Bonjour à tous,
Cela fait 7 mois que j’ai commencé mon doctorat (en France), mais je me retrouve aujourd’hui démotivé et n’ai pas très envie de continuer. Je me tourne vers vous pour récolter quelques avis éclairés sur ma situation, voire des retours d’expériences similaires .
Motivations initiales
J’ai initialement choisi de faire ce doctorat après avoir travaillé 1 an en tant qu’ingénieur, dans le but de compléter ma formation initiale (assez généraliste) à des applications pratiques raccord avec mes convictions (ici apporter une dimension "environnementale"), puis devenir ingénieur R&D. Le doctorat que j’ai choisi correspond sur le papier au cahier des charges que je m’étais fixé. De plus, mes encadrants sont des pointes de leurs domaines, les discussions que j’ai pu avoir avec mon directeur de thèse avant de commencer ont été rares mais ne m’ont pas du tout fait fuir, et il s’agit d’une thèse CIFRE, donc intéressante pour basculer en tant qu’ingénieur R&D par la suite.
Déroulement des premiers mois
Si je fais un bilan de l’avancement de ces premiers mois de thèse, cela s’est plutôt bien passé : j’ai acquis de nouvelles compétences (2 mois d’apprentissage de nouvelles techniques prévus initialement avec mes encadrants), j’ai pu avancer sur la biblio de mon sujet, j’ai assez bien avancé sur le plan théorique et j’ai identifié les points durs auquels je serai confronté, j’ai pu faire quelques expériences et j’ai des débuts de résultats.
J’entretiens une bonne relation avec mes encadrants (au nombre de 4 !) qui semblent apprécier mon travail, et sont plutôt arrangeant en pratique. Avec mon directeur de thèse, malgré quelques difficultés à se comprendre parfois, on a des discussions intéressantes qui font avancer les choses.
Bref, sur le papier, aucun problèmes à l’horizon.
Désillusion et prises de tête
Tout paraît parfait sur le papier, mais en réalité, je ne vis pas très bien ma thèse : je ne me sens pas toujours à ma place (le fameux syndrôme de l’imposteur), j’ai parfois le sentiment de régresser, mais surtout la thèse est une telle charge mentale ! Je la retrouve dans les transports, sous la douche, à la cuisine, et le pire : la nuit. Pendant les séminaires de mes collègues, moments privilégiés de ma vie de doctorant pour voir et penser à "autre chose", je reste perdu dans mes pensées et je suis incapable de savoir ce qui a été dit : je me vois mal dans quelques mois moi-même présenter quoi que ce soit dans une conférence. Bref, elle occupe tellement mes pensées, que c’est un exploit que de mettre mon cerveau sur pause pour profiter des petites choses de la vie.
Comme beaucoup, je télétravaille ma thèse depuis mi-mars, ou devrais-je dire, je fais vie-commune avec ma thèse ! A partir de là ça a un peu dérapé : je ne respecte plus vraiment d’horaires fixes, mais surtout je travaille le week-end, et c’est un stress immense avant chaque réunion pour avoir du concret à présenter. Je garde de bonnes relations avec mes encadrants, même s’ils sont assez peu disponibles (enfants à garder). Coincé à la maison avec ma compagne, aussi compréhensive soit-elle, l’ambience est parfois électrique. J’ai du mal à faire des pauses et à m’arrêter, car n’ayant aucune fatigue physique assis derrière mon bureau, mon cahier, et mon ordinateur, mon corps ne me dis jamais d’arrêter.
J’ai tout de même la chance d’avoir accès à un extérieur, et j’ai profité des quelques heures en dehors de la thèse que je me suis accordé (60–80h sur 8 semaines) pour bricoler et travailler le bois, seul moment où je me suis bien senti pendant le confinement.
Retour à la réalité et remise en question
J’ai profité du déconfinement pour poser quelques congés et souffler, prendre l’air et me dépenser. J’ai réussi l’exploit de sortir ma thèse de ma tête pour ces quelques jours et quel soulagement : je fais enfin de bonnes nuits, et j’apprécie enfin toutes les petites choses de la vie.
Ce moment me permet surtout de prendre du recul sur mon vécu de ces derniers mois et j’arrive enfin à ouvrir les yeux, voir que quelque chose ne tourne pas rond. J’ai le sentiment d’avoir complètement perdu la motivation et la passion de ma thèse (initialement, ma motivation était à bloc). Je suis un peu dégoûté de mes principales activités en tant que thésard : revue de littérature, développement de théories mathématiques, codage d’expériences et rédaction. J’angoisse un peu à l’idée de reprendre, parce que je sais que je n’y prendrais aucun plaisir. J’ai pourtant parfois vécu le plaisir de comprendre, mais ça ne compense pas, pour moi, la charge mentale qui a été requise. J’ai peur que la future vie d’ingénieur R&D que je m’étais dessinée ressemble à ce que je vis en thèse : clairement, ça ne me fait pas du tout rêver !
J’ai conscience que je suis loin d’être le premier thésard à avoir envie de tout lâcher, mais je me questionne !
Intersection et chemins possibles
Je pense être à un moment clef à choisir entre une vie professionnelle que j’ai du mal à vivre (est-ce seulement dû au fait d’avoir travaillé comme un bourrin ces derniers mois ? ou peut-être que je ne suis vraiment pas fait pour ça ?), et repartir ailleurs sur le bon pied.
J’ai envie de faire d’autres choses : ce n’est pas la bonne volonté qui manque. Je pense en première approximation à me réorienter vers des métiers plus manuels, par exemple du travail du bois (je pense par exemple aux métiers de menuisier ou charpentier). J’ai totalement conscience que je n’atteindrais pas du tout les mêmes salaires avec ces métiers qu’avec une carrière d’ingénieur, mais je vis assez simplement pour ne pas avoir de problèmes avec l’argent (nous vivons à deux avec un peu plus de la moitié de ce que ma thèse me rapporte…).
Ma seule crainte est de faire un choix trop impulsif et de me planter : j’aimerai pouvoir avoir un avant-goût de la réalité de ces métiers avant de me mettre dans une situation potentiellement délicate.
Je me demande s’il est possible de "tester" ces métiers (je vois qu’il est par exemple possible de faire du wwoofing en "éco-construction") et je me demande également s’il est possible de se former relativement rapidement sur ces métiers : je tiendrais 6 mois avec mes économies, mais guère plus.
Qu’est-ce que j’attends en racontant ma vie ici ?
Je souhaite avoir des avis extérieurs à ma situation, ou des retours d’expériences similaires (réorientation après l’abandon d’un doctorat). Je suis habituellement spectateur sur ZesteDeSavoir, mais je sais que vous êtes une communauté bienveillante !
Merci