Les différentielles en Maths et en Physique

Le problème exposé dans ce sujet a été résolu.

Bonjour,

Au début de l'an passé, j'ai commencé à manipuler les différentielles en physique : « dx », « élément de longueur élémentaire », « intégrer le long du conducteur », « somme continue »… Je n'y comprenais rien. Puis, avec un peu de pratique, j'ai progressivement pris le coup de main. Mais j'ignore toujours ce qu'il y a derrière.

Ayant vu les différentielles pour les fonctions à plusieurs variables réelles en Maths, je me demandais s'il existait un lien entre $dx$ et $df(a)(h)$, si les « notions » listées entre guillemets ci-dessus avaient été formalisées.

Merci !

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En physique, les milieux ne sont pas continu, et en théorie on devrait seulement sommer des quantités. La première approche qui nous permet d'intégrer, c'est l'approximation des milieux continus, qui consiste à négliger les effets à l'échelle du milieu considéré justement (chose que tu ne peux pas faire tout le temps en physique quantique par exemple, et qui a mené Planck a introduire sa constante).

Une fois cette approximation en jeu, tu peux considérer que les grandeurs que tu manipules sont continues (sauf exception, mais c'est rare en physique de manipuler des fonctions pas fréquentable :p ), et donc en particulier qu'en prenant un volume suffisamment petit, tu peux montrer que les variables considérées sont "à epsilon petit" près toutes constantes dans ton petit volume : c'est la fameuse échelle mésoscopique où ton volume est suffisamment petit pour utiliser de l'analyse dessus, et suffisamment grand pour négliger les effets de discontinuité.

L'approche la plus simple pour voir le lien, c'est d'abord d'adopter les notations suivantes (puisque je suppose que tu as surtout vu les notations avec la jacobienne en prépa) :

$$ df = \sum_{i} \dfrac{\partial f}{\partial x_i} \cdot dx_i $$

Normalement, c'est cette notation que tu utilises en physique, notamment en thermodynamique. Ici, tu peux très bien voir $dx_i$ comme la différentielle de $x_i \mapsto x_i$, qui est constante égale à $x_i$. Cette notation permet de se dire que c'est bien un "accroissement infinitésimal" comme on aime les voir en physique.

Mais après, l'approximation des milieux continus n'est pas toujours suffisamment gentil pour te donner une fonction $C^\infty$, donc tu fais souvent des développements au premier/second ordre, et c'est là tout le coeur du truc : une application différentiable, c'est par def une application qui admet un développement limité au premier ordre, et c'est exactement ce qu'ont besoin les physiciens pour faire apparaitre les équations différentielles qu'ils adorent, simplifier les différences (puisqu'il ne faut pas oublier que ce serait des sommes discrètes sinon).

Et les fonctions différentiables ont des propriétés que tu as vu, celle que les physiciens mangent à toutes les sauces, et en particulier le théorème de Stokes (https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9or%C3%A8me_de_Stokes) qui comme dit dans le wiki, généralise le théorème fondamental de l'analyse.

Toute l'astuce de la physique (surtout celle de prépa), c'est d'utiliser suffisamment d'approximation pour entrer dans un cadre où l'on peut manipuler des fonctions presque toujours sans se soucier de problème de définition, convergence, hypothèse d'intégration, etc, ce qui fait que tu peux manipuler un "petit" volume comme au dessus, et le vocabulaire est parfois un peu exposé différemment en cours (exemple "une surface fermée" VS "domaine compact à bord lisse de $\mathbb{R}^3$").

Quand tu intègres le long du conducteur, pour l'exemple que tu as cité, tu intègres en fait sur une courbe paramétrée ($[a,b] \to \mathbb{R}^3$ pour simplifier), et tu as :

$$ \int_{\mathcal{C}} \vec{f}\cdot \vec{dl} = \int_a^b <(f\circ \mathcal{C})(t)\, |\, \mathcal{C}'(t)> dt $$

(Sachant que le membre tout à gauche est un peu abusif au niveau de la notation, mais c'est une notation physique, f est bien à valeur dans $\mathbb{R}^3$)

J'espère t'avoir plus aidé qu'embrouillé ! Après j'avoue ne pas trop connaitre suffisamment la théorie qu'il y a dessus pour le formaliser, mais si tu regardes du coté des variétés différentiables, je pense que tu pourras trouver tout ce que tu veux !

EDIT : je ne semble pas pouvoir éditer mon message pour corriger le latex inline. Sauf si …

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Les approches "physicienne" et "mathématique" du calcul différentiel sont très différentes mais parlent de la même chose (ce qui n'est pas du tout évident et très fort).

En lecture, je te conseille l'excellent (le formidable même) livre de M. Spivak, Differential Geometry. Il y aborde notamment ces différences de vocabulaire mais ce livre donne l'approche mathématique moderne du sujet.

La grosse différence entre les approches étant la suivante :

Les ${\rm d}x_i$ forment la base d'un espace vectoriel : le dual du fibré tangent. Des mots barbares pour dire que c'est une base du dual de l'espace vectoriel des champs de vecteurs. Et les $\frac{\partial}{\partial x_i}$ forment la base de l'espace des champs de vecteurs qui est isomorphe à l'espace des dérivations.

J'avais commencé une fiche il y a quelques temps. Elle n'est pas parfaite et un peu abrupte mais peut-être que tu y trouveras quelques réponses : https://space.zeo.net/g/22neu.

