Pour se demander si cette clause des CGU est applicable, il faut se demander deux choses : ces CGU sont-elles contractualisantes, et cette clause est-elle valable dans le cas présent.
Les CGU sont, par essence, des contrats régis par le droit des contrats. Celui-ci a été réformé en 2016, mais existe toujours dans le Code civil. Voici quelques choses dites dans le Code civil de 2016 :
« Art. 1102.-Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi.
« La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public.
« Art. 1109.-Le contrat est consensuel lorsqu’il se forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression.
« Le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.
« Le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d’une chose.
« Art. 1172.-Les contrats sont par principe consensuels.
« Art. 1199.-Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties.
« Les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter, sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du chapitre III du titre IV.
« Art. 1128.-Sont nécessaires à la validité d’un contrat :
« 1° Le consentement des parties ;
« 2° Leur capacité de contracter ;
« 3° Un contenu licite et certain.
La question qui se pose est donc : naviguer sur le site web, sans signifier d’acceptation par l’interaction avec un formulaire constitue-t-il un échange de consentements ? Quand bien même l’utilisateur naviguerait en bas de la page et se rendrait compte qu’il y a une page CGU, ce qui n’est généralement pas le cas ? Pour l’instant, la jurisprudence dit que non.
La seconde question est le cadre d’application de la clause. En principe, un podcast est régi par le droit d’auteur (la loi le considère, dans sa terminologie, comme une œuvre de l’esprit). À mon avis, si l’objectif de l’auteur est de « mettre ça en mp3 dans l’autoradio », cela rentre dans le cadre de l’exception de copie privée au droit d’auteur que j’ai cité plus haut, qui stipule, dans ses deux premiers alinéas :
« Art. L122–5. - Lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire :
« 1° Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille ;
2° Les copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l’exception des copies des oeuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’oeuvre originale a été créée et des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l’article L. 122–6-1 ainsi que des copies ou des reproductions d’une base de données électronique ;
Si cet usage est « privé » ou « dans le cercle de la famille », alors les conditions sont vraisemblablement remplies, et la loi nous explique donc que l’interdiction formulée par les CGU ne peut nous empêcher de télécharger le podcast. Néanmoins, je pense qu’au vu de sa formulation, le point concerné des CGU ne visait même pas la couverture du droit d’auteur « classique », mais plutôt d’un cas particulier de propriété intellectuelle qu’on appelle le droit des bases de données.
Celui-ci est apparu en 1998 suite à la transposition d’une directive européenne, et est défini entre autres par l'article L112–3 du Code de la propriété intellectuelle. Il est stipulé que :
« Art. L. 112–1. - Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
« Art. L. 112–3. - Les auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des oeuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’oeuvre originale. Il en est de même des auteurs d’anthologies ou de recueils d’oeuvres ou de données diverses, tels que les bases de données, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles.
« On entend par base de données un recueil d’oeuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen. »
« Art. L. 341–1. - Le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel.
« Cette protection est indépendante et s’exerce sans préjudice de celles résultant du droit d’auteur ou d’un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs.
« Art. L. 342–1. - Le producteur de bases de données a le droit d’interdire :
« 1o L’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ;
« 2o La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme.
« Art. L. 342–2. - Le producteur peut également interdire l'extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de la base lorsque ces opérations excèdent manifestement les conditions d’utilisation normale de la base de données.
« Art. L. 342–3. - Lorsqu’une base de données est mise à la disposition du public par le titulaire des droits, celui-ci ne peut interdire :
« 1o L’extraction ou la réutilisation d’une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, par la personne qui y a licitement accès ;
« 2o L’extraction à des fins privées d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données non électronique sous réserve du respect des droits d’auteur ou des droits voisins sur les oeuvres ou éléments incorporés dans la base.
« Toute clause contraire au 1o ci-dessus est nulle.
Si l’auteur décidait de scraper tous les podcasts du site, il n’en aurait donc pas le droit. Par contre, si on considère que les podcasts qu’il souhaite partager ne constituent qu’une « partie non substantielle » de la base de podcasts du site, il est protégé par le 1° de l’article L342–3 cité ci-dessus et ça ne lui est de toutes façons pas interdit par le 1° de l’article L342–1 (les deux articles s’excluent mutuellement).
Par contre, s’il veut tout télécharger à des fins uniquement privées, l’exception du 2° de l’article L342–3 ne s’applique vraisemblablement pas, puisqu’il concerne les bases de données « non électroniques ». Ça me rappelle une start-up qui avait décidé d’aller recopier manuellement en préfecture tous les registres papiers recensant les taux de réussite des auto-écoles (apparemment c’était Vroom Vroom), mais ça c’était peut-être juste parce qu’ils n’étaient pas dématérialisés
Cordialement,