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Élections présidentielles étasunienne 2020 : explications

Découvrez pourquoi Michael Jackson a une forte probabilité de remporter la course à la présidentielle étasunienne 2020

Bonjour tout le monde, bienvenue sur ce nouveau billet politique étasunienne destiné à vous parler des élections présidentielles, en s’intéressant plus particulièrement aux problématiques qui sont celles des élections 2020.

On y traitera notamment d’une question importante que vous avez dû vous poser à un moment ou à un autre : pourquoi les prévisions en 2016 ont-elles été à ce point à côté de la plaque ?

N’hésitez pas à consulter mon dernier article d'Introduction au système politique étasunien, qui donne des notions également importantes pour comprendre ce qui s’y passe. Prêt ? C’est parti !

Fonctionnement du collège électoral

L’élection du président des États-Unis a recours à un système de collège électoral, un système de suffrage universel indirect : les citoyens ne votent pas directement pour le président, mais d’abord pour des grands électeurs qui voteront ensuite pour élire le président.

Ce système a été mis en place d’abord pour des raisons historiques : les représentants présents à la Convention de Philadelphie de 1787 considéraient la majorité de leurs concitoyens comme inapte à décider du président, notamment par manque d’informations. En leur faisant élire des représentants de leur état qui eux voteraient pour le président, on éliminait ce problème. Si ce système existe toujours, c’est avant tout car il est difficile à changer : le parti au pouvoir en bénéficie généralement, et le parti minoritaire n’a pas les voix pour le changer.

Ce système signifie notamment qu’un candidat peut remporter moins de voix que son adversaire et gagner tout de même l’élection présidentielle, comme ce fût le cas plusieurs fois, l’élection 2016 de Donald Trump en étant la dernière occurrence. Une autre particularité du système : puisque l’on élit des représentants qui voteront pour le candidat qu’ils représentent, on a quand même une probabilité pour que ces personnes ne soient pas fiables et vote pour un autre candidat. C’est rare et cela peut conduire à certaines sanctions selon les états, mais cela arrive : le record depuis plus de cent ans étant détenu par l’élection 2016 avec 7 votes qui ne sont pas allés là où ils auraient dû (et plusieurs autres n’ont pas été comptabilisés). Ils vont généralement à un non-candidat qui n’a aucune chance de gagner (on a eu en 2016 un vote pour Bernie Sanders, qui avait perdu la primaire démocrate).

Aujourd’hui, dans 48 des 50 états (le Maine et le Nebraska étant les exceptions), les voix des grands électeurs d’un état vont tous au même candidat. Par exemple, si un candidat gagne 51% des voix en Californie, l’intégralité des votes des grands électeurs de cet état voteront pour ce candidat. C’est notamment pour garder une concentration des votes pour les deux parties politiques, et éviter qu’aucun candidat n’atteigne les fameux 270 votes des grands électeurs nécessaires pour atteindre la majorité. Car dans un tel cas, c’est à la chambre des représentants de décider du prochain président.

Le calendrier de l'élection présidentielle

Les choses ont commencé tôt : dès février 2017, Donald Trump annonçait être candidat à sa réélection. S’ensuivent alors de nombreuses candidatures.

Les primaires ont ensuite eu lieu, entre février et juillet. Retrouvez ici mon billet sur le fonctionnement des primaires démocrates, qui ont donné lieu à la nomination de Joe Biden chez les Démocrates et Donald Trump chez les Républicains. On ne parlera pas des indépendants type Kanye West ou des verts, qui n’ont aucun poids dans les discussions, n’ont pas leur nom présent sur les bulletins de tous les bureaux de vote et ne répondent que rarement aux exigences pour participer aux débats.

Plusieurs débats ont lieu avant chaque élection présidentielle.

  • 29 septembre : Premier débat présidentiel
  • 8 octobre : Débat avec les candidats à la vice-présidence
  • 9 octobre : 2ᵉ débat annulé
  • 22 octobre : 3ᵉ débat
  • 3 novembre : Élections
  • 14 décembre : Vote des grands électeurs dans la capitale de leurs états respectifs
  • 6 janvier 2021 : décompte officiel des votes du collège électoral
  • 20 janvier 2021 : inauguration du nouveau président et du nouveau vice-président

Aura-t-on les résultats le soir même ?

Difficile à savoir : certains états autorisent certains votes qui arrivent par courrier après le jour J, et il y a un nombre de votes par courrier extrêmement conséquent, particulièrement cette année. Sans parler du fait qu’il est possible que certains états choisissent de recompter, ou de ne pas annoncer de gagnant tant que des enquêtes sur des irrégularités n’ont pas été effectuées. Dans ces cas là, il suffirait donc que l’élection soit serrée (pas forcément énormement non plus) pour que nous n’ayons pas les résultats le jour même.

