Interview : Rencontre avec rezemika

Salut rezemika !

Nous reprenons les interviews des membres après une (trop) longue pause, et c’est rezemika, notre expert es secourisme, qui s’y colle. Bienvenue !

Pour commencer, parle nous un peu de toi. Qui es-tu, que fais-tu ?

Bonjour.

Je m’appelle Michael, j’ai 20 ans et je suis actuellement en première année de licence de sociologie après un bac pro1 en électrotechnique (ce qui est assez rare2). C’est d’ailleurs super intéressant, je conseille à tous ceux qui le peuvent d’aller voir un cours de socio, vous ne serez pas déçus. :p


  1. C’est comme un baccalauréat général, sauf que le niveau global est plus bas et qu’on y apprend directement un métier. 

  2. Le bac pro ne prépare absolument pas à l’université, ce qui fait que très peu de bacheliers pro tentent le coup. 

Dis nous en plus ! Ça consiste en quoi, la socio ?

Vaste question ! :D

Je dirais que c’est une discipline1 qui consiste à adopter un regard distancié pour comprendre la société et toutes les interactions qui la composent.

Le postulat de base en socio (et en anthropologie) est qu’il n’existe pas de « nature humaine » (ou tout du moins que celle-ci n’est pas déterminante de « qui nous sommes ») et que quasiment tout ce qui fait notre comportement, nos préférences et nos interactions est une construction sociale, et que celles-ci varient selon le milieu duquel on est originaire.

Par exemple, une anthropologue nommée Margaret Mead a étudié plusieurs civilisations en Océanie et a remarqué que les rôles des hommes et des femmes dans la société occidentale sont loin d’être universels. Chez les Arapesh, la notion de virilité n’existe pas, et les hommes comme les femmes sont très sensibles. Un homme peut y fondre en larmes devant une accusation injuste.

En apprenant cela, on prend de la distance par rapport à notre propre conception de ce qu’est un homme ou une femme. De la même manière, dans chaque spécialité de la sociologie, on découvre plein de structures sociales auxquelles on ne pense pas, mais qui influent quotidiennement sur notre vie.

La sociologie, ça consiste donc à mettre en lumière toutes ces constructions sociales pour mieux comprendre la société et mieux se comprendre soi-même.


  1. Il y a apparemment un débat pour savoir si la sociologie est une science ou une discipline. Pour ma part, je trouve cela parfaitement futile. 

Quel conseil aurais-tu voulu qu’on te donne il y a quelques années ?

« Lire des livres, plein de livres. » :D

Jusqu’au début de l’année dernière, j’étais pour ainsi dire allergique à la lecture, je n’arrivais à m’y mettre. Voir un livre de 150 pages me décourageait et j’osais à peine lire l’introduction. C’était d’autant plus ennuyeux que j’avais trouvé un livre de 330 pages1, tout en anglais, qui m’intéressait fortement.

Sauf que l’an dernier, j’ai fêté mes six mois d’expérience en langage Python, et qui dit apprentissage de la programmation dit apprentissage de l’anglais. J’avais bien sur eu des cours d’anglais au lycée, mais on n’apprend jamais aussi bien une langue que quand on en a vraiment besoin. En l’occurrence, j’avais quelques mois d’expérience en lecture de documentations de modules Python.

XKCD #519

Un peu plus confiant dans mes capacités, je me suis lancé dans la lecture des premiers chapitres. La lecture des premières pages fut un peu difficile, mais passé le premier chapitre, j’ai finalement réussi à prendre le rythme. Ça m’a pris un bon mois, mais j’ai finalement lu mon premier « gros » livre, en anglais.

Si je m’étale un peu, c’est parce que j’espère que parmi vous, chers lecteurs, il y en aura au moins un qui trouvera le courage de s’y mettre. Parce que ça veut vraiment le coup. Trouvez une discipline qui vous intéresse, trouvez un livre facile à lire sur le sujet, et lancez-vous, ça vaut vraiment le coup. :)


  1. Pour les curieux : Gonzales, Laurence. Deep Survival. W.W. Norton & Company, 2005. 

D'où te vient cet intérêt pour le secourisme ?

