La radioactivité

Les noyaux ne sont pas tous stables dans le temps : certains ont naturellement tendance à se scinder en noyaux plus petits, ou à émettre des rayonnements pour perdre de l’énergie. Cette tendance s’appelle la radioactivité : est dit radioactif tout phénomène qui fait qu’un atome va spontanément émettre un rayonnement. Reste que cette radioactivité recouvre plusieurs phénomènes très différents : entre les noyaux qui se scindent, des conversions de protons en neutrons et l’émission de rayons gamma, il y a de quoi faire.

Les différents types de radioactivité

On observe différents types de radioactivité, selon les transformations ayant lieu au sein du noyau, et selon les particules émises.

Radioactivité bêta

Avec la radioactivité bêta, le nombre de nucléons reste identique (un noyau ne peut se transformer qu’en un de ses isobares), mais le nombre de protons et de neutrons change. Soit un proton se convertit en neutron (bêta plus), soit un neutron se convertit en proton (bêta moins). Cependant, cette conversion pose un problème : la charge électrique, la quantité de mouvement et l’énergie doivent se conserver, alors que le neutron et le proton ont des charges et masses différentes. Pour cela, il faut impérativement que cette conversion fasse intervenir d’autres particules que les nucléons qui se transforment.

La conservation de la charge est garantie par l’émission d’un électron ou de son antiparticule1, le positron. Lorsqu’un proton est créé à partir d’un neutron, un électron est produit en même temps afin de conserver la charge ; dans le cas où un neutron est produit à partir d’un proton, un positron est créé en même temps. Si vous faites un bilan des charges, vous remarquerez que la charge est conservée : aucune charge n’est créée ni détruite. Cet électron ou positron émis a été détecté de longue date.

La conservation de l’énergie et de la quantité de mouvement pose un problème similaire, dont la solution consiste de la même manière à dire qu’une autre particule, le neutrino dans le cas bêta plus et l'antineutrino dans le cas bêta moins, est émise. Ces particules sont sans charge.

Histoire du neutrino

L’émission d’un électron n’a pas été sujette à question, celui-ci étant aisément détectable. Le neutrino, quant à lui, est très dur à détecter. Il interagit peu avec la matière, est très léger, non chargé… À l’époque où les désintégrations ont été théorisées, cette particule n’avait jamais été détectée. On peut cependant prouver que sans elle, ça ne marche pas.

Supposons une désintégration d’un proton vers un neutron qui n’émettrait qu’un électron comme particule supplémentaire. On connait l’énergie du noyau avant et après désintégration. Par conservation de l’énergie, la différence d’énergie doit aller quelque part. La seule solution est qu’elle donne à l’électron une certaine énergie cinétique. Or cette différence d’énergie ne dépend que du type de noyau, donc la désintégration d’un noyau A vers un noyau B devrait être accompagnée de l’émission d’un électron portant la différence — constante pour cette transformation — d’énergie. Et ce, pour chaque transformation de A vers B.

Sauf que ce n’est pas ce que l’on observe. Pour une même transformation, on observe plusieurs valeurs d’énergie cinétique pour l’électron. La différence d’énergie due à la transformation doit partir autrement. Ajouter dans la transformation une 4e particule, non chargée, très légère, résout le problème.

Théorisée dans les années 30 par Pauli, cette particule a effectivement été observée 20 ans plus tard. Mais aujourd’hui encore, l’observation et l’étude des neutrinos n’est pas une mince affaire (comme en témoigne le débat sur sa masse — nulle ou très faible — qui a fait l’objet d’un récent prix Nobel).

Le rayonnement bêta est donc constitué de particules chargées (positron ou électron) et de masse plutôt faible. Il est arrêté par une feuille d’aluminium de quelques millimètres d’épaisseur. Le noyau résultant est un isobare du noyau originel.

Radioactivité bêta plus

Avec la radioactivité bêta plus, un proton se transforme en

  • un neutron ;
  • un antiélectron, aussi appelé positron (pour conserver la charge) ;
  • et un neutrino (pour conserver la masse).
Radioactivité bêta plus, par Inductiveload, wikicommons, domaine public
Radioactivité bêta plus, par Inductiveload, wikicommons, domaine public

Un exemple de radioactivité bêta plus est la transmutation du fluor en oxygène,

918F818O+e++νe^{18}_9F \to ^{18}_8O + e^+ + \nu_e

Radioactivité bêta moins

Avec la radioactivité bêta moins, un neutron se transforme en

  • un proton ;
  • un électron (pour conserver la charge) ;
  • et un antineutrino (pour conserver la masse).
Radioactivité bêta moins, par [Inductiveload](https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Beta-minus_Decay.svg), domaine public
Radioactivité bêta moins, par Inductiveload, domaine public.

