Cet article adopte un point de vue strictement français. Gardez cela en tête pendant votre lecture : les choses sont très différentes ailleurs !
L’univers des réseaux informatiques est fascinant. À tel point que des dizaines de milliers de personnes en ont fait leur métier. Vous aussi, c’est ce que vous voulez faire ? Vous êtes dans vos études et pensez à votre futur travail ? Avant de vous projeter comme inventeur des télécommunications du futur, il faut que vous sachiez comment fonctionne le marché du travail dans ce domaine particulier. En étudiant les besoins des entreprises actuelles, vous saurez vers où vous orienter pour exercer le métier qui vous passionne.
- Les besoins des entreprises
- Les ESN
- Travailler dans une ESN
- Choisir son employeur... ou s'en affranchir
Les besoins des entreprises
Vous envisagez des études de réseaux informatiques ou vous y êtes déjà ? Formidable ! D’ici peu, il va falloir penser à votre futur emploi. Si vous rêvez déjà de maintenir les infrastructures de télécommunications de la SNCF ou de déployer des objