Je ne sais pas quelles sont les contraintes du devoir que tu dois rendre. Mais concernant ce que ces textes racontent sur le fond, c’est l’une des grandes thèses de Marx et Engels, qu’ils ont appelée le matérialisme historique.
À un moment, y a eu Hegel qui a développé l’idée de dialectique, à laquelle j’ai honnêtement pas tout compris et j’ai l’impression qu’il a écrit beaucoup de mots pour pas dire grand-chose au final. Y a des histoires de progrès de l’histoire qui se fait par l’affrontement de forces contraires, qui finissent par donner lieu à un état qui dépasse ces contradictions (c’est la fameuse progression thèse–antithèse–synthèse que l’éducation nationale inflige à tous les lycéens comme parole d’évangile).
En lisant Hegel, le jeune philosophe Marx a eu une sorte d’illumination et a dit « Mais oui ! C’est exactement ça : ce qui est à l’origine de tout changement et de tout progrès dans l’Histoire, c’est la tension entre des forces contraires au sein de la société. »
Mais tandis que chez Hegel ces « forces contraires » étaient plutôt dans le monde des idées (paraît-il, encore une fois, j’ai abandonné Hegel après 100 pages sans rien comprendre), pour Marx ces forces étaient très concrètes — matérielles même, d’où le nom matérialisme historique. Marx a développé toute une théorie de l’Histoire, où il explique l’évolution de la société par l’évolution des contraintes matérielles. Par exemple, dans les groupes primitifs de chasseurs-cueilleurs, chacun pouvait à peine trouver assez de nourriture pour soi-même. Ça n’aurait donc aucun sens d’avoir des esclaves dans une telle société : même forcé à travailler de toutes ses forces, l’esclave ne serait pas vraiment capable de récolter plus de nourriture que le strict nécessaire dont il a besoin pour survivre. Les sociétés primitives étaient donc sans hiérarchie, et naturellement communistes (selon Marx).
À partir du moment où des groupes humains se sont sédentarisés et ont développé l’agriculture, ils ont commencé à produire des surplus agricoles : la force de travail d’un individu pouvait nourrir plus que lui-même. Dès lors, cela avait du sens de réduire en esclavage d’autres groupes humains : en les forçant à travailler pour toi, tu peux vivre dans une relative abondance sans trop travailler. Ainsi la Grèce et la Rome antique étaient des sociétés esclavagistes.
Toutefois la société esclavagiste porte en elle-même des contradictions qui sont le germe de son déclin : plus elle se développe, plus elle doit conquérir toujours de nouveaux territoires pour réduire de nouvelles populations en esclavage, afin de nourrir sa population croissante. Pour Marx, l’empire romain était donc obligé de s’étendre pour survivre, jusqu’à atteindre un point où il était impossible de maintenir un empire unifié sur un territoire immense. L’empire romain s’est alors effondré. Il a laissé la place à la société féodale ; puis au capitalisme ; etc.
Cette tentative d’explication de l’Histoire est très critiquable (et critiquée), datée, pas forcément toujours cohérente avec les faits étudiés par les anthropologues. Mais l’idée à retenir, c’est que pour Marx (et son pote Engels), le moteur de l’Histoire ce n’est pas les idées, la religion, les idéologies, etc. mais les contraintes matérielles. Et en premier lieu, comment les gens mangent, comment est produit ce qu’ils mangent, et par extension, l’économie (cet ensemble de trucs que Marx appelle les rapports de production). Les idées, la religion, la philosophie, l’humanisme des Lumières, ne font que suivre l’évolution de ces rapports de production ; ils en sont une conséquence, et pas la cause. Par exemple, la philosophie grecque justifiait le fait de posséder des esclaves ; la religion chrétienne a été utilisée pour justifier la monarchie de droit divin ; etc.
(C’est une interprétation un peu simpliste ; je suis presque sûr que Marx a écrit quelque part que rien n’empêche les idées, parfois, d’influencer à leur tour les rapports de production matériels. Mais ça reste plus rare et moins fondamental.)
Et même des choses comme les révolutions sont l’aboutissement de contradictions matérielles dans la société — alors qu’on a tendance à les voir comme la victoire d’idées, de valeurs.
Je pense que ça donne peut-être un peu de contexte pour comprendre en quoi tout ça peut mener à se poser la question de ton sujet :
dans quelles mesures les hommes sont des acteurs ou seulement des spectateurs du progrès dans l’histoire.