Tout a commencé en 2015 si ma mémoire est bonne. Je m’intéressais à la randonnée depuis longtemps, et j’envisageais de partir dans des endroits un peu plus isolés, du côté de l’Auvergne, et je me demandais « qu’est-ce que je ferais si je suis confronté à une blessure grave ? ». J’avais déjà le diplôme PSC1, mais il n’avait pas été passé dans des conditions optimales, et il reste de toute façon assez limité dans ce genre de cas, puisqu’il suppose que les secours sont toujours à moins de 15 minutes de trajet.

J’ai donc commencé à chercher ce qui se faisait comme formations plus poussées, et la seule qui revenait (parmi les formations non professionnalisantes) était le PSE1. Naturellement, ma curiosité m’a poussé à essayer, et elle a bien fait. :)

On ne dirait pas comme ça, mais le secourisme associatif est une vraie institution en France, il y a plein de choses à apprendre et plusieurs domaines d’activités possibles.

Si j’aime le secourisme, c’est parce qu’il nous apprend à rester calme quand notre instinct nous dit de paniquer, il nous guide, et le fait de savoir que l’on sait ce qu’il faut faire est très rassurant. On se dit que, si un jour on est confronté à quelque chose de vraiment grave, certes on va pas forcément tout faire pile poil comme il faut, mais on aura des réflexes, des mantras intérieurs, qui nous permettrons au moins de faire en sorte que la situation ne s’aggrave pas et d’aider un peu les secours.

Je crois que c’est surtout pour ça que je parle de secourisme ici. D’une part, chaque article est pour moi une motivation d’en apprendre encore plus sur un sujet précis (les centres d’appels, la médecine de catastrophe, etc), mais surtout, je pense qu’en transmettant quelques-uns de ces réflexes au plus grand nombre, on peut sauver bien plus de vies qu’en soufflant un vent de panique, comme le font parfois les médias.

Dans un sens, le secourisme a des points communs avec la zététique (l’art de l’esprit critique), mais appliqué dans des situations d’urgences. Il apprend à discerner ce qui semble grave de ce qui l’est réellement (souvent, les deux se recouvrent, mais pas toujours). Et je pense que si ces deux disciplines étaient apprises dès l’école et au collège, la société serait très différente.

Avant de passer à la suite, je me dois de préciser que, bien que j’ai des connaissances théoriques, des raisons diverses font que je n’ai pas encore pu avoir d’expérience réelle du secourisme associatif (j’ai déjà été dans ces associations, mais pas dans des postes).

Et à part le secourisme, quelles sont tes activités et centres d'intérêt ?

Eh bien, je m’intéresse à beaucoup (trop ?) de choses, si bien que j’ai parfois du mal à tout concilier. ^^ Dès que je découvre un truc nouveau, je suis saisi par l’envie de tout savoir sur « comment ça marche », jusqu’à ce que je découvre autre chose. Du coup, j’ai des petites notions dans plein de domaines : l’électronique, l’héraldique, le fonctionnement des téléphériques… Souvent, c’est surtout la pratique qui me manque.

Du côté des passions plus durables, je m’intéresse aussi à la programmation (j’apprends le langage Python depuis un peu plus d’un an) et, comme je le disais tout à l’heure, à la randonnée. Plus généralement, j’ai toujours été attiré par les endroits isolés, où l’on peut admirer la nature à toutes ses échelles. À ce sujet, j’aime particulièrement cette citation d’Élisée Reclus.

Si, dès mes premiers pas dans la montagne, j’avais éprouvé un sentiment de joie, c’est que j’étais entré dans la solitude et que des rochers, des forêts, tout un monde nouveau se dressait entre moi et le passé ; mais, un beau jour, je compris qu’une nouvelle passion s’était glissée dans mon âme. J’aimais la montagne pour elle-même. J’aimais sa face calme et superbe éclairée par le soleil quand nous étions déjà dans l’ombre. J’aimais ses fortes épaules chargées des glaces aux reflets d’azur, ses flancs où les pâturages alternent avec les forêts et les éboulis ; ses racines puissantes s’étalant au loin comme celles d’un arbre immense, et toutes séparées par des vallons avec leurs rivelets, leurs cascades, leurs lacs et leurs prairies ; j’aimais tout de la montagne, jusqu’à la mousse jaune ou verte qui croît sur le rocher, jusqu’à la pierre qui brille au milieu du gazon.

