau. Ces roches, partiellement fondues, forment une plume mantellique, crée soit par un point chaud, soit par des anomalies thermiques dans le manteau (dues à la convection, par exemple). La plume mantellique est composée de matières moins denses remontent vers la surface. Les roches, ne pouvant se frayer un chemin vers la surface, vont appuyer sur la croute et donner naissance à un bombement de quelques centaines de mètres. Au bout d'un certain temps, les roches de la croute vont céder, et se fissurer, donnant naissance à un rift. Ces rifts actifs ont la particularité d'être bombés.

De nos jours, certains continents portent des vestiges de rifts sur leurs bords. Mais nous y reviendrons quand nous parlerons des marges passives.

Grandes provinces ignées

Certaines portions de continents se sont formées à la suite d'une très forte activité magmatique : on parle de grandes provinces ignées. Elles se sont formées très rapidement, en moins d'une dizaine de millions d'années, et généralement au beau milieu d'un continent (ce qui exclu un volcanisme lié à la tectonique des plaques).

Certaines proviennent d'épanchements de lave, qui ont donné des plateaux de roche magmatique de plusieurs kilomètres d'épaisseur. Dans le cas le plus général, ces plateaux sont composés de basaltes, ou du moins de roches magmatiques pauvres en silice similaires aux basaltes. Quelques rares grandes provinces ignées sont composées d'andésite, ou de rhyolite.

Dans d'autres cas, le magma n'a pas atteint la surface et s'est solidifié dans le continent.

Les mécanismes de formation de ces larges provinces ignées sont assez mal connus. Dans tous les cas, il faut une source de température, capable de faire fondre (partiellement) le manteau pour générer une grande quantité de magma. L'hypothèse la plus consensuelle dit qu'elles naissent à partir d'un volcanisme de point chaud de très forte intensité. Le point chaud doit cependant être suffisamment puissant pour perforer la croute continentale, nettement plus solide que la croute océanique.

Marges continentales

Le passage d'une croute continentale épaisse à une croute océanique moins épaisse est abrupt : la pente qui fait la transition est très forte. Les bords de la croute continentale ne commencent pas au niveau du rivage, mais un peu plus loin sous la mer : une partie des continents est immergée.

Ces zones de transition entre les deux types de croute sont appelées des marges continentales. Il existe deux grands types de marges, qui se différencient par la présence ou l’absence de séismes et de volcanisme. de tectonique des plaques :

  • les marges actives sont le lieu d'un fort volcanismes sur le continent, avec une forte sismicité ;
  • en comparaison, les marges passives n'ont ni volcanisme ni séisme.

Marges actives

Les marges actives sont le lieu de subduction d'une plaque océanique sous une plaque continentale. La subduction entraine l'apparition de volcanisme sur la plaque continentale, ainsi qu'une sismicité dans les deux plaques. Une marge active ressemble toujours plus ou moins à ceci :

Marge active - image de la NASA, dans le domaine public

La transition entre croute océanique et continentale est marquée par une fosse océanique, un véritable fossé de plusieurs kilomètres de profondeur. C'est à cet endroit que la plaque océanique plonge sous la plaque continentale. Cette fosse est souvent remplie de sédiments marins.

La fonte du manteau et de la plaque plongeante donne naissance à du magma, source d'un volcanisme assez fournit au niveau de la chaine de montagnes : un arc volcanique nait un peu au niveau du bombement.

Mais au-delà de ces généralités, valables pour toutes les marges actives, il existe cependant des différences. Ces différences sont causées par le fait que la zone de subduction recule progressivement, et se rapproche de la dorsale. C'est ce qu'on appelle le mouvement de rollback. La migration de la zone de subduction se fait à une certaine vitesse qui peut être supérieure ou inférieure à la vitesse de la plaque surplombante (celle non-subductée), ce qui modifie fortement l'architecture des zones de subduction.

Rollback rapide

Il arrive que le mouvement de rollback soit plus rapide que l'avancée de la plaque surplombante. Dans ce cas, le rollback va tirer sur la plaque surplombante : celle-ci est étirée, ce qui peut donner naissance à un bassin d'avant-arc. Cette extension se transmet à travers la plaque continentale sur quelques centaines ou dizaines de kilomètres, et donne un léger creux en réaction juste derrière l'arc volcanique : cela forme un bassin d'après-arc.

Un exemple de zone de subduction de ce type est la zone de subduction américaine au niveau de la Sierra Nevade.

