Bien le bonjour !
Vous voulez être au fait des toutes dernières tendances en secourisme pour pouvoir briller dans les séminaires de médecine, ou vous êtes simplement curieux à propos des consensus actuels dans le domaine ? Vous êtes au bon endroit !
Tout d'abord, je tiens à vous rassurer, il n'y aura nul besoin d'avoir un doctorat de médecine, ni même un diplôme de secourisme pour suivre cet article. Cet article s'adresse autant aux profanes qu'aux secouristes confirmés. Autant que possible, mes dires seront sourcés par une liste de liens en bas de page.
Gardez bien en tête que la lecture de cet article ne saurait remplacer un véritable recyclage (et encore moins une formation) de secourisme.
Sommaire
- Dites bonjour au PFLAU !
- Un nouveau numéro d'urgences
- Vers une diminution des immobilisations ?
- La Secours Expo 2017
- L'appli qui sauve 2.0
- Vers la dédiabolisation du garrot
- Les recommandations actuelles de l'ERC
Dites bonjour au PFLAU !
Le PFLAU ? C'est qui cette bête là ?
Le PFLAU, c'est la Plateforme de Localisation des Appels d'Urgence. Il s'agit d'un service permettant aux centres recevant les appels d'urgence (les CRRA, les CODIS…) d'obtenir une localisation précise des appelants.
Ce système se base sur deux principes : le PULL et le PUSH. Le PULL est une demande de fiche abonné à un opérateur, dans le cas d'un appel depuis un poste fixe. Le CRRA reçoit alors l'ensemble des informations sur la ligne de l'abonné en même temps que l'appel. Le permanencier connaît donc le nom et l'adresse de l'abonné avant même de décrocher.
Le PUSH est quant à lui une triangulation des appels passés depuis les téléphones mobiles, grâce aux antennes GSM. Quand la position est obtenue, elle est envoyée en même temps que la fiche abonné au CRRA, qui connaît donc le nom de l'appelant et ses coordonnées GPS, ou tout du moins une estimation de sa position.
Et bonne nouvelle : la base d'adresses utilisée est celle du projet BANO, et les fonds de cartes pour les géolocalisations sont ceux d'OpenStreetMap !
L'idée d'un tel système a été pour la première fois officialisée par un décret en 2005, qui n'a toutefois pas été appliqué. C'est un autre décret, sorti en 2012 (sic), qui imposa aux opérateurs de fournir sans délai aux centres d'appels d'urgence toutes les informations de localisations des appels qu'ils ont à disposition. Le développement s'est donc terminé en 2015, et tous les CRRA devront s'être reliés à cette plateforme en septembre 2017 au plus tard.
Un nouveau numéro d'urgences
Le 2 février dernier, le gouvernement a mis à jour la liste des numéros d'urgence devant être acheminés gratuitement par les opérateurs téléphoniques. On y retrouve bien sûr les sempiternels 15/17/18/112, mais aussi leurs compagnons moins connus. Et surprise, il y a des petits nouveaux !
En effet, un obscur numéro, le 197, a été créé en 2015 pour recueillir les témoignages et les alertes suite à une "Alerte attentat" ou une "Alerte enlèvement". Et c'est en Février dernier que l'on a pu assister à la naissance émouvante d'un autre numéro : le 116 117. Son rôle ? Permettre de joindre directement un médecin de garde à proximité. C'est donc, en quelque sorte, une version nationalisée des lignes directes de SOS Médecins.
Si l'actualité a permis d'étoffer les moyens de secours, elle ne permet pas de les simplifier pour autant. Avec maintenant 12 numéros d'urgence, la France bat les records européens. Et si cela permet une plus grande spécialisation des centres d'appels, la liste n'en est que plus compliquée à retenir, sans parler des frais engendrés par l'entretien de toutes ces infrastructures. Le numéro européen 112 est désormais bien répandu sur le continent européen — certains pays en ayant fait leur numéro d'urgences exclusif — mais la France semble être déterminée à agrandir la liste. Voici donc une copie du tableau des numéros d'urgence, tels que donnés par le site Légifrance.