Élisée Reclus, Histoire d’une montagne.

Quel est le meilleur endroit pour faire de la rando ? :P

Bonne question ! À vrai dire je voyage assez peu, ce qui fait que je connais assez peu d’endroits. Mais si je devais en citer deux, je pense que je commencerais par les bords de la Sèvre et de la Maine, au sud de Nantes (dans l’ouest de la France). Il n’y a pas de paysages époustouflants et les routes bitumées ne sont jamais très loin, mais j’aime bien l’ambiance qui s’en dégage. On est souvent sous des arbres, à côté d’une rivière très calme, et ce n’est pas très fréquenté.

La Maine à Aigrefeuille-sur-Maine. Source.

Et surtout, je citerais sans hésiter le massif du Sancy et la vallée de Chaudefour (qui est en fait une des vallées du massif), en Auvergne (au centre-sud de la France). Le massif culmine à 1886 mètres d’altitude, ce qui le rend accessible sans nécessiter une préparation physique intense (ce qui ne veut absolument pas dire qu’on peut faire de la moyenne montagne sans préparation). Les paysages sont magnifiques et on peut y admirer plusieurs grandes cascades, dont la cascade de la Biche qui fait une trentaine de mètres de haut et qui est une superbe récompense pour l’heure de marche qu’il faut faire pour la voir. Le seul inconvénient est que l’endroit est très fréquenté en été (comme toute l’Auvergne).

Paysage près de la vallée de Chaudefour (sur la droite)

Si je passais te voir, qu'est-ce que je trouverais sur ton bureau ?

Eh bien, d’habitude j’ai du mal à le ranger, mais pour la photo j’ai fais un effort. :D

L’écran de mon pc fixe (dont je ne me sers plus en ce moment), un coin à autocollants, de la lecture et un pot à flutes (les stylos servent à les caler). Souvent il y a aussi quelques post-it, mais pas en ce moment. :p

Le mot de la fin ?

Lisez des trucs, plein de trucs. Même si c’est dur, même si vous n’en avez pas l’habitude, parce que ça en vaut le coup, vraiment.

Fresque dans l’entrée de la BU de Lettres et de Sciences Humaines et Sociales (LSHS) de Nantes. Source.

Merci à rezemika pour s’être prêté au jeu.

15 commentaires

Le postulat de base en socio (et en anthropologie) est qu’il n’existe pas de « nature humaine » (ou tout du moins que celle-ci n’est pas déterminante de « qui nous sommes ») et que quasiment tout ce qui fait notre comportement, nos préférences et nos interactions est une construction sociale, et que celles-ci varient selon le milieu duquel on est originaire.

Je ne me suis jamais intéressé à la sociologie, mais c’est étrangement ce que je fais remarquer à des personnes qui balancent des superficialités du type "c’est humain" ou "c’est la vie".

Donc je vais probablement m’y intéresser d’avantage. Merci Remezika.

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Il y a apparemment un débat pour savoir si la sociologie est une science ou une discipline. Pour ma part, je trouve cela parfaitement futile.

C’est la position de beaucoup de gens dans ta discipline ? Car en économie on a aussi souvent ce débat mais pour le coup la réponse des économistes est quasi unanime : l’économie est une science, car elle suit la démarche scientifique (produire des théories réfutables en gros). En pratique c’est pas si évident, mais il y quand même cette volonté affichée de suivre la démarche scientifique et d’être une science comme une autre.

Le postulat de base en socio (et en anthropologie) est qu’il n’existe pas de « nature humaine » (ou tout du moins que celle-ci n’est pas déterminante de « qui nous sommes ») et que quasiment tout ce qui fait notre comportement, nos préférences et nos interactions est une construction sociale, et que celles-ci varient selon le milieu duquel on est originaire.