Image de Mikesclark, sous licence CC BY-SA 3.0, disponible sur wikicommons

Rollback lent

Si la plaque surplombante va plus vite que le rollback, celle-ci va faire pression sur la plaque subdductée : les deux plaques vont se compresser l'une contre l'autre, donnant naissance à une chaine de montagnes sur le continent (en plus de l'arc volcanique). La plaque plongeante va aussi être comprimée par la pression de l'autre plaque, ce qui crée un léger bombement en arrière de la fosse océanique, au niveau de la plaque océanique. En raison de cette compression, les séismes sont nombreux.

La plaque surplombante étant compressée sur la plaque subductée, elle va raboter les sédiments marins, qui vont s'accumuler dans la fosse océanique : les sédiments de la plaque plongeante donnent naissance à une accumulation de sédiments qui remplit la fosse océanique : on appelle le tout un prisme d’accrétion.

Un exemple de ce genre de zone de subduction est celui de la zone de subduction de la cordillière des Andes.

Image de DBoyd13, sous licence CC BY-SA 3.0, disponible sur wikicommons

Marges passives

Pour les marges passives, il n'y a pas de subduction : continent et croute océanique sont situées sur la même plaque. La conséquence, c'est qu'on n'observe pas de volcanisme actif ou de séismes sur ces marges.

Forme d'une marge passive

De manière générale, une marge passive ressemble à ceci :

Schéma de marge passive, tiré d'une image sous licence art libre de wikicommons

Le plateau continental est une portion de continent immergée. L'océan qui est au-dessus fait que de nombreux sédiment marins vont s'accumuler sur ce plateau. Les sédiments qui s'accumulent sur le plateau continental sont essentiellement des sédiments détritiques provenant du continent, ainsi que des cadavres de plancton ou d'animaux marins.

Pour les sédiments détritiques, on peut remarquer que la taille des grains varie avec la distance au rivage : les grosses particules se déposent près du rivage, alors que les petites particules s'accumulent plus loin sur le plateau continental. Cela vient du fait que les grosses particules, plus lourdes, tombent rapidement au fond de l'eau, alors que les plus petites peuvent être emportées par les courants et se déposer beaucoup plus loin. En haute mer, on trouve essentiellement des argiles sur le plateau continental, avec des limons, là où les bords du rivage sont essentiellement composés de sable. En comparaison, la proportion de sédiments organiques ne varie pas beaucoup avec la distance au rivage.

La hauteur de l'eau située au-dessus du plateau continental est appelé l’accommodation. La valeur exacte de l’accommodation provient :

  • de la quantité de sédiments qui se déposent sur le plateau continental : plus la quantité de sédiments et leur vitesse de dépôt est importante, plus l’accommodation est faible ;
  • du niveau des océans : plus le niveau est élevé, plus l’accommodation est forte ;
  • de l'enfoncement de la marge continentale par isostasie, à cause du poids des sédiments.

Le talus continental est une forte pente qui fait transition entre le plateau continental et le fond océanique. De petits canyons peuvent se former dans ce talus, à la suite d'éboulements. La pente du talus varie fortement suivant la marge : certaines ont un talus très pentu, alors que d'autres ont un talus plus progressif.

Au pied du talus continental, on trouve une accumulation de sédiments, qui proviennent du plateau continental et du talus : c'est le glacis continental. Ces sédiments s’accumulent à la suite d'avalanches, quand le plateau continental s'écroule à cause de l'érosion ou de tremblements de terre.

Ces sédiments peuvent provenir de glissements de terrains sous-marins. Dans ce cas, les sédiments sont consolidés, et forment un tout solide, qui garde sa structure compacte dans l'eau. Ils conservent la structure en strates qu'ils avaient avant le glissement de terrain : on peut considérer que les sédiments ont juste été déplacés. Les dépôts sont alors bien structurés, avec une belle stratification. Le tout donne ce qu'on appelle des slumps.

Dans d'autres cas, les sédiments ne sont pas encore bien consolidés, et l'effondrement disperse ceux-ci dans l'eau. Des grains de sédiments sont alors dispersés aux abords immédiats de l'éboulement, et ces grains retombent progressivement au fond de l'eau, formant une nouvelle strate. Les roches formées par cette sédimentation sont alors appelées des turbidites.

Ces turbidites ont une particularité : les sédiments sont classés suivant leur taille, avec les plus gros sédiments au pied de la strate, et les plus petits au sommet. Cela vient du fait que dans l'eau, les gros sédiments tombent plus vite que les sédiments légers et arrivent en premier.

