Nouvel opus de la franchise Total War, le jeu de stratégie Thrones of Britannia est sorti le 3 mai 2018, tranchant avec les derniers opus, situés dans un monde de fantasy (Warhammer). Il se déroule maintenant en Grande-Bretagne, en 878 de notre ère : une Grande-Bretagne déchirée, divisée entre les revendications saxonnes, galloises, écossaises, vikings (danoises) et irlandaises. Bref, une situation propice à la guerre . Vous pouvez le voir sur le trailer du jeu :
Les personnages principaux de ce jeu sont assurément Alfred le Grand, roi saxon qui (spoiler alert) tirera son épingle du jeu 1, et divers rejetons du légendaire roi viking Ragnarr Loðbrók (celui jeté dans la fosse aux serpents, dans le trailer) : mais assurément, il existe de nombreuses autres factions. Et c’est justement le problème : chaque grande faction a sa propre langue, et la prononciation des noms propres (personnages, villes, pays, etc.) peut poser problème.
Cet article vous aidera donc à savoir lire ces noms exotiques et colorés, comme « Ealhswith », « Sigtryggr », « Þorgeirr » ou « Hlymrekr »
Il n’y a aucun pré-requis réel à cet article, mais c’est nettement mieux si vous connaissez l’anglais et/ou l’Alphabet Phonétique International (noté entre barres obliques).
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Il sera même canonisé par l’Église Catholique, ce winner . ↩
L'anglo-saxon (ou vieil anglais)
Le vieil anglais est une langue utilisée dans deux factions jouables du jeu : le Wessex (étymologiquement “West-Saxe”), dirigé par notre ami Alfred, et la Mercie, gouvernée par Ceolwulf II. Comme précédemment, il s’agit historiquement du camp des gagnants : Alfred a finalement étendu le Wessex au-delà de ses frontières originelles ; on ne sait pas exactement ce qu’est devenu Ceolwulf II, mais la Mercie est devenue vassale du Wessex.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, nous allons brièvement dresser un portrait de l’anglo-saxon.
Présentation de la langue
Les peuples Anglo-Saxons sont germaniques, originaires du continent européen, d’où ils ont migré vers le Vème siècle (cf. infra). Christianisés au début du VIIème siècle, ils se sont imposés au long des ans sur le sud de l’île bretonne.
Leur langue, l’anglo-saxon, appartient donc à la famille des langues germaniques : mais il s’est rapidement mêlé aux parlers locaux, ainsi qu’au latin, par le biais de l’évangélisation1. Le temps et l’espace ont contribué à diversifier l’anglo-saxon, au point que plusieurs dialectes plus ou moins intercompréhensibles sont apparus, comme le mercien, le saxon occidental (parlé en Wessex), le northumbrien, etc. Mais les subtilités de ces dialectes ne seront pas prises en compte dans cet article, par souci de simplicité .
Vers le XIIème siècle, on considère que le vieil anglais a suffisamment changé pour qu’on l’appelle moyen anglais, lui-même ancêtre de l’anglais moderne. Mais le scots, langage parlé en Écosse et au nord de l’Irlande, est un autre descendant de l’anglo-saxon. Ça ne vous dit rien ? Vous devez pourtant connaître le chant Auld Lang Syne, chanté au Nouvel An, dans les pays anglo-saxons (ci-dessous) : eh bien, c’est en scots !
Phonologie
Voyelles
Revenons à nos moutons. L’anglo-saxon comporte 7 voyelles, prononcées (généralement) de manière similaire à l’anglais moderne :
Voyelle | Son correspondant |
---|---|
⟨a⟩ | /ɑ/, la voyelle dans le mot « pâte » |
⟨æ⟩ | /æ/, son inexistant en français. Prononcez « è », avec la bouche ouverte comme pour dire « a » |
⟨e⟩ | /e/, comme dans « mangé » 2 |
⟨i⟩ | /i/ comme dans « mie » |
⟨o⟩ | /o/ comme dans « manteau » |
⟨u⟩ | /u/ comme dans « boue » |
⟨y⟩ | /y/ comme dans « tu » |
Ces voyelles peuvent être rallongées au moyen d’un accent aigu ´ ou d’un macron ¯ ; phonétiquement, l’allongement est signifié par un chrone ː. Par exemple, « hér » ou « hēr » (ici) est prononcé /heːr/. Cependant, certaines sources indiquent que le ⟨é⟩ est prononcé /ey/ (comme dans « paye ») et ⟨ó⟩ /ow/ (comme dans l’anglais « so »). D’autres subtilités ne font pas l’unanimité : nous ne les préciserons donc pas.