Je trouve ce postulat bizarre, c’est assez auto-référentiel non ? Un peu comme la psychanalyse qui dirait "c’est votre inconscient qui refuse d’y croire". :p Et plus je lis de choses sur la biologie/psychologie évolutionniste, plus je doute fortement de ce genre de postulats. J’ai l’impression que la sociologie revient à étudier la société de façon statique, sans regarder les causes qui expliquent l’émergence d’une structure sociale, ou les dynamiques à l’œuvre. Et que du coup les sociologues passent à coté de l’essentiel.

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Le postulat de base en socio (et en anthropologie) est qu’il n’existe pas de « nature humaine » (ou tout du moins que celle-ci n’est pas déterminante de « qui nous sommes ») et que quasiment tout ce qui fait notre comportement, nos préférences et nos interactions est une construction sociale, et que celles-ci varient selon le milieu duquel on est originaire.

Je ne me suis jamais intéressé à la sociologie, mais c’est étrangement ce que je fais remarquer à des personnes qui balancent des superficialités du type "c’est humain" ou "c’est la vie".

Donc je vais probablement m’y intéresser d’avantage. Merci Remezika.

Ozmox

T’as pas suivit de cours de SES en seconde ?

Moi j’avais un prof super cool, c’était même une de mes matière préférées et je suis déçu de ne plus l’avoir tant elle fut intéressante. Après ce n’est sans doute pas du tout la même chose que la sociologie en post-bac.

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Merci pour vos retours ! :)

Il y a apparemment un débat pour savoir si la sociologie est une science ou une discipline. Pour ma part, je trouve cela parfaitement futile.

C’est la position de beaucoup de gens dans ta discipline ? Car en économie on a aussi souvent ce débat mais pour le coup la réponse des économistes est quasi unanime : l’économie est une science, car elle suit la démarche scientifique (produire des théories réfutables en gros). En pratique c’est pas si évident, mais il y quand même cette volonté affichée de suivre la démarche scientifique et d’être une science comme une autre.

Pas vraiment. Il y a une majorité qui affirme également que la sociologie est une science car elle suit elle aussi une démarche scientifique, et une petite minorité qui affirme que la socio n’est pas « une vraie science » parce qu’elle ne peut pas proposer d’expériences réplicables et que, le chercheur étant lui-même touché par le sujet de son étude (comme en psycho, ce sont des gens qui étudient des gens, on est à la fois enquêteur et enquêté), on ne saurait être tout à fait objectif. Du coup, ceux-là préfèrent parler de « discipline ».

Pour ma part, je me contente de faire de mon mieux pour être objectif, tout en n’oubliant pas que je ne le suis pas. Il faut se préserver de tout jugement de valeur du type « cette pratique est bien, celle-ci est mal », sans oublier que même si on ne formule pas ces jugements, ils nous influencent tout de même. Du coup, on conseille généralement de s’avouer ouvertement à soi-même quels sont nos propres biais, et à redoubler d’attention pour les compenser quand on écrit sur ce sujet.

Le postulat de base en socio (et en anthropologie) est qu’il n’existe pas de « nature humaine » (ou tout du moins que celle-ci n’est pas déterminante de « qui nous sommes ») et que quasiment tout ce qui fait notre comportement, nos préférences et nos interactions est une construction sociale, et que celles-ci varient selon le milieu duquel on est originaire.

Je trouve ce postulat bizarre, c’est assez auto-référentiel non ? Un peu comme la psychanalyse qui dirait "c’est votre inconscient qui refuse d’y croire". :p Et plus je lis de choses sur la biologie/psychologie évolutionniste, plus je doute fortement de ce genre de postulats. J’ai l’impression que la sociologie revient à étudier la société de façon statique, sans regarder les causes qui expliquent l’émergence d’une structure sociale, ou les dynamiques à l’œuvre. Et que du coup les sociologues passent à coté de l’essentiel.

Demandred

Bonne remarque, il y a surement un débat intéressant à lancer avec un sociologue. Je n’ai pas assez d’expérience pour en débattre intelligemment, mais si je devais tenter quelque chose (ne prends pas ça pour argent comptant), je dirais que ça dépend des courants de pensée de la socio.