Marges volcaniques et non-volcaniques

Au niveau de la marge passive, il existe une zone de transition entre croute continentale et croute océanique, où la lithosphère est fracturée et amincie. Suivant la nature de cette zone de transition, on peut classer les marges en deux types : les marges volcaniques, et les marges non-volcaniques. Ces deux marges proviennent de deux mécanismes de formation totalement différents.

Les marges non-volcaniques ont un zone de transition composée de croute continentale qui s'amincit progressivement. Il n'y a pas de traces de volcanisme, ni d'intrusion magmatiques importantes dans la croute continentale.

Elles se forment lorsqu'un continent se coupe en deux, lors de la formation d'un rift. Les bords du rift formeront la marge passive elle-même : une marge passive provient d'un des bord du rift, recouvert par des sédiments océaniques avec le temps. A noter que la zone de transition entre la croute océanique et la croute continentale est composée de serpentine, une roche magmatique.

Marge passive - adapté d'une image libre de droit de Szczureq sur wikicommons

Pour rappel, le mécanisme de formation de ces marges est assez simple : pour commencer, la plaque va commencer par s'étirer : la croute supérieure finit par casser, donnant naissance à un rift. Par la suite, la lithosphère va s’amincir progressivement, sans laisser au manteau la possibilité de fondre : le volcanisme est très anecdotique, voire inexistant. Cet amincissement est tel que le manteau peut finir par remonter, et est altéré par les eaux d'infiltration : la péridotite du manteau donne de la serpentinite. Il arrive que le manteau émerge à la surface.

Les marges volcaniques ont une zone de transition avec des traces de volcanisme, et des intrusions magmatiques importantes. La croute de transition est composée de croute continentale percluse d'intrusions magmatiques basaltiques, recouverte de gigantesques coulées de lave et de volcans. Elles naissent à partie d'un rift actif.

Marge volcanique - adapté d'une image libre de droit de Cidnye sur wikicommons

Marges transformantes

Enfin, on peut citer un troisième type de marge : les marges transformantes. Celle-ci se forment à partir de failles transformantes, qui mettent en contact une plaque océanique avec une plaque continentale. Elles sont évidement le lieu d'une forte sismicité.

Evolution des continents

On peut se demander comment se sont formés les continents, quels sont les mécanismes qui ont permis à la croute continentale de s'épaissir et d'avoir une composition chimique totalement différente de la croute océanique. Pour cela, il remonter loin dans le temps, au moment de la formation de la Terre.

Formation des continents

Vu que les continents se sont formés un peu après la formation de la Terre, on peut être certain que les roches vestiges de cette époque ont été totalement érodées et métamorphisées. Il reste cependant quelques vestiges assez récents, dans les cratons, mais ceux-ci ont été recyclés par le métamorphisme ou la transformation en granite. Quelques rares cristaux de zircons ont survécu : leur analyse chimique montre que la croute continentale devait déjà exister il y a 4 milliards d'années.

Divers modèles de formation des continents ont étés inventés par les géologues, modèles qui postulent des mécanismes différents pour la formation de la première croute continentale. Mais tous font appel à une tectonique des plaques particulièrement intense, typique de la Terre des origines. A l'Hadéen, vers 4 milliards d'années, la Terre était nettement plus chaude qu'aujourd'hui : le manteau était beaucoup plus chaud et la croute terrestre, chauffée à blanc, était plus malléable.

Le premier mécanisme fait intervenir la subduction : à l'époque, les plaques plongeantes fondaient dans le manteau, ce qui donnait un volcanisme particulièrement intense. Les premiers continents auraient été de simples accumulations de magma intrusif et de volcans, vestiges d'arc océaniques.

Un second mécanisme possible implique des remontées de matériel chaud en provenance du manteau : le volcanisme résultant aurait alors accumulé une grande quantité de lave à un certain endroit, donnant naissance à de petites portions de croûte épaisses, qui auraient été transformées en croute continentale. Cela n'est possible que parce que les points chauds et remontées mantelliques de l'époque étaient nettement plus actifs que ceux que l'on peut observer actuellement.

D'autres pensent enfin que les premiers continents seraient nés de l'accumulation et de la compression d'arcs océaniques. En se déplaçant sous l'effet de la tectonique, ces arc volcaniques se seraient rencontrés, se seraient compressés, et auraient fusionnés pour donner une ébauche de croûte continentale. On trouve des traces de telles sutures dans des formations géologiques nommées ceintures de roches vertes.