Les combinaisons de voyelles, appelées diphtongues, consistent généralement en la juxtaposition des sons des voyelles (⟨eo⟩ → /eo/) ; mais il y a quelques exceptions.
- ⟨ea⟩ peut se prononcer de diverses manières, mais on retient généralement la proposition /æa/ ;
- ⟨ie⟩ peut se prononcer /iy/ ou /e/ ;
- ⟨io⟩ : /iu/ ;
- ⟨oe⟩ comme notre œ : /ø/ (son dans « meuh ») ;
- ⟨uu⟩ correspond simplement à /w/.
Consonnes
Les consonnes ressemblent, elles aussi, à la prononciation anglaise. Mais le ⟨r⟩, contrairement à l’anglais moderne, est roulé.
La lettre ⟨c⟩ se prononce de manière différente, selon ce qui la suit : elle produit le son /k/ avant ⟨a⟩, ⟨o⟩, ⟨u⟩ (comme en français), mais aussi après ⟨æ⟩ et ⟨y⟩. Devant un ⟨e⟩ ou un ⟨i⟩, elle se prononce /ʃ/ ou /tʃ/ (respectivement comme dans « miche » ou « pitch »).
La consonne ⟨g⟩ souffre à peu près du même traitement : elle est prononcée /g/ (comme dans « gare ») avant ⟨æ⟩, ⟨a⟩, ⟨o⟩, ⟨u⟩, ⟨y⟩ ; /j/ (comme dans « yacht ») devant ⟨e⟩ et ⟨i⟩. Mais il devient aussi /dʒ/ (comme dans « djellaba ») après un ⟨n⟩ (comme « engel », ange) ou une consonne géminée (doublée).
D’autres consonnes sont prononcées différemment selon leur position dans la phrase et les lettres qui les entourent.
C’est le cas de ⟨f⟩, qui transcrit à la fois les sons /f/ et /v/. Il se lit généralement /f/, sauf lorsqu’il est compris entre deux voyelles, ou de consonnes voisées3. Ainsi donc, « nafu » se prononce /navu/ ; « Ælfréd », vrai nom d’Alfred le Grand, /ælfreːd/.
La lettre ⟨h⟩ est prononcée /h/ (comme dans l’anglais « Hey ! ») seulement en début de phrase : autrement, il est prononcé /x/ (son inexistant en français). Il peut aussi quelquefois devenir /ç/ (comme dans « nicht » en allemand)
Enfin, certaines lettres étrangères à l’alphabet latin peuvent être quelquefois utilisées : elles sont la réminiscence de l’usage des runes (futhorc), originellement utilisée pour écrire l’anglo-saxon.
Ainsi les signes ⟨þ⟩ et ⟨ð⟩ désignent indifféremment les sons /θ/ et /ð/ : ils ont été remplacés par le digramme « th », d’ailleurs utilisé dans le jeu Total War, sans doute pour éviter les problèmes d’encodage.
Autre vestige de l’usage runique, la lettre wynn ⟨ƿ⟩, correspondant au simple son /w/ : à nouveau, elle est supprimée au profit de la simple lettre ⟨w⟩.
Il existe quelques combinaisons de consonnes un peu piégeuses :
- ⟨sc⟩ se lit simplement /ʃ/ ;
- ⟨cg⟩ se prononce /dʒ/, comme dans « Grantabrygc » (/grantabrydʒ/), aujourd’hui connue sous le nom de Cambridge.
- La lettre ⟨h⟩ est aussi utilisée pour dé-voiser une consonne, lorsqu’elle est située devant cette dernière. Il en résulte des sons difficiles à prononcer pour un francophone natif mais, avec un peu d’entraînement, vous y arriverez (prononcez /h/ puis rajoutez la consonne à énoncer) :
Pour finir, ne vous laissez pas intimider par les consonnes géminées : il suffit juste d’insister un peu plus dessus. Ainsi, ⟨nn⟩ se prononce plus longtemps qu’un simple ⟨n⟩, etc.
Quelques exercices !
Vraiment, n’hésitez pas à prononcer ces mots à voix haute, pour bien vous rendre compte de leur sonorité linguistique, et acquérir une meilleure diction.
Niveau facile
Fyrd - Ceorl - Ceolwulf
À la française : « furd » ; « kéorl » ; « keol-woulv »
Alphabet Phonétique International : /fyrd/ ; /keorl/ ; /keolwulv/
Niveau moyen
Scrafu - Ælfric - Sceaftesburg
À la française : « chravu » ; « ælvrik » ; « chæaftesbourg »
Alphabet Phonétique International : /ʃravu/ ; /ælvrik/ ; /ʃæaftesburg/
Niveau difficile
Thegn - Ealhswith - Hwæt - Beohrnoth
Je ne vais pas tenter de transcrire à la française, il y a trop de sons étrangers à cette langue.
