Les théories non falsifiables

a marqué ce sujet comme résolu.

Bonjour,

Je lis en ce moment « Qu’est-ce que la science ? » de Chalmers où il introduit notamment le falsificationnisme. En particulier, il dit :

Si une théorie a un contenu informatif, elle doit courir le risque d’être falsifiée.

IV.2 - page 79

Il prend pour exemple le propos possible d’une diseuse de bonne aventure :

On peut avoir de la chance dans les paris sportifs.

Chalmers déclare que cette affirmation est infalsifiable, ce que je comprends, et il parait en déduire qu’elle n’apporte aucune information. Pourtant, il me semble que la phrase nous informe au moins de la possibilité de gagner. Certes, elle ne vaut pas le prix d’une consultation, mais je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle n’apporte aucune information.

La question que je me pose est la suivante :

Quelle importance faut-il accorder aux théories non falsifiables ?

Un exemple auquel je pense est l’absence de libre arbitre. Dans la vidéo, Monsieur Phi déduit de notre connaissance du monde que nous n’avons pas de libre arbitre. Mais, à ma connaissance, nous ne sommes pas en mesure de réfuter cette affirmation par l’expérience. Faut-il donc ne pas la prendre en compte pour mener nos vies ? Ou bien faut-il faire usage du rasoir d’Ockham et la privilégier vu qu’elle est plus simple (même si moins intuitive) que sa négation ?

On peut ensuite prolonger la question en :

Quelle importance faut-il accorder aux théories falsifiables non testées ?

J’ai conscience que la question manque de contexte. Je préfère ne pas trop la restreindre mais ce sur quoi je m’interroge principalement est la place à accorder à la science pour mener sa vie. Pour reprendre l’exemple du libre arbitre, la question serait : faut-il prendre en compte son absence dans mes choix personnels ?1

Merci pour vos messages.


  1. Oui, c’est un paradoxe. 

+3 -0

Heureux de voir que notre précédente discussion a suscité de l’intérêt :)

Quelle importance faut-il accorder aux théories non falsifiables ?

Le but de Chalmers est notamment de montrer pourquoi les théories non falsifiables, ou du moins qui ne respectent pas le principe de falsification, ne sont pas nécessairement des non-sciences. (C’est en fait le cas de quasiment toutes les théories physiques si on suit bien l’histoire des sciences.)

Ensuite, il ne faut pas perdre de vue que le contenu de ce livre est au sujet des sciences, et non de la morale, de la technique ou autre.

La science a beaucoup d’espoir quant à elle-même. Il y a une citation de Glashow que j’aime particulièrement : « [il y a] des vérités éternelles, objectives, anhistoriques, socialement neutres, extérieures et universelles, et que l’assemblage de ces vérités est ce que nous appelons la physique » (The Death of Science!?, 1992). Elle présente un état de pensé totalement utopique sur la science, et le travail du philosophe consiste à attaquer ces a priori.

Ce n’est donc pas sans raison que Chalmers discute assez peu des savoirs non scientifiques. Ce passage que tu as lu ne sert pas tant à soutenir une thèse qu’à illustrer la pensée de Popper.


J’ai le sentiment d’avoir tourné autour du pot. Mais je pense qu’il y a deux points à garder en tête :

  • Chalmers discute des sciences.
  • La falsification n’est pas un bon concept pour décider de ce qui relève ou non des sciences. (Bien que ça donne des indices.)
+1 -0

Existe-t-il une définition universelle des sciences ? Sont-elles caractérisées par leurs objectifs ? Par leurs sujets d’étude (en particulier la philosophie, qui n’aborde pas nécessairement les problèmes physiques, est-elle est une science ?) ?

Ensuite, il ne faut pas perdre de vue que le contenu de ce livre est au sujet des sciences, et non de la morale, de la technique ou autre.

Justement, peut-on tenter de parler des autres aspects dans ce sujet ? Sans même faire mentions des sciences, ai-je un intérêt (absolu ? relatif ?) à considérer les théories non falsifiables ?

+0 -0

Existe-t-il une définition universelle des sciences ?

Ça dépend de ce que tu veux accepter comme définition.

Mais la réponse raisonnable est non. Les sciences englobent des choses trop différentes pour avoir une définition simple et raisonnable.

Sont-elles caractérisées par leurs objectifs ?

Est-ce que l’objectif d’un théoricien des nombres est comparable avec celui d’un biologiste ? Et quelle différence avec un théologien ?

Par leurs sujets d’étude (en particulier la philosophie, qui n’aborde pas nécessairement les problèmes physiques, est-elle est une science ?) ?

La bible propose des réponses à des questions que l’on se pose aussi en science.

Justement, peut-on tenter de parler des autres aspects dans ce sujet ? Sans même faire mentions des sciences, ai-je un intérêt (absolu ? relatif ?) à considérer les théories non falsifiables ?

Si tu arrives à délimiter des questions, on peut en discuter, bien sûr. Mais là c’est trop difficile.


Pour un écrit tier, j’ai tenté de proposer une définition de ce qu’est un savoir rationnel. Je laisse un extrait ici, peut-être que tu aimerais le critiquer.

Je propose de penser la science comme étant le champ de la pensée rationnelle. Il m’est bien sûr à l’esprit le fait que cette définition vague permet d’englober bien plus que les traditionnelles sciences physiques, du vivant, de l’abstrait. Cela est volontaire. Par la suite j’utiliserai la conception présentée ci-dessous de la science pour en déduire les développements suivants. Si bien qu’une définition plus restrictive de la science possèdera les mêmes déductions.

Pour qu’une pensée soit rationnelle, il faut qu’elle réponde à des critères de rationalité. Ce sont ces critères qui portent toute la valeur de la science, et il me faut donc en discuter ici. Je ne peux tout à fait m’inscrire dans des conceptions comme celles de Lakatos, Kuhn ou Popper, du fait que le champ de pensée que je souhaite atteindre est plus large que ceux atteints par chacun de ces philosophes.

Je propose donc que les critères de la rationalité soient les suivants : (1) la soumission aux règles de la logique (classique), et ; (2) la possibilité d’une critique objective par les pairs. À ces deux critères s’adjoint un troisième n’étant pas nécessaire mais permettant de palier une possible faiblesse quant au premier critère : (3) l’applicabilité par l’expérimentation.

+0 -0

Je propose de penser la science comme étant le champ de la pensée rationnelle.

On était pas censé avoir abandonné cette approche au début du 20éme pour celle de Popper justement ?

+0 -1

On était pas censé avoir abandonné cette approche au début du 20éme pour celle de Popper justement ?

On est censés avoir rien du tout. Quand tu produis un travail philosophique tu n’as pas à avoir de soumission à des concepts passés et eux-mêmes déjà dépassés pas d’autres théories (Lakatos ou Kuhn pour ne citer qu’eux).

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