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Dessin et programmation

Même combat ?

Si je pose ici, sur Zeste de Savoir, la question « Sais-tu coder ? », je vais avoir beaucoup de réponses positives. Que ce soit professionnellement ou pour soi, beaucoup ont des notions de programmation. Mais si je pose la question « Sais-tu dessiner ? », je peux parier sans trop risquer que la plupart me sortirons une réponse négative, accompagnée parfois d’un « Je dessine mal / comme un enfant ».

Personnellement, je pratique les deux, bien que le dessin ne soit ni issu d’une formation scolaire, ni d’une orientation professionnelle. Je ne prétends pas être un dessinateur prestigieux, mais j’aimerai humblement vous montrer que le dessin et la programmation ont plus de points communs qu’il ne parait au premier abord.

Une base solide est nécessaire

En programmation, on parlera d’algorithmique, de bonnes pratiques, savoir bien choisir sa structure de donnée, etc. En dessin, on parle d’ombrage, de perspective, de choix des couleurs. Dans les deux cas, on peut s’en passer, mais dans les deux cas, on finit, à un moment ou un autre, par s’en mordre les doigts et on y revient malgré tout.

Certains dessins semblent très beaux à voir, mais ils laissent paraitre le manque de base de leur auteur dans certains cas. De la même manière qu’un site ou une application à l’interface claire et agréable peut cacher un vrai champ de bataille quand on plonge dans le code, de même, certains dessins en mettent plein la vue, avec des effets supers et des personnages à l’anatomie développée 1. Pourtant, il manque quelque chose.

Sur un de mes dessins, j’avais fais une coloration à l’aquarelle, qui donne de ma vie au dessin. Cependant, j’avais complètement raté la perspective d’un bras, qui, même s’il était presque entièrement caché, n’etait pas bon.

Je n’ai pas pris non plus le temps de faire des vignettes, qui sont au dessin ce que les POCS et autres « tests vite fait » sont à la programmation. Du coup, impossible de savoir à l’avance quels seraient les points les plus problématiques et donc de faire des tests et essais supplémentaires pour mieux les appréhender.

La pratique faisant, les bases s’intègrent et on construit dessus sans même y repenser consciemment, tout comme un programmeur expérimenté devine d’avance quels algorithmes ou structures de données seront les plus efficaces pour son problème. Mais il faut bien évidemment les apprendre et les maîtriser relativement pour progresser.

Quelques principes

  • La perspective. C’est l’art de donner de la profondeur, d’agencer des formes entres elles et qui s’applique à tous les éléments. Un simple visage vu de 3/4 montre bien qu’un œil semble plus petit que l’autre, qu’une narine est plus grosse et visible que l’autre, etc.
  • L'ombrage. L’art de donner de la profondeur et du volume en jouant avec la présence et l’absence de lumière. Non seulement il y a les zones que la lumière frappe directement, mais aussi les reflets d’une surface sur une autre, les ombres portées, la diffusion et j’en passe.
  • La vision 2D. C’est la capacité à aplatir les formes et les objets, pour simplifier une scène 3D complexe et bien voir les relations entres objets (tiens, celui-là est devant celui-ci, sa taille est 3x celle de l’autre, etc).
  • La vision 3D. C’est la capacité à visualiser un objet en 3D, être capable de se le représenter mentalement, le regarder sous différents angles et donc de pouvoir le dessiner en variant son angle et sa perspective. Si vous pensez que c’est si facile, prenez un objet de votre bureau, regardez-le quelques seconds puis essayez, en fermant les yeux, de vous le représenter mentalement en le faisant tourner, en le voyant sous plusieurs angles.
  • Une mémoire visuelle. Un bon dessinateur ne dessine pas tout d’imagination, mais il mixe plusieurs éléments de sa mémoire et de son invention. S’il y arrive, c’est parce qu’il observe et emmagasine des images et des objets pour les combiner ensuite entre eux.
  • L'anatomie. Pas besoin d’apprendre les noms des muscles et des os. Par contre, savoir comment ils s’agencent entre eux, leurs relations, leurs positions permet ensuite de dessiner le corps humain dans n’importe quelle posture tout en restant anatomiquement et physiquement correct. Bien sûr, une fois ce principe acquis, on peut s’amuser à tricher avec l’anatomie et déformer les corps.
  • D’autres encore.

