On sait très bien que si toutes les armées « occidentales » allaient combattre l'EI,ceux-ci ne tiendraient pas longtemps.
Euh non. Le problème d'une armée est que pour déplacer ses pions, elle a besoin d'une chose : le renseignement et le soutien de la population. Si l'opération française au Mali a été un succès notable pour la France, c'est parce que vous disposiez de bons renseignements et du soutien populaire.
Les US au Vietnam (certes, il s'agit d'opérations de contre-guérilla) ont gagné militairement face aux nord-vietnamiens dans tous les engagements directes mais comme la France durant la guerre d'Indochine, Võ Nguyên Giáp, un excellent stratège (faut l'avouer), a gagné le conflit politiquement et stratégiquement parce qu'il disposait d'un soutien populaire (surtout durant la guerre du Vietnam) et c'est ce qui compte le plus dans un conflit asymétrique (qu'il s'agisse d'opérations de contre-insurrection comme de contre-terrorisme).
Dès lors, il est inutile de s'engager comme les US en Irak avec un nombre élevé d'hommes. La France a été efficace au Mali parce que le faible nombre d'hommes (par rapport au territoire et aux efforts logistiques à faire) combiné à une logistique rodée a amélioré la mobilité et l'efficacité des troupes au sol, c'est ce que l'on appelle un multiplicateur de force augmentant la puissance militaire réelle de l'armée.
Les Italiens ont appliqué ce même principe à Hérat (qui est présentement la région la plus calme du pays) en Afghanistan :
- Ils ont tenté d'obtenir et ont obtenus les faveurs de la population (à un point où ces derniers leur ont demandé de rester plus longtemps), c'est ce que l'on appelle des opérations civilo-militaire (CIMIC)
- Ils ont stoppés le financement des Talibans en coupant la production d'opium et en la remplaçant par la culture du safran, bien moins coûteuse et plus facile à produire)
- Ils ont effectué des opérations spéciales contre-insurrectionnelles contre les Talibans
- (ils ont aussi éviter de passer pour des occupants, c'est un détail important)
- Ils ont employé un contingent relativement petit mais avec une très grande capacité de projection.
Je parle de cela parce que c'est un exemple notable de comment lutter contre un ennemi non déclaré. Certes, ce sera bien plus difficile (voire impossible pour l'instant) à mettre en pratique en Syrie, qui est un bourbier total. Mais à long terme, c'est la seule façon dans un théâtre opérationnel de retourner la situation face à ce type d'ennemi.
Voilà en gros les règles de guerre contre-insurrectionnelles à appliquer. J'ai par contre été surpris de certains commentaires (pas ici, mais sur d'autres sites) sur les réactions européennes (de l'Allemagne et de l'Italie). Pourquoi n'aident-ils pas en Syrie ? Parce que c'est un foutoir… et en fait, ils le font. Les Italiens et Allemands ont formé la moitié des Peshmergas et leur fournissent énormément d'armes et d'équipements. Ils ne participent cependant pas aux frappes en Syrie (et en Irak pour l'Allemagne) pour la raison invoquée par Vinm : on ne gagne pas une guerre par la seule utilisation de la force aérienne, c'est démontré par l'Histoire. Et le fait qu'il y a présentement 16 pays dans le coin, l'espace aérien est encombré (du coup, des chasseurs en plus, ce ne serait pas un plus notable au niveau des résultats).
Donc, oui, il faut le dire : les frappes de la coalition comme celles de la France ne sont pas utiles si elles ne sont pas suivies d'avancée au sol. Et puisque les occidentaux, à raison selon moi, refusent toute intervention directe sur ce point, il faut bien aider ceux qui le font. Présentement donc, et malgré la bonne volonté apparente du gouvernement, la stratégie française n'est pas la bonne.
Et je ne comprends pas la réaction belge perso. Oui, on a envoyé un navire dans groupe naval du CdG mais c'est plus pour éviter que les Russes et cie viennent voir que pour lutter contre EI. Quant aux frappes, bah on participe déjà depuis le début, donc pas de changement de ce coté-là.
Bref, l'on a pas beaucoup d'options. Soit la stratégie italo-allemande : soutien des alliés par la formation et la fourniture d'équipements (avec les risques que cela implique aussi), combinée à des frappes. Soit, on déploie des opérateurs TIER1 et 2 (SF et SOF) en combinant ça avec des frappes. Mais j'espère qu'on aura pas d'intervention massive au sol et j'espère pour les Russes qu'ils ne le feront pas non plus vu leurs expériences passées…
Bref bis, on a un sacré manque de coordination au niveau du renseignement en Europe aussi. Le gars est quand même revenu de Syrie au nez et à la barbe de tous.
Les russes ont annoncé qu'ils n'étaient pas opposés à l'idée d'envoyer des troupes au sol. Ce sera peut être l'occasion pour eux de faire la démo de leur nouveau char d'assaut "drone" (Armata T-14).
Encore faut-il qu'il ne tombe pas en panne après 10m…