Ce billet sera un jour remanié pour devenir un tuto : vos indications d’améliorations sont donc les bienvenues − surtout de votre part, camarades calligraphes.
Je ne vais pas m’étendre plus que ça sur l’introduction : il suffit simplement de savoir que ToxicScorpius ayant été très intéressé ces derniers temps par la calligraphie, j’ai voulu mettre en forme les quelques notions que j’estime avoir en calligraphie pour l’aider à apprendre.
Les pré-requis de ce billet sont :
- Un porte-plume droit
- Une plume biseautée1 (en conclusion sera abordée la façon d’étendre la méthode apprise aux plumes pointues)
- De l’encre, bien entendu
- Un minimum de patience et de motivation
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C’est-à-dire avec un bout large et non pas pointu, comme sur la première illustration ci-dessous ↩
Généralités
La plume
Il est nécessaire, avant même de commencer à tremper la plume dans l’encrier, de connaître quelques caractéristiques de ladite plume (liste non-exhaustive, bien sûr).
La première chose à savoir est que, en règle générale, on tient le porte-plume de sorte à faire un angle de 30-45°, comme ci-dessous :
La conséquence, c’est que, lorsque l’on trace dans l’axe de la plume (celui incliné de 30-45°), on obtient un trait extrêmement fin, alors que, lorsqu’on trace un trait à la verticale, il est au contraire très épais. Un trait fin s’appelle un délié ; un trait épais un plein : l’objet de la calligraphie est justement de jouer entre pleins et déliés, comme nous le verrons dans la partie suivante.
Autre conseil par rapport à la plume : il ne faut pas appuyer beaucoup, voire pas du tout. En effet, l’effet des pointes biseautées reste le même que l’on appuie beaucoup ou non 1, à la différence de la plume pointue où la largeur du trait est déterminée par la force appliquée sur la plume.
Enfin, les plumes biseautés ont généralement un réservoir assez important, mais il est nécessaire de les recharger régulièrement, en plongeant la pointe dans l’encrier. Cependant, faites attention, il est fréquent que l’on mette trop d’encre d’un coup, ce qui produit un gros pâté à l’esthétique douteuse : tâchez donc d’être très mesurés.
L’encre
Les encres varient entre elles non seulement par leur couleur, mais aussi (et surtout pour un calligraphe) par leur viscosité.
Si une encre est très liquide, par exemple, elle va avoir tendance à couler hors de la plume en excès : vous aurez alors trop d’encre sur un même endroit. Si le support est de qualité moyenne (par ex. feuilles de papier lambda), l’encre risque de diffuser dans le papier et crée des sortes de dendrites elles aussi peu esthétiques. Le remède, contre les encres trop diluées, et la gomme arabique.
Si une encre est trop visqueuse, elle va avoir tendance à ne pas couler assez de votre plume. Cependant, elle ne se diffuse pas sur le papier de qualité normale, ce qui assure un rendu plutôt esthétique sans trop de moyen. En cas de trop grande viscosité, la dilution est de mise, quitte à perdre un peu d’intensité chromatique.
Autre point, sur lequel il me faut assister : l’encre n’est pas morte. Tant qu’elle n’est pas sèche, elle est très modelable.
Cela implique donc qu’il peut être assez facile de corriger, quand l’encre est encore fraîche, une faute ou une erreur (avec un grattoir, je crois), ou qu’il est possible de remodeler la lettre, etc.
Le revers de la médaille, c’est que pour pouvoir manipuler sans crainte une feuille déjà calligraphiée (pour rajouter autre chose), il faut être très adroit ou attendre que l’encre ait séché (les stratégies type sèche-cheveux pour augmenter la rapidité de séchage ne font justement qu’étaler l’encre et gâcher le travail). Allez donc faire un tour dehors si vous devez attendre, c’est sans doute le plus préférable.
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Ça me fait penser aux clavecins qui, du fait de leurs cordes pincées, ne peuvent pas avoir de différence de nuance. Appuyer très fort ou pas ne changera rien en terme de volume de sonore, contrairement à un piano qui, comme le dit son nom d’origine, peut jouer piano ou forte. Mais je m’égare. ↩
Déconstruisons les lettres
Passons à la pratique pure.
Les lignes
La première tâche que vous devez faire, c’est de tracer les lignes qui serviront de support à vos lettres, comme ceci :
- La ligne du haut sert de limite supérieure aux lettres hautes, comme "f", "t", "l", etc.
- La deuxième celle de limite supérieure aux lettres basses ("a", "e", "m", "o", etc.)
- La troisième est la limite inférieure de la quasi totalité des lettres : c’est là-dessus que reposent les "d", "o", "r", etc.