Le médium ne compte pas

Ou presque pas. Comme le langage de programmation en fait. Bien sûr, il y a des cas où l’on n’a pas le choix, ou bien des cas où il est insensé d’utiliser un langage alors qu’un autre est bien plus adapté. Mais, la plupart du temps, on s’en tape. On peut développer son application mobile en C++, en Java, en Kotlin et d’autres. Pour votre back-end, prenez Python, prenez Ruby, prendre C#, on s’en balance, faîtes vous plaisir.

Ce principe reste valable en dessin. Vous voulez dessinez avec du fusain ? Foncez ! Du crayon HB qu’on trouve partout ? Où est le problème ? Et le stylo-bille, vous y avez pensé ? Il existe une telle pléthore de médiums différents qu’il y a largement de quoi expérimenter tout en se faisant plaisir.

Bien sûr, certains médiums restent plus adaptés que d’autres. L’encre de Chine met du temps à sécher, alors mieux vaut éviter si vous enchaînez les croquis courts. De même, faire du dessin technique avec du fusain est une mauvaise idée, le médium étant bien trop gras. Mais, quand il s’agit de s’amuser, de découvrir et d’apprendre, s’ouvrir à un plus large panel d’outils donne une vision plus ouverte et plus originale, tout comme apprendre plusieurs langages et paradigmes aide un développeur à élargir son raisonnement.

De manière générale, ce qui compte, c’est d'appliquer les principes et de réfléchir à ce que vous faîtes. Le fait d’utiliser une tablette graphique ne fera pas de vous un meilleur dessinateur par magie.

Quelques médiums

  • Le crayon. Tellement courant, on a pourtant beaucoup à apprendre avec lui. On peut le trouver sec (les H), pour du dessin fin et précis, type industriel ou architectural, ou bien gras (les B) pour du dessin moins précis mais des traits plus vivants et plus agréables (point de vue personnel).
  • Le stylo. Lui aussi on le trouve partout. Comme il est à encre, il force à mieux réfléchir à ses traits puisqu’on ne peut pas effacer une fois qu’il est appliqué.
  • Le fusain. Très gras, baveux, on l’utilise pour travailler en volumes et non en traits. C’est une autre façon de dessiner qui est très amusantes. Un bon moyen de progresser avec les ombres et la 3D.
  • L'aquarelle. De la couleur liquide pour mettre de la vie sur vos dessins et croquis. L’avantage, c’est qu’elle s’emporte facilement avec soi et sèche très vite, puisque c’est de l’eau.
  • D’autres encore.

Une pratique décérébrée n’amène à rien

Certains dessinateurs en apprentissage vont enchainer des dizaines de croquis dans tous les sens, travailler avec acharnement et pourtant ne récolter que de maigres fruits. En effet, si l’on ne réfléchit pas à ce qu’on veut travailler, ou le domaine dans lequel on veut progresser, on se disperse et résultat, on stagne partout. C’est un peu comme un programmeur qui enchainerait des exercices pour travailler l’algorithmie, puis le multi-threading, puis du spécifique C++, etc. Certes il pratique beaucoup, mais il n’aura pas l’impression de progresser beaucoup dans chacun de ces domaines.

Une réflexion préalable « Que sais-je faire ? Quels sont mes points faibles ? Comment travailler dessus ? » est bien plus efficace, car elle cible les difficultés et permet donc de les surmonter plus rapidement et de façon plus motivante. On peut ainsi se dire « Je suis mauvais à dessiner les mains, alors je vais travailler aujourd’hui leur anatomie », comme un codeur se dirait « Je suis mauvais dans le multi-threading, je vais faire des exercices pour appréhender la bête ».

