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Matériaux dans le nucléaire : H

Bonjour à tous,

Dernièrement, j’ai recherché les applications des matériaux dans le domaine du nucléaire, en partie pour des raisons professionnelles, mais aussi en suivant un intêret personel. Le résultat est que presque tous les éléments ont une utilité ou une autre. Du coup, une série de billet pour chaque élément pourrait être sympa. Peut-être. À voir.

Que ce soit intéressant ou non, commençons par le premier : l’hydrogène.

L'hydrogène en physique des réacteurs

Dans un réacteur nucléaire conventionnel (réacteur à eau légère, qui représente l’écrasante majorité des réacteurs commerciaux en activité. Dans la plupart des cas, l’eau est sous pression pour éviter la formation de vapeur), les neutrons doivent être refroidis pour pouvoir alimenter la réaction en chaîne qui produit de l’énergie. Par "refroidis", on veut dire qu’ils doivent céder une grande partie de leur énergie. Le mécanisme principal pour le faire est la collision avec d’autres atomes. Imaginez un billard : la balle blanche ralentit après en avoir touché une autre. Pareil pour les neutrons.

Ce ralentissement est d’autant plus prononcé que l’atome cible est léger. On ne va pas faire toute la démonstration, mais c’est pour cette raison que les neutrons sont thermalisés par de l’eau (avec donc plein d’hydrogène, de l’eau lourde, avec encore plus d’hydrogène, ou du graphite, avec plein de carbone, qui lui non plus n’est pas très lourd).

L'ion d'hydrogène chargé positivement

Oui, les plus attentifs auront percuté, le titre décrit un proton. L’atome d’hydrogène, c’est un proton et un électron. Et les protons, ils sont partout !

Teneur en hydrogène de la gaine

La gaine du combustible, qui a pour but de l’isoler du reste du réacteur, est faite à partir d’un alliage de zirconium. C’est un métal, ce qui est pratique, puisque du coup on peut le déformer un peu si il faut. Mais si on rajoute de l’hydrogène dedans, le matériau devient fragile. Du coup, toutes les autorités de sûreté du monde ont décidé qu’on ne pouvait pas opérer le réacteur si on a plus qu’une valeur limite d’hydrogène dans cette gaine. Et cette valeur limite n’est pas très haute ! Selon les pays, elle varie entre 500 parts par millions (ppm) et 1000 ppm.

Mais bon, normalement, l’hydrogène, on n’en met pas dans la gaine en la fabriquant (rarement plus de 20 ppm tout au moins). D’où vient-il ? Et bien de l’eau ! Au contact de la gaine, les molécules d’eau se dissocient. On récupère de l’hydrogène dans la gaine, et un oxide de zirconium (dont on ne veut pas non plus, on en reparlera quand j’en serai à l’oxygène).

Et dans le combustible ?

Et bien dans le combustible, en général, c’est moins un problème. Dès le prochain billet sur l’hélium, ce sera une toute autre histoire. Mais ça pourrait changer si on change de combustible. Il a été démontré récemment, par un groupe venant de la République Tchèque, que les siliçures d’uranium (U3Si2) absorbent gouluement les atomes d’hydrogène, et gonflent au passage !


Je m’arrête ici. Bien sûr, il est possible de trouver d’autres effets et utilisation de l’hydrogène, mais le but de cette série de billets est plutôt de montrer que le monde du nucléaire est extrêmement complexe, et que tous les éléments ou presque y sont importants.

6 commentaires

Très sympa comme idée ! J’ai cependant trouvé le titre un peu trompeur. Je m’attendais à ce que tu parles de bétons, d’aciers et de zircaloy quand j’ai lu « matériaux dans le nucléaire ».

Si j’ai bien compris, ton idée est de passer en revue les éléments du tableau périodique qui interviennent dans le nucléaire (et dans les REP, comme tu le dis, ils sont très nombreux !). Si le domaine t’intéresse, essaye de ne pas oublier la médecine nucléaire !

Cette remarque pose plus largement la question suivante : qu’entends-tu par « dans le nucléaire » ? L’article semble se concentrer sur les réacteurs à neutrons thermiques puis plus précisément sur les REP par la suite, mais attention à ne pas faire de généralités. Tu utilises notamment le terme « réacteur conventionnel » dans le paragraphe où tu expliques que les neutrons doivent être thermalisés. Oui, si on regarde le parc nucléaire de production d’électricité mondial, tu as raison. Mais il existe aussi les réacteurs à neutrons rapides (qui sont très minoritaires, on est d’accord, mais pourquoi seraient-ils moins conventionnels que les autres ? Leur technologie est opérationnelle et éprouvée).

Je pense qu’il faut indiquer plus précisément de quoi tu parles. REP, REB, VVER, RNR ? Réacteurs expérimentaux de recherche, réacteurs industriels de production d’électricité ? Quid de la médecine nucléaire ? Balayer tous ces domaines serait extrêmement enrichissant pour ta série d’articles. Mais se concentrer par exemple sur les réacteurs à neutrons thermiques, voire même sur les REP, ne serait pas quelque chose d’idiot non plus. Il faudrait juste, je pense, le préciser plus clairement.