Alphabet Phonétique International : /θejn/ ; /æalxswiθ/ ; /ʍæt/ ; /beor̥noθ/
« Thegn » était initialement « thegen », ce qui explique la prononciation… Oui, bon, cet exemple est retors, mais vous le trouverez dans le jeu .
Sources et pour aller plus loin
En français, l’éternel et indémodable Wikipédia .
En anglais :
- https://people.umass.edu/sharris/in/gram/GrammarBook/Pronunciation.html ;
- http://oldenglish.umwblogs.org/pronunciation-guide/ ;
- https://youtu.be/Zs--wqVdBwo.
Le vieux gallois
Deux factions galloises sont jouables dans Total War Saga : Thrones of Britannia. La première, et la plus importante, est celle de Gwined (Gwynedd en gallois), dirigée par le roi Anaraut (Anarawd). Son nom ne vous dit sans doute rien, mais il s’agit du fils aîné de Rhodri le Grand, conquérant d’une grande partie du pays de Galles :
À la mort de ce roi, les possessions ont été partagées entre les différents fils légitimes (en plus ou moins grande paix – cf. le fratricide de Merfy ). Anaraut a hérité du Gwynedd en tant que tel.
Ironie du sort, du fait des conflits opposant le Gwynedd aux royaumes saxons (Wessex, Mercie), il n’est pas impossible que Ceolwulf II de Mercie ait tué Rhodri le Grand (source) .
L’autre royaume gallois disponible est le Strathclyde, en fait situé en Écosse, dirigé par le roi Run (Rhun). Son royaume a subi de nombreuses attaques vikings, essuyée de manière pas toujours victorieuse… Cette faction tombe dans les langues galloises malgré sa situation géographique, car on y parlait le cambrien, considéré comme un dialecte du vieux gallois (dialecte dont nous ne verrons pas non plus les spécificités).
Un peu de contexte linguistique
Le vieux gallois appartient à la branche celtique, et non germanique, des langues indo-européennes : il est donc plus proche du breton que du vieil anglais, présenté plus haut. Les Celtes semblent s’être installés sur l’île bretonne durant l’âge de fer (-800 à 100 en Grande-Bretagne), et les Gallois en tant que tels n’ont vraiment émergé que tardivement, après la fin de la domination romaine (dès 411).
Tout comme l’anglo-saxon, on estime que le vieux gallois s’est éteint au XIIème siècle, laissant place au gallois moyen, puis au gallois moderne, parlé aujourd’hui par plus de 700 000 locuteurs.
Enfin, ne nous mentons pas, si le gallois est connu aujourd’hui, c’est surtout à cause de ses bizarreries, comme le nom du village Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwllllantysiliogogogoch :
Prononciation des mots vieux gallois
En raison de l’absence de ressources spécifiques à la prononciation du vieux gallois, nous donnerons des informations sur le gallois en général.
De plus, comme Gwynedd et Strathclyde sont tous deux des royaumes du Nord, nous nous focaliserons sur la prononciation septentrionale (= du nord) du gallois.
Voyelles
Le gallois compte également 7 voyelles, mais elles sont différentes :
Voyelle | Son correspondant |
---|---|
⟨a⟩ | /a/, la voyelle dans le mot « rat » |
⟨e⟩ | /ɛ/, comme dans « sept » |
⟨i⟩ | /ɪ/ à mi-chemin entre /i/ et /e/ |
⟨o⟩ | /ɔ/ comme dans « mort » |
⟨u⟩ | /ɨ/ entre /i/ et /u/ |
⟨w⟩ | /ʊ/, son difficile à prononcer pour des francophones |
⟨y⟩ | Varie selon la position de la lettre |
C’est déjà plus compliqué que l’anglo-saxon .
Comme indiqué dans le tableau, ⟨y⟩ se prononce différemment selon le contexte :
- Lorsqu’elle est située dans la dernière syllabe, elle se prononce comme la lettre ⟨u⟩ : /ɨ/
- Autrement, on la prononce /ə/, comme dans « te ».
À noter, enfin, que la lettre ⟨w⟩ peut aussi servir de consonne, produisant alors le son /w/ que l’on a l’habitude de lui attribuer.
