Cet article fait partie d’une série d’articles sur le RER de la région Île-de-France (RER A, RER C et RER D).
Je tiens à remercier Franklin Jarrier et son site carto.metro.free.fr pour m’avoir autorisé à utiliser sa carte consacrée au RER. N’hésite pas à consulter son site, il y a plein d’autres cartes intéressantes, notamment le métro de Paris.
Un grand merci également à zeqL, lama en chef, pour la validation de ce deuxième article.
En 1977, alors que les tronçons est et ouest de la ligne A sont enfin réunis, est prolongée la fameuse Ligne de Sceaux jusqu’à Châtelet-les-Halles, maintenant connue sous le nom de RER B.
- Prévue au schéma d’exploitation du futur RER, cette ligne doit traverser la région du Nord au Sud, tout en étant en correspondance avec la ligne Est - Ouest.
- Elle doit permettre de décharger la ligne 4, qui devient progressivement la plus chargée du métro, ainsi que Gare du Nord, qui prend la tête du classement devant Saint-Lazare.
- Elle permettra de relier les aéroports d’Orly et de Roissy.
Cette ligne est aujourd’hui la deuxième la plus chargée du réseau, avec une fréquentation en constante augmentation, preuve de son succès.
RER B : la liaison Nord - Sud
Les travaux préparatoires sur la ligne de Sceaux
Rappelons, comme indiqué dans l’article sur la ligne A, que la ligne de Sceaux est, en cette année 1973, terminus Luxembourg. Or, nous voulons relier Châtelet-les-Halles, qui se trouve de l’autre côté de la Seine. Il faut donc réaliser une traversée sous-fluviale.
Évidemment, rien n’est facile, ce ne serait pas marrant sinon. La gare de Luxembourg n’a, en effet, pas été prévue pour un prolongement en forte rampe (4%, c’est à dire une baisse / hausse de 4 mètres tous les 100 mètres). Il faut donc la reconstruire. Les travaux durent tout l’été 1974. Enfin, à la rentrée de cette même année, la gare est exploitée à une voie, celle vers Paris étant recouverte. Le but ? La gare n’ayant qu’une voie à titre provisoire, le train arrive, dépose ses voyageurs sur un quai puis faire rentrer ses voyageurs sur l’autre quai. Cela évite que les montées et descentes ne se fassent sur le même quai, ce qui le surchargerait.
Pendant ce temps, deux tunnels mono-tubes, longs de 2600 mètres, sont construits pour relier Luxembourg à Châtelet-les-Halles. Ceux qui suivent notent qu’aujourd’hui, il existe la gare de Saint-Michel - Notre-Dame entre les deux autres. J’expliquerai pourquoi en temps voulu.
Les travaux au nord
Parce que rejoindre Châtelet-les-Halles c’est bien, mais ça ne fait pas un réseau régional. En 1976, la ligne de Paris à Mitry-Claye est choisie pour constituer la partie nord de notre RER, avec son antenne reliant l’aéroport de Roissy. Pour cela, des travaux énormes commencent à Gare du Nord, notamment la construction de la gare souterraine, une réaménagement de la gare de surface ainsi que des voies, avec création de nombreux sauts-de-moutons pour éviter les cisaillements.
En plus de ces travaux, c’est aussi 2156 mètres d’un tunnel à double voie qui doit être creusé, dans un sous-sol difficile, avec des nappes phréatiques et des immeubles vétustes à la surface.
L’inauguration
Parce qu’on a pas le temps d’attendre que le nord soit prêt, la ligne des Sceaux prolongée à Châtelet-les-Halles devient officiellement la ligne B du RER le 8 décembre 1977, en même temps que le baptême de la ligne A.
Le matériel bi-courant, Gare du Nord, le bout du tunnel
Comme pour le RER A, la jonction entre la ligne RATP et la ligne SNCF implique de changer de tension d’alimentation, donc un matériel bi-courant. Le résultat produit s’appelle le MI 79.
La prolongation effective du terminus septentrional de Châtelet-les-Halles vers Gare du Nord se fait en cette froide journée du 10 décembre 1981, soit quatre ans et deux jours après l’inauguration officielle du RER. C’est également ce même jour que les branches Paris - Mitry et Paris - Roissy sont intégrées dans le RER.
Y’a pas une incohérence dans tes propos ? Les nouveaux terminus septentrionaux, ça devrait pas être Mitry et Roissy du coup ?