Un exemple de radioactivité bêta moins est la transmutation du tritium,

13H23He+e+νˉe^3_1H \to ^3_2He + e^- + \bar{\nu}_e

Capture électronique

La capture électronique est une réaction similaire. Au lieu d’avoir émission d’un électron ou positron, on a capture d’un électron par le noyau, et une réaction similaire au sein de celui-ci. Un électron (par exemple du cortège électronique) interagit avec un proton du noyau et se transforme en un neutron et un neutrino.

Capture électronique, par Inductiveload, wikicommons, libre de droits
Capture électronique, par Inductiveload, wikicommons, domaine public.

Radioactivité gamma

Les noyaux obéissent à la mécanique quantique. Ainsi, leur énergie est quantifiée, elle ne peut prendre que certaines valeurs. On observe ce phénomène dans le cas des raies d’absorption et d’émission ; c’est alors les électrons qui changent de niveau d’énergie.

Un noyau ne peut absorber un photon (particule associée à l’onde lumineuse) que si celui-ci a la bonne énergie pour faire monter son énergie d’au moins un niveau, et de la même manière l’énergie qu’il émet en passant d’un niveau d’énergie à un niveau d’énergie inférieur ne peut prendre que certaines valeurs quantifiées.

Cette diminution d’énergie interne provoque l’émission d’un photon portant la variation d’énergie ; c’est la radioactivité gamma.

Radioactivité gamma, par [Inductiveload](https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gamma_Decay.svg), domaine public.
Radioactivité gamma, par Inductiveload, domaine public.

La radioactivité gamma peut avoir lieu de manière spontanée sur un noyau excité : certains noyaux excités par absorption d’un photon peuvent se désexciter après un certain délai. Mais la plupart du temps, la radioactivité gamma a lieu immédiatement après une autre désintégration préalable : le noyau nouvellement formé contient un surplus d’énergie et doit émettre un photon pour atteindre son niveau de plus basse énergie.

Le rayonnement gamma est donc un rayonnement électromagnétique. Il demande plusieurs centimètres de plomb pour être stoppé. Le noyau résultant de cette désintégration est le même que celui originel.

Capture ou émission d’un nucléon

Ces phénomènes consistent en l’absorption ou l’émission d’un nucléon par un noyau. Dans le premier cas, il n’y a pas d’émission radioactive directe, mais le noyau créé se désexcite selon une radioactivité gamma. Dans le cas de l’émission, c’est un nucléon qui est émis. Ce nucléon interagit assez peu avec la matière, mais il peut être absorbé ; le noyau résultant est souvent radioactif. De plus, le nucléon lui-même possède une énergie cinétique. De fait, ces sources de radiations sont à la fois difficiles à arrêter et très dangereuses.

La capture d’un neutron consiste en l’intégration au sein du noyau d’un neutron extérieur. Cela a lieu par exemple dans la réaction 197Au+01n198Au^{197}Au + ^1_0n \to ^{198}Au.

L’émission d’un neutron est l’expulsion d’un neutron du noyau vers l’extérieur. Cela arrive souvent dans le cas de noyau excités, notamment parce qu’ils résultent d’une désintégration précédente. Pour l’exemple, le béryllium 13 se désintègre ainsi : 13Be12Be+01n^{13}Be \to ^{12}Be + ^1_0n.

La capture de proton est un phénomène similaire, dans lequel c’est un proton qui est capturé.

L’émission d’un proton consiste en l’expulsion d’un proton. C’est un phénomène qui concerne peu de noyau, effectuée par exemple par le cobalt, 2753Co2652Fe+11p^{53}_{27}Co \to ^{52}_{26}Fe + ^1_1p.

Radioactivité alpha

La radioactivité alpha correspond à l’émission par le noyau d’un noyau d’hélium (24He2+^4_2\text{He}^{2+}). De tels noyaux sont appelés des particules alpha.

Radioactivité alpha, par [Inductiveload](https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Alpha_Decay.svg), domaine public.
Radioactivité alpha, par Inductiveload, domaine public.

