Open source hardware - Modèle économique

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Bonjour à tous, alors déjà je ne suis pas sûr et certain d’être sur le bon forum…

Avec d’autres étudiants, nous développons un projet "hardware" dans le secteur de la medtech. Ce produit serait à destination à la fois des pays en voie de développement (majoritairement) et de pays plus riches. Selon l’OMS, ce serait au minimum 120 000 vies par an qui pourraient être "sauvées" si nous arrivions à développer et distribuer cette invention.

Nous réfléchissons alors sur le choix de la licence de ce projet, et plusieurs possibilités existent:

  • soit une société commerciale classique, avec un brevet nous permettant le monopole (le plus intéressant financièrement parlant pour nous, pas forcément pour les services de santé), qui nous donne assez facilement accès à des financements (levées de fonds, prêt d’honneur)
  • soit de l'open source "total", comme l’a fait l’inventeur du gel hydroalcoolique (Didier Pittet), cela semble peu adapté car le développement d’un tel produit demande quelques centaines de milliers d’euro, et rien nous garantie qu’un industriel sera intéressé par sa production s’il n’a aucun monopole
  • soit un modèle association à but non lucratif mais sans opensource (comme le Raspberry), cependant je ne pense pas que nous ayons la compétence de produire en assez grande quantité, et c’est très compliqué pour financer les phases de conception
  • soit un modèle open source développé par une asso + société qui propose des certifications aux produits fabriqués par des tiers (bluetooth, wifi), avec un nom déposé (Arduino). Cela permet de conserver une indépendance financière

N’hésitez pas à donner votre point de vue, et à me donner d’autres exemples si vous en connaissez!

Salut,

Trouver un modèle économique, c’est souvent compliqué.

Si rester open est important pour vous, il faut probablement mettre de côté les sources de revenus liées à la propriété intellectuelle. À noter que déposer des brevets est très important quoi qu’il en soit, pour diverses raisons sur lesquelles je ne vais pas m’étendre.

Pour financer le développement du produit, la formule habituelle est de se faire financer par des investisseurs dont l’objectif sera en gros de recouper leur investissement avec la vente du produit manufacturé (ou du design). Dans le cas de l’open hardware, potentiellement tout le monde pourra reprendre le design de base sans sortir d’argent. Donc le financement par un industriel me paraît compliqué, sauf cas particulier. En prime, si ça vise des pays plus pauvre, ça peut être compliqué pour vendre un produit un peu cher.

Il existe des exemples de produits développés en open source et vendus, mais c’est souvent parce que ça permet de créer un écosystème et qu’il n’y a pas de concurrents intéressés (par exemple https://www.numworks.com/resources/engineering/ fait ce genre de chose).

Dans le monde de la santé, je pense qu’on pourrait trouver un certain nombre de fondations prêtes à financer le développement d’un produit, a fortiori si sa licence permet ensuite une diffusion facilitée et si ça bénéficie à un de leurs objectifs de développement pour les pays plus pauvres, l’investissement vaut encore plus le coup. Peut-être creuser de ce côté-là pour la phase de conception initiale ? Ça me paraît une idée possible pour avoir de l’open source.

Une fois un design ouvert disponible, n’importe qui peut le fabriquer, travailler dessus ou l’améliorer. Là, il y a des aspects rentables à développer. Un produit qu’on fabrique et qu’on vend, même si le design vient d’ailleurs, c’est déjà un business à part entière.

Voilà pour les idées générales. Je pense que vous gagneriez à discuter avec des gens dont c’est le métier d’aider des jeunes entreprises à trouver leur modèle économique.


soit un modèle association à but non lucratif mais sans opensource (comme le Raspberry), cependant je ne pense pas que nous ayons la compétence de produire en assez grande quantité, et c’est très compliqué pour financer les phases de conception

Je rebondis là-dessus. Très peu d’entreprises savent produire en grande quantité. En particulier pour les produits électronique, beaucoup d’entreprises font produire à d’autres dont c’est la spécialité. Acheter une usine ou une ligne de production en propre n’est pas forcément une bonne idée. Par exemple, les Raspberry ne sont pas fabriqué par la boîte elle-même. Apple fait tout faire dans des usines qui ne lui appartiennent pas.