Bonne remarque ! En fait, sachant qu’il n’y a pas assez de MI 79 en cette année 1981 pour assumer l’interconnexion, on est obligé de limiter les MS 61 et les vieux Z 23000 à Gare du Nord, une correspondance à quai étant obligatoire pour prendre les trains allant vers le nord. Donc on peut dire que Gare du Nord est le terminus des trains RATP.
Ce n’est que le 7 juin 1983 qu’une interconnexion de 8 trains par heure a pu être mise en place. Comme Gare du Nord constitue la frontière entre la zone RATP (au sud) et la zone SNCF (au nord), une relève est mise en place : les conducteurs de cette dernière ne conduisent qu’au nord de Gare du Nord, ceux de la régie au sud uniquement.
Le 1er octobre 1984, la livraison avançant, c’est 12 trains par heure qui parcourent maintenant la ligne de bout en bout. Quelques mois plus tard, à l’été 1985, on passe à 16 trains par heure.
L’heure de la retraite sonne pour nos braves Z 23000. Bon pas encore. Parce que l’imprévu, qui comme son nom l’indique n’étant pas prévu du tout, c’est qu’on s’aperçoit à l’hiver 1985 que les MI 79 résistent mal au froid, tellement qu’elles sont pour la plupart en panne. On doit alors recourir aux bons vieux Z, ces trains qui, ayant tout vu depuis les années 1930, même la guerre, n’avaient peur de rien. On pense le problème réglé en 1986, mais il se reproduira encore durant cet hiver-là et même durant celui de 1987.
Mais ce qui devait arriver arriva. Le 27 février 1987, le chant du cygne sonne pour les Z. 1 Maintenant, 20 trains par heure seront interconnectés, uniquement avec des MI 79.
Toujours plus de gares !
Entre Luxembourg et Châtelet-les-Halles, il n’y a rien, à part deux tunnels. C’est dommage, parce qu’il y a une ligne 10 et une future ligne C du RER qui passent perpendiculairement à nos tunnels, ainsi qu’une certaine ligne 4 qu’on cherche à doubler. Voilà pourquoi le 17 février 1988, dix ans après l’inauguration du RER, la gare de Saint-Michel - Notre-Dame est ouverte. Elle est à quai central, comme on peut le voir ci-dessous.
Le 13 novembre 1994, la branche de Roissy, celle qui va à l’aéroport, est prolongée d’une gare, Aéroport Charles-de-Gaulle 2 TGV. Enfin, le 25 janvier 1998, la dernière gare, ouverte pour desservir le Stade de France en prévision de la coupe du monde qui se déroulera la même année, la voici la voilà, La Plaine - Stade de France.
RER B Nord
Afin d’améliorer l’état de la ligne, en 2007 est lancé le projet RER B Nord. De nombreux travaux sont menés sur toute la partie nord de la ligne, sur les branches Gare du Nord - Roissy et Gare de Nord - Mitry, dans le but de les moderniser et les rendre plus adaptées à un service RER.
- La signalisation a été modernisée pour passer à une exploitation type métro, permettant de monter à 20 trains par heure sans nuire à la sécurité.
- Toutes les gares ont été rendues accessibles avec rehaussement des quais et installation d’ascenseurs.
- Entre Aulnay-sous-Bois et Aéroport Charles-de-Gaulle 2 TGV, la ligne a été équipée d’installations permanentes de contre-sens afin de continuer l’exploitation sur cette branche malgré d’éventuels problèmes. Grâce à ces installations, les trains peuvent rouler à contre-sens, sur la voie de droite.
- Une meilleure dissociation des voies a été réalisée afin de mieux séparer le RER B des autres circulations (ligne K, TER, fret).
Ces mesures sont entrées en application fin 2013, entraînant de nouveaux horaires, notamment la suppression de beaucoup de directs et de semi-directs en heures creuses et les week-ends.
La ligne B en résumé
Oui, déjà. Forcément, vu que l’on a étudié une grande partie de son histoire dans la première partie, ça va plus vite.
La ligne B en carte
Le RER B est en correspondance avec toutes les autres lignes de RER sur son tronçon central ; le RER C bénéficie de deux correspondances supplémentaires dans le sud de la ligne. Il est aussi connecté à neuf lignes de métro, dont la ligne 4 qu’il double. Enfin, il permet de relier les aéroports de Roissy (directement) et d’Orly (à la gare d’Antony).