Le rayonnement alpha est arrêté par une simple feuille de papier, car celui-ci est une particule massive qui interagit fortement avec la matière. La particule émise, un noyau d’hélium, est chargée positivement et est très massive. Le noyau résultant possède bien évidemment deux protons et deux neutrons de moins que le noyau originel.

Un exemple de radioactivité gamma est la transmutation de l’uranium 238 en thorium 234,

92238U90234Th+24He^{238}_{92}U \to ^{234}_{90}Th + ^4_2He

Fission et fusion

Les réactions nucléaires sont des transformations de noyaux atomiques. Dans le premier cas, un noyau se scinde en plusieurs noyaux plus petits : on parle de fission nucléaire. Dans le second cas, des noyaux fusionnent ensemble pour former un noyau plus gros : on parle de fusion nucléaire.

Fusion de noyaux

Avec la fusion nucléaire, plusieurs noyaux fusionnent en un seul noyau. Le schéma ci-dessous donne l’exemple de la fusion entre deux noyaux de tritium et de deutérium. Ceux-ci fusionnent pour donner un noyau d’hélium 5, avec deux protons et trois neutrons, qui se désintègre immédiatement en un noyau d’hélium 4 (deux protons et deux neutrons) et un neutron. On voit que, dans cet exemple tout du moins, une partie de l’énergie de masse des atomes qui ont fusionnés est transformée en énergie cinétique, cette dernière étant exprimée en électronvolts.

Fusion de deux noyaux, par Wykis, wikicommons, domaine public.
Fusion de deux noyaux, par Wykis, wikicommons, domaine public.

Cette fusion ne peut se produire que dans des conditions bien précises. Il faut notamment que la force nucléaire soit suffisante pour garder les deux noyaux proches, ce qui n’est possible que si les noyaux sont déjà près les uns des autres. Si les noyaux sont trop éloignés, la répulsion électrique des protons va l’emporter sur la force nucléaire et les noyaux ne pourront pas s’assembler.

Les réactions de fusion arrivent principalement entre éléments légers lorsque les températures et la pression sont très importantes. C’est ce phénomène qui est à l’œuvre au sein du Soleil.

Répulsion des noyaux, par Panoptik, wikicommons, CC-BY-SA 3.0.
Répulsion des noyaux, par Panoptik, wikicommons, CC-BY-SA 3.0.

Fission du noyau

La fission nucléaire est la scission d’un noyau en deux ou plus. Chaque fragment contient alors une partie des nucléons du noyau d’origine, mais le nombre total de protons et neutrons est conservé.

Fission nucléaire, par IgniX, wikicomons, CC BY-SA 3.0.
Fission nucléaire, par IgniX, wikicomons, CC BY-SA 3.0.

Un exemple de fission est la transmutation d’un noyau d’uranium 235 suite à une collision avec un neutron en krypton et baryum,

92235U+01n3693Kr+56140Ba+301n^{235}_{92}U + ^1_0n \to ^{93}_{36}Kr + ^{140}_{56}Ba + 3 ^1_0n

Bien que 3 neutrons soient émis à la fin de la réaction, le neutron initial est indispensable pour enclencher le processus. Il existe aussi d’autres fissions n’ayant pas besoin de choc initial (fission spontanée).

Résumé

On peut classer les différents types de radioactivité en quelques grands types :

  • radioactivité gamma ;
  • radioactivité bêta :

    • radioactivité bêta moins,
    • radioactivité bêta plus,
    • radioactivité par capture électronique.
  • absorption d’un neutron ou d’un proton ;
  • radioactivité alpha ;
  • scission ou fusion du noyau :

    • fusion,
    • fission.

Grosso modo, cela correspond respectivement aux situations où :

  • le nombre de masse est conservé, de même que le nombre de protons ;
  • le nombre de masse est conservé, mais pas le nombre de protons ;
  • ni le nombre de masse, ni le nombre de protons ne sont conservés.

  1. À chaque particule, il existe une antiparticule associée, dont certaines propriétés (à savoir la charge pour les particules qui nous concerne, mais il peut s’agir de propriétés plus exotiques, comme la saveur) sont inversées. Ainsi, un antiproton, par exemple, aura une durée de vie, une masse et un spin identique au proton, mais sa charge électrique sera inversée. L’électron est ainsi associé à un antiélectron, nommé positron, chargé positivement.