Les difficultés particulières des élections

Les États-Unis d’Amérique font face à une série importante de difficultés lors des élections. Faisons un tour des plus importantes

Le gerrymandering

Le fameux art de choisir ses électeurs plutôt que de se faire choisir par eux. Tous les dix ans après le census, les districts électoraux de chaque état sont redécoupés par la gouvernance de chaque état. L’idée est de faire ce découpage pour favoriser un camp.

Par exemple, si on a 10 citoyens qui votent pour le parti A et 10 pour le parti B et que l’on doit faire 4 districts en voulant favoriser le parti A, on regarde leur répartition géographique et on fait en sorte qu’il y ait ces répartitions dans les quatre districts:

  • 4 pro-B 1 pro-A : parti B gagne
  • 2 pro-B 3 pro-A : parti A gagne
  • 2 pro-B 3 pro-A : parti A gagne
  • 2 pro-B 3 pro-A : partie A gagne
  • Et voilà ! Nous venons ensemble de faire gagner 3 districts au parti A et un seul au parti B en partant d’une situation 50/50!

Un autre diagramme si vous avez encore du mal avec l’idée

By M.boli - Own work. Derived from an image by Steven nAss, CC BY-SA 4.0
By M.boli - Own work. Derived from an image by Steven nAss, CC BY-SA 4.0

Comme nous l’avons vu, ce n’est pas un problème qui se pose beaucoup pour les élections présidentielles pour le moment, puisque la quasi-totalité des états donnent tous leurs votes du collège électoral au candidat qui gagne le vote populaire. C’est surtout un vrai problème pour les élections législatives de la Chambre des Représentants qui fonctionnent par district ou pour d’autres élections au niveau de l’état. Comme vous le savez, car vous avez tous lu mon autre article, il y a des élections législatives en même temps que les présidentielles, qui ont un impact fort aussi.

Surtout, car comme évoqué précédemment, deux états, le Maine et le Nebraska, ne donnent pas tous leurs votes électoraux au même candidat. Il est donc techniquement possible de faire du gerrymandering, même si ces états n’ont que peu de votes au collège électoral.

Les états étant les garants des élections et non le gouvernement fédéral, la cour suprême des États-Unis d’Amérique a récemment refusé de statuer sur des cas flagrants de gerrymandering (qui, bien que pratiqué par les deux partis, bénéficient généralement au parti des Républicains). Elle a cependant statué que les cours étatiques pouvaient, elles, se prononcer sur ce genre de cas.

Deux conséquences à cette décision :

  • Certaines cours étatiques ont pu mettre une halte à ces pratiques et obliger les branches exécutives étatiques à redessiner de manière plus fair-play les districts. La pratique étant tellement répandue, le problème général n’est pas résolu
  • Si certains états décidaient d’arrêter d’allouer à un seul candidat les votes du collège électoral en fonction du vote populaire, comme ne le font donc pas le Maine et le Nebraska, la Cour Suprême des États-Unis ne pourrait pas interférer en cas de gerrymandering. Plus d’infos ici

Voter Suppression : empêcher les gens de voter

Empêcher les gens de voter ? Oui vous m’avez bien lu, et les premières cibles sont bien souvent les minorités.

Le comité fédéral bipartisan chargé des droits civiques (USCCR) tire régulièrement la sonnette d’alarme sur les techniques employées pour arriver à ces fins :

  • Obligation d’avoir une pièce d’identification délivrée par le gouvernement, qui peut coûter cher. Et la moindre petite info erronée dessus, impossible de voter
  • Fermeture des bureaux de votes : et bien sûr, les fermer à des endroits stratégiques
  • L’obligation d’être inscrit sur les listes électorales. Vous me direz, même soucis en France. Avec un ajout sympa : si vous n’allez pas voter assez souvent, on vous envoie un courrier postal, si vous ne répondez pas, on vous enlève de la liste électorale. Vous ne faites ça que pour les gens dans des zones qui votent contre vous, et vous avez des chances de faire une bonne opération. Les minorités, premières touchées par ce genre de techniques à vomir.
  • Limiter ou interdire le vote avant l’élection ou par courrier
  • Rendre difficile d’accès les centres de vote; aussi bien géographiquement qu’en ne mettant que des locuteurs anglophones dans des zones où l’anglais n’est que peu parlé, qu’en restreignant les heures d’ouvertures et bureaux de votes

Vote par courrier

Le vote par courrier permet de voter à l’avance, de déposer son bulletin dans une urne spéciale qui est dépouillée le jour J. Jusque-là, tout va bien. Mais dès le soupçon de fraude, toute l’urne peut être nullifiée. Un autre outil de voter suppression. Le problème numéro 1 n’est pas la fraude, dont les études ont montrées qu’elle n’était pas à un niveau alarmant, mais sur la narration du président des États-Unis d’Amérique Donald Trump qui maintient que c’est une source énorme de fraude et que cela truque l’élection.

