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Un concentré de savoir (le premier !) sur le spatial, c'est le rêve, n'est-ce pas ? Dans notre imaginaire, le spatial c'est la NASA, le "petit pas pour l'homme", le GPS… L'espace c'est grand, c'est vertigineux, mais saviez-vous que des étudiants pouvaient y creuser leur trou ?
En Europe, l'ESA incite les groupes d'étudiants à mettre en place des expériences dans des conditions proches du spatial1 voire à envoyer des satellites de petit gabarit. Allons, aujourd'hui, en plein coeur de Lille, à la rencontre d'une association étudiante qui a décidé de mettre en place un projet de 5 ans qui visera à construire un nano satellite.
Timothée, président fondateur de Laïka, Thomas Directeur, et Pierre responsable d'une expérience embarquée dans le nano satellite ont accepté de répondre à mes questions. Au programme, une entrevue vidéo de 15 minutes environ qui présente le projet dans son ensemble, et un supplément écrit afin de partager la connaissance et les retours d'expérience de ces étudiants qui voient leurs rêves à l'échelle de l'univers.
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L'ESA organise les programmes Spin Your Thesis, Drop Your Thesis respectivement pour des expériences en gravité augmentée et en chute libre. ↩
- Timothée, Thomas, Pierre, pouvez-vous vous présenter ?
- Vous expliquez travailler avec des laboratoires, pouvez-vous en dire plus ?
- Le projet nanosatellite est un projet extrêmement ambitieux, vous pourriez nous donner quelques chiffres pour qu’on se représente?
- Vous allez donc lancer votre nanosatellite en 2018, mais comment sera-t-il lancé ? Par une Ariane V, voire VI ?
- Vous dites que vous allez tester votre carte de puissance pour valider son utilisation dans l'espace. En quoi va consister le test ?
- Les nanosatellites sont-ils des projets très courants dans le monde ?
- Après deux années de travail sur ce projet, comment vivez-vous cela?
Timothée, Thomas, Pierre, pouvez-vous vous présenter ?
Timothée : Je suis Timothée Martens, étudiant à l’ISEN1 en 5ème année, avec une spécialisation électronique de puissance et systèmes embarqués. Je suis le président fondateur de l’association Laïka, projet démarré il y a deux ans et demi.
Thomas : Pour ma part, je m’appelle Thomas Rangeon. Je suis un adhérent de la première heure de l’association et depuis septembre, j’en suis le vice-président. Je suis actuellement en troisième année et je compte me spécialiser dans l'électronique.
Pierre : Je m’appelle Pierre Tréfois, je suis en 5ème année, passionné d’électronique, je me suis assez logiquement spécialisé dans ce domaine.
Vous expliquez travailler avec des laboratoires, pouvez-vous en dire plus ?
Timothée : Le projet Nanosatellite en plus de former les étudiants sur un projet spatial, a un but scientifique et technologique. Ainsi, les étudiants et partenaires technologiques du projet développent le satellite (plateforme conduite par l’école ELISA3 partenaire) et les expériences (charges utiles conduites par LAÏKA et l’école ISEN partenaire). Ces expériences sont proposées par des laboratoires pouvant trouver un accès à l’espace peu cher pour réaliser une expérimentation technologique et/ou scientifique en conditions spatiales sur un projet relativement court (3 à 5 ans).
Ainsi l’IEMN (Institut d'électronique de microélectronique et de Nanotechnologie) de Lille propose de développer une technologie de détecteur de particules (détecteur de masse) sur base d’un résonateur MEMS SAW (Surface Acoustic Wave) en GaN (nitrure de gallium). Ce détecteur serait intéressant par sa capacité à quantifier un phénomène de contamination des surfaces consécutif à un autre phénomène bien connu du spatial: le dégazage1. En effet, plus on s’éloigne de la terre plus on se rapproche du vide spatial. Dans de telles conditions de pression infime, les surfaces peuvent se sublimer et émettre un nuage gazeux voire faire exploser un composant si les particules sont enfermées dans celui-ci.