Comme pour l’anglo-saxon, les voyelles peuvent être allongées, cela se fait soit à l’aide de règles naturelles (cf. infra), soit par un accent circonflexe ^. Mais l’allongement des voyelles modifie également leur sens, sauf pour ⟨ú⟩ et ⟨ý⟩, respectivement /ɨː/ et /ɨː/ (ou /ə/) :
Voyelle | Son correspondant |
---|---|
⟨â⟩ | /ɑː/, la voyelle dans le mot « pâte » |
⟨ê⟩ | /eː/, comme dans « mangé » |
⟨î⟩ | /iː/ comme dans « mie » |
⟨ô⟩ | /oː/ comme dans « manteau » |
⟨û⟩ | /ɨ/ entre /i/ et /u/ |
⟨ŵ⟩ | /uː/ comme dans « boue » |
Les règles naturelles d’allongement sont un peu complexes, alors vous n’êtes pas tenus d’y jeter un coup d’œil :
- Toutes les voyelles dans un mot de plus d’une syllabe sont courtes.
- Une voyelle est longue, dans un mot d’une syllabe, lorsqu’elle est suivie par deux consonnes, et que la première de ces consonnes est ⟨ll⟩ ou ⟨s⟩.
- Toujours dans un mot d’une syllabe, la voyelle est longue lorsqu’elle n’est suivie par aucune consonne, ou par un autre consonne que ⟨p⟩, ⟨t⟩, ⟨c⟩, ⟨m⟩, ⟨ng⟩.
- À nouveau pour un mot d’une syllabe, les voyelles ⟨i⟩ et ⟨u⟩ sont longues lorsqu’elles sont suivies par ⟨l⟩, ⟨n⟩ ou ⟨r⟩.
Voilà
Heureusement, les combinaisons de voyelles sont, elles, plus simples : elles consistent en l’adjonction des deux voyelles concernées. Sauf dans les cas suivants :
- ⟨ae⟩, ⟨ai⟩ et ⟨au⟩ se prononcent /aɪ/ ;
- ⟨oe⟩, ⟨oi⟩ et ⟨ou⟩ valent /ɔɪ/ ;
- ⟨ei⟩, ⟨eu⟩ et ⟨ey⟩ se prononcent /əɪ/ ;
- ⟨wy⟩ semble se prononcer toujours /ʊɨ/, peu importe la position dans le mot.
Consonnes
Le premier point positif du vieux gallois, c’est que les consonnes se prononcent généralement de la même manière : ainsi, ⟨c⟩ vaut quasi-toujours /k/, ⟨g⟩ /g/, ⟨s⟩ /s/, ⟨h⟩ /h/, etc.
Il y a juste quelques spécificités à prendre en compte.
La lettre ⟨f⟩ désigne toujours le son /v/ ; /f/ est signifié par le digraphe ⟨ff⟩. Ainsi, « Aberteivi » se prononce /abɛrtəɪvɪ/.
Le digraphe ⟨ng⟩ correspond au son /ŋ/. Pour le prononcer, dites « dring », mais insistez sur la lettre n : c’est le son /ŋ/. « Ngeni » se prononce donc /ŋɛnɪ.
Un peu comme en anglo-saxon, ⟨th⟩ correspond au son /θ/ ; mais, cette fois-ci, /ð/ est signifié par dd.
Enfin, ⟨ch⟩ correspond /x/ ; le ⟨r⟩ est tout le temps roulé, mais ⟨rh⟩ se prononce /r̥/, c’est-à-dire qu’il est dévoisé. Le digraphe ⟨ll⟩ correspond au son /ɬ/ : pour le prononcer, vous devez mettre la pointe de votre langue sur le palais, comme pour dire /l/, puis souffler. L’air, passant des deux côtés de votre langue, produira ce son.
Vous prendrez bien quelques exercices ?
Facile
Aberffro - Lann afan - Gwynedd
À la française : « abèrfro », « lan avan » - « gouinèð »
Alphabet Phonétique International : /abɛrfrɔ/, /lanː avan/, /ɡʊɨnɛð/
Moyen
Dinefwr - Llanfair - Anarawd ap Rhodri
Difficile à transcrire en français Alphabet Phonétique International : /dɪnɛvʊr/, /ɬanvaɪr/ , /anaraʊd ap r̥ɔdrɪ/
Difficile
Ffyddlon - Gwyngyll
Sources et aller plus loin
Français :
Anglais :
- Je vous conseille fortement ces vidéos sur le gallois moderne, très pédagogiques : https://www.youtube.com/watch?v=16sqX2Baprg&list=PLz6oFM0_IszwxmU7dMcGQClZ5zMwX2EdY ;
- https://en.wikibooks.org/wiki/Welsh/Pronunciation ;
- http://www.omniglot.com/writing/welsh.htm ;
- http://www.go4awalk.com/fell-facts/welsh-language-pronunciation.php .