Numéro | Service |
---|---|
112 | Numéro d'urgence paneuropéen |
15 | Urgence médicale - SAMU |
17 | Police-secours |
18 | Pompiers |
115 | SAMU social |
119 | Enfance maltraitée |
116 000 | Enfants disparus |
114 | Numéro d'urgence pour personnes déficientes auditives |
191 | Urgence aéronautique - CCS |
196 | Urgence maritime - CROSS |
197 | Alerte attentat - Alerte enlèvement |
116 117 | Permanence des soins ambulatoires |
Vers une diminution des immobilisations ?
Cette année, le site emdocs.net a publié deux articles brisant plusieurs mythes sur les immobilisations avec des plans durs et des colliers cervicaux. Les référentiels de secourisme en équipe — tels que le PSE1 — commencent eux aussi à évoluer dans ce sens en restreignant leur champ d'application. En effet, leurs points positifs sont remis en question et leurs points négatifs sont réels.
Un plan dur est une sorte de brancard rigide, qui dispose de poignées et de passages pour des sangles. Il a aussi la particularité de flotter sur l'eau. Il permet d’immobiliser une victime efficacement et est plus solide que ses alternatives. Il est revanche plus encombrant.
S'ils immobilisent effectivement la colonne vertébrale de manière efficace, l'utilité de cette immobilisation est remise en question. En effet, selon les études citées par emdocs.net, les aggravations des traumas sont assez rares même sans immobilisation. Le collier cervical aurait aussi tendance à augmenter la pression intracrânienne, ce qui pourrait donc aggraver un éventuel traumatisme crânien.
De plus, leur pose engendre un stress certain pour la victime, qui ne peut plus bouger pendant plusieurs dizaines de minutes, et la gestion d'une victime immobilisée demande une logistique assez lourde. En effet, cela implique une surveillance permanente de la victime et le passage d'un scanner des vertèbres cervicales afin d'être sûr que la colonne vertébrale n'est pas touchée.
Le référentiel 2016 du diplôme PSE1 a déjà réduit les recommandations de pose des colliers cervicaux, afin de réduire la logistique à engager. Depuis peu, le collier n'est donc posé qu'en cas de suspicion de forte chute ou d'accident impliquant de "fortes énergies cinétiques". Wait and see.
La Secours Expo 2017
Les 2, 3 et 4 février prochain se tiendra la Secours Expo 2017, à la porte de Versailles, à Paris. Il s'agit d'un grand rassemblement de toutes les professions et activités liées au secourisme, ouvert à tous sur inscription.
Au programme, sur 5500m2 d'expositions : près de 150 exposants et représentants des grandes marques de matériel de secourisme, plusieurs dizaines de conférences et plusieurs simulations de sauvetages grandeur nature. Les inscriptions seront gratuites et ouvertes à tous.
Voici le lien du site : http://www.secours-expo.com/
Pour vous inscrire, cliquez sur l'onglet "Je visite" en haut de la page.
L'appli qui sauve 2.0
Le 5 Juillet dernier, la Croix-Rouge a publié la nouvelle version de son application « L'appli qui sauve ». Cette application donne de précieux conseils sur la conduite à tenir face à une grande variété de problèmes d'ordre médical.
Bien que ça puisse paraître évident, il me semble important de vous rappeler que cette application ne saurait remplacer une véritable formation. Pour les enseignements pratiques, rien ne saurait remplacer un véritable formateur.
Cette application est disponible pour Android1 et iOS2 et prend environ 25Mo.
En plus de disposer de fiches types "cours", cette application propose aussi une liste de scénarios dans l'onglet « Urgences » permettant d'avoir un accès rapide et clair aux gestes à faire dans un cas particulier. On trouve aussi un onglet avec des quizz afin de vous auto-tester.
Attention toutefois, si vous êtes secouriste, vous serez peut-être déconcertés par certaines consignes, qui sont destinées aux personnes non formées. Les référentiels des diplômes de secourismes en équipes sont évidemment plus avancés et doivent primer sur les consignes données par cette application si vous y êtes formés.
Vers la dédiabolisation du garrot
Pendant de nombreuses années, le garrot a fait l'objet d'une campagne de diabolisation d'envergure, qui l'a amené à se terrer dans des diplômes peu enseignés et peu connus. Toutefois, depuis les attentats de 2015 en France, le garrot commence à revenir au goût du jour.
