A partir d’une suite, les mathématiciens définissent sa somme partielle, l’addition des k premiers termes de la suite : pour la suite , la somme partielle vaut . Dans ce qui va suivre, nous allons voir dans le détail quelques sommes partielles relativement classiques. Nous étudierons leur convergence et leur divergence et donnerons quelques formules utiles.
Suite des sommes partielles
Avant de nous enfoncer dans une petite jungle de suites et de sommes partielles, faisons le point sur ce que signifie l’expression « somme partielle ». Après tout, pourquoi une somme serait-elle « partielle » ?
La motivation de cette notion
La principale raison pour lesquelles on étudie les sommes partielles c’est parce qu’elle permettent d’étudier des séries. Ces objets qui seront abordés dans la partie suivante servent à faire la somme de tous les termes d’une suite. La suite des sommes partielles fait ce lien entre une somme finie de termes et la somme infinie des termes d’une suite. La dénomination « partielle » a donc cette signification : on ne somme qu’un nombre fini de termes d’une suite.
C’est une suite
Si je vous donne une suite et que je vous demande de calculer la somme des premiers termes, où je laisse libre le choix de alors vous obtiendrez une suite fonction de . C’est la suite des sommes partielles. Par exemple, avec la suite je peux construire sa suite des sommes partielles, , définie par :
Dans ce qui suit, nous étudierons exclusivement ces suites de sommes partielles.
Suites de nombres polygonaux
Nous allons commencer par étudier ce qu’on appelle des suites relativement simples, qui s’obtiennent en fabriquant des figures géométriques en juxtaposant des boules les unes à coté des autres. Ces nombres sont appelés des nombres figurés.
Suite des nombres triangulaires
Commençons par un cas simple : prenez des boules (ou des billes), et tentez de former un triangle équilatéral avec. Vous allez remarquer que vous ne pouvez pas créer un triangle avec un nombre arbitraire de boules : vous ne pourrez le fait que pour certains nombres de boules.
Il est facile de créer une suite avec ces nombres. La suite en question est appelée la suite des nombres triangulaires : le énième terme de la suite des nombres triangulaire donne le nombre de boules pour un triangle de boules de côté. On obtient alors : 0, 1, 3, 6, 10, 15, 21, 28, 36, 45, 55, etc.
Relation de récurrence
A ce stade, on peut tenter de trouver la relation qui relie les termes et de cette suite. Pour cela, le mieux est de faire quelques observations. Il suffit de lister des différences entre ces deux termes suivant le rang, et de regarder si on peut obtenir quelque chose d’intéressant. Voici ce que donne cette liste.
Rang | ||
---|---|---|
0 | 0 | - |
1 | 1 | 1 |
2 | 3 | 2 |
3 | 6 | 3 |
4 | 10 | 4 |
5 | 15 | 5 |
6 | 21 | 6 |
7 | 28 | 7 |
8 | 36 | 8 |
9 | 45 | 9 |
10 | 55 | 10 |
… |
Je crois qu’on ne peut pas faire plus clair. On voit bien que chaque terme est égal à la somme du précédent et du rang. La suite des nombres triangulaires est donc définie par :
- ;
- .
Calcul du terme général
Maintenant, on peut déterminer s’il existe un moyen pour déterminer la valeur du terme général sans devoir calculer . Et pour cela, il suffit juste de remarquer une chose : le énième terme de la suite des nombres triangulaire est égal à la somme de tous les entiers compris entre et . Il ne nous reste plus qu’à trouver une méthode pour faire ce calcul.
La légende veut que Gauss a été le premier à découvrir quelle était la formule du calcul de la somme des n premiers entiers, alors qu’il était au primaire. Son professeur avait donné, en guise d’exercice (une sorte de punition collective, en fait), le calcul des 100 premiers entiers à ses élèves. Là où les autres élèves faisaient le calcul à la main, en additionnant les 100 premiers entiers manuellement, Gauss remarqua quelque chose d’étrange dans la suite de calculs suivants :
- 1 + 100 = 101 ;
- 2 + 99 = 101 ;
- 3 + 98 = 101 ;
- … ;
- 49 + 52 = 101 ;
- 50 + 51 = 101 ;
- … ;
- 98 + 3 = 101 ;
- 99 + 2 = 101 ;
- 100 + 1 = 101.
Ainsi, en additionnant la suite avec elle-même, il se retrouvait avec 100 fois 101 : . Le calcul de la somme partielle est alors aisé. C’est une propriété qui se généralise à la somme des premiers entiers : . Ainsi, si l’additionne la suite avec elle-même, on obtiendra :
Vu que pour la suite des entiers naturels, et , on a alors :
Suite des entiers impairs
Maintenant, nous allons légèrement changer le problème : au lieu de vouloir créer un triangle avec des boules, nous allons tenter de créer des carrés. Dans cette situation, le coté des carrés en question sera un nombre entier, et le nombre de boules dans ce carré sera égal au carré du côté. La suite des nombres carrés est simplement égale à la suite des carrés des nombres entiers : .