- https://en.wikipedia.org/wiki/Welsh_phonology
- https://en.wikipedia.org/wiki/Old_Welsh
- http://people.ds.cam.ac.uk/dwew2/old_and_middle_welsh.pdf
Les langues gaéliques
Deux factions gaéliques peuvent être jouées dans le jeu.
D’abord, le royaume de Circenn, dirigé par Áed. En fait, ce roi sera assassiné au bout de deux ans de règnes : c’est son fils, Constantin II (Constantín mac Áeda), qui acquerra une plus grande notoriété. Tuant un des fils de Ragnar Loðbrók, il mettra un terme à la domination viking en Écosse ; plus tard, il essaiera de lutter contre l’influence grandissante des royaumes anglais, mais en vain. À la fin de sa vie, il renoncera au trône, à la faveur de son fils. La capitale de ce royaume est Scone (Scoan), d’où vient la fameuse pierre du destin, utilisée pour le couronnement des rois d’Écosse, puis du Royaume-Uni. Ladite pierre, gardée un temps par l’Angleterre, a été rétrocédée à l’Écosse.
L’autre faction est celle de Mide, royaume millénaire situé au centre de l’Irlande. Son dirigeant est Flann, qui a rencontré plus de succès que ses prédécesseurs dans les arts militaires. Il est surtout connu pour le nombre important de monuments érigés à sa gloire.
Présentation de la langue
Les langues gaéliques sont des langues celtiques, comme le vieux gallois : parlées en Irlande, Écosse et sur l’île de Man, elles descendent tous du vieil irlandais.
C’est par la migration des Scots, gaels irlandais, en Écosse que la famille gaélique a été importée en Grande-Bretagne entre le IIIème et le IVème siècle. Les Scots partagent alors le pays avec d’autres peuples, comme les Pictes, dont le royaume décline du fait des assauts vikings.
La langue que nous étudierons ici est le vieil irlandais, à partir duquel naîtront l’irlandais moyen et le gaélique écossais1 vers l’an 900 – c’est-à-dire seulement à quelques années de l’histoire du jeu. Il doit donc y avoir déjà un certain nombre de transformations marquant cette séparation imminente : mais nous ne sommes pas là pour faire dans le détail, nous nous contenterons donc du vieil irlandais tel qu’on le connaît.
Prononciation
Voyelles
Par chance, les voyelles irlandaises sont globalement simples : ⟨a⟩ (/a/), ⟨e⟩ (/e/), ⟨i⟩ (/i/), ⟨o⟩ (/o/) et ⟨u⟩ (/u/). L’allongement est également possible, toujours avec un accent aigu, et il correspond aux mêmes sons, allongés. Enfin, les combinaisons de voyelles produisent à peu près le son théorique (l’adjonction des voyelles).
Consonnes
Pour les consonnes, c’est un petit peu plus compliqué …
Toutes les consonnes (⟨h⟩ exclu) sont prononcées différemment selon la voyelle qui les suit. Elles sont dites fines (slender en anglais) quand elles sont suivies d’un ⟨e⟩ ou d’un ⟨i⟩ ; sont également fines les consonnes terminant un mot, lorsqu’elles sont précédées d’un ⟨i⟩. Dans les autres cas, les consonnes sont larges.
Phonologiquement, les consonnes larges sont normales : ⟨b⟩ correspond à /b/, ⟨d⟩ à /d/, ⟨t⟩ à /t/ etc. ; au contraire, les consonnes fines, elles sont palatalisées. La palatalisation peut-être un peu difficile à appréhender pour les francophones (plus que pour des russophones, par exemple), mais on peut l’expliquer de cette manière : le son /ɲ/ dans « agneau » (/aɲo/) est la version palatalisée de /n/, tout comme il est possible d’obtenir un /t/ presque palatalisé en disant le mot « tiens ». Cela vient à force d’entraînement, mais vous pouvez déjà approximer ce son en rajoutant le son /j/.
Ainsi donc, n’oubliez pas de palataliser vos consonnes dans les cas indiqués ci-dessus : avant un ⟨e⟩ ou un ⟨i⟩ ; à la fin d’un mot après un ⟨i⟩.
