La logique c'est des maths. Désolé les mecs. Mais c'est une branche comme une autre des mathématiques. Dire "faut pas faire des maths, mais de la logique" c'est un peu …m'voyez ? Pareil pour l'informatique théorique, venez me dire ce qu'il y a de différent avec des maths.
La logique est la même, jusque dans la construction de tes phrases. C'est de l'association (d'idées,…). La méthodologie, elle, varie. Par exemple, un légiste n'utilisera pas de maths dans l'immédiat quand il a un cadavre sur la table d'autopsie. Ses premiers outils, ce sont ses deux yeux et le cerveau à l'intérieur de sa boîte cranienne. Son travail est avant tout un travail d'observation, un travail visuel : il va repérer les ecchymoses, les impacts des balles, si les artères/organes ont été touchés, s'il y a des traces de brulures, de torture, whatever pour formuler une première hypothèse. Lorsqu'il va procéder à d'autres analyses (toxicologique, etc.), là il se rapproche plus des méthodologies que l'on retrouve en médecine, chimie, bref en sciences qui sont pour la plupart similaires à ta méthodo quand tu abordes un sujet en mathématique.
Un matheux fait des observations et expériences. C'est affolant de penser qu'un matheux ne regarde jamais, ne fait aucune expérimentation. D'ailleurs ce sont des maths très sérieuses que celles qui traitent des expériences (on parle aussi de maths appliquées).
Personne n'a dit ça (enfin, pas moi en tous cas).
Des financements obtenus pour travailler sur le sujet, et des demandes des juges et avocats eux-même pour produire des outils leur permettant de raisonner correctement, appliquer la loi correctement.
J'espère que tu te sens aussi insulté que je me sens insulté par ton corps de métier en lisant les jugements du TGI de Paris pour les besoins évoqués plus haut - et me conforte dans l'analyse que j'avais déjà de ces métiers lorsque je n'avais pas à m'y frotter d'aussi près.
Je ne saurais te répondre. Je n'ai pas ces demandes devant les yeux, je ne sais pas le contexte de ces demandes et je ne sais pas dans quelle mesure le processus décisionnel varie entre la Belgique et la France. Chez nous, le juge ou le procureur n'est pas seul à prendre une décision. Avant qu'un procureur ne dépose son réquisitoire, tu as tout un travail d'une équipe de juristes, policiers, "experts" (géomètres, architectes, légistes, mathématiciens, etc. en fonction des cas) qui vont compiler les informations sous la supervision du magistrat pour en suite recommander la réalisation de devoirs complémentaires, recommander une peine aux regards des éléments du dossier et de la loi, etc. Même chose pour le juge, le juge est assisté d'un greffier (comme partout) pour vérifier la validité de la procédure dans sa forme, et assisté par des référendaires pour le fond. Maintenant, si je sais que dans des cas particuliers (très long dossier, avec beaucoup d'infractions), on utilise au Parquet des outils d'aide à la décision, je ne sais pas si tel est le cas au niveau des juges. Je ne connais pas grand chose du travail des référendaires dans la pratique.
Mais ce n'est pas parce que tu as vus des lacunes en ce qui concerne le TGI de Paris que ce sont des lacunes intellectuelles ou que ce soit identique pour tous les juristes. Tu généralises pas mal. Et c'est très dangereux.
Et à chaque étape du processus judiciaire, tu as une forme de contrôle. C'est ainsi qu'on limite très fortement des décisions rendues injustement, etc. Après, comme je l'ai dit, t'as toujours des juges qui sont las de se retrouver pour la cinquième fois devant un fumeur de cannabis ou un voleur qui a été piqué un pot de ketchup dans un supermarché juste parce qu'il n'avait pas assez d'argent pour acheter un sauce pour ses frites.