Pour quelqu’un qui a minifié un maximum la crise du Covid devant ses supporters, il sait que plus de démocrates que de républicains voteront par courrier, et toutes les excuses sont bonnes pour favoriser la suppression de votes, et avoir prévu quelque chose sur quoi taper en cas de défaite.

Et les sondages dans tout ça ?

Ce n’est une grande nouvelle pour personne : jusqu’au dernier moment, tout le monde prévoyait une victoire de Hillary Clinton face à Donald Trump en 2016, et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce ne fut pas le cas. Pourtant pendant des mois, des instituts de sondages ont travaillé méticuleusement pour essayer de dégager un favori lors de cette élection. Alors pourquoi, pourquoi une erreur aussi flagrante (Donald Trump a remporté 306 voix, la majorité est à 270) ?

Trois éléments de réponse sont particulièrement intéressants à prendre en compte.

Tout d’abord, nous avons vu le fonctionnement du collège électoral, et le fait qu’il était possible de remporter la présidentielle sans avoir le plus de voix. Lors de l’élection de 2016, comme souvent, on a beaucoup mis en avant les sondages nationaux; et ces derniers, en dehors des pourcentages, ont visé juste : au niveau national, Hillary Clinton a remporté 3 millions de voix de plus que Donald Trump.

Mais ce sont dans les Swing States que tout se joue. Qui dit plusieurs swing states dit beaucoup de configurations possibles, certains pencheront d’un côté et d’autres de l’autre. Mettre en avant les sondages d’un Swing State en particulier à la place des sondages nationaux ne fait donc pas sens : c’est pour cela que les sondages au niveau national gardent une certaine pertinence, au risque de se retrouver dans une configuration type 2016 où les sondages au niveau national se trompent à cause de leur nature.

Il est fréquent de tout de même mettre en avant certains Swing States ayant beaucoup de poids comme la Floride (29 votes), ou se considérant comme une bonne représentation de la mixité présente aux États-Unis. Si l’on regarde les prévisions des Swing States pendant la campagne de 2016, on se rend compte que le futur n’était pas aussi joué d’avance que ce que les télévisions semblaient démontrer.

En dehors du fonctionnement du collège électoral qui par nature rend difficile de prévoir le résultat d’une élection, celle de 2016 fut marquée par une particularité intéressante : la majorité des électeurs qui se sont décidés sur un candidat au dernier moment ont finalement voté pour Donald Trump. Difficile à prévoir.

Une dernière chose importante à évoquer est le taux de participation. En annonçant haut et clair le gagnant de l’élection avant qu’elle se produise, comme en 2016, on donne moins de sens au fait d’aller voter pour son candidat si c’est lui le favori. La base de Donald Trump voulait tout chambouler et a donc, elle, eu un très fort taux de participation au scrutin.

Donc les prévisions pour 2020 sont plus fiables ?

L’avenir nous le dira. Sur les critères que l’on vient d’analyser :

  • Le collège électoral fonctionne toujours de la même manière. Joe Biden fait légèrement mieux qu’Hillary Clinton dans les Swing States dans les sondages au même moment, mais ce n’est pas aussi concluant qu’au niveau national
  • Les électeurs de 2020 qui ne sont pas encore décidés seront-ils de nouveau au rendez-vous pour Trump ? Le consensus est qu’il y en a moins qu’en 2020 : les opinions se sont crystallisées sur deux hommes connus depuis longtemps du grand public. Les qualités que Donald Trump n’a pas, il ne les a vraiment pas : ceux qui ont à coeur ces qualités ne feront pas partie de ceux qui hésitent. Il a donc cette dynamique qui devrait continuer à jouer en sa faveur mais être moins forte
  • Quant à la participation, la dynamique devrait largement jouer en la faveur de Joe Biden : les démocrates qui ne sont pas allés voter en 2016 pensant être garanti de gagner devraient avoir appris quelque chose

Le jour J approche à grands pas et le suspense devrait toucher à sa fin. Ou pas ?

J’espère que ce billet vous a plu ! Merci à @Melcore pour ses relectures. N’hésitez pas à me suivre sur Twitter @EtoileNath pour être tenu informé de mes dernières publications.

2 commentaires

Très intéressant et bien documenté.
J’ai compris que les lois électorales étaient au niveau des états et non pas au niveau fédéral.
Je voudrais savoir si le secret du vote est un principe applicable ?
On me dit que chacun pourrait vérifier comment son vote a été pris en compte, il suffirait de rentrer son nom, son prénom et sa date de naissance pour avoir l’information.
Si c’est vrai, on peut savoir qui a voté.

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