Si la réhabilitation d'une technique de secourisme bannie du grand public peut être perçue comme une surréaction, il faut toutefois prendre en compte le fait que le garrot apporte une réponse efficace face à certaines hémorragies qu'un appui manuel ne suffit pas à arrêter, et ce, même hors d'un contexte d'attaque terroriste.
Mais un garrot, c'est quoi exactement ? Et comment ça marche ?
Un garrot, c'est un lien qui se place autour d'un membre, en amont d'une blessure grave, et qui est serré très fort afin d'arrêter une hémorragie. Dans un contexte de secourisme, les garrots utilisés seront non-élastiques (ou statiques), les garrots élastiques étant réservés aux prises de sang. Ils doivent être assez larges pour ne pas blesser la peau sur laquelle ils sont posés (pas de ficelle, et encore moins de fils de fer, donc). De plus, plus ils seront larges, moins il y aura besoin de serrer pour atteindre la Pression d'Occlusion Artérielle (POA), la pression à partir de laquelle les artères sont suffisamment comprimées pour bloquer le passage du sang.
Il est utilisé pour arrêter les hémorragies d'origine artérielles ou veineuses de grande envergure, ou dans les cas d'amputations.
Hors domaine médical, il existe principalement deux types de garrots :
- le garrot coton ;
- le tourniquet.
Le garrot coton est le plus simple de tous. Il s'agit ni plus ni moins d'une bande de tissu en coton d'une largeur d'environ 3cm, qui est nouée autour du membre le plus fermement possible. Le tourniquet, quant à lui, est la version évoluée du garrot coton. Il est généralement présenté sous la forme d'une bande à scratch que l'on passe et que l'on sert autour du membre. Ensuite, on tourne une barre métallique qui va serrer davantage le garrot et on la bloque grâce à une boucle. Ce garrot peut aussi être trouvé sous les appellations commerciales CAT ou SOFTT.
Le garrot tourniquet, s'il est plus cher et plus encombrant que le garrot coton, est aussi bien plus efficace. D'après une étude datée de 20081, le tourniquet a une efficacité de 66%, contre 25% pour un garrot improvisé (avec une ceinture par exemple). Il présente également un taux de complications de 33% contre 80% pour les garrots improvisés.
Aujourd'hui, le garrot réapparaît donc dans les référentiels de secourisme grand public , ce qui est une bonne chose, à condition qu'il ne prévale pas sur la compression manuelle et sur l'enseignement des gestes plus courants, tels que la Position Latérale de Sécurité (PLS).
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Voir ici (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18376170), ici (http://www.smcaf.org/inpresskragh.pdf) et ici pour la vulgarisation (http://forum.davidmanise.com/index.php/topic,67226.msg536729.html#msg536729). ↩
Les recommandations actuelles de l'ERC
Le 15 octobre 2015, l'European Resucitation Council, ou ERC, a publié ses nouvelles recommandations concernant la prise en charge des arrêts cardio-respiratoires. Bien que cela ne relève pas de l'actualité, j'ai pris le parti de vous en parler tout de même, pour ceux d'entre vous qui n'auraient pas eu de recyclage de secourisme depuis.
A ce jour, la méthode "ABC" reste la plus préconisée. Elle donne les premières actions à effectuer lorsque l'on rencontre une victime inconsciente.
- Airways / Voies Aériennes : Vérifier si les VA sont dégagées, enlever tout corps étranger.
- Breathing / Respiration : Vérifier la respiration de la victime. Elle doit être ample et régulière. Un râle est considéré comme une absence de respiration.
- Circulation : Vérifier la présence d'un pouls central (artère carotide ou fémorale). Ce point peut être évité pour les personnes qui n'y sont pas formées.
Si la victime ne respire pas normalement, il faudra procéder comme suit.
- En cas de noyade : Commencer par cinq insufflations, puis RCP adaptée à l'âge.
- En cas d'étouffement : Commencer un cycle de RCP en commençant par les compressions. Après un cycle, vérifier la présence de corps étranger dans la gorge.