Relation de récurrence
Comme pour les nombres triangulaires, nous allons tenter de déterminer une relation de récurrence pour cette suite. Nous allons utiliser la même méthode, à savoir faire la différence entre chaque terme et le précédent, et tenter de voir si on observe quelque chose d’intéressant.
Rang | ||
---|---|---|
0 | 0 | - |
1 | 1 | 1 |
2 | 4 | 3 |
3 | 9 | 5 |
4 | 16 | 7 |
5 | 25 | 9 |
6 | 36 | 11 |
7 | 49 | 13 |
8 | 64 | 15 |
9 | 81 | 17 |
10 | 100 | 19 |
… |
On remarque facilement qu’il faut ajouter un nombre impair pour passer au terme suivant. Plus précisément, il faut ajouter le énième nombre impair pour passer de à . Dit autrement, la suite des carrés est la suite :
- de premier terme nul () ;
- définie par : chaque terme s’obtient en additionnant le énième nombre impair au terme précédent.
Terme général
De ce qu’on vient de dire plus haut, on peut faire une déduction sur le terme général. On sait que celui-ci est égal au carré du rang : . Mais on sait maintenant quel est le lien entre ce terme et les entiers impairs : est égal à la somme des premiers nombres impairs.
Nombres pentagonaux
Ce qui peut être fait avec des triangles et des carrés peut aussi être fait avec des hexagones (6 côtés), des pentagones (5 côtés), des dodécagone (12 côtés), ou toute autre polygone régulier. Dans ce qui va suivre, nous allons voir ce que cela donne avec les nombres pentagonaux.
Relation de récurrence
La relation de récurrence des nombres pentagonaux est relativement simple à trouver pour qui sait comment s’y prendre. Pour commencer, regardons combien il faut ajouter au terme de rang pour passer au suivant, et notons les résultats dans un tableau.
Terme de rang | |
---|---|
0 | 1 |
1 | 4 |
2 | 7 |
3 | 10 |
4 | 13 |
5 | 16 |
6 | 19 |
… | … |
On remarque rapidement que est un nombre de la forme . En clair :
Terme général
Maintenant, on veut savoir comment calculer le énième nombre pentagonal. Pour découvrir quelle est la formule, nous allons vous faire remarquer que le énième nombre pentagonal est égal à la somme des nombres de la forme . Cette somme est simplement égale à :
On peut alors regrouper les : vu qu’il y en a exactement , on en déduit que la formule se simplifie en :
De là, on peut factoriser le :
Or, on sait calculer : c’est le énième nombre triangulaire ! La formule se simplifie donc en :
Ce calcul donne , mais on peut rapidement en déduire .
Autres nombres polygonaux
On pourrait poursuivre plus loin et parler des nombres hexagonaux et autres. Mais nous n’allons pas faire ces développements longs et compliqués, et passer directement au cas général : celui des nombres polygonaux. Les nombres polygonaux se représentent avec des polygones réguliers, des figures géométriques dont les côtés ont tous la même longueur et dont tous les angles sont identiques. Les nombres triangulaires, carrés et pentagonaux sont des cas particuliers de nombres polygonaux.
Voici les formules qui donnent en fonction du nombre de cotés de polygone :
- hexagonal : ½n(4n - 2) ;
- heptagonal : ½n(5n - 3) ;
- octogonal : ½n(6n - 4) ;
- ennéagonal : ½n(7n - 5) ;
- décagonal : ½n(8n - 6) ;
- undécagonal : ½n(9n - 7) ;
- dodécagonal : ½n(10n - 8) ;
- triskaidécagonal : ½n(11n - 9) ;
- etc.
On voit se dégager une sorte de motif général, qui nous donne la formule suivante. Pour un nombre de côtes, le énième nombre polygonal est égal à :
Suites arithmétiques
Calculer la somme partielle d’une suite arithmétique consiste à additionner tous les termes dont le rang est compris entre et . On a alors :
Remplaçons maintenant chaque terme par son expression calculée par .
Dans cette expression, on peut regrouper les termes ensemble : il y en a en tout :
Maintenant, factorisons le terme :
On sait calculer le facteur : c’est la somme des premiers entiers.
On obtient alors la formule suivante :
On peut factoriser et mettre l’expression au même dénominateur :
A ce moment là, il faut se souvenir que , ce qui permet de simplifier l’équation du dessus en :
On peut remarquer que les suites de nombres figurés sont des cas particuliers de suites arithmétiques. En effet, la suite des nombres entiers est une suite de premier terme et de raison , alors que la suite des entiers impairs est la suite de premier terme et de raison . Si vous utilisez la formule du calcul du énième terme d’une suite arithmétique, vous verrez que vous retomberez sur les formules déterminées pour les nombres triangulaires et carrés.
Suites géométriques
Maintenant, nous allons voir le cas de la somme partielle géométrique, à savoir la somme des premiers termes d’une suite géométrique. Reprenons la formule d’une série géométrique partielle, où l’on additionne les premiers termes d’une suite (qui vont de à ) :
Maintenant, multiplions cette formule par la raison de la suite :
Soustrayons les deux résultats précédents, et :
On a alors :
Il vient alors :