La ligne B en chiffres
Le matériel roulant
La ligne B n’utilise que des MI 79 / MI 84. Les premiers ont tous été rénovés comme sur la photo précédente, avec vert-jade pour symboliser la RATP, carmillon pour la SNCF et gris-argenté pour le STIF. Les deuxièmes viennent du RER A, n’ont pas encore été rénovés et en auraient bien besoin.
B comme beaucoup (de problèmes)
Un centre de commandement unique
Cela date déjà de 2013, mais à l’échelle de l’histoire de la ligne, c’est récent. Il aura en effet fallu attendre juin 2013 pour que RATP et SNCF unifient la direction de la ligne, les annonces diffusées en gare et la gestion des situations perturbées.
Ce n’est cependant qu’en avril 2015 que la direction de la circulation ferroviaire SNCF est inclue dans ce centre unique. Cette dernière s’occupe de toutes les circulations du nord de la ligne, qui, en plus du RER B, partage ses voies avec le fret et les TER.
Il est trop tôt pour conclure sur l’efficacité de cette mesure. Gageons que cela ne puisse pas être pire.
Le tunnel commun avec le RER D
Entre Châtelet-les-Halles et Gare du Nord circulent, sur les mêmes voies, les trains du RER B et du RER D. Avec respectivement 20 et 12 trains par heure, cela fait un total de 32 trains par heure, ce qui fait un train toutes les 2 minutes ! Du coup, le moindre ralentissement, la moindre panne ou la moindre personne qui se promène dans le tunnel ralentit immédiatement les deux lignes pour une durée qui peut être très longue (un train qui doit être évacué dans le tunnel en heure de pointe et c’est tout le plan de transport de la journée qui doit être revu).
De plus, le partage des voies rend impossible d’augmenter le nombre de trains, notamment sur le RER D qui ne pourra jamais passer à 16 trains par heure en l’état.
Pour résoudre la situation à court terme, deux mesures ont été prises.
- Des pousseurs à Gare du Nord et à Châtelet-les-Halles, chargés de fluidifier les échanges à quai et d’empêcher les gens de bloquer les portes, source de retards.
- La fin de la relève à Gare du Nord. Au nord de cette gare, nous sommes en zone SNCF, au sud, en zone RATP. Les règlements et la culture d’entreprise varient entre les deux, donc pendant longtemps, jusqu’en 2009, les conducteurs SNCF s’arrêtaient à Gare du Nord et laissaient leur place à un collègue RATP et vice-versa. Maintenant, après formation, le conducteur parcourt d’un bout à l’autre de la ligne, peu importe qu’il soit de la régie parisienne ou de la société nationale.
Ces solutions sont destinées à retarder l’investissement de plusieurs milliards nécessaire à plus ou moins long terme. En effet, seul l’augmentation du nombre de voies, par doublement du tunnel existant ou création d’un autre tunnel, apportera une véritable solution définitive.
Une solution avait été avancée dès 2003, consistant à deux tunnels monotubes réalisables séparément. L’idée est de créer un nouveau tunnel Gare du Nord - Châtelet-les-Halles dans le sens Nord - Sud et ainsi séparer la ligne B de la ligne D dans ce sens. Seul le tunnel sens Sud - Nord serait encore commun.
Sa réalisation n’est toujours pas planifiée, pour des raisons de budget mais également pour des raisons politiques. En effet, la gare de Châtelet-les-Halles appartient à la RATP. Un tunnel indépendant pérenniserait l’utilisation de la gare par la SNCF et empêcherait la RATP de faire usage comme elle l’entend des trois voies centrales, affectées aujourd’hui au RER D mais utilisable pour les trains du RER B en cas de problème.
Les gares en courbe
Beaucoup de gares du sud de la ligne, celles de l’ancienne Ligne des Sceaux, sont très belles d’un point de vue architectural. Par contre, à l’époque où elles ont été construites, l’accessibilité aux trains n’était vraiment pas la priorité. Comme illustré ci-dessous, cela donne des situations où l’écart entre le quai et le train est important.
La RATP doit donc réfléchir aux solutions à mettre en œuvre, réflexions que l’on peut retrouver dans les délibérations de 2013 concernant le schéma directeur du RER B sud (page 167 précisément).