Il y a une autre règle de taille. Les lettres ⟨g⟩, ⟨d⟩, ⟨b⟩, ⟨m⟩ sont prononcées de manière normale (/g/, /d/, /b/, /m/) lorsqu’elles sont au début d’un mot ou qu’elles sont géminées (⟨dd⟩ → /d/) : autrement, elles sont respectivement prononcées /ɣ/, /ð/, /v/ et… /ṽ/, son que je n’arrive pas moi-même à prononcer. Cette transformation s’opère également quand on met un ⟨h⟩ après l’une des lettres présentés : ⟨gh⟩ vaut donc /ɣ/, par exemple.
Les consonnes ⟨c⟩, ⟨t⟩ et ⟨p⟩ sont également prononcées de manière normale (/k/, /t/, /p/) lorsqu’elles sont au début d’un mot ou doublées. Autrement, elles sont voisées : respectivement /g/, /d/ et /b/.
La lettre ⟨h⟩ est assez spéciale, et son rôle est amplement simplifié dans cette description. Elle est généralement utilisée en combinaisons pour donner de nouveaux sons (cf. tableau ci-dessous) ; autrement, seule, elle n’est pas prononcée.
Terminons sur les consonnes ⟨r⟩, ⟨l⟩ et ⟨n⟩, prononcées différemment selon le contexte : mais cette différence est ténue, voire irrepérable pour un non-gaélique. Vous en êtes donc quittes .
Exercices
Facile
Dún Eachainn - Abberdeon - Rinnin - Thursa
À la française : « doun éakhain », « abérðyéon », « rinign », « þoursa »
Alphabet Phonétique International : /duːn eaxain/, /aberðjeon/, /rjininj/, /θursa/
/j/ marque la palatalisation ; nj = /ɲ/
Le dernier ⟨n⟩ de « Rinnin » est palatalisé car il se situe à la fin d’un mot, il est précédé d’un ⟨i⟩, et il n’est pas doublé (au contraire de « eachainn »).
Moyen
Loch Gabhair - Brechin - Dún Nechtain
À la française : « lokh gavairy », « brékhign », « doun gnékhtaign »
Alphabet Phonétique International : /lox gavairj/, /brjexjinj/, /duːn njéxtainj/
Difficile
Airchardan - Inber Nise - Rigan - Léicea
Alphabet Phonétique International : /airxarðan/, /invjer njisje/, /rjiɣan/, /ljeigjea/
Ne pas oublier la règle concernant ⟨c⟩, ⟨t⟩ et ⟨p⟩ pour le dernier mot !
Sources et pour aller plus loin
En français, toujours ce bon vieux Wikipédia.
Et aussi un petit hors-sujet qui fait plaisir :
En anglais :
- Vidéo d’un autochtone parlant l’irlandais moderne ;
- http://www.smo.uhi.ac.uk/sengoidelc/donncha/labhairt.html ;
- http://www.gaolnaofa.org/articles/a-beginners-guide-to-old-irish-pronunciation/ ;
- https://en.wikipedia.org/wiki/Old_Irish#Phonology ;
- https://en.wiktionary.org/wiki/Appendix:Old_Irish_pronunciation.
-
Pour les curieux, le dialecte de l’île de Man se différenciera du gaélique écossais vers le XVème siècle. ↩
Le vieux norrois
Le norrois est la langue parlée par bon nombre des factions dans Thrones of Britannia : en effet, le jeu se situe pendant la période d’invasion viking de la Grande-Bretagne, comme le raconte le trailer.
Il vous est possible de jouer les Grandes Armées Vikings, forces d’occupation venues du Danemark.
La première faction est celle de l’Est Anglie, dirigée par le fameux Guðrum : de loin antérieur aux conquêtes vikings, le royaume d’Est Anglie a été pris en 869, par l’épée d’un fils de Ragnar, Ivarr le Désossé. Guthrum a obtenu la souveraineté sur les divers royaumes vikings fondés à cette époque, et les a unifiés sous la coupe de l’Est Anglie : l’ensemble, c’est-à-dire toutes les possessions danoises en Grande Britannique, est appelé Danelaw. Il représente un bon tiers de l’île, comme vous pouvez le voir (en violet) :
Malgré sa puissance, Guthrum sera… pacifié par Alfred de Wessex . Les frontières des deux royaumes seront redessinés et, pour faire bonne mesure, Guthrum sera baptisé.
Il est également possible de jouer Guthfrid (aussi orthographié Guthfrith ou Guthred), à la tête de la Northumbrie. Ce royaume, à nouveau, existait avant les Vikings mais a été conquis par ces derniers, et tout particulièrement par un autre fils de Ragnar, Halfdan. En fait, la Northumbrie avait été coupable du meurtre de son père, et Halfdan avait un certain goût pour la conquête : mais son règne fut de courte durée, puisqu’il mourut un an après son accession réelle au pouvoir. C’est quelques années plus tard que Guthfrid reprit le flambeau.