Émile Durkheim par exemple, soulignait bien qu’il est important de connaitre tout l’histoire d’une institution avant de l’étudier telle qu’elle est aujourd’hui. Plus généralement, on tâche toujours de replacer les études dans leurs contextes historiques et géographiques, mais c’est évident qu’une société humaine est quelque chose de beaucoup trop complexe pour pouvoir être analysée de manière exhaustive.

Sinon, pour l’expression « biologie/psychologie évolutionniste », on tente justement de séparer le biologique du social, sans oublier que les deux s’influencent mutuellement. Il y a bien sur des différences biologiques entre les hommes et les femmes qui font que les uns ont un chromosome Y que n’ont pas les unes. Mais dans la foulée, on affirme aussi que ce n’est pas ça qui fait que les filles préfèrent le rose et que les garçons préfèrent jouer à la guerre, et qu’il y a une construction sociale par dessus une réalité biologique.

Je m’arrêtes là pour être sur de ne pas dire trop de conneries, mais je vais voir quand j’aurais un peu plus de temps si je trouve des ressources sur ce sujet. :)

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Très intéressant comme article. :)

Je partage également ta passion pour le secours. J’ai la chance d’être équipier à la Croix-Rouge et d’avoir fait quelques postes et réseaux de secours, alors si un jour tu as besoin d’un point de vue pratique, n’hésite pas !

Quant à la socio, j’avoue que je ne connaissais que très peu, mais l’introduction que tu en fais donne vraiment envie de se renseigner !

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Ouais enfin la sociologie et anthropologie c’est pour moi en grande partie une montagne de bullshit depuis des décennies. Ça consiste à s’éloigner de sa propre culture pour croire appartenir à une autre. Si rezemika, étudiant en socio, cite cette post-hippie camée de Margaret Mead, c’est bien que le corps enseignant en fait la promotion.

La distanciation par rapport à ta propre culture dont tu parles est en lui-même un occidentalisme, ça n’existe pas chez les autres peuples/civilisations. J’ai travaillé deux ans entre la Chine et la Malaisie et je peux te dire que là-bas, on n’a même pas l’idée de prendre de la distance par rapport à sa culture pour comprendre l’autre. Si on ne comprend pas l’autre, on le rejette, c’est ce que font toutes les sociétés rationnelles sur la planète. D’ailleurs, dans ces pays on rigole bien de ces occidentaux paumés qui visitent trois temples et deux musées et qui se croient plus chinois que le chinois ou plus malaisien que le malaisien.

Tout ça existe depuis les mouvements pour les droits civiques aux États-Unis et mai 68 en France, on nous bassine que l’Occident n’est pas le centre du monde et qu’il existe d’autres cultures, d’autres systèmes de pensées, etc. Ok, génial, et cette ouverture sur l’autre, cette mise en perspective des civilisations nous a mené où à quoi au final ? À la détestation de notre propre culture, au rejet de ce qui fait que l’Occident soit l’Occident. Avec des idées pareilles, issues des délires sociologiques des années 70, pas étonnant qu’on finisse par obtenir une classe dirigeante qui vomit son propre pays ( au hasard, Obono), un truc impensable dans un pays normal.

Ouais enfin la sociologie et anthropologie c’est pour moi en grande partie une montagne de bullshit

uruburu

Je pense que ton erreur est la même que celle de rezemika : assimiler la socio (et l’anthropologie) au discours simpliste et erroné1 selon lequel "tout est socialement construit" (ce que j’appellerai dans la suite de mon message "constructivisme social radical").

Si, effectivement, ces sciences insistent sur la partie socialement construite de nombreux éléments (histoire, langage, coutumes, religions, etc.), elles ne sont pas de base vouées à tout expliquer par la construction sociale.
Mais comme les constructions sociales sont l’objet d’étude de ces sciences, il est naturel qu’elles exagèrent, voire rendent absolue, l’importance de cedit objet d’étude. Et réciproquement, pour les mouvements tenant à rendre tout relatif en insistant sur le caractère construit de ce qui est, le recours à la sociologie et l’anthropologie n’est pas étonnant.