Quelques exercices

  • Dessiner de mémoire. Cela permet de se focaliser sur les objets qu’on voit pour mieux les retenir et donc être capable de les redessiner dans n’importe quel contexte. C’est la base du dessin d’imagination. On peut ainsi observer une minute un objet, puis le redessiner la minute d’après, sans le regarder.
  • Dessiner sans regarder le support. Perturbant, mais permet de se détacher du trait qu’on dessine et de mieux libérer son trait.
  • Dessiner du vivant. On pense à la personne nue qui pose devant vous, mais ça peut très bien être dessiner dans le métro, dans le RER, dans la rue, des gens qui n’ont rien demandé. Cela permet de travailler la mémoire à court-terme et la vitesse d’exécution.
  • Dessiner des vignettes. Ces petits carrés, qui ne font pas plus de quelques centimètres de large. Comme ils sont petits, on peut en remplir beaucoup, ce qui permet de tester plusieurs compositions pour une scène, plusieurs positions pour un personnage, jouer avec la lumière, etc.
  • Dessiner avec le moins de traits possible. Ainsi, on se force à mieux penser puisque nous n’avons qu’un nombre limité de coups de crayon à donner pour transmettre l’idée. Cela donne aussi des dessins moins chargés et plus fluides.
  • Dessiner uniquement les reliefs et les ombres. Hop, finis les traits, ce nez ne sera dessiné que par jeux d’ombres et de lumière 2.
  • D’autres encore.

La pratique est essentielle

Comme dans n’importe quel domaine. Regarder des speed-drawings ou des tutoriels pas-à-pas n’aide pas à avancer et progresser. L’injustice du dessin, c’est que les progrès sont moins visibles que pour de la programmation. C’est la dure loi de l’Art.

Cependant, pratique ne rime pas avec obsession. Rien ne sert d’enchainer les croquis des heures durant. Le cerveau doit respirer et se reposer pour assimiler de nouvelles connaissances. La régularité pait néanmoins sur le long terme. Une quinzaine de minutes par jour vous ferons très vite progresser.

Le domaine est large

Pour beaucoup, le dessin se doit d’être réaliste sinon il n’est pas beau. C’est se limiter dans son champ de possibilités. Pourquoi ne devriez-vous coder que des applications CLI pour GNU/Linux quand il y a aussi Windows, le Web, Android, les applications avec GUI ? Le dessin aussi ne se limite pas qu’au réalisme ou aux portraits. Il y a aussi les paysages, les machines, les animaux, la caricature, le symbolisme, etc.

Il y en a pour tout le monde, tous les goûts et toutes les compétences.

Quelques mythes et blocages

Terminons en abordant quelques mythes qui ont court sur le dessin. Vous ne vous mettrez peut-être pas au dessin après ça, mais au moins, j’espère que j’aurai réussi à vous donner une vision plus réaliste de ce qu’il est.

Il faut un don / du talent pour dessiner.

Non. Certains auront plus de facilité parce qu’ils visualisent mieux en 3D ou ont une meilleure intuition pour placer les ombres. Mais au final, c’est toujours le travail qui paye. As-tu appris la programmation parce que tu avais un don et une logique divins lors de ta naissance ? Non ? Pourquoi en serait-il différent du dessin ?

Je ne suis plus un enfant, c’est trop tard.

Les enfants ont un avantage certains sur nous, celui de ne pas avoir peur du jugement. Un enfant dessine parce que cela lui fait plaisir et se fiche de savoir si son cheval ou sa voiture est parfaitement ressemblant. Beaucoup abandonnent à l’adolescence, à l’âge où l’on prête bien plus d’attention et de valeur à ce que pensent les autres.

Le dessin demande d'accepter la critique. Cette étape franchie, rien ne nous empêche d’apprendre. Les blocages viennent bien souvent plus de nous-mêmes qu’autre chose.

Dessiner ne sert à rien.

Je me permets de citer ici Max Royo, dans les arguments qu’il avait sorti à l’époque de son tutoriel sur le dessin, sur feu le SdZ.