Aussi, nous développons une deuxième expérience avec un double intérêt. L’Institut d’Alembert de l’UPMC (Université Pierre et Marie Curie) développe un moteur à propulsion électrique à effet Hall2 pour nanosatellite. Ce type de moteur nouvelle génération fait l’objet de multiples développements4 pour les satellites géostationnaires notamment mais n’a encore jamais volé sur satellite de très petite taille.
Ce type de propulsion ne s'appuie plus sur la combustion pour générer la propulsion, mais sur l’accélération par un champ magnétique de particules préalablement ionisées. De tels moteurs seraient pressentis pour les voyages vers Mars.
Le moteur a donc besoin d’une carte électronique permettant la génération d’une haute tension permettant l'accélération des particules. Nous développons cette carte.
Par contre, le moteur n’étant pas à un niveau de maturité technologique permettant de le faire voler dans les très courts délais qui sont les nôtres, nous testerons la carte développée en condition de vol permettant ainsi un test fonctionnel en conditions sur cette partie du moteur.
Cette carte de puissance sera utilisée pour faire fonctionner une expérience proposée par Jean-Pierre Lebreton du LPC2E (Laboratoires de Physique et Chimie de l'environnement et de l'espace). Cette expérience consiste en le test de certains aspects des futurs moteurs à propulsion électrique solaire par le déploiement de deux câbles très fin de 10 m de long et de la polarisation de ces câbles et réaliser des mesures de type sonde de Langmuir à haute tension.
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Appelé outgassing ou offgassing en anglais, pour l'éviter on est obligé de faire subir des traitements spéciaux aux composants tels que les chauffer pendant de très longues durées. ↩
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Effet de propulsion grâce à des champs magnétiques, cette technologie offre une alternative aux propulseurs à grille ↩
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Ecole d'Ingénierie des Sciences Aérospatiales à Saint Quentin, dans l'Aines. ↩
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Ces moteurs auraient, pour une de leur application les voyages interstellaires tout en évitant le serpent de mer "propulsion nucléaire". ↩
Le projet nanosatellite est un projet extrêmement ambitieux, vous pourriez nous donner quelques chiffres pour qu’on se représente?
Timothée : Oui. C’est un projet sur plusieurs années, technologiquement et humainement exigeant. En effet le projet s’étalant sur 4 ans, il faut gérer le transfert des connaissances entre les différentes générations d’étudiants. Aussi, le projet dans son ensemble coûte 1 000 000€ lancement compris.
Pour exemple, une colle spéciale pour coller les panneaux solaires à la structure satellitaire coûte plusieurs milliers d'euros par tube !
Aussi, par exemple, bien des nanosatellites n’ont pas fonctionné en vol à cause d'un problème mécanique lié au harnais d’activation du satellite. Il ne suffit pas de grand-chose pour compromettre 3 à 5 ans de travail ! Il faut donc penser à tout et surtout être attentif à l’expérience qu'apportent les précédents projets mais aussi ceux en cours.
Thomas : Et ce n'est pas fini, c’est que là on ne parle que du nanosatellite en lui-même. Une fois qu’il est dans l’espace, il faut qu’on puisse récupérer les données des expériences voire le reprogrammer. Du coup, on a dû construire une station au sol avec nos propres antennes. Nous avons déjà capté, en préparation préliminaire, des balises radioamateurs habituellement utilisées pour s’orienter.
Nous avons passé notre brevet de radioamateur1 pour être autorisés à exploiter vraiment notre station. Notre prochain objectif pour réaliser un rêve de gosse : capter et peut-être discuter ( ) avec la station spatiale internationale ! (car, elle émet sur les bandes publiques).
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Décerné par l'Agence Nationale des Fréquences Radio ↩
Vous allez donc lancer votre nanosatellite en 2018, mais comment sera-t-il lancé ? Par une Ariane V, voire VI ?
Timothée : Pas forcement, l’ESA et Arianespace développent une famille assez complète de lanceurs. Cette gamme est étalée en fonction de deux paramètres : l’orbite maximale que le lanceur peut atteindre et la charge utile (masse et volume) qu’il peut emporter.
À l’heure actuelle, l’ESA lance les plus grosses charges et les satellites qui iront en orbite haute avec les fusées Ariane V. Le projet Ariane VI permettra d’être encore plus modulaire et de pouvoir donner plusieurs missions à un seul lanceur qu’on ne fera que charger différemment.