De là à dire que l’anthropologie et la sociologie sont du bullshit, c’est justement une erreur qui n’est pas tolérable, puisque ces sciences apportent tout de même certains éléments intéressants, seraient-ils issus de quelques "post-hippies camés".

Le corps enseignant n’est pas épargné par ces débats et ces différences entre-courants, mais c’est aussi aux élèves de travailler avec esprit critique pour discerner ce qu’il peut y avoir d’outrancier dans les diverses positions proposées.


Le reste de ton discours sur l’occidentalisme ne fait que développer cette erreur fondamentale que tu fais, en confondant sociologie et constructivisme social radical. Effectivement, depuis bientôt 50 ans, le constructivisme radical est à la mode, et il en découle de fait de nombreuses outrances que tu décris et décries (de toute façon, plus une idée est répandue, plus elle est exagérée et caricaturée). Mais ce n’est pas le fait de la sociologie et de l’anthropologie.


  1. Exemple de la fausseté du constructivisme social radical dans le cas de la discrimination des couleurs : voir Berlin, 1969 et Baronchelli, 2010. Je n’ai pas d’autre exemple en tête, mais ça doit se trouver. 

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Je ne crois pas avoir dit que "tout était socialement construit" (ou alors c’est que je me suis mal exprimé, my bad dans ce cas) mais que le social joue un rôle majeur dans le comportement des individus. Pour reprendre l’exemple de l’article, si on donne des vêtements roses aux filles, ce n’est pas parce que la génétique leur fait préférer le rose pour une obscure raison mais bien parce que notre société forme les jeunes filles à aimer la couleur rose.

Cependant, ça ne veut pas dire que la socio/anthropo rejette tous les travaux de la psychologie, de la génétique ou de la géographie. Quelqu’un qui est prédisposé par la génétique à être confiant / heureux / whatever ne le sera pas avec une probabilité de 100%, ses gènes ne seront qu’un "terreau de probabilités" sur lequel le social va construire sa personnalité.

Je suis également d’accord pour dire que les sociologues qui affirment que les "sciences dures" n’ont aucun rôle à jouer se plantent complètement, mais affirmer le contraire serait tout autant une erreur. Quant au débat sur la part exacte de l’inné et de l’acquis, je crains qu’il ne soit sans fin…

D’ailleurs, dans ces pays on rigole bien de ces occidentaux paumés qui visitent trois temples et deux musées et qui se croient plus chinois que le chinois ou plus malaisien que le malaisien.

Certes, ça s’appelle l’ethnocentrisme, c’est justement un des gros problèmes que tous les sociologues et anthropologues tentent de régler. Tous sont d’accord pour dire qu’il faut toujours réduire autant que possible la distance sociale entre enquêteurs et enquêtées, justement pour ne pas passer pour des "touristes".

PS : Si tu pouvait tourner ton propos pour qu’il ai l’air plus argumenté et enlever les "camés" et "bullshit", ce débat aurait sûrement l’air bien plus constructif.

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Je ne crois pas avoir dit que "tout était socialement construit" (ou alors c’est que je me suis mal exprimé, my bad dans ce cas) mais que le social joue un rôle majeur dans le comportement des individus.

rezemika

Je trouvais simplement la phrase suivante un peu trop catégorique :

Le postulat de base en socio (et en anthropologie) est qu’il n’existe pas de « nature humaine » (ou tout du moins que celle-ci n’est pas déterminante de « qui nous sommes ») et que quasiment tout ce qui fait notre comportement, nos préférences et nos interactions est une construction sociale, et que celles-ci varient selon le milieu duquel on est originaire.

L’article

Comme je l’ai dit, à mon sens, la socio ne se prononce pas de base sur la « nature humaine », ni même sur la proportion de ce qui est socialement construit. Elle dit simplement que les constructions sociales sont existantes, étudiables, et intéressantes et à étudier.