Au delà du simple fait d’arriver à faire de beaux dessins et/ou de bons dessins, apprendre à dessiner développe beaucoup de vos qualités et ceci dès le début de votre apprentissage. Voilà de quoi rester motivé pour progresser. En voici une liste non exhaustive et tout à fait subjective puisque tirée de mon propre ressenti.

En général

  • Se faire plaisir et améliorer son bien-être.
  • Notre art étant à l’image de ce que nous sommes, c’est un chemin favorisé pour partir à la découverte de soi.

Pour le corps

  • Améliorer ses capacités psychomotrices et spatiales, notamment avec la coordination oeil-cerveau-main mais aussi dans la compréhension de l’espace, des lignes, formes et proportions.
  • Être zen… rien de tel que le dessin pour apprendre à ralentir.
  • Améliorer sa santé.

Pour le mental

  • Dépasser ses limites, sentir ses progrès et ainsi gagner confiance en soi. Vous prouver que vous êtes capable de. C’est simple si vous arrivez à apprendre le dessin je pense que vous pouvez tout apprendre.
  • Réduire le fossé qui existe entre ce que vous voyez et ce que vous arrivez à faire. Vous vous sentez ainsi plus à même de prendre en main les choses.
  • Se prouver que c’est possible. Au delà des préjugés, au delà des blocages, réussir à dessiner vous prouve que tout peut changer avec le temps et la pratique.

Pour apprendre à voir

  • Être plus à l’écoute de votre environnement et de votre entourage.
  • S’émerveiller des petites choses qui échappaient à votre regard.
  • Mieux comprendre ce que vous voyez, apprendre à voir entre les lignes.
  • La capacité de vous focaliser pleinement sur un sujet (pour la même raison que efforts-pratique, je préfère le terme « se focaliser » que « se concentrer »).

Pour développer sa créativité, concrétiser et communiquer

  • Améliorer votre imagination et votre créativité.
  • Être capable de trouver des solutions inhabituelles à des problèmes habituels.
  • La capacité à visualiser, anticiper, puis donner vie à vos pensées. En clair : concrétiser !
  • Communiquer vos idées et vos sentiments de manière plus efficace parfois qu’avec le dialogue même. D’expérience perso j’avais été très étonné de voir à quel point les gens pouvaient être plus réceptifs aux messages dits par l’intermédiaire d’une œuvre qu’à un même message dit par la personne elle-même. Une œuvre de par son caractère « détaché » de l’auteur déclenche moins de réactions de blocages ou de rejets chez la personne qui reçoit. C’est comme si c’était quelqu’un d’autre qui nous faisait part de ses sentiments et idées alors que pourtant c’est bel et bien l’auteur qui est derrière l’œuvre.
Max Royo

Même si tout le monde ne devient pas artiste et n’en fait pas sa profession, pourquoi dessiner serait moins important que lire, écrire et compter ? Comme le disait Betty Edwards, une célèbre professeure de dessin, on enseigne bien les langues et les mathématiques, sans pour autant que tout le monde deviennent écrivain, poète ou mathématicien.

Dans le monde remplis d’images en toute sorte, c’est un avantage certain de savoir lire et décrypter des images, compétences qui s’apprennent notamment en dessin.

Tel ou tel médium me rendra meilleurs.

C’est sûr, en essayant différentes choses, on pratique et on progresse. Mais penser que, magiquement, la progression décolle, c’est se mettre le doigt dans l’œil. Le matériel ne fait pas l’artiste. Un dessinateur chevronné dessinera mieux avec un simple stylo-bille qu’un amateur avec des pastels ou des crayons de grande marque.

Un PC plus puissant fait-il de toi un meilleur développeur ? Allez-vous en profitez pleinement alors mêmes que tu fais des Hello Worlds ? Le dessin c’est pareil. Les médiums s’apprécient mieux à leur juste valeur quand ils répondent à un besoin précis ou parce qu’on a suffisamment de bouteille pour vouloir élargir notre champ de compétences.