Sinon je vais essayer de répondre à ta question sur le lien entre ${\rm d}x$ et ${\rm d}f(a)(h)$. Déjà pour simplifier je vais supposer que $f : \mathbf{R}\to \mathbf{R}$ est $C^1$. Puis, je vais dire que ${\rm d}f(a)(h) = {\rm d}f_a(h)$ est la différentielle de $f$ en $a$. Par définition, ${\rm d}f_a$ est l'unique application linéaire de $\mathbf{R}$ telle que :

$$ f(a+h) = f(a) + {\rm d}f_a(h) +o(h). $$

Mais tu viens de voir que ${\rm d}f_a$ est une application linéaire. Mieux, ${\rm d}f : a \mapsto {\rm d}f_a$ est encore une application linéaire entre deux espaces. ${\rm d} x$ est une base de l'espace dual de l'espace image et on a :

$$ {\rm d}f = \frac{\partial f}{\partial x}{\rm d}x. $$

Pour que ce soit plus clair, évaluons en $a$ la dernière expression. On a

$$\frac{\partial f}{\partial x}(a)$$
qui est le nombre dérivé de $f$ en $a$ selon la direction $x$ (ça, dans $\mathbf{R}$, on le note $f'(a)$) et
$${\rm d}x_a = t\mapsto t$$
puisque la meilleure application linéaire qui approche $x\mapsto x$ en $a$ est elle même. Donc finalement, tu viens de montrer que :
$$ {\rm d}f_a = f'(a)(t\mapsto t) $$
ce que tu savais déjà :-)

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Je viens de parler des différentielles ce matin en cours de math. C'est un sujet qui m'intéresse également.

@ Holosmos : j'ai téléchargé ton document, et il m'a l'air très intéressant.

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J'ai apporté des précisions sur la question posée.

En fait c'est difficile d'être très clair sans savoir si tu as une idée de ce que sont que les notions de :

  • variété différentielle ;
  • espace tangent ;
  • fibré tangent ;
  • dérivation (de Lie).

Je vais rajouter un petit paragraphe sur l'intégration.

Comme je l'ai expliqué sur un exemple simple, ${\rm d}$ peut être vu comme un opérateur spécial : qui à $f$, associe l'application différentielle de $f$ (qui elle même associe en $a$ la différentielle de $f$ en $a$).

On appelle 1-forme différentielle (ou plus simplement 1-forme) les expressions :

$$ \sum \phi_i \cdot {\rm d}x_i $$
avec $x_i$ des vecteurs de l'espace tangent et les $\phi_i$ des applications numériques. Dans le cas de $\mathbf{R}$, cela revient à considérer les expression
$$ \varphi {\rm d}x $$
avec $\varphi : \mathbf{R}\to\mathbf{R}$. L'intégration de cette forme différentielle consiste à trouver $f$ telle que
$$ {\rm d} f = \varphi \cdot {\rm d}x .$$

C'est donc, par définition, l'opération réciproque de ${\rm d}$.

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@alexandre : merci ! Le problème est néanmoins, qu'avec les nouveaux programmes, les courbes paramétrées sont très peu vues. Au niveau de l'intégration, je ne sais faire que sur un intervalle de $\mathbf R$. Mais du coup, intégrer sur une surface revient à intégrer une fonction définie sur $\mathbf R^{2}$, non ?

@Holosmos : merci pour les détails mathématiques ! Malheureusement, je ne connais aucune des notions que tu as listées. Pourrais-tu détailler ce que sont les $dx$/$dx_{i}$ ?

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Ok je vais essayer de te détailler cette notion. Si tu le veux bien, je me place dans $\mathbf{R}^p$ en l'origine.

Je considère $U$ un ouvert centré en l'origine.

Soit $z\in U$. Je pose $x_1,\ldots,x_p$ des applications telles que $z=(x_1(z),x_2(z),\ldots,x_p(z))$. Ici, ce ne sont que des projections canoniques, mais le cas général sur une variété est moins aisé.

On appelle dérivation sur $U$ un morphisme $D : C^\infty(U,\mathbf{R}) \to C^\infty(U,\mathbf{R})$ tel que $D$ est linéaire et :

$$ \forall (f,g) \in C^\infty(U,\mathbf{R}) , \; D(fg) = D(f)g + fD(g). $$

L'ensemble des dérivations sur $U$, $\mathcal{X}(U)$, est un espace vectoriel sur $\mathbf{R}$. On note

$$ \left(\frac{\partial}{\partial x_i}\right)_{1\leq i \leq p} $$
une de ses bases. $\partial/\partial x_i$ est la dérivation selon la coordonnée $i$.

Mais $\mathcal{X}(U)$ admet un espace dual. La base duale de celle énoncée est la base :

$$ \left({\rm d}x_i\right)_{1\leq i \leq p}. $$

En conclusion, les ${\rm d}x_i$ représentent cette base duale de l'ensemble des dérivations. On pourrait passer par un autre chemin et montrer que c'est également une base du fibré cotangent, mais pas sûr que ça t'aurait aidé.

Pour l'utilisation, le premier post devrait tout dire. Il justifie notamment les notations ${\rm d}x_i$.

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Merci pour cet éclaircissement ! Juste une petite question :

Au niveau de l'intégration, je ne sais faire que sur un intervalle de $\mathbf R$. Mais du coup, intégrer sur une surface revient à intégrer une fonction définie sur $\mathbf R^{2}$, non ?

Vayel

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Intégrer une fonction $f : \mathbf{R}^2\to\mathbf{R}$ revient effectivement à intégrer sur une surface. La construction de l'intégrale de Riemann sur les surfaces est très analogue à celle que tu connais.

Concrètement il s'agit de considérer des pavés pour les subdivisions et à montrer la convergence de la somme des aires de ces pavés multipliées par une valeur de $f$ sur chaque pavé.

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