Certes, ça s’appelle l’ethnocentrisme, c’est justement un des gros problèmes que tous les sociologues et anthropologues tentent de régler.

rezemika

À mon sens, justement, le but d’une science n’est pas de « régler un/des problème.s ». Elle aide à mieux comprendre ce qui est, mais n’a pas de prétention prescriptive. C’est seulement lorsqu’elle utilisée par des mouvances diverses (par exemple, pour prouver qu’il y a une nature humaine ou pas) qu’elle prend l’orientation que tu décris (« régler un problème », etc.).

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Je trouvais simplement la phrase suivante un peu trop catégorique :

Le postulat de base en socio (et en anthropologie) est qu’il n’existe pas de « nature humaine » (ou tout du moins que celle-ci n’est pas déterminante de « qui nous sommes ») et que quasiment tout ce qui fait notre comportement, nos préférences et nos interactions est une construction sociale, et que celles-ci varient selon le milieu duquel on est originaire.

L’article

Comme je l’ai dit, à mon sens, la socio ne se prononce pas de base sur la « nature humaine », ni même sur la proportion de ce qui est socialement construit. Elle dit simplement que les constructions sociales sont existantes, étudiables, et intéressantes et à étudier.

Oh, je vois. Au temps pour moi dans ce cas.

Certes, ça s’appelle l’ethnocentrisme, c’est justement un des gros problèmes que tous les sociologues et anthropologues tentent de régler.

rezemika

À mon sens, justement, le but d’une science n’est pas de « régler un/des problème.s ». Elle aide à mieux comprendre ce qui est, mais n’a pas de prétention prescriptive. C’est seulement lorsqu’elle utilisée par des mouvances diverses (par exemple, pour prouver qu’il y a une nature humaine ou pas) qu’elle prend l’orientation que tu décris (« régler un problème », etc.).

Dwayn

Je crains que tu ne te méprennes sur mon propos.

Quand je dis que l’ethnocentrisme est un problème pour le sociologue, c’est au même titre que la précision des mesures est un problème pour le physicien, ou que le flou est un problème pour le photographe. C’est un problème que le chercheur doit résoudre pour lui-même. Il s’agit, avant d’aller faire une enquête sur un groupe, de se débarrasser des préjugés que le chercheur a sur ce groupe et tenter, sinon de s’y intégrer, au moins d’en comprendre les mécanismes d’intégration, pour ne pas « venir en touriste ».

Pour un anthropologue, ça consiste par exemple à apprendre la langue et les coutumes locales avant de se rendre dans un autre pays, pour être sur de ne pas choquer ou indisposer les personnes qui seront les sujets de son enquête. Il en va de la fiabilité des résultats finaux. Quelqu’un qui ressent une violence symbolique de la part d’un chercheur ne sera pas enclin à lui parler ouvertement et le chercheur manquera alors beaucoup d’éléments. Réduire son ethnocentrisme avant une enquête, c’est s’assurer de ne pas exercer de violence symbolique sur ceux qui sont les sujets de cette enquête. Je ne parlais donc pas de l’ethnocentrisme à l’échelle de la société. ;)

PS : Concernant le principe de « nature humaine », c’est à la fois un postulat de départ et une conclusion. Quand on prend connaissance de travaux anthropologiques divers et que l’on se rend compte des différences énormes qui existent entre les différentes sociétés humaines, trouver une « nature humaine » revient à trouver le plus petit dénominateur commun à toutes les sociétés. C’est justement un des boulots principaux des anthropologues. Et il s’avère qu’au final, il ne reste pas grand chose de « naturel », comparativement à ce que l’on serait tenté de penser au premier abord.

Les rôles genrés (masculin / féminin) varient, les modes d’habitat (nomade / sédentaire) varient, les manières de se saluer varient, etc. Tout cela n’en fait donc pas partie. En revanche, Claude Lévi-Strauss (un anthropologue) a montré que la prohibition de l’inceste était semble-t-il commune à toutes les sociétés, on pourrait donc penser qu’elle fait partie d’une « nature humaine ». Il y en aurait donc bien une, mais elle n’est pas déterminante d’autant de choses qu’on le penserait au départ.

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