Cet article est le premier d’une série, permettant d’avoir une vue perspicace sur les plantes ou boissons chaudes consommées régulièrement dans le monde. Nous parlerons dans ce premier opus du Café.
Le café étant un produit couramment consommé par les Français (c’est tout de même la deuxième boisson consommée au monde, après l’eau), je souhaitais revenir sur quelques confusions, qui, pour moi étudiant en chimie, étaient essentielles à démêler !
C’est pourquoi j’ai réuni une équipe de choc composé de Mewtow (Ancien membre), GriffeDeKoala et moi-même pour réaliser une série d’article à propos de produit courant !
Comment fait-on le café ?
Le café est une boisson chaude ; une décoction à partir des grains de cafés moulues. Les grains sont moulues pour permettre à l’eau bouillante de pénétrer la matière végétale plus aisément. Il est important pour obtenir les différentes subtilité gustatives que les cellules végétales se vide de leurs arômes. L’eau peut mieux s’infiltrer lorsque la cellule est déjà partiellement brisée (à une température > 60°C). Les grains sont donc moulues car il est plus facile pour l’eau de pénétrer à l’intérieur d’une fine poudre plutôt qu’à travers les grains bruts.
Les caféiers poussent sous les tropiques (originaire initialement d’Asie et d’Afrique, cette plante pousse dans toute la zone inter-tropicale), ils ont besoins de beaucoup d’eau et de beaucoup de soleil. Malheureusement il arrive que ce soleil, si puissant dans cette zone, brule les feuilles des Caféiers, c’est pourquoi dans certaines plantations de grands arbres sont plantés, pour protéger les arbustes en leurs faisant de l’ombre.
La récolte des grains est tellement importante que les dates de certaines vacances scolaires sont synchronisées avec les périodes de récoltes pour que les enfants puissent aider leurs parents à cueillir les grains de cafés1. Ce travail étant saisonnier, les récolteurs peuvent venir de pays éloignés pour mettre du beurre dans les épinards (je ne suis pas certain que ce soit leur plat de prédilection, mais l’expression s’y prête ). Ils sont d’ailleurs payé au kilo de cerise rapporté.
Des cerises ? Je pensais qu’on parlait de café ?
La cerise est une drupe (un fruit charnu à noyau) sucrée, contenant nos deux grains de café ! C’est tout simplement le fruit du caféier. Les grains de café, après avoir subit plusieurs étapes permettant d’extraire la drupe, sont appelé «cafés verts» car les grains prennent une couleur verte après avoir été débarrassés de toutes leurs enveloppes (coque, pulpe, parche…).
Ces cafés verts sont acheté par des négociants qui sélectionnent attentivement le café avant de l’envoyer au torréfacteur. La torréfaction est une opération qui vise a déshydrater/griller les grains. C’est lors de cette étape que les protéines réagissent avec le sucre pour donner des arômes complexes responsables du gout si particulier du café.
La légende voudrait qu’une cerise de Caféiers ait été mangée par une chèvre, et que le berger intrigué par le comportement excité de sa chèvre, aurait répandu la nouvelle partout. Ce qui donna l’idée à de nombreuses personnes d’en faire une boisson.
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C’est pas sorcier - café : les sorciers veillent au grain ↩
La caféine
Le café est une boisson qui est consommée non seulement pour son gout, mais aussi pour les effets qu’il provoque sur notre corps. La molécule principalement responsable de ces effets sur l’organisme est la caféine, qui va subir un périple dans tout l’organisme une fois ingurgitée. Cette molécule est un alcaloïde, c’est à dire une molécule d’origine végétale ayant un effet sur l’organisme1. La caféine se cache partout dans la plante, que ce soit dans les graines, dans les fruits ou dans les feuilles.
La caféine est intégralement absorbée par le tube digestif (c’est à dire par l’estomac et l’intestin grêle) au bout de 5 minutes, bien que ses effets ne soient vraiment perceptible qu’au bout de 20 minutes environs. La caféine passe dans le sang à partir du tube digestif (l’eau est, par exemple, absorbée par les capillaires sanguins entourant l’intestin grêle) en mimant la forme d’une molécule connue2 : l’adénine.
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Il en existe des basiques, des acides, des amphotères, des aminés et sans amines. Au vue de tout ces cas particuliers je ne m’évertuerai pas à détailler cette définition ici. ↩
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Wikipédia : Caféine / Pharmacocinétique ↩
Les effets du café sur le corps
L’effet le plus connu de la caféine est l’effet stimulant : après avoir bu du café, on se sent plus réveillé. D’ailleurs, beaucoup de personnes boivent un café pour se réveiller le matin, et être plus efficace durant la journée. La caféine a aussi la faculté d’accroitre l’attention : on se sent plus réactif, on réfléchit plus vite et mieux, et nos performances intellectuelles augmentent. En clair, la caféine est un psychostimulant. Cela a des applications militaires : les soldats américains possèdent des chewin-gums à la caféine dans leurs rations1, et les pilotes de chasse Français consomment des pilules de Caféine à libération prolongée (dans le but que l’effet soit plus diffus dans le temps).
