J’ai récemment acquis un téléobjectif 100–400 mm – qui donne donc un équivalent 150–600 mm sur un boitier au capteur au format APS-C comme le mien.
Et je me suis dit, comme j’avais déjà essayé de le faire sans grande réussite : « Et si j’essayais de photographier la Lune avec ? »
Une idée : un enchainement de problèmes techniques !
Étape 1 : la télécommande
Le problème de ce genre de focale, c’est que le moindre petit tremblement va être massivement amplifié. Théoriquement la Lune est un objet assez lumineux pour être pris en photo à main levée (surtout avec la réduction des vibrations), mais ça ne m’arrangeait pas à pour mes tests.
Or, mon trépied est bien mais un peu léger pour ce genre d’usage : soit je ne l’utilise pas au plus haut et il est trop bas pour moi, soit rien qu’appuyer sur le déclencheur rends les images floues… et les télécommandes officielles Nikon sont hors de prix – si on en trouve encore.
Nikon propose bien une application, mais c’est une telle blague que je ne m’étendrai pas dessus, ce serait trop grossier.
Heureusement, les constructeurs chinois proposent des télécommandes radio avec intervallomètre et tout ce dont on peut rêver pour quelques dizaines d’euros, frais de port compris.
Étape 2 : l’ouverture
La Lune est un astre très sombre… mais il nous renvoie la lumière du Soleil, qui lui est très brillant – en conséquence de quoi, la Lune nous apparaît très brillante. Beaucoup plus que ce qu’on pourrait croire en première approche, ce qui va nous aider : on va pouvoir utiliser une faible sensibilité et de petites ouvertures si nécessaire.
L’objet étant à l’infini, on se fiche complètement de la profondeur de champ. Tous les objectifs photo ont une plage d’ouvertures où ils offrent la meilleure image. Celle de mon objectif, à zoom maximal, est assez bien connue et documentée, c’est entre f/9 et f/13.
Sauf que. J’ai un capteur APS-C, donc petit. Et donc même avec « seulement » 24 Mpixels, ceux-ci sont petits : même pas 4 μm de côté. Or, un autre phénomène va venir dégrader notre image : la diffraction. Un calcul nous dit que celle-ci devrait commencer à partir de f/9, ce que confirment des essais (même si elle est quasi négligeable jusqu’à f/13)1.
Donc, l’idéal semble être de fermer le diaphragme à f/9 dans ce cas particulier.
Étape 3 : la vitesse et la sensibilité
Vous savez ce qui d’autre peut dégrader votre image à ces niveaux de grossissement ? Deux choses :
- La turbulence atmosphérique sur les détails fins. Il fait encore plus de 20°C, je prends une photo au-dessus de la ville qui a été en plein soleil une bonne partie de la journée, et la Lune n’est pas très haute sur l’horizon, donc ça suffit à être perceptible.
- La vitesse de déplacement de la Lune dans le cadre qui interdit toute pose un peu longue.
Là j’y vais en mode bourrin : je fixe l’ouverture à f/9, la vitesse et les ISO pour avoir une exposition correcte, c’est-à-dire : la Lune la plus lumineuse possible sans griller les couleurs. Ne vous fiez pas aux automatismes de l’appareil, ils sont perdus. Je commence à 100 ISO (le minimum sur ce boitier) et je modifie les réglages (augmentation de la vitesse et de la sensibilité) pour trouver l’optimum.
J’ai eu un peu de chance parce que j’ai une image à 1/200 s qui est nickel, mais elles ne sont toutes propres qu’à partir de 1/400 s… je pense que l’idéal c’est de rester vers les 1/200 s et de prendre une série d’images pour sélectionner la plus propre. Ici pas d’empilement nécessaire, les sensibilités sont assez hautes pour qu’il n’y ait aucun bruit.
En comparant avec cet essai, je me rends compte que mes réglages « au pif » étaient proches de ce que j’ai obtenu de manière plus systématique.
D’autre part, une inspection du fichier RAW me montre que j’ai été un peu conservateur sur l’exposition, j’aurais pu monter de 2/3 IL sans griller l’image. Surtout que la Lune était déjà assez haute pour ne plus changer significativement de luminosité (contrairement à quand elle est proche de l’horizon, par exemple). La mesure automatique en mode « spot » n’était pas si délirante que ça en fait.
Étape 4 : le traitement
Une première remarque, c’est que même avec un zoom pareil (et pas si courante que ça), la Lune est un objet petit : mon capteur fait 6000 x 4000 pixels, mais la Lune occupe un peu moins de 1000 x 1000 pixels. Ne vous attendez donc pas à des vues dignes d’un télescope !
La seconde remarque, c’est que pour ce genre d’images, il faut oublier tous les réflexes de traitements « normaux », qui ne sont pas conçus pour traiter un rond très lumineux dans un fond tout noir.
Le résultat
Ah oui, généralement on évite de photographier la pleine Lune et on préfère les quartiers, pour éviter ce genre de résultat : une image sans relief… (et encore, j’ai poussé le contraste). La pleine Lune a le bon gout de se présenter devant ma fenêtre à des horaires corrects, c’est pratique pour les tests. Si j’ai le courage dans deux semaines, je vous ferai un quartier, maintenant que je connais les bons réglages
- Cet objectif permet de fermer le diaphragme à f/45 à zoom maximal… j’ai essayé, ça donne un flou intéressant, mais sans doute rien d’utilisable en pratique.↩