Le photographe non-matérialiste

ou pourquoi résoudre le syndrôme d'acquisition de matériel

c. Baptiste Guilbert
c. Baptiste Guilbert

Entouré de ses boîtiers et ses objectifs, une profusion maladive qui étouffe. Le photographe a souvent une tendance matérialiste, cette volonté de toujours avoir mieux – alors qu’il a est déjà du très bon –, et finalement se perdre dans des méandres sans fin, en constante recherche du boîtier/objectif idéal. Et c’est quand il commence à aller mieux, à se raisonner, que les marques l’assènent et poursuivent son portefeuille pour créer en lui un désir infondé. L’envie frénétique du photographe d’acheter du matériel photo porte atteinte à sa créativité, et je trouve dommageable d’accorder plus d’importance au matériel qu’à la création photographique.

C’est pourquoi nous allons nous intéresser aujourd’hui à ce syndrome qui touche les photographes, analyser ses origines et pourquoi pas tenter d’y trouver quelques solutions.

Je consomme donc je suis

Le photographe qui est touché par cette boulimie d’équipement photo ressent des effets bien réels : il ressent un manque de créativité et d’inspiration qu’il va associer à son matériel, ainsi paralysé dans sa pratique pendant de longues semaines. En se focalisant davantage sur l’outil que sur son travail, le photographe craint d’avancer et de faire un pas créatif, pensant que son matériel photo n’est jamais suffisamment performant, qu’il lui manque toujours quelque chose (un objectif, un flash super rapide, un boîtier qui monte mieux en ISO, etc.).

Autant le dire tout de suite : c’est une course perdue d’avance. S’il y a bien une chose dont l’actualité photographique nous abreuve, à travers les magazines, les sites « spécialisés », les réseaux sociaux, c’est la question des innovations technologiques et du dernier matos qui vient de sortir. C’est tellement ancré aujourd’hui qu’on ne le réalise même plus, cette frénésie du toujours mieux paraît presque normale – alors qu’il n’y a rien de plus aberrant. Chaque année, les entreprises abondent d’astuces pour offrir du matériel prétendu « révolutionnaire ».

Ce n’est pas l’appareil photo qui fait un bon ou mauvais photographe. Penser que la dernière innovation technologique va permettre de faire de meilleures photos est trompeur. Je vous propose pour cela de jeter un œil à cet article (en anglais) et cette vidéo. Dans notre société où la consommation est glorifiée, l’homme va inlassablement se concentrer sur ce qu’il n’a pas et se comparer aux autres. Apprendre à cesser cette boulimie prend du temps, mais les bienfaits en sont plus que nécessaires.

Votre appareil photo est le meilleur

Je ne pense pas qu’une personne qui voit une photographie dans une galerie ou dans un livre se demande quel est le matériel précis du photographe, avec quel boitier il a shooté – à part s’il est vraiment féru de matériel. Le public s’intéresse au sens de la photographie, à ce que le photographe a voulu dire en tant qu’artiste à travers son medium. Les expériences, le sens de la perception et de la composition, le message que vous voulez transmettre à travers une image, c’est ce qui est important pour un photographe.

L’absurdité de cette boulimie de matériel paraît évidente lorsqu’on la transpose à une autre forme artistique. Imaginez des peintres qui se retrouvent pour discuter de tel pinceau, tel stylo ou telle toile ils ont utilisé pour faire une peinture, ce serait une situation aberrante puisque personne n’est intéressé par ça. C’est le sens de l’œuvre qui importe, le résultat final, et je pense que cette réalité vaut également pour la photographie.

Controverse

Bien évidemment, tout ce que j’énonce ici est à prendre avec des pincettes. Il est évident que je tente d’aborder la photographie d’un point de vue artistique. Ce que je recherche auprès de mes photographes préférés est ce qu’ils ont à dire, en quoi cette image me parle et provoque quelque chose en moi, au-delà l’autofocus ou de la sensibilité ISO. Il y a néanmoins des facteurs qui conditionnent l’équipement qu’un photographe va choisir, les outils dont il va avoir besoin pour accomplir son travail. Seulement, un bon photographe devrait pouvoir faire une bonne image qu’importe ce qu’il utilise.



Alors oui, le matériel importe : si un photographe veut faire de la macro il aura besoin d’un objectif macro ; un photographe de sport est perdu d’avance sans un boitier à la rafale rapide ; etc. Il faut le matériel nécessaire pour faire correctement une image, mais faut-il nécessairement le dernier, le meilleur et le plus cher pour cela ? Si vous m’avez bien lu jusqu’ici, vous connaissez déjà la réponse.

Quelques Liens utiles :

3 commentaires

Tu aurais pu prévenir du côté not safe for work de l’article mis en lien.

Je n’ai pas trop d’avis sur la question, je ne vois pas l’intérêt non plus de rabâcher le "tu n’as pas besoin d’un meilleur outil pour faire du meilleur travail". Oui, tu peux faire des très bonnes images avec un appareil bas de gamme, mais le fait d’utiliser un appareil bas de gamme ne va pas te faire faire de meilleures images non plus. Libre à chacun de choisir ses outils.

Quant aux images de l’article mis en lien, je ne les trouve pour la plupart vraiment assez peu intéressantes artistiquement, ni présentant une technique extraordinaire. Rien qui ne met au test les limites du matériel utilisé non plus (mais ce n’est sûrement pas pour rien ;) )

Pour ma part, j’ai sûrement le même rapport au matériel photographique que d’autres ont aux voitures. (Edit: c’est-à-dire dire que j’utilise rarement l’entier de leur capacités, mais j’apprécie le fait qu’elles en aient, j’apprécie leur esthétique, etc.)

+2 -0

Je ne m’y connais absolument pas en photo, mais je suis parfois étonné de voir, sur Flickr, que l’appareil photo utilisé est… tout bêtement un iPhone ou autre smartphone haut de gamme… Cela dit, je ne sais pas si les photos ont dû subir un post-traitement ou non…

Le problème que tu décris me fais penser aux développeur avec leur éditeur chéri et la quête du plugin parfait, regarde comment ça pourrait coller :D :

Entouré de ses dot files, une profusion maladive qui étouffe. Le développeur a souvent une tendance (dé-)matérialiste, cette volonté de toujours avoir mieux — alors que ce qu’il a est déjà du très bon —, et finalement se perdre dans les méandres sans fin, en constant recherche du plugin idéal.

Et pourtant, tu serais étonné en voyant le nombre de gens dans le dessin, notamment des débutants, qui s’intéressent énormément aux médiums utilisés parce qu’ils pensent que c’est ça qui aidera à faire de beaux dessins.

« Quel papier tu as utilisé ? Et ton crayon, du 2B ou du 4B ? Et si j’achète marque quelconque, je ferai moi aussi des beaux dessins ? »

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