Stabilité des noyaux et énergie de liaison

La majorité des noyaux existants finissent par se désintégrer un jour où l’autre, en se scindant en deux noyaux ou en perdant des nucléons. Cela arrive quand la force nucléaire n’est pas suffisante pour garder les nucléons enfermés dans le noyau. Les liaisons entre nucléons finissent fatalement par se briser après un certain temps, sans qu’on sache trop pourquoi. Ce temps varie selon les noyaux, et est une caractéristique du noyau : il ne dépend que du nombre de protons et neutrons en première approximation.

Le temps moyen entre la formation d’un noyau et sa désintégration est appelé la durée de vie du noyau : plus un noyau est instable, plus sa durée de vie moyenne est courte. Certains noyaux particulièrement instables ne surviennent que quelques milliardièmes de secondes en moyenne alors que d’autres sont dits stables (s’ils se désintègrent, leur durée de vie est si longue qu’elle n’a pas pu être mesurée).

Énergie de liaison par nucléon

Nous parlions dans la première partie de l’énergie de liaison, à savoir l’énergie qu’il faut fournir au noyau pour en séparer les nucléons, calculée à partir de la différence entre la masse du noyau et la masse de ses constituants. Cette énergie de liaison a évidemment un lien avec la stabilité du noyau, mais la relation n’est pas directe : ce n’est pas parce qu’un noyau a une grande énergie de liaison qu’il est automatiquement plus stable. En effet, il faut prendre en compte le nombre de nucléons : plus l’énergie de liaison est répartie sur un grand nombre de nucléons, moins chaque nucléon individuel sera attiré par les autres. Ainsi, l’énergie de liaison par nucléon est un indicateur de la stabilité d’un noyau.

Énergie de liaison (en valeur absolue) par nucléons en fonction du nombre de nucléons, par Fastfission, JWB, Autiwa et Eric Bajart, CC-BY-SA 3.0.
Énergie de liaison (en valeur absolue) par nucléons en fonction du nombre de nucléons, par Fastfission, JWB, Autiwa et Eric Bajart, CC-BY-SA 3.0.

Cette énergie de liaison par nucléon varie suivant le nombre de protons et le nombre de neutrons pour diverses raisons. Premièrement, un noyau a tendance à être plus stable avec un nombre égal de protons et de neutrons, en raison d’effets liés à la physique quantique (voir ci dessous). Mais à cette tendance, il faut ajouter le fait que les protons d’un noyau se repoussent du fait de leur charge électrique, ce qui réduit la stabilité de l’ensemble. Ces deux effets se combinent, ce qui fait les noyaux les plus stables ont tendance à avoir un peu moins de protons que de neutrons.

Isospin

Pour faire simple, proton et neutron ayant des masses similaires, on peut parfaitement les considérer comme une même version d’une même particule (on néglige la différence de masse entre les deux). Dans ces conditions, la particule possède deux états quantiques différents, qui doivent donc avoir au moins une propriété quantique différentes (sinon, ils seraient identiques). Ce nombre quantique est appelé l'isospin : il vaut 12-1 \over 2 pour le proton et 121 \over 2 pour le neutron. Si on déroule les calculs, on s’aperçoit que l’état d’énergie minimal d’un ensemble de nucléons est celui où la somme des isospins est nulle. Cela n’est possible que pour un nombre égal de protons et de neutrons.

Le maximum de stabilité est atteint quand l’énergie de liaison par nucléon est maximale. Ce maximum est atteint pour le Fer, avec ses 56 nucléons. Tout noyau qui n’est pas du Fer tend donc à fusionner ou fissionner jusqu’à atteindre les 56 nucléons. Si un noyau a plus de nucléons que le Fer, il aura tendance à en perdre en fissionnant ou en perdant des nucléons. S’il en a moins, il aura tendance à fusionner avec d’autres noyaux pour gagner des nucléons.

Vallée de stabilité

Il existe quelques régularités dans la stabilité des noyaux, quand on regarde le nombre de protons et de neutrons. Il est possible d’illustrer ces régularités avec un graphique qui indique quels sont les noyaux stables en fonction du nombre de protons et de neutrons. On trouve en ordonnée le nombre de neutrons et en abscisse le nombre de protons, chaque case du graphique a une couleur qui indique la durée de vie du noyau (le temps moyen qu’il met avant de se désintégrer).