Concevoir pour la grande série est aussi un défi en soi, mais on trouve des gens dont c’est le métier pour nous aider dans ces cas-là. En fonction des produits, ça peut être un savoir-faire plus ou moins répandu.


Raspberry Pi a une structure intéressante. C’est une fondation de charité qui est propriétaire d’une entreprise (qui conçoit et vend les Raspberry) et qui se finance désormais par ce moyen.

D’ailleurs, éviter l’imbroglio légal avec Arduino peut être une bonne idée.

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Je pense que vous avez assez bien cerné le problème: il faut que quelqu’un finance. Si vous trouvez une fondation prête à financer le développement à fonds perdus, vous pouvez partir sur un modèle open-source non lucratif. Le modèle Arduino ne s’applique pas trop au domaine biomédical, qui est globalement assez encadré, les produits tiers nécessitant aux aussi leur palanquée d’autorisation de mise sur le marché. Sans cela, il va falloir un investisseur qui va vouloir un retour sur investissement, assez large pour couvrir les pertes des entreprises qui ont échoué.

On parle d’un développement de quelques centaines de milliers d’euros, arrondissons à 1 million, ça veut dire que l’investisseur voudra en tirer 10 millions (pour compenser les 8 fois sur 10 où il aura en fait 0). Si, après développement, il est possible de faire du bénéfice assez rapidement, il peut être possible de racheter les parts de l’investisseur, et une fois redevenus maîtres de l’entreprise, rendre la propriété intellectuelle Libre.

Il y a plusieurs écueils:

  • il faut réussir à développer le produit
  • il faut générer assez de bénéfice pour rembourser l’investisseur sans en trouver un autre (ou vendre l’entreprise à une fondation qui rendra tout public, mais c’est rare)
  • il faut que l’investisseur ait toujours envie de vendre, ou qu’il y soit contraint par le pacte d’associés de l’entreprise (mais c’est plus difficile de trouver un investisseur avec des règles limitant ses gains potentiels)
  • Il faut que les associés restant aient toujours envie d’abandonner leur propriété intellectuelle. Là encore on doit pouvoir prévoir pas mal de choses dans le pacte d’associés, j’imagine qu’un bon juriste saura vous conseiller.

Mais, à moins de trouver un vrai mécène, il vous faudra une structure permettant légalement de rétribuer l’investisseur, et il faudra que cette structure possède le résultat du développement, comme garantie pour l’investisseur. En France, ça s’appelle une entreprise; il y a plusieurs formes juridiques, et on peut vraiment prévoir beaucoup de choses dans les statuts et le pacte d’associés, mais, à la base, ça reste une entreprise.

PS: je rejoins Aabu: il y a des gens dont le métier est de trouver une façon de rendre votre projet économiquement viable.

Merci beaucoup pour vos deux réponses très détaillées.

Pour les phases de conception de notre produit, si nous n’avons pas de dépenses de propriété intellectuelle à payer, nous devrions pouvoir se financer par des dons de fondations (et une aide de la BPI France).

La question se pose davantage pour la suite, car si nous sommes complètement open source et libre, nous risquons de ne plus avoir de revenus (éventuellement des dons, mais c’est difficilement prévisible), et donc ne pas pouvoir améliorer notre produit…

Encore merci pour vos conseils et exemples, cela permet d’y voir plus clair!

Mattis

Pour avoir des revenus, vous devrez vendre quelque chose (ou être financé de manière pérenne à fond perdu, mais c’est improbable).