Évolution des continents

Les débats sur la vitesse de croissance des continents sont encore vifs de nos jours. Certains modèles postulent une croissance rapide des continents entre 3 à 4 milliards d'années, avec une très faible croissance au-delà. D'autres postulent une croissance tardive, vers 1,5 milliards d'années. D'autres modèles postulent une croissance plutôt constante, linéaire.

Quelques indices expérimentaux et la géologie isotopique nous disent que les continents ne se sont pas formés d'un seul bloc : ils ont grandit progressivement au cours du temps, comme le prédisent les modèles linéaires, avec quelques sursauts épisodiques qui ont rapidement augmenté la surface des continents. Il y aurait eu cinq grandes poussées de croissance continentales au cours des temps géologiques, avec une faible croissance entre les poussées.

La majorité de la croute continentale se serait formée entre 4 et 3 milliards d'années, même si seul 5 à 10% de la croute actuelle a été préservée dans des cratons suffisamment anciens. Vers 3 à 2,5 milliards d'années, on observe un très fort accroissement de la croute continentale. Les indices de cette croissance sont préservés dans des formations géologiques localisées au Canada : les ceintures de schiste vert, et les batholites d'orthogneiss.

Cratonisation et granitisation

Ces protocontinents étaient donc, au départ du moins, formés de roches de la croûte océanique : péridotites, basaltes, etc. Les protocontinents sont ensuite entrés en collision les uns avec les autres, et se sont unifiés en continents plus gros. Lors de ces collisions, les roches des continents ont rapidement été métamorphisées, et refusionnées : les premiers granites sont apparus. Progressivement, la totalité des continents s'est vu subir ce traitement, transformant la totalité de la croute en roches métamorphiques et granitiques. Ce processus de granitisation se poursuit toujours de nos jours.

Par la suite, la dérive des continents s'est poursuivie, mais a laissé intacts certains morceaux de la croûte continentale de l'époque, qui forment les cratons actuels. Une partie des cratons est restée intacte depuis la formation des premiers continents, mais certains sont beaucoup plus récents et datent de quelques centaines de millions d'années.

Recyclage et croissance des continents

Une réflexion toute simple devait nous faire penser que les continents devraient perdre de la croute continentale : ceux-ci sont érodés, et forment des sédiments qui finissent dans l'océan. Une parti de la croute continentale va donc progressivement rejoindre les océans, et disparaitre dans le manteau par subduction. Ainsi, la croute continentale est détruite en permanence, par érosion, ainsi que par quelques rares cas de subduction continentale : un continent refroidi peut subducter, dans certaines conditions.

La croute continentale doit donc être recyclée d'une manière ou d'une autre : il doit y avoir apport de nouvelle croute continentale en provenance du manteau. Mais quels sont les mécanisme d'apport de nouvelle croute ?

Volcanisme

Le premier est tout simplement le volcanisme lié à la subduction : la magma formé dans les zones de subduction, en provenance du manteau, va remonter vers la surface. Au final, il va se retrouver à la surface des continents à cause du volcanisme, ou se solidifier dans la croute. Ce mécanisme est, à l'heure actuelle, le principal mécanisme de formation de nouvelle croute continentale.

On peut aussi citer le volcanisme lié aux larges provinces ignées, et aux points chauds. Peu importe le mécanisme, tout volcanisme qui a lieu sur un continent va automatiquement former de la nouvelle croute continentale.

Obduction de croute océanique

Un autre mécanisme permet de faire passer des portions de croute océanique sur les continents, où elle peut alors être transformée en croute continentale par granitisation et érosion. Ce mécanisme a lieu quand un océan se ferme, et qu'un bout de croute océanique est pris en sandwich entre deux continents. Le morceau de croute en question n'est pas forcément subducté et se retrouve parfois charrié sur les continents : on parle d'obduction. Les roches de la plaque océanique sont alors métamorphisées et donnent des ophiolites.

Accrétion d'arc volcaniques

Un autre processus, autrefois très présent, est la suture d'un arc volcanique sur le continent, par un mécanisme similaire à l'obduction. On trouve des traces de telles sutures dans les schistes verts du Canada, près du lac supérieur. A l'Archéen, entre 3,2, et 2,5 milliards d'années, ce mécanisme était la cause principale du fort accroissement de la croute continentale observé à cette époque.


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