On voit que les noyaux stables se localisent autour d’une bande, appelée vallée de stabilité. Cette bande est proche de la ligne d’équation Z=NZ = N, mais elle est légèrement surélevée, preuve que les noyaux stables ont souvent un peu plus de neutrons que de protons. On remarque aussi que les noyaux situés au-dessus de cette vallée, qui ont donc un excès de neutrons, ont tendance à se désintégrer via radioactivité bêta moins : ils transforment leurs neutrons en trop en protons, pour revenir à la stabilité. Symétriquement, les noyaux situés en dessous de la vallée de stabilité, avec un excès en protons, transforment ces derniers en neutrons via radioactivité bêta plus. Les noyaux qui sont situés au-delà de la vallée de stabilité ont un trop grand nombre de protons pour être stable, à cause de la répulsion électrique de ces derniers. Ils ont tendance à perdre des nucléons, soit par radioactivité alpha, soit par fission spontanée.

La vallée de stabilité, par Napy1kenobi, wikicommons, CC-BY-SA 3.0.
La vallée de stabilité, par Napy1kenobi, wikicommons, CC-BY-SA 3.0.
Nombres magiques

Les physiciens ont depuis longtemps remarqué que les noyaux avec un nombre de protons ou de neutrons pair sont plus stables que les autres (et à fortiori avec un nombre pair de neutrons et de protons).

Expérimentalement, on constate que les noyaux les plus stables ont un nombre de protons ou de neutrons égal à une des valeurs suivantes : 2, 8, 20, 28, 50, 82, 126. Ces nombres sont appelés des nombres magiques. Par exemple, un noyau avec 20 protons a plus de chances d’être un noyau stable. Même chose pour un noyau avec 50 neutrons : celui-ci a plus de chances d’être stable que les autres. Certains noyaux ont un nombre de protons et un nombre de neutrons qui sont tous deux des nombres magiques : de tels noyaux sont appelés des noyaux doublement magiques. Par exemple, le calcium 40 possède 20 neutrons et 20 protons. Comme autre exemple, on peut citer le nickel 48 avec ses 28 protons et 20 neutrons.

Décroissance radioactive

La désintégration d’un noyau est un phénomène totalement aléatoire dans l’état de nos connaissances actuelles. Il est ainsi impossible de prédire si un noyau va se désintégrer ou quand. Par contre, si on dispose d’un grand nombre de noyaux, on peut établir des lois pour obtenir le nombre de noyaux restants au bout d’un certain temps. On sait qu’avec le temps, le nombre d’un type de noyau précis diminue : ceux-ci se transmutent en un autre noyau. On peut alors calculer la quantité moyenne de noyaux initiaux restants après un certain temps, avec la loi de décroissance radioactive.

Loi de décroissance radioactive

Prenons un ensemble de NN noyaux, qui ont chacun une probabilité λdt\lambda dt de se désintégrer au bout d’un temps dtdt. On va supposer qu’il y ait assez de noyaux pour que les fluctuations statistiques ne viennent pas mettre leur grain de sel. Dans ce cas, on sait qu’au bout d’un temps dtdt, environ N×λdtN \times \lambda dt noyaux se seront désintégrés : la quantité de noyaux diminuera d’autant. La quantité de noyaux retranchée à un instant donné, à savoir λN\lambda N, est appelée l'activité. Notez que λ\lambda dépend des noyaux considérés, mais ni de la température, ni de la pression.

dNdt=λN\frac{dN}{dt} = \lambda N

dN=λNdtdN = \lambda N dt

Cette équation est ce qu’on appelle une équation différentielle. On peut résoudre cette équation pour obtenir le nombre de noyaux restants après un certain temps tt. Et on obtient alors une décroissance du nombre de noyaux qui est exponentielle. Si on pose qu’à l’instant t0=0t_0=0, on dispose de N0N_0 noyaux, on a :

N=N0eλtN = N_0 e^{- \lambda t}

NN0=eλt\frac{N}{N_0} = e^{- \lambda t}

Cette équation peut se réécrire comme suit, en posant τ=1λ\tau = \frac{1}{\lambda}. Cette variable τ\tau est ce qu’on appelle la constante de temps de la désintégration. Elle correspond au temps qu’il faut pour que le nombre de noyaux ait diminué de 1e11-e^{- 1} (environ 63,2 %).