Je pense qu’il faut indiquer plus précisément de quoi tu parles. […]

Le but des billets (ce n’est pas un article, ici) étant d’être moins formel, je ne suis pas d’accord pour reprocher à Rockaround un manque de précisions dans ses buts . ^^ D’ailleurs, « Du coup, une série de billet pour chaque élément pourrait être sympa. Peut-être. À voir. » : ça ressemble plus à un coup d’essai pour voir ce que ça donne qu’autre chose.

+1 -0

Très sympa comme idée ! J’ai cependant trouvé le titre un peu trompeur. Je m’attendais à ce que tu parles de bétons, d’aciers et de zircaloy quand j’ai lu « matériaux dans le nucléaire ».

Je vais en parler (enfin, peut-être pas béton parce que je ny connais rien), mais sous le prisme des éléments qui y sont. Le but n’est pas forcément de dire "on utilise un alliage de Zr pour la gaine" (que je vais dire qu’en j’en serai au Zr), mais plutôt "Si on met du nickel dedans, que se passe-t-il ?", peut-être expliquer pourquoi les américains sont passés du ZIRLO au ZIRLO optimisé, etc. Toujours du point de vue des éléments chimiques.

Si j’ai bien compris, ton idée est de passer en revue les éléments du tableau périodique qui interviennent dans le nucléaire (et dans les REP, comme tu le dis, ils sont très nombreux !). Si le domaine t’intéresse, essaye de ne pas oublier la médecine nucléaire !

Je m’y connais moins en medecine nucléaire, mais j’essaierai d’y penser quand j’arrive à ces éléments. Il y aurait des articles à écrire sur le sujet seul. Ne serait-ce que sur la situation un poil tendue en Europe, avec Halden en Norvège qui a du mal à être économiquement viable et les néerlandais qui pensent aussi à fermer le leur avant que Jules Horowitz et Pallas ne soient prêts.

Cette remarque pose plus largement la question suivante : qu’entends-tu par « dans le nucléaire » ? L’article semble se concentrer sur les réacteurs à neutrons thermiques puis plus précisément sur les REP par la suite, mais attention à ne pas faire de généralités. Tu utilises notamment le terme « réacteur conventionnel » dans le paragraphe où tu expliques que les neutrons doivent être thermalisés. Oui, si on regarde le parc nucléaire de production d’électricité mondial, tu as raison. Mais il existe aussi les réacteurs à neutrons rapides (qui sont très minoritaires, on est d’accord, mais pourquoi seraient-ils moins conventionnels que les autres ? Leur technologie est opérationnelle et éprouvée).

Je vais préciser le "conventionel", mais en principe, je vais parler de tout sauf de la fusion. Et encore, peut-être même de la fusion, si j’en ai besoin pour parler d’éléments comme le vanadium. Mais le prisme sur les réacteurs à eau légère n’est pas forcément voulu. C’est tout simplement que ce sont les premiers exemples qui me sont venus à l’esprit. Mais je ne m’interdit pas de parler des gaines pour les réacteurs à neutrons rapides quand j’en arrive au fer, ni des réacteurs expérimentaux types ILL quand j’en suis à l’aluminium. L’aluminium est également un bon candidat pour parler des réacteurs refroidis au plomb, vu qu’il y a des brevêts déposés sur AlO qui protégerait de la corrosion dans cet environnement.

En je suis d’accord avec Gabbro. J’ai été agréablement surpris à l’écriture de ce billet qu’il ne me prennent que quelques minutes, et c’est un format que je pourrais essayer de reconduire, comparé aux dizaines d’heures que je passe pour un article, et aux heures de mes autres billets. Dans ce context, il me parait compliqué d’en faire quelque chose d’exhaustif, ou de parfaitement structuré. J’espère que ca vous a plus quand même !

Je vais plutôt le faire en commentaire, mais j’en ai parlé en fait. Je n’ai juste, volontairement, pas fait le lien explicitement, vu qu’on en parle assez souvent au boulot. C’était dans la partie sur la teneur en hydrogène de la gaine. À haute température, la réaction d’oxidation du Zr devient très probable, en plus d’être exothermique. Du coup, l’eau qui refroidit la gaine se dissocie. L’oxygène est utilisé pour créer un oxide de zirconium, et plein d’hydrogène est créé. La pression augmente, et il faut faire un choix entre relâcher de l’hydrogène faiblement radioactif, ou espèrer que les différentes barrières avant relâchement tiennent.

C’est l’un des domaines de recherche les plus actifs dans le monde des matériaux pour le nucléaire. Les principaux vendeurs de combustibles développent tous une solution : une couche de Cr au dessus du Zr, pour empêcher la réaction, passage à une gaine en acier, utilisation d’une gaine en SiC (et dérivés). Les trois vendeurs occidentaux vont essayer leur matériaux dans un réacteur commercial prochainement (débuts avant fin 2019), et espèrent avoir un produit commercial vers 2022.

AH ouai ? Ok, je pensais que pour Fukushima c’est juste que la température dans le cœur avait atteint une température suffisante (1000°C et plus) pour que l’eau de dissocie d’elle même ! Enfin du coup il y a du avoir les 2 processus, d’abord le zirconium puis la dissociation "spontanée". La question c’est, est-ce qu’une gaine "passive" aurait rendu le truc moins problématique ?

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