Je dessine mal. Je rate mes dessins.

T’inquiète pas, tu codes mal aussi. :P

Il est normal d’échouer et de rater. As-tu appris à marcher sans jamais tomber ? As-tu appris le français sans jamais faire de faute de langue ? As-tu appris à conduire sans jamais caler ? Quand tu programme, ton code compile et roule direct sans erreur ?

Échouer, c’est progresser, c’est apprendre, c’est s’améliorer. Le dessin ne fait pas exception. Je ne compte plus les dessins ratés parce qu’un nez est tordu, un visage massacré, un bras mal placé, etc. Mais le tout est d'apprendre de ses erreurs pour savoir ce qui les a provoquées et comment ne plus les refaire.

Le dessin demande trop de temps.

Le dessin est effectivement consommateur de temps. Les progrès sont aussi moins visibles que dans d’autres domaines, comme la programmation. Il y a moins de pas-à-pas qui donne des retours immédiats. Mais ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas l’apprendre. Tout est une question de priorité et surtout d’envie. C’est la passion qui va vous motiver et vous faire trouver le temps.

Une pratique quotidienne va vous faire progresser bien plus vite que vous ne pensez et cela entretiendra votre motivation. Et comme le dessin est une activité peu encombrante, vous pouvez emporter partout un petit carnet, sur lequel vous gribouillerez dans les moments creux, comme chez le médecin ou dans le train. Vous savez, les moments où on sort le téléphone par réflexe. :D

Bon, je commence où ?

Ah, la question la plus importante. Je peux te recommander deux ressources qui m’ont beaucoup aidé et motivé au fil du temps.

  • Le blog Apprendre à dessiner. Plein d’articles et de conseils gratuits, une chaîne Youtube ainsi que des formations vidéos (payantes).
  • Max Royo et son site. Il passe (passait ?) également sur les forums d’Openclassrooms pour donner des conseils aux débutants.

  1. Comprendre, souvent, avec de gros zbubies, notamment DeviantArt.

  2. Oui, comme Calogero.



16 commentaires

Je suis plutôt surpris de ce parallèle entre le dessin et la programmation. Je pense que tu pourrais remplacer le dessin (ou la programmation) par à peu près n’importe quelle activité : couture / pétanque / billard / violoncelle / diabolo / rubik’s Cube / baby-foot / jonglage / etc etc, le parallèle resterait tout aussi valable.

Dans ce cas, je te rejoins, on peut faire le parallèle, et la programmation, c’est relativement comparable au dessin. Mais pour moi, dans la programmation comme dans le dessin, il faut avoir un don, sinon t’es nul (je recopie ta formule mot-à-mot, mais il faudrait certainement être plus modéré).

beaucoup voit le code comme une activité normale et plutôt accessible, alors qu’ils voient le dessin comme un don à avoir sinon t’es nul. D’où le paradoxe.

J’ai l’impression qu’il y a un biais énorme d’observation, là. Des gens qui voient le développement comme une activité obscure, il y en a à la pelle. J’entends souvent des "ouais, mais le code c’est pas mon truc" de la part d’étudiants ou collègues lorsqu’on leur dit qu’écrire un petit script leur faciliterait la vie pour tel ou tel truc. J’ai pas spécialement l’impression que si tu vas dans la rue et que tu demandes aux gens si dessiner ou programmer leur semble plus facile, tu auras significativement plus de gens qui répondront programmer.

Je suis assez d’accord avec le message d’elegance plus haut qui dit qu’on peut conduire le même raisonnement avec n’importe quelle activité. Vue de l’extérieur, ça peut sembler difficile surtout si on se compare à des pratiquants chevronnés, alors qu’en fait il y a une part énorme d’expérience et de développement des compétences connexes qui va jouer. Après que certaines activités semblent plus faciles que d’autres (à tort ou à raison), ça n’a rien d’un paradoxe, il est extrêmement difficile de jauger de la difficulté d’un truc qu’on a jamais fait (et également de jauger correctement de son niveau de compétences dans un domaine que l’on a à peine commencé, ce qui fait que des gens pourraient penser qu’ils codent mieux que ce qu’ils dessinent sans que ce soit le cas).