NN0=etτ\frac{N}{N_0} = e^{- \frac{t}{\tau}}

Cette dernière équation permet de calculer une quantité couramment utilisée par les physiciens : la demi-vie. Celle-ci est définie comme la durée moyenne qu’il faut pour que la moitié des noyaux se soit désintégrée. Pour la calculer, il suffit de remplacer NN0N \over N_0 par 121 \over 2 dans l’équation précédente, ce qui donne :

12=eλt12\frac{1}{2} = e^{- \lambda t_{\frac{1}{2}}}

ln12=λt12\ln \frac{1}{2} = - \lambda t_{\frac{1}{2}}

ln2=λt12- \ln 2 = - \lambda t_{\frac{1}{2}}

ln2λ=t12\frac{\ln 2}{\lambda} = t_{\frac{1}{2}}

Décroissance radioactive, par Pieter Kuiper et Ktims, domaine public.
Décroissance radioactive, par Pieter Kuiper et Ktims, domaine public.

Branchements

On peut aussi prendre le cas où un noyau peut se désintégrer de plusieurs manières différentes. Chaque possibilité de désintégration est appelée une voie de désintégration. Elles peuvent se faire selon des mécanismes différents (par exemple une désintégration alpha pour la première voie et une désintégration bêta pour l’autre), ou identiques (par exemple des désintégrations bêtas pour les deux). Il n’est pas rare qu’un même noyau ait deux, trois, quatre, ou plus, voies de désintégration.

Dans ce cas, on sait que chaque possibilité, chaque voie de désintégration, aura sa propre probabilité de désintégration. Prenons le cas où un noyau peut se désintégrer suivant deux manières différentes, donnant dans chaque voie des noyaux différents. Dans ce cas, la quantité de noyaux diminue du nombre d’atomes transformés via la première voie, auxquels il faut ajouter les atomes désintégrés via la seconde voie.

dNdt=λ1N+λ2N\frac{dN}{dt} = \lambda_1 N + \lambda_2 N

dNdt=(λ1+λ2)N\frac{dN}{dt} = (\lambda_1 + \lambda_2) N

Ce résultat se généralise avec plus de deux voies de désintégration : la probabilité de désintégration totale est la somme de la probabilité de désintégration de chaque voie.

Filiation

Généralement, quand un noyau se désintègre, le noyau obtenu n’est pas parfaitement stable : il peut lui aussi se désintégrer en un autre noyau. Cette désintégration peut être très rapide ou très lente suivant le noyau. Et il n’est pas rare que ce même noyau se désintègre à son tour : on obtient ainsi une chaine de désintégration où un noyau se désintègre en un noyau, qui lui-même se désintègre, et ainsi de suite. Dans la nature, on observe plusieurs chaines de désintégration, qui commencent respectivement par les noyaux suivants : l’uranium 238 et 235, le thorium 232, le radium, l’actinium et le neptunium 237.

Dans l’exemple ci-dessous, le thorium 232 est plutôt stable (demi-vie de plusieurs milliards d’années), tandis que le thorium 228 se désintègre en radium, puis rapidement en plomb 212 (en passant par deux noyaux intermédiaires de très faible duré de vie). Ce dernier se désintègre rapidement (avec une demi-vie de 11 heures, les trois quarts se sont désintégré en une journée seulement) en plomb 208, stable. Comme souvent pour les atomes lourds, le passage d’un atome instable à un atome stable se fera par une succession de désintégrations alpha (ici, 4 pour passer du thorium 228 au plomb 208).

Schéma de désintégration du thorium, par BathslsBack, wikicommons, CC-BY-SA 3.0.
Schéma de désintégration du thorium, par BathslsBack, wikicommons, CC-BY-SA 3.0.

La radioactivité désigne tout processus durant lequel un noyau atomique se transforme en émettant des rayonnements. Ce phénomène a lieu naturellement sur les noyaux instables, qui suite à une désintégration, se transforment en noyau plus stables.

Tout noyau instable a une probabilité de se transformer, caractérisée par le temps de demi-vie de l’atome. Ce temps dépend de l’énergie de liaison par nucléon, qui est une grandeur caractéristique du noyau considéré.


Sources

J’ai étonnamment eu du mal à trouver des sources académiques pour cette partie. Je puis tout de même vous rediriger vers un cours sur la question rédigé par Mme Marie Curie, donné à la Sorbonne, qui a cependant plus une valeur historique qu’autre chose.

Les organisation liées au nucléaire ont aussi des articles de vulgarisation sur le sujet.