- Il s’agit, vous l’avez compris, de la limite inférieure des lettres basses (comme les "g", "p", "q").
Quid de l’espacement entre lignes ? Cela dépend de la taille de vos lettres, elle même déterminée par la largeur de votre plume. En l’occurrence, j’ai mis un espace de 8 mm entre chaque ligne, pour une plume de 3 mm : je suppose que l’on peut appliquer une proportionnalité, produisant la formule suivante :
$Espacement_{lignes}=Largeur_{plume}* \dfrac{8}3$
Ce n’est, bien évidemment, que purement indicatif, car selon la police utilisée et les fantaisies du calligraphie, la proportionnalité peut changer, où l’espace entre les différentes lignes ne pas être égaux (pour laisse plus de place pour les lettres hautes, par exemple, etc.).
Base i
Maintenant que nous avons fait cela, nous allons enfin pouvoir commencer :3 . Tracez ce caractère, entre la 2ème et la 3ème ligne (telles que numérotées dans la liste ci-dessus, i.e. en partant du haut) :
Quoi ? C’est tout ?
Oui, pour le moment, c’est tout : répétez simplement l’action pendant 10x, voire plus, si vous avez des problèmes de tracé/d’encre/etc. Voici les étapes pour tracer ladite forme, décomposée en trois mouvement de plume :
C’est bon ? Vous êtes à l’aise avec ce signe ? Parfait : vous savez déjà écrire un certain nombre de lettre de l’alphabet latin, notamment "m","u", "n" et "i".
En effet, le "n" se forme avec de traits de ce type, côte à côte, reliés par le trait délié du haut. Le "m" consiste juste à rajouter une autre base i, en l’accolant de la même manière, par le trait délié du haut.
Le "u" consiste en l’adjonction de deux bases i, collées par le délié du bas.
Ce n’est pas clair ? Je comprends. Tracez donc cela :
Il s’agit du mot "minimum" (sans les points sur les i), uniquement constitué de bases i. Identifiez les lettres et faites l’aller-retour avec la description que je viens de faire : normalement, vous devriez comprendre.
Tracez donc ce mot, puis rajoutez les points sur les i, avec un mouvement courbe de la plume vers la droite, de sorte à obtenir ceci :
Si ce n’est pas bon ou pas satisfaisant à vos yeux, reprenez les étapes une par une, car ce n’est qu’avec de la persévérance que vous y arriverez.
Base l
La base l n’est pas si différente de celle que l’on vient de voir, puisqu’il ne s’agit que de refaire la même chose en partant de la ligne supérieure, pour tracer une lettre de ce type :
Vous comprenez pourquoi je ne vais donc pas détailler les étapes de tracé.
Combinant vos connaissances sur les bases i et l, vous êtes normalement à même d’écrire le mot "lin" :
Base c
Il s’agit maintenant de tracer, toujours entre la 2ème et la 3ème ligne, la derinère base à apprendre :
Les étapes sont les suivantes : tracer un trait délié, puis partir en bas à droite avant de remonter en haut à droite, comme suit.
J’ai oublié de faire un exercice pour cette base . Tâchez simplement de répéter l’opération jusqu’à ce que vous vous sentiez vraiment à l’aise.
Le reste
Maintenant que vous avez appris ces trois bases et que vous les maîtrisez, vous êtes quasiment à même d’écrire tout l’alphabet en calligraphie. En effet, ce dernier est décomposable en ces bases et en quelques autres traits élémentaires, comme j’ai tenté de le faire sur cette feuille (avec plus ou moins de succès, les couleurs ne sont pas toujours apparentes) :
Je vous enjoins donc, pour finir cette initiation, à écrire tout l’alphabet, peu à peu, et de recommencer les lettres que vous jugez disgracieuses pour obtenir de meilleurs résultats.
Voilà, c’est à peu près tout ce qu’il y a besoin de savoir pour commencer la calligraphie, à mon humble avis.
Pour les autres alphabets, les caractères sont effectivement différents : mais les techniques de pleins et de déliés sont toujours valables. Votre expérience pourra donc se révéler utile pour d’autres langues. /me pense très fort au tengwar.
Pour les plumes pointues, comme je l’ai dit, on peut jongler entre pleins et déliés en appuyant plus ou moins : ce n’est donc pas si différents, sauf peut-être au niveau de la souplesse du rendu (moins rigide avec les plumes pointues).
Mais, quoiqu’il en soit, ce tuto-billet n’a pour but que de vous lancer, n’hésitez pas à prendre des libertés, car c’est comme cela que vous apprendrez : cherchez juste un rendu esthétique.
Icône du billet trouvée sur Wikimédia, dessinée par Morburre, CC-BY-SA.