Jusqu’à maintenant, les nanosatellites étaient embarqués comme passagers secondaires des fusées Ariane. En effet, comme lancer un satellite coûte cher, et qu’un nanosatellite est à la fois léger et petit, ils étaient mis dans les espaces libres de la coiffe une fois que les charges principales (satellite météo, de télécommunication…) étaient positionnées. Cela a quand même causé pas mal d’échecs car c’est bien évidemment la mission de la charge principale qui est prioritaire, et si cette dernière est en péril, les passagers secondaires sont abandonnés à leur sort.
Thomas: Du coup, quand l’ESA a décidé de remplacer les anciens missiles dénucléarisés par un vrai lanceur spatial appelé Vega, les nanosatellites ont été dirigés préférentiellement vers ce lanceur.
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Source : http://www.futura-sciences.com ↩
Vous dites que vous allez tester votre carte de puissance pour valider son utilisation dans l'espace. En quoi va consister le test ?
Timothée: Le test se fera en deux parties. Premièrement, nous allons vérifier le fonctionnement de notre carte de puissance en simulant l'alimentation du moteur ionique. Deuxièmement, nous allons aussi tester la polarisation de deux câbles comme on pourrait le trouver dans une voile électrique solaire. Notre nanosatellite se trouvant en orbite LEO (Low Earth Orbite), nous pourrons trouver une utilité immédiate à ces câbles si leur déploiement est un succès : nous les utiliserons comme des sondes de Langmuir.
Les nanosatellites sont-ils des projets très courants dans le monde ?
Pierre: Comme nous l’avons dit, un nanosatellite, c’est un satellite de moins de 10 kilogrammes, armature et charge utile comprises ! Il existe plusieurs formats de nanosatellite, le plus connu étant le CubSat 1U, un satellite de $10\times 10 \times 10 \text{cm}$. De nombreux nanosatellites ont été lancés, mais 80% d’entre-eux1 sont lancés par des universités dans le monde.
Ce succès n’est pas près de s’éteindre puisque l’Union Européenne a lancé le projet QB50 afin de faire voler en 2016 cinquante nanosatellites ensembles, développés par des universités du monde entier. La France y est d'ailleurs la deuxième contributrice avec 5 nanosatellites dans la flotte. Le Programme JANUS du CNES dirige les développements de satellites universitaires (dont les 5 du QB50), nous sommes ainsi en lien très fort avec eux.
Après deux années de travail sur ce projet, comment vivez-vous cela?
Thomas: Pour ma part, j’ai appris énormément de choses au cours des différentes réunions, et visites en plus de mes recherches personnelles. Je suis plus que jamais motivé pour mener à bien ce projet !
Pierre : Ce projet s’est révélé être une opportunité très enrichissante et intéressante. La diversité des différentes problématiques abordées dans les projets est, je trouve, très proche de celle que rencontre un ingénieur. De plus, ces projets ont comme caractéristiques l’innovation, le transfert de savoir et la multidisciplinarité, ils se positionnent sur des problématiques d’avenir tout en les rendant abordables aux étudiants ingénieurs.
Timothée : Après déjà quelques années à mener ensemble ce projet, les enseignements ont été multiples ! Je trouve extrêmement stimulant de pouvoir partager et échanger avec des professionnels, étudiants, curieux et de s’enrichir mutuellement de la vision, des idées de chacun quelque soit notre univers personnel et domaine de compétence. Sans cela, et notamment la passion, le travail de tous les membres et partenaires, ce projet ne pourrait être possible.
Je trouve fantastique ce que l'on est capable de faire et les moyens que l'on est capable de soulever lorsque l'on est une équipe unie voyant dans une ambition commune les solutions envisageables et non de s’arrêter à la moindre pensée des problèmes possibles.
C'est pour moi une grande aventure avec une belle dose d’adrénaline, de difficultés et j'espère vers une satellisation en 2018 !!
L'image utilisée comme icône est une vue artistique du Montana State University's Explorer-1 [Prime] CubeSat. Source: Montana State University, Space Science and Engineering Laboratory.