On peut aussi citer l’effet sur les performances sportives : on est plus résistant à l’effort, on court plus vite, on se fatigue moins vite, etc. Cela vient du fait que la caféine augmente le rythme cardiaque et la fréquence respiratoire. D’ailleurs, la caféine a longtemps été considérée comme un produit dopant, la simple prise de café avant une compétition pouvant mener à des poursuites pour dopage. Elle fût d’ailleurs interdite (à certaines doses) jusqu’en 2004 chez les sportifs de haut niveau (chez les cyclistes, notamment2).
Mais la consommation de café a aussi d’autres effets secondaires nettement moins glamours. Cela va d’une simple insomnie à des troubles respiratoires ou cardiaques. Vous savez surement que le café empêche de dormir : les médecins conseillent d’ailleurs de ne pas consommer de café en cas de troubles du sommeil et de difficultés d’endormissement. Il est aussi connu que le café énerve : on est plus irritable après avoir consommé du café. Nettement plus grave, le rythme cardiaque va augmenter, ce qui peut être dangereux pour les personnes cardiaques.
Notons que l’accélération du transit peut-être lié aussi à la prise de nicotine, le café et la nicotine étant souvent les deux alcaloïdes pris fréquemment en association. D’où l’adage des $3\;\text{C}$ "Café Clope Chiotte".
Si vous consommez trop de café durant la journée, il se peut que vous soyez victime d’une intoxication à la caféine. Une telle surdose se traduit par plusieurs symptômes, pouvant être relativement graves, voire potentiellement mortels. Lors de certains prises assez importantes, des hallucinations peuvent se produire, la personne peut devenir confuse, le rythme cardiaque peut s’emballer ou se dégrader dangereusement, etc.
D’après les instituts de recherche Canadien, la prise de 400 à 450 mg4 n’engendre pas d’effet indésirables notoires sur la santé, ni d’addiction. Ils précisent toutefois que chaque individu est différent face à la caféine, on peut ne ressentir aucun effet positif, comme seulement les effets négatifs. Ce qui rend les études sur la caféine très compliqué à harmoniser. Il est toujours difficile d’évaluer les problèmes liés à la Caféine, car cela dépend beaucoup des patients.
Si la caféine a de tels effets secondaires, c’est pour deux raisons :
- elle ressemble à une substance chimique nommée l’adénosine, que l’on trouve dans le corps humain ;
- elle est dégradée par le foie en substances chimiques qui causent quelques effets secondaires.
Un antagoniste de l’adénosine
La caféine agit dans tout le corps en mimant la forme d’une molécule courante : l’adénosine.
Leurs ressemblances sont frappantes lorsque l’on observe attentivement la caféine après avoir jouer avec la mésomérie (mouvement des électrons dans une molécule aromatique/conjuguée) :
Grosso-modo, l’adénosine et la caféine ont des effets inverses sur les cellules. Cela se comprend assez facilement quand on connait les mécanismes d’action de l’adénosine sur les cellules. Dans les grandes lignes, l’adénosine ne pénètre pas à l’intérieur des cellules au lieu de ça, elle se fixe sur des protéines localisées à la surface des cellules, les récepteurs membranaires. Lorsqu’elle se fixe sur ces récepteurs membranaires, elle en change la forme, ce qui déclenche tout une série de réactions chimiques à l’intérieur de la cellule. Seuls quatre récepteurs membranaires réagissent à l’adénosine.
La caféine lui ressemblant comme deux gouttes d’eau, elle se fixe aussi les les récepteurs membranaires. Seulement, la caféine ne déclenche pas la cascade de réactions chimiques et n’a donc pas vraiment l’effet de l’adénosine. Dans ces conditions, elle peut se fixer sur les récepteurs à la place de l’adénosine : en plus d’empêcher l’adénosine d’arriver à bon port, la caféine se fixe préférentiellement sur ces récepteurs5. En clair, l’adénosine et caféine entrant en compétition pour les même récepteurs : c’est un inhibiteur compétitif. Et suivant la cellule, les effets ne seront pas les mêmes, l’adénosine et la caféine n’ayant pas le même effet sur une cellule cérébrale que sur une cellule cardiaque ou rénale.
Cœur
Le cœur est sensible à l’action de l’adénosine et de la caféine : les cellules cardiaques possèdent à leur surface des récepteurs à l’adénosine, dont l’action freine le rythme cardiaque. La prise de caféine augmente donc le rythme cardiaque par action directe sur le cœur. Ce n’est pas pour rien que l’adénosine est utilisée pour soigner temporairement des tachycardies sévères, lors de crises entrainant une hospitalisation. Elle a aussi une action sur les vaisseaux sanguins : l’adénosine contracte les vaisseaux sanguins alors que la caféine les dilate. Des actions dangereuses chez les personnes cardiaques, évidemment.