J'attends que tu me listes précisément les outils et les connaissances que utilises pour que je puisse te démontrer point par point que ce que tu utilises est obsolète depuis 30, 50, 100 ans. Il y a de très rares domaines où les outils mathématiques et scientifiques utilisés sont à la pointe et ce sont ceux où il y a de l'argent à se faire, aka banque et industrie (et encore, y a des principes économiques qu'on tient pour axiomatiques qui ont été démontés il y a 60 ans mais qu'on postule toujours). Dans toutes les institutions sociales, juridique et législatif en tête, on est à la ramasse sur le formalisme, la logique et l'aide à la décision
Sans entrer dans le détail, j'ai utilisé les travaux sur les réseaux de Barabási pour un séminaire sur certaines formes de délinquance, criminalité (existe déjà) en tenant compte d'une variété de paramètres issus de dossiers réels (d'actualité ou issus des archives), en mettant ces données en corrélation avec d'autres réseaux (transport, etc. (ce qui n'avait pas été fait dans ma ville)) et d'autres données pour estimer (ça reste des probabilités) les connecteurs (dealers, recruteurs de filières très à la mode aujourd'hui, etc.) qui deviendraient plus importants si par exemple, l'on arrêterait une tête pensante (= un autre connecteur principal). Je sais qu'il existe des modèles plus récents et précis, mais vu qu'il ne s'agissait que d'une présentation, je n'avais besoin que de présenter l'idée, le concept et comment des réseaux apparemment différents s'interconnectent (réseaux de dealers d'armes/drogues, réseaux de fraudes fiscales ou sociales, etc.) et dans quelle mesure, on pouvait s'en servir pour avoir une vision plus claire de comment ils s'établissent.
Me dire que tu peux te passer dans le juridique ou dans tout autre domaine de l'outil mathématique voire le supplanter, que ce n'est qu'un outil parmi un autre, c'est me dire qu'il est plus sur de conduire une 2CV qu'une voiture moderne avec l'ABS et consort. On a toujours besoin du pilote (et encore, ça arrive), mais on y gagne à tous les étages: précision, confort, sécurité, efficacité.
La lecture attentive est essentielle et fait pleinement partie de la rigueur. Explique-moi donc comment de ce paragraphe qui est mien :
Gosh, j'utilise des modèles mathématiques au quotidien pour étudier les réseaux de criminalité ou de délinquance, j'utilises des stats, de la probabilité, j'utilises des outils d'analyse criminologique, d'Histoire, de toxicologie, de physiologie, de criminalistique, de linguistique, de classification d'informations, d'informatique (évidemment). Je ne saurais te citer une liste précise d'outils, de concepts, de modèles qu'utilise un juriste dans son travail quotidien tant ils peuvent être nombreux et que cela dépende des cas. J'ai une amie juriste qui aborde au quotidien des domaines comme la biotechnologie ou les nanomatériaux et pour faire son boulot proprement, il est obligatoire qu'elle connaisse relativement bien le sujet et puisse dialoguer avec les interlocuteurs.
Tu arrives à me dire ceci :
Me dire que tu peux te passer dans le juridique ou dans tout autre domaine de l'outil mathématique voire le supplanter, que ce n'est qu'un outil parmi un autre, c'est me dire qu'il est plus sur de conduire une 2CV qu'une voiture moderne avec l'ABS et consort.
Non, je ne me passe pas des mathématiques ou pour être plus exact, de la rigueur scientifique (parce que les maths/physique/criminologie/etc. en tant que tel, tu ne les utilises pas tout le temps, ça dépend du dossier).
Maintenant, si l'outil mathématique est primordial dans le métier d'un mathématicien, c'est normal. Pour les professions juridiques, ce n'est pas aussi simple. Même la loi - bien qu'importante - n'est pas l'outil principal du juriste. Le droit est un domaine pluridisciplinaire (attention, je ne dis pas que ce n'est pas le cas des maths, ce serait profondément faux), où l'on utilise des outils de plusieurs domaines en fonction des cas (j'en ai cité quelques exemples).
Mais si les mathématiques en tant que tel ne sont qu'un outil parmi un ensemble, la logique est commune à cet ensemble. Il n'y a pas de si grandes différences dans la "logique" (stricto sensu) d'analyse d'une loi et de sa portée et celle d'un rapport d'un expert. Ce sont les méthodologies qui varient.