Sur un tout autre tableau, il est possible de jouer les rois des mers vikings, davantage situés à l’ouest des îles britanniques (dans le pourtour de la Mer d’Irlande) et venant plutôt de Norvège.
Vous pouvez notamment prendre le contrôle du royaume scandinave de Dublin, gouverné par Bardr (Bárid en gaélique − /ba:rjið/, rappelez-vous). C’est le descendant direct d’Ímar, fondateur de la dynastie éponyme (Uí Ímair), dynastie qui règnera durant un siècle sur une bonne part de l’Irlande et de l’Écosse. Le long de cette occupation, les peuples scandinaves et gaéliques se mêleront, formant une population appelée les étrangers-Gaëls.
Les Hébrides, dernière faction jouable du jeu, sont également dominées par un roi de la maison d’Uí Ímair, Eirik. Ce dernier subira, comme Guthrum, son lot de revers militaires, latté en bonne et dûe forme par le Constantin II, dont nous avons parlé plus tôt. Oui, tout est lié.
Présentation de la langue
Le vieux norrois est un ensemble plus ou moins homogène de dialectes parlés en Europe du Nord entre le VIIème et le XVème siècle : la répartition de ces dialectes au sein même de l’île bretonne est loin d’être équilibrée, en raison des différentes origines des envahisseurs vikings (cf. ci-dessous).
Le norrois appartient à la famille germanique des langues indo-européennes : il a donc des caractéristiques communes avec les autres membres de sa famille, comme l’anglo-saxon, au niveau de la phonologie, de l’écriture et de la grammaire. Par exemple, on utilisait initialement les runes pour écrire le vieux norrois – mais c’est une version différente de l’anglo-saxon (vieux futhark, remplacé à l’époque de notre histoire par le futhark récent).
Le vieux norrois disparaît donc, comme on l’a dit, vers le XVème siècle, enfantant les langues que nous connaissons maintenant sous le nom de Norvégien, Islandais, Suédois et Danois.
Mais le vieux norrois survit encore de nos jours, grâce aux nombreux écrits qui nous sont parvenus, comme les Eddas ou les Sagas, récits héroïques et mythologiques. Quelques jeux vidéos récents transmettent cette langue et cet esprit, comme Jotun (ci-dessous) ou les paroles des chants dans le dernier God of War :
Phonologie du vieux norrois
À nouveau, le vieux norrois est bien plus complexe et divers que cela, mais nous tâchons ici de donner uniquement les grandes lignes de prononciation.
Voyelles
Le vieux norrois a un système de voyelles assez simple, organisé par paires de voyelles (l’une courte, l’autre longue). Voyez plutôt :
Voyelle courte | Son correspondant | Voyelle longue | Son correspondant |
---|---|---|---|
⟨a⟩ | /ɑ/, la voyelle dans le mot « pâte » | ⟨á⟩ | /ɑː/ |
- | - | ⟨æ⟩ | /æː/ ou /ɛː/, comme dans « sept » |
⟨e⟩ | /e/, comme dans « mangé » | ⟨é⟩ | /eː/ |
⟨i⟩ | /i/ comme dans « mie » | ⟨í⟩ | /iː/ |
⟨o⟩ | /o/ comme dans « manteau » | ⟨ó⟩ | /oː/ |
⟨u⟩ | /u/ comme dans « boue » | ⟨ú⟩ | /uː/ |
⟨y⟩ | /y/ comme dans « tu » | ⟨ý⟩ | /yː/ |
⟨ø⟩ | /ø/ comme dans « meuh » | ⟨œ⟩ | /øː/ |
⟨ǫ⟩ | /ɒ/, à mi-chemin entre le /ɑ/ et le /a/ | - | - |
Les dipthongues également sont simples, correspondant au son qu’on peut leur deviner.
Notez la présence de ⟨j⟩, semi-voyelle correspondant au son /j/ (dans « aïe »). ⟨v⟩ peut aussi servir de semi-voyelle, prononcé /w/ 1
Consonnes
Là encore, c’est un petit peu compliqué, mais si vous avez survécu au gaélique, vous ne devriez pas avoir trop de mal .
Un peu comme en anglo-saxon, la lettre ⟨f⟩ peut désigner les sons /v/ et /f/, selon le contexte. ⟨f⟩ correspond à /f/ lorsqu’il est au début d’une phrase, ou après une consonne non-voisée (par exemple, ⟨t⟩ ou ⟨d⟩). Autrement, il produit le son /v/.