+1 -0

Oui, si on interroge les gens de manière générale. Note que ici, dans l’introduction, je me limite à ZdS, donc a des gens qui ont appris à coder. Le paradoxe, c’est qu’ils ont réussi ou qu’ils se sont motivés pour ça, alors que de prime abord, je parie que le dessin en rebute une majorité. Pourtant, c’est une compétence comme une autre qui peut s’apprendre.

Dans le même genre d’idée, je n’ai jamais entendu quelqu’un de non initié au code, ou pas passionné, me dire Désolé non, j’ai pas le don.

Le paradoxe, c’est qu’ils ont réussi ou qu’ils se sont motivés pour ça, alors que de prime abord, je parie que le dessin en rebute une majorité

J’en sais rien, pour être honnête, mais admettons que ce soit vrai. J’ai envie de dire que ça n’a rien d’une surprise, ça vient du fait qu’on peut pas tout faire. Si tu prends une population spécialisée dans le code, il y a des chances pour qu’elle ne soit pas spécialisée aussi dans le dessin, ou la littérature médiévale, ou les maths, ou le speed-cubing, ou la fabrication de cerf-volants. De la même façon, si tu vas dans une école d’art, tu vas pas croiser beaucoup de gens qui programment. Tu trouveras toujours des gens qui font plusieurs activités, mais la plupart des paires d’activités que tu pourras imaginer ne vont globalement pas trop se recouper. Et cet a priori de dire "c’est pas pour moi, ça", tu le retrouveras partout.

Dans le même genre d’idée, je n’ai jamais entendu quelqu’un de non initié au code, ou pas passionné, me dire Désolé non, j’ai pas le don.

On n’a pas croisé les mêmes non initiés, alors. Le coup du "j’ai pas le don", je l’ai entendu (et utilisé moi même :p ) pour beaucoup de trucs très variés. Les points que tu avances ne sont pas propres à la programmation et au dessin, c’est valable pour n’importe quelle activité.

Après, si on en revient au cadre particulier de ton article, je ne suis pas complètement convaincu que le dessin (ou le code d’ailleurs)

est une compétence comme une autre qui peut s’apprendre.

Bien sûr que pour une activité lambda, tu pourras toujours faire des trucs un peu intéressants en bossant, mais j’ai quand même l’impression qu’il y a des choses qui ne s’apprennent pas. Je ne sais pas si il faut appeler ça "talent" ou "don" ou encore autre chose, mais on a tous des appétences pour des trucs différents et on aura pas du tout besoin de la même quantité de travail pour arriver à un résultat satisfaisant (ce qui pose au passage la question de ce qu’est le mérite, comment le mesurer, et la pertinence même de cette notion). J’ai toujours trouvé les messages du genre "on peut arriver à tout faire en travaillant" un peu mensongers. De mon expérience personnelle, il y a des notions qui passent toutes seuls et que je retiens/comprends tout de suite alors que d’autres auront beau bosser comme des dingues, ça passe pas; et inversement pour d’autres domaines. Ça me fait penser que pour une personne et un domaine de compétences donnés, il faudrait potentiellement fournir une quantité de travail inhumaine pour arriver à faire quelque chose de correct.

+2 -0

On pourrait faire le même billet et avoir la même discussion en parlant de musique plutôt que de dessin.

Après, si on en revient au cadre particulier de ton article, je ne suis pas complètement convaincu que le dessin (ou le code d’ailleurs)

est une compétence comme une autre qui peut s’apprendre.

Et pourtant, nous avons tous acquis ici des compétences beaucoup plus complexes que cela. Nous avons appris un langage articulé dont la grammaire est bourrée d’exceptions, et que nous savions tous parler couramment, sans même que l’on nous donne de cours, dès l’âge de 3 ans.