Les neurosciences et les sciences cognitives ont au fil du temps données naissance à plusieurs méthodologies d'apprentissage, et plusieurs modèles. C'est aussi la même chose dans le droit et même tout domaine, tu n'as pas qu'une façon universelle de procéder. En fonction du dossier, des éléments disponibles et des éléments qui restent à obtenir, tu vas fortement jongler entre la loi, les antécédents de la personne, la criminalistique, le rapport toxicologique, etc. Et tu dois analyser chaque point du dossier pour formuler une conclusion et requérir une peine/défendre ton client.
Je pourrais, à la limite, t'envoyer une copie de conclusions d'avocat si j'en trouve chez moi pour que tu puisses juger de l'analyse qui est faite d'une situation donnée et de la manière dont l'avocat va émettre les points qui semblent essentiels pour son client.
Et pour les lacunes du système, pour reprendre ton analogie, si en droit, nous sommes pluridisciplinaires et utilisons de nombreux outils pour notre confort, il arrive quand même que le pilote se crash (= que la justice ne soit pas bien rendue, que le juge fasse preuve de laxisme/excès de zèle, ou qu'il soit tout simplement blasé (ce qui est assez souvent le cas, même si fort heureusement, ils font leur boulot proprement)). Le droit n'étant pas un domaine purement objectif, tu as des éléments subjectifs et en fonction des juges (puisque, par exemple, les circonstances atténuantes sont laissées à la discrétion du juge, ce qui n'est pas le cas des circonstances aggravantes qui sont contenues dans la loi) et des dossiers, ces éléments là peuvent prendre plus ou moins d'importance.
Peut être qu'au final on a juste pas la même définition d'analyser et tenir un raisonnement. Mais je suis tout à fait d'accord sur le fait que tout à chacun peut raisonner, et on en a la preuve tous les jours un peu partout sur Internet entre autres.
Serait-ce du sarcasme ?
Pour que l'on s'entende bien, voici la distinction au sens strict que j'émets entre l'analyse et le raisonnement (même si en fonction des définitions, l'un et l'autre se confondent). L'analyse étant le recueillement d'informations (= données brutes) pour en tenir une conclusion, par exemple : ce que dit la loi sur tel crime, une analyse chimique, une analyse de sang. C'est donc l'action d'identifier des éléments constituants pour en tenir une conclusion, en déterminer la teneur. Le raisonnement, c'est la formation d'idées, de propositions liés les uns aux autres, en particulier selon des principes logiques, et organisés de manière à aboutir à une conclusion.
Alors évidemment, dans le travail quotidien d'un "matheux", chimiste, physicien, biologiste,… ou d'un juriste, ces deux définitions se confondent (suffit de lire une thèse ou un mémoire pour s'en apercevoir), mais il était nécessaire que je scinde ces deux aspects pour t'expliquer en quoi le travail d'un juriste est pluridisciplinaire et en quoi les mathématiques comme d'autres sciences entrent en compte.
Peu importe le domaine, tu as 3 catégories de métier (grosso modo) :
- les analystes (un trader par exemple est avant tout un analyste)
- les théoriciens
- et ceux qui jonglent entre les deux (par exemple un procureur général, pour le droit)
Quand je bossais sur un dossier, j'analysais les "données brutes" (la loi, etc.) pour formuler une conclusion et prendre une décision à recommander au magistrat superviseur (boulot d'analyste, d'expert comme l'on dit chez nous) mais j'aurais très bien pu participer à l'élaboration d'un rapport interne sur une nouvelle politique de justice pour améliorer la pratique de la justice. Ou, un exemple peut-être plus parlant, dans le travail parlementaire, analyser l'état de la justice, former des idées nouvelles pour améliorer le fonctionnement de la justice, de la politique de justice de la société.
HS : Mais en tout cas, on voit très clairement l'amour que tu portes pour les mathématiques et ça, je l'apprécie sincèrement.