De son côté, ⟨g⟩ produit le son /g/ uniquement lorsqu’il est au début d’un mot, ou après un ⟨n⟩ ou un autre ⟨g⟩. Après un ⟨i⟩ ou un ⟨j⟩, il produit le son /ʝ/. Dans les autres cas, il correspond au son /ɣ/.
La lettre ⟨k⟩ peut correspondre à 3 sons différents :
Enfin, ⟨p⟩ correspond à un /p/, sauf devant ⟨t⟩ ou ⟨s⟩, où il produit /ɸ/. C’est un son un peu compliqué à produire, mais essayez : prononcez /f/ en mimant un vieillard édenté (c’est-à-dire en rétractant un peu les lèvres à l’intérieur de la bouche).
Nous avons aussi quelques réminiscences d’anglo-saxon, dues à la parenté entre le norrois et cette dernière.
Pour commencer, le ⟨r⟩ est toujours roulé.
Les signes ⟨þ⟩ et ⟨ð⟩ désignent /θ/ et /ð/, mais pas de manière indifférenciée (⟨þ⟩ → /θ/ seulement et inversement).
Autre ressemblance : les consonnes doublées sont simplement allongées.
Pour finir, dernier point commun avec l’anglo-saxon, l’utilisation de ⟨h⟩ pour dé-voiser les consonnes :
À noter que ⟨l⟩ et ⟨n⟩ se dévoisent automatiquement après une consonne sourde (= non-voisée).
Exercices
Facile
Bardr - Guthfrid - Ljot - Ragnar Loðbrók
À la française : « bardr », « gouþfrid », « lyot », « ragnar loðbrok »
Alphabet Phonétique International : /bɑrdr/, /guθfrid/, /ljot/, /rɑgnɑr loðbroːk/
Le ⟨f⟩ de « Guthfrid » est situé après θ, qui n’est pas voisé : il se prononce donc /f/.
Moyen
Sigtryggr - Lopt - Sœkja
Difficile
Sigfrodr - Hverfr - Fǫgnuðr
Alphabet Phonétique International : /siɣvrodr/, /loɸt/, //ʍ/ervr/, /fɒɣnuðr/
Attention à bien prononcer /v/ le ⟨f⟩ de « Sigfordr » ou de « Hverfr ».
Sources
N’hésitez pas à creuser davantage ce sujet s’il vous intéresse : nous avons passé sous silence un certain nombre de subtilités.
Source en français : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vieux_norrois.
Sources en anglais :
- Allez absolument voir cette vidéo sur le contexte historique de la lutte entre Guthrum et Alfred. C’est ludique, frais, bien raconté, et les sous-titres sont disponibles en français : https://youtu.be/_K6P3T0NIjo ;
- https://en.wikipedia.org/wiki/Old_Norse ;
- https://theburlyram.wordpress.com/pronunciation-key-and-terminology/old-norse-pronunciation-key/ ;
- http://www.omniglot.com/writing/oldnorse.htm ;
- https://en.wikibooks.org/wiki/Old_Norse/Grammar/Alphabet_and_Pronunciation .
Notre périple se termine ici : nous aurions pu dire bien d’autres choses (mentionner les accents toniques, comparer d’autres caractéristiques linguistiques), mais l’article est assez dense comme cela .
N’oubliez pas : si la prononciation vous paraît difficile, c’est absolument normal. Personne n’a fait vieux gallois LV1, et ce n’est qu’à force d’entraînement que l’on arrive à produire quelque chose de correct et de beau.
Ce qu’il faut vraiment retenir de cet article :
- La Grande-Bretagne à la fin de IXème siècle est un bazar considérable en terme de royaumes, de peuples et de langues ;
- Les Scots sont d’origine gaélique, tandis que le scot est d’origine anglo-saxone ;
- Les jeux vidéos sont une excellente excuse pour re-découvrir un passé méconnu .
Merci aux Zesteux pour leur soutien pour la bêta-validation, notamment nohar pour ses encouragements .
L’icône de l’article est celle du jeu.
Imprimatur, congruenter cum præsentibus legibus, regulis probitatis ac sententia mentis. Ideo hoc scriptum sollemniter benedico sine exceptionibus, ea gratia quod contribuet prolatione eruditionis ac educatione hominum.
In nomine meo, Quertius, servus servorum, veritatis discipulus perpetuus, episcopus et censor Nauci Docti, societas pro prolatione scientiarum.
Biaonæ, Gallia Aquitania, a.d. III Nonas Maias MMXVIII A.D.