Je suis entièrement convaincu qu’il en est de même pour toutes les activités artistiques/linguistiques/littéraires/culturelles.

C’est particulièrement vrai pour le dessin et la musique. Je ne compte plus le nombre de gens que j’ai entendu dire "je ne connais/comprends rien à la musique" : pourtant ce sont des gens comme les autres, qui vont voir des films, jouent à des jeux vidéos, vivent dans un monde saturé de musique et qui ont eux-mêmes leurs propres goûts musicaux. Dire que ces gens ne connaissent vraiment rien à la musique est absurde, c’est juste qu’ils n’ont pas de vocabulaire pour verbaliser les idées musicales qu’ils entendent et manipulent depuis tous petits, et que le fait de se retrouver confronté à ce vocabulaire étranger leur donne l’impression d’une forteresse imprenable et inaccessible.

On pourrait citer également les gens qui déclarent "ne pas avoir le sens du rythme" et qui sont pourtant capables de compter à rebours en partant de 10 avec un rythme absolument parfait sans même y penser.

On va me dire "oui mais y’en a qui ont l’oreille musicale et pas les autres" : ce phénomène a été longuement étudié par des neurologues et neuro-psychologues, et le résultat c’est que l’oreille musicale, c’est-à-dire la capacité d’audiation, est présente chez tout le monde, et qu’en être exempt est une anomalie encore plus rare que le fait de posséder l’oreille absolue (4% de la population).

Il en est de même pour le dessin, sauf que l’aptitude principale que cela demande, c’est de visualiser une image dans sa tête plutôt que d’entendre de la musique. Le reste fonctionne exactement comme chez les gosses de 2–3 ans qui apprennent à parler : par imprégnation, en regardant des images, en ayant l’esprit critique pour apprécier certains détails et essayer de les incorporer dans sa pratique, et en pratiquant quotidiennement.

La seule vraie difficulté, c’est de maintenir son assiduité pendant des années, ce que les enfants arrivent bien mieux à faire que les adultes, pour qui "apprendre" quelque chose revient à piger la théorie et faire 2–3 exercices d’application pour en être sûr : les disciplines artistiques ne fonctionnent juste pas comme ça. La théorie ne compte pour rien, elle n’enseigne rien et ne donne aucune compétence nouvelle (elle permet juste de consolider des schémas dans le cerveau, schémas que l’on peut ensuite transposer, ce qui fait gagner beaucoup de temps). Autrement dit, la chose la plus difficile à comprendre, c’est qu’il n’y a rien à comprendre de façon rationnelle.

Bien sûr que pour une activité lambda, tu pourras toujours faire des trucs un peu intéressants en bossant, mais j’ai quand même l’impression qu’il y a des choses qui ne s’apprennent pas. Je ne sais pas si il faut appeler ça "talent" ou "don" ou encore autre chose, mais on a tous des appétences pour des trucs différents et on aura pas du tout besoin de la même quantité de travail pour arriver à un résultat satisfaisant (ce qui pose au passage la question de ce qu’est le mérite, comment le mesurer, et la pertinence même de cette notion).

Je suis fermement convaincu que le talent n’est rien d’autre que le fait d’aimer faire quelque chose suffisamment pour passer énormément de temps à travailler et que les "prodiges" sont une création de l’époque romantique : il y a bien des gens exceptionnellement doués (en musique : Bach et Mozart, pour ne citer qu’eux) mais tellement rares que l’on ne peut pas en tenir compte.

Tout le monde rencontre à un moment donné quelque chose qu’il n’arrive pas à assimiler facilement, quels que soient l’individu et l’apprentissage. Le fait que cela arrive au tout début de l’apprentissage ou après 10 ans de pratique n’est pas pertinent à mes yeux. Dès lors que l’on est capable de dire si une image, un texte ou un morceau de musique nous plait ou non, alors on dispose de toutes les aptitudes nécessaires pour apprendre à dessiner, écrire ou faire de la musique.

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