Cerveau
Mais c’est surtout leur action sur les cellules nerveuses qui rendent adénosine et caféine intéressantes. Au niveau du cerveau, l’adénosine, entre en contact avec les neurones6 (sur les récepteurs à l’adénosine) : elle diminue l’activité électrique du cerveau et ralenti l’activité nerveuse. Cela se traduit par un état de somnolence : plus l’adénosine s’accumule lors de la journée, plus on se sent fatigué. Là où l’adénosine créait les symptômes de la fatigue, la caféine va bloquer l’action de l’adénosine sur le cerveau, augmentant l’activité cérébrale : la fatigue nerveuse diminue donc, de même que la somnolence.
Ensuite, la caféine va favoriser la production de plusieurs neurotransmetteurs à l’intérieur du cerveau. Grosso-modo, les concentration cérébrales de dopamine, de sérotonine, d’adrénaline, de noradrénaline, et d’histamine vont augmenter. Cela se traduit par une irritabilité et de l’anxiété : il est bien connu que la caféine énerve et rend anxieux, ce qui peut aller jusqu’à l’insomnie. Ainsi, il est déconseillé aux personnes anxieuses ou stressées de prendre de la caféine.
La caféine a tendance à augmenter la production d’adrénaline : elle agit sur l’hypothalamus, une aire cérébrale, ce qui provoque la production d’adrénaline dans les glandes surrénales (ren venant de renus en latin, signifiant rein). Or, l’adrénaline est une molécule que le connait bien pour ses propriétés stimulantes : elle qui augmente le rythme cardiaque et la fréquence respiratoire, et améliore la concentration.
L’augmentation de la dopamine cérébrale se traduit par une amélioration de la concentration, ainsi qu’une sensation de plaisir. Après tout, ce n’est pas pour rien que l’on consomme du café : c’est parce que c’est bon. Lors d’une consommation très importante de caféine, la production de dopamine augmente au point de causer des hallucinations assez violentes.
Si la caféine est consommée sur de longues périodes, le cerveau s’adapte en augmentant le nombre de récepteurs à l’adénosine sur la surface des neurones, ainsi qu’en diminuant le nombre de récepteurs à la dopamine (pour s’adapter à sa surproduction). Ainsi, les effets stimulants de la caféine diminuent avec le temps et il faut des doses de plus en plus fortes pour obtenir les mêmes effets. L’arrêt de la consommation de caféine permet au nombre de récepteurs de revenir à la normale après quelques semaines.
Ce comportement de désensibilisation progressive est semblable à celui d’une drogue. On peut d’ailleurs citer que certaines classifications des maladies mentales (la CIM de l’OMS) reconnaissent l’addiction à la caféine, même si d’autres, comme le DSM, ne la reconnaissent pas.
La dégradation par le foie
Mais une fois la caféine ingérée, elle ne reste pas définitivement dans l’organisme : elle est dégradée par le foie, l’organe qui se charge de détoxifier l’organisme. Ainsi, les effets de la caféine s’estompant après 6 heures, une fois que le foie a dégradé une grande partie de la caféine présente dans le sang7.
La caféine une fois arrivée dans le foie se voit retirer ses méthyls à divers endroits. Nous obtenons du paraxanthine (84%) de la théobromine (12%) ainsi que de la théophylline (4%). Ce cocktail de molécules est responsable des effets varié de la caféine.
La paraxanthine a des effets sur le système nerveux central qui sont similaires à la caféine. Il s’agit d’un antagoniste de l’adénosine, comme la caféine, qui se lie aux récepteurs de l’adénosine qui sont présents à la surface des neurones. En clair, elle cause un double effet kiss-cool. Pour la théophylline, c’est pareil, même si elle a d’autres actions spécifique. La théophylline décontracte les muscles, ce qui lui vaut un effet bronchodilatateur, car les bronches sont entourée de fibres musculaires lisses, ce qui explique l’effet de la caféine sur les asthmatiques.
En somme la caféine est un stimulant aux multiples facettes, il est très difficile de jauger toutes ses spécificités, très variable d’un individu à l’autre. Nous pouvons néanmoins dire que la caféine est une molécule psychostimulante, et que grâce à sa métabolisation, d’autres effets (que ceux perceptibles par de la caféine simple) peuvent être ressentis.
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Article de l’US Departement of Defense, defense.gov : Combat Rations "…at other ways to deliver caffein, possibly through a bar, gum or candy product…" ↩
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Le parfum de la fraise - Peter Atkins ↩
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Le cerveau à tout les niveaux - La caféine ↩
Voilà qui conclura ce premier épisode autour des molécules psychoactive de nos breuvages communs.