- Si c'est un enfant, commencer par cinq insufflations, sauf en cas d'étouffement, auquel cas il faut commencer par les compressions, et vérifier l'absence de corps étranger dans les voies respiratoires.
- Sinon, RCP normale adaptée à l'âge.
Étant donné que c'est le point le plus variable en réanimation : le rythme actuel préconisé est de 110 à 120 compressions par minute. Ironiquement, c'est aussi le rythme de la chanson "Staying Alive" des Bee Gees, qui est d'ailleurs passée à la postérité dans les associations de secourisme pour cette raison.
Pour les nourrissons de moins d'un an, le cycle de RCP est de 15 compressions exécutées avec deux doigts et deux insufflations.
Pour les enfants, entre un an et huit ans (approximativement), il est de 15 compressions exécutées avec une main (ou deux pour un grand enfant), puis deux insufflations.
Pour un adulte, le cycle est de 30 compressions exécutées avec deux mains, et deux insufflations.
Pour les secouristes en équipe
La technique de LVA est toujours la même. Cependant, en cas de suspicion de traumatisme du rachis, on préférera faire une subluxation de la mandibule avec deux doigts aux coins de la mâchoire. La tête sera légèrement basculée en arrière si cela ne suffit pas.
Concernant les défibrillateurs, ils sont maintenant accessibles dans beaucoup de lieux publics et leur pose est une priorité. Il existe des applications permettant de localiser tous les DSA ou DAE à proximité. Si la victime est un enfant et que le défibrillateur ne possède que des électrodes pour adultes, ces dernières seront posées différemment : la première au milieu du thorax, la deuxième entre les omoplates. Autant que possible, le massage cardiaque ne devra pas être interrompu pour poser les électrodes. La RCP ne sera interrompue que sur demande du défibrillateur ou pour les insufflations. Elle ne sera abandonnée que sur ordre d'un médecin.
Enfin, concernant les insufflations, le consensus actuel (et ce depuis plusieurs années) ne brille pas par sa clarté. On peut le résumer ainsi : les insufflations ne sont pas obligatoires, mais elles sont recommandées. On ne vous en voudra pas si vous ne les faites pas, mais elles restent salutaires, surtout pour les enfants et les noyades. Vous pouvez considérer ceci : si vous le pouvez, faites-le, sinon massez.
Avant de clôturer cet article, j'aimerais partager avec vous une étude qui a été réalisée en France portant sur les chances de survie suite à un arrêt cardiaque. Elle montre de grandes disparités entre les départements. Notamment, la part de personnes ayant suivi une formation de secourismes dans les cinq années précédentes varie de 7% à 37% et la densité de défibrillateurs va de 5 à 3399 pour 100 000 habitants. On y apprend aussi que si la présence de défibrillateur est importante, elle l'est beaucoup moins que la formation des témoins, qui sont présents dans deux cas sur trois. Une formation aboutie dès l'école primaire et pour tous les enfants (seuls 30% des élèves de troisième sont actuellement formés) permettrait sûrement de sauver beaucoup de vies. Pour plus de détails, voir ici et ici.
Merci d'avoir lu cet article ! Je tiens à remercier A-312, Arius, qwerty et aschtrabada pour leurs retours sur la version bêta de cet article.
Cet article est placé sous licence "Creative Commons By rezemika". Son logo est quant à lui sous licence "Creative Commons By NC ND Croix-Rouge de Paris" (https://www.flickr.com/photos/croixrougedeparis/6963643042/). Les licences des autres images sont indiquées dans leurs sources.
Si vous avez la moindre question ou remarque, n'hésitez surtout pas à m'en faire part dans les commentaires ou sur le forum !
Sources et références pour en savoir plus
Dites bonjour au PFLAU !
- Site du Groupement de Coopération Sanitaire
- Site du Gouvernement sur les normes des appels d'urgences
- Github du projet de visualisation des données
Un nouveau numéro d'urgences
- Lien Légifrance
- Article de net-iris
- Article sur l'instauration d'un numéro d'urgence unique
- Connexionfrance, sur les numéros d'urgence
Vers une diminution des immobilisations ?
- Emdocs.net : "Cervical collars for c spine trauma: the facts"
- Emdocs.net : "Pre hospital management of spinal injuries: debunking the myths of the long backboard"