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Ne pas perdre le nord quand on est à l'ouest

Comment s'orientent les animaux ?

En ce qui me concerne, j’ai longtemps eu un sens de l’orientation déplorable : j’ai été capable de me perdre dans les endroits les moins compliqués, voire dans des bâtiments pas si grands que ça. Alors forcément, quand j’entends parler d’animaux qui sont capables de retrouver leur chemin sur des centaines de kilomètres, je suis un peu admiratif.

Finalement, comment font ces animaux pour s’y retrouver, sans GPS pour les guider ? Ont-ils une bonne mémoire, ou, en toute simplicité, des capacités extrasensorielles ? Eh bien… Un peu des deux.

En premier lieu, il est certain que les animaux ont une bonne mémoire des lieux traversés. L’exemple le plus probant est probablement celui de la fourmi du Sahara Cataglyphis fortis, dont il a été prouvé qu’elle mémorisait le nombre de pas qu’il lui fallait faire pour rentrer à la fourmilière1. Par ailleurs, les mammifères, les oiseaux et les abeilles sont pour la plupart capables de s’orienter grâces à des repères visuels. Autrement dit, ils savent mémoriser qu’il faut tourner à gauche après le saule pleureur, etc.

En plus de cela, beaucoup d’animaux mettent à profit un sens de l’odorat très développé. Par exemple, les pigeons voyageurs, une fois privés de leur odorat, ont d’extrêmes difficultés à retrouver le chemin de leur habitat. De même le saumon, qui part des océans pour remonter le cours d’eau qui l’a vu naître, se fie en grande partie à l’odeur de l’eau, afin de retrouver la bonne rivière. Par ailleurs, je ne sais pas si l’on peut encore parler d’odorat, mais les hormones peuvent également jouer un rôle important dans l’orientation. Ainsi, les fourmis suivent à la trace les pistes qu’elles ont aspergées de phéromones.

Une fourmi sur des échasses. Il ne faut pas se moquer, c’est pour la science.

Mais ce n’est pas tout ! Bien des animaux reposent sur des perceptions qui nous sont inaccessibles, nous pauvres humains.

L’exemple le plus connu est celui de l’écholocalisation : certains animaux sont en effet équipés d’un sonar naturel, qui leur permet de repérer des obstacles, ou plus fréquemment, des proies. Peu d’animaux en sont capables, citons bien sûr la chauve-souris, mais aussi certains cétacés (orque, dauphin), ou encore certaines musaraignes. Notons cependant que certains aveugles développent leur propre écholocalisation, ce n’est donc pas quelque chose de complètement inatteignable pour l’Homme.

Passons plutôt au deuxième exemple, celui de la magnétoception : certains animaux sont capables de ressentir le champ magnétique terrestre, et donc disposent d’une boussole naturelle. Le pigeon, par exemple, est notoirement sensible au champ magnétique terrestre, même si l’on ne sait pas trop pourquoi : certains avancent la piste de cristaux de magnétite au-dessus du bec, d’autres le rôle des cryptochromes, ou alors un autre mécanisme encore inconnu… D’autres animaux, comme le saumon, les abeilles, le homard, ou encore certaines bactéries ou les chauve-souris, ne sont pas en reste et se servent de cette faculté à des degrés divers. Par exemple, le mulot ne semble s’en servir qu’en cas d’insuffisance des autres sens ; pour le saumon, toute modification du champ magnétique entraîne un changement de direction ; et une espèce de fourmi coupe-feuille, Atta Colombica, n’y recourt que quand le soleil n’est pas visible.

Le soleil, parlons-en ! Il est un repère très pratique pour les abeilles domestiques (encore elles), les papillons, ou encore les puces de mer qui s’en servent pour regagner l’eau quand elles sont sur la berge. De façon indirecte, le soleil est également la cause de la polarisation2 du ciel bleu via un phénomène physique appelé la diffusion de Rayleigh3, et cette polarisation est elle aussi utilisée par nos amies les bêtes : c’est le cas de l’abeille, encore et toujours, mais aussi des criquets, des fourmis du désert ou encore de la sauterelle. On pense également que les Vikings se servaient de la polarisation du ciel pour garder le cap, grâce aux pierres de soleil.

D’ailleurs, tout comme les vaillants navigateurs, de nombreux animaux sont actifs la nuit, et doivent donc s’orienter malgré la nuit. Et tout comme les vaillants navigateurs, de nombreux animaux nocturnes se servent des étoiles pour se repérer, mais également les oiseaux migrateurs, comme la fauvette et certains passereaux. Dans le même registre, il a également été prouvé que les phoques se repèrent grâce à l’étoile polaire. Autre astre nocturne et pas des moindres, la Lune, ainsi que la lumière polarisée qu’elle émet, sert de guide à de nombreuses espèces, comme le papillon monarque ou la puce de mer.

Mais ce que je trouve le plus beau, c’est le bousier qui l’accomplit. Ce scarabée, bien que capable de se repérer grâce à la lune et à l’étoile du Berger, utilise également… la Voie lactée. Ainsi, quand il pousse sa boule de bouse, le coléoptère gardera un angle constant avec la Voie lactée, afin de filer en ligne droite, et donc s’éloigner au plus vite afin de limiter les risques de se faire chaparder sa boule par d’autres bousiers.

Ainsi l’infiniment petit, éphémère et coprophage, rejoint la noblesse éternelle de l’infiniment grand, et je ne peux pas m’empêcher d’y trouver une certaine poésie.

En tout cas, c’est toujours plus poétique que la voix de mon GPS.


  1. Pour prouver ce fait, les chercheurs ont collé des échasses à des fourmis, et ont raccourci les pattes d’autres fourmis. Les fourmis sur échasses, ayant une amplitude de pas plus élevée, parcouraient systématiquement une distance trop élevée ; les fourmis "raccourcies" une distance trop courte. Cette trouvaille a valu à ses découvreurs un prix IgNobel

  2. Pour faire bref, la polarisation de la lumière décrit la manière dont sont orientées les ondes lumineuses. L’œil humain n’est pas capable de détecter la polarisation de la lumière, mais on s’en sert notamment pour fabriquer les écrans LCD, dans certaines lunettes de soleil, dans les lunettes de cinéma 3D ou encore pour faire de jolies photos du ciel bleu sans retouche numérique. 

  3. La diffusion de Rayleigh est également la cause de la couleur bleue du ciel, ainsi que des teintes rouges lors du lever et du coucher de soleil. C’est un phénomène très intéressant, peut-être fera-il l’occasion d’un prochain zeste de culture ? 



Anecdote bonus

L’ornithorynque fait partie des animaux dotés d’électrolocalisation : si elle ne leur permet pas de s’orienter, elle leur permet cependant de localiser des proies directement grâce au champ électrique qu’elles émettent. Source

Sources, liens pour en savoir plus

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