Un matériel roulant inadapté
Aujourd’hui, face à environ 900 000 voyageurs quotidiens, les MI 79/84 ne suffisent plus. Leur remplacement n’est pas prévu avant 2025, parce qu’ayant fait l’objet d’une rénovation de mi-vie récemment. Cependant, la définition d’un nouveau matériel roulant prenant du temps, les études doivent être menées d’ici 2017 pour permettre des premières livraisons d’ici 2025.
Il y aura cependant plusieurs contraintes. Je cite le schéma directeur page 154.
- Adaptation des quais et installations d’exploitation et de remisage : l’utilisation de matériel plus long (224 m) nécessiterait de nombreuses adaptations des infrastructures (quais à allonger, signaux à déplacer, …) et aurait de forts impacts sur quelques quais et voies dont la longueur n’est pas compatible avec une telle longueur de matériel roulant (voie Z de Denfert-Rochereau, voie Z et quelques positions de garage de Massy- Palaiseau, 3 voies à quai à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, 2 voies à Robinson, voies au Bourget, voies principales et faisceaux de garage et de maintenance à Mitry-Claye).
- Adéquation du matériel roulant avec la hauteur actuelle des quais (compatible avec un plancher des trains légèrement inférieur à 1 200mm sauf au nord sur les voies directes). Le matériel roulant respectera les normes d’accessibilité.
- Vérification de l’implantation des voies, des équipements et des quais par rapport au gabarit des matériels.
- Vérification du gabarit des tunnels et des ponts route notamment pour le cas du croisement de trains à 2 niveaux.
- Vérification de la stabilité des talus et de la capacité de surcharger les ponts rails (dans le cas d’un matériel roulant à 2 niveaux).
- Adaptation des installations d’alimentation électrique (dimensionnement, compatibilité avec la position des pantographes sur les trains).
- Vérification des conditions d’évacuation en gare en cas de matériel roulant plus capacitaire : selon les normes actuelles, les gares souterraines doivent pouvoir être évacuées en moins de 10 min.
- Vérification de la cohérence du dimensionnement des espaces voyageurs en gare (quais, salles d’échange voyageurs, couloirs) avec l’afflux de voyageurs générés par la circulation de matériel roulant plus capacitaire.
- Adaptation des ateliers et des équipements de maintenance (notamment la machine à laver de Massy-Palaiseau) pour permettre d’accueillir des trains plus longs. Il est à noter que quel que soit le type de matériel roulant, les trains de nouvelle génération ont des caractéristiques qui nécessitent d’adapter certains dispositifs de maintenance (accès toiture, entraxe des voies…).
Une rénovation problématique
Si les rames MI 79 rénovées sont jolies à regarder2, leur rénovation n’est pas des plus réussies. Déjà, les strapontins ont été supprimés pour être remplacés par des porte-bagages … inutilisés. En effet, situés juste à côté des portes, ils sont des cibles faciles pour voleurs et autres pickpockets qui sévissent sur cette ligne fréquentée par des touristes et des voyageurs en provenance / destination des aéroports.
Mais le vrai problème reste l’amiante. Des traces de poussière d’amiante avaient été retrouvées, en 2011 par exemple, ce qui, en plus des problèmes de santé et de réglementation, avait entraîné un droit de retrait chez les conducteurs ou dans les ateliers d’entretien. De plus, désamianter une rame nécessite de l’immobiliser et de l’envoyer dans des ateliers spécialisés, parfois loin, ce qui réduit le nombre de rames disponibles pour la ligne, donc des trains moins fréquents et plus chargés.
D’autres mesures
J’invite ceux qui sont intéressés à lire le schéma directeur du RER B sud, qui liste tout ce qui est envisagé, dont un pilotage automatique sur le tronçon central ou une signalisation embarquée, à l’instar de ce qui se fait et ce qui est prévu sur le RER A.
Malgré ses faiblesses et son grand âge, la ligne B constitue le nerf Nord - Sud du RER par excellence, reliant deux aéroports, l’école Polytechnique, le plateau de Saclay et ses entreprises, la vallée de Chevreuses, les grandes villes du nord et Paris, avec son ventre central qu’est la gare de Châtelet-les-Halles ainsi que la première gare française et deuxième d’Europe en terme de fréquentation, Gare du Nord.
Elle est cependant victime de son succès et surchargée au regard du matériel roulant et des infrastructures. Comme pour la ligne A, seule une vision globale et à très-long terme, accompagnée d’investissements massifs et réguliers, pourront durablement améliorer la situation.