Même avec de l’open source, il est possible de gagner de l’argent. Ça existe dans le monde du logiciel notamment. Dans ce cas-là, on ne vend pas le logiciel, mais un service qui va avec (support, développement custom, hébergement, conseil pour la mise en œuvre…). Ça permet d’améliorer le produit pour tout le monde, y compris les utilisateurs qui ne paient pas. Ça fait aussi un produit d’appel pour les fonctionnalités custom ou avancées.

Dans votre cas, il y aura a priori un objet physique à vendre, ce qui simplifie un peu la question de l’open source : quoi qu’il arrive, le client doit payer les coûts de fabrication au minimum.

J’appuie aussi Jacen : s’il y a une volonté d’open source, un juriste spécialisé saura conseiller sur les moyens possibles pour sécuriser ça. Et encore une fois, il y a des gens dont c’est le métier d’aider les jeunes projets à devenir économiquement viable. Je crois que les incubateurs fournissent en général ce genre de service à ma connaissance.

Si le but n’est pas simplement de développer un produit et de le laisser en libre accès, mais aussi de pérenniser les capacités de développement, il y a une alternative au Libre: de l’open-source avec royalties. En soit, open source ne signifie pas que c’est gratuit, juste qu’on dispose des sources.

Vous pouvez autoriser d’autres entreprises à fabriquer votre produit en échange d’un droit à payer sur chaque pièce produite (ou faire une licence illimitée), ce qui vous permet de financer le développement et l’évolution. L’accord de licence peut autoriser à modifier votre produit, peut exiger qu’ils vous partagent leurs modification pour que vous puissiez les intégrer, tout se négocie.

Aujourd’hui, l’un des plus gros designer de CPU du monde s’appelle ARM; ils n’ont produit quasiment aucun CPU, mais d’autres ont produit à peu près 200 milliards de puces électroniques avec les CPU qu’ils ont conçu. Bon, en général ils vendent leur produit sous forme de boite noire, à coller dans son propre produit, mais il y a un autre exemple: Unreal Engine, l’un des plus gros moteurs de jeu vidéo, a son code source accessible sur internet. "When you ship a game or application, you pay a 5% royalty on gross revenue after the first $3,000 per product, per quarter.". Il existe tout un monde entre "libre de droits" et "tous droits réservés".

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Merci beaucoup pour vos deux réponses très détaillées.

Pour les phases de conception de notre produit, si nous n’avons pas de dépenses de propriété intellectuelle à payer, nous devrions pouvoir se financer par des dons de fondations (et une aide de la BPI France).

La question se pose davantage pour la suite, car si nous sommes complètement open source et libre, nous risquons de ne plus avoir de revenus (éventuellement des dons, mais c’est difficilement prévisible), et donc ne pas pouvoir améliorer notre produit…

Encore merci pour vos conseils et exemples, cela permet d’y voir plus clair!

Mattis

mattis25

Même si c’est plus compliqué de vivre du hardware open source qu’avec du logiciel, où le débouché classique est de vendre le support, ce n’est pas totalement impossible.

Premièrement le fait que ce soit dans le médical fait que normalement le produit doit répondre à des normes, il y a donc tout un aspect de qualification et validation du produit par un organisme qui va limiter la concurrence car c’est payant. Je ne connais pas suffisamment en détails les processus de validation, mais il y a peut-être quelque chose à creuser de ce côté-là : est-ce que le fait de fabriquer de manière indépendante un design open-source donne automatiquement la certification médicale, je n’en suis pas sûr.

Concernant les sources de revenus, de ce que j’ai vu, les boites qui font du hardware open-source font aussi de la conception sur mesure, comme pour le logiciel open-source, tu propose une personnalisation du produit open-source pour une entité privée, ce design spécifique pourra ne pas être open-source.

Autre possibilité : sortir régulièrement des produits et un peu comme les films ou jeux vidéos, rentabiliser le développement par la vente sur les 6 ou 12 premiers mois en considérant qu’après il y aura des copies basées sur le design open-source. Rien n’empêche de toujours continuer à vendre mais il faudra que le coût de R&D ait déjà été remboursé, pour que ça ne soit que du profit ou un prix coûtant.
Toujours dans cet esprit, à voir s’il y a possibilité de ne publier les sources qu’après 6 mois ou 1 an, ce qui permet de se réserver l’exclusivité. Est-ce compatible avec l’esprit du libre, avec votre définition du libre, c’est à vous de voir.

Mais je pense que la première chose c’est de pouvoir estimer un prix de vente du produit et voir si le développement est rentable. Si le marché n’est prêt à payer que $100 le produit mais qu’il coûtera $1000 pour être rentable, dans ce cas ce n’est pas la vente du produit qui rapportera de l’argent mais des services annexes. Donc soit dans ce cas l’association peut être aussi une solution : il n’y a pas d’objectif de rentabilité et la survie peut se faire via des donations.

Merci pour ces messages!

En effet, nous aurons toujours un temps d’avance puisque les produits copiés devront être validés également par les autorités compétentes (du moins lorsque le produit est vendu à d’autres entreprises, modèle B2B).

Le prix de vente devrait être suffisant pour amortir au minimum les coûts de production, la recherche et développement pourrait au moins dans un premier temps être financée par des subventions (les montants pour les phases de recherches n’étant pas colossaux n’ont plus).

Je n’avais pas pensé à l’adaptation du produit, et en effet c’est une très bonne idée!

Pour ce qui est de l’opensource sans être totalement libre de droit, cela peut être un bon compromis (on peut par exemple autorisé l’exploitation à tous pour les pays en voie de développement, et exiger des royalties pour les pays plus riches). Cela implique par contre de déposer un brevet (et les coûts sont très élevés…).

Encore merci, et bonne journée à tous!

Cela implique par contre de déposer un brevet (et les coûts sont très élevés…).

En vérité, déposer des brevets ne coûte pas si cher (moins cher que d’en attaquer un et moins cher que d’être coincé à cause du concurrent qui poserait des brevets similaires). Franchement, s’il y a des choses brevetables, consulter des spécialistes en propriété intellectuelle est très important. Pas seulement pour se protéger, mais surtout pour garder de la marge de manœuvre sur l’évolution du produit et éviter d’être coincé.

Imaginons que vous développiez un produit sans le breveter. Vous avez quelque chose de brevetable dedans, vous communiquez dessus, vous avez l’antériorité, ça ne peut plus être breveté par qui que ce soit. Maintenant arrive un concurrent qui optimises un tout petit peu votre produit à la marge et brevette l’amélioration. Et bien vous ne pouvez plus faire cette petite optimisation. Et lui peut continuer tranquillement sa vie pendant que vous coulez. Si vous avez un brevet vous, alors c’est différent parce que vous avez moyen de négocier avec lui.

Ce genre de pratique est beaucoup plus courant que ce qu’on croit. La plupart des brevets ne sont pas pour protéger des idées de génie, mais pour emmerder les concurrents en protégeant des choses banales. Les groupes industriels qui posent plein de brevet disent que c’est de l’innovation, mais en vrai c’est quasiment que de la guerre économique.

Je reviens avec l’exemple d’Open Compute ( https://www.opencompute.org/ ). Ce projet propose tout un ensemble de projet open-source dans divers domaines techniques (logiciel, mécanique, hardware, etc.).

Le but n’est pas tant la réalisation d’un unique produit que l’on copierait mais plutôt la publication de normes et standards (avec des réalisations et les "sources" de certaines de ces réalisations) dans une optique d’interopérabilité entre des équipements de fabricants différents.

On s’éloigne peut-être un peu du libre, mais cela peut être une réflexion à avoir concernant non pas la publication des plans de la machine mais plutôt de spécifications, la réalisation étant à la charge de chaque entreprise/personne.

Merci pour ce lien! En effet, si notre projet était répliqué par d’autres entreprises il faudrait avant tout qu’il respecte le cahier des charges qu’on aura pu définir avec les partenaires dans le domaine de la santé, quitte à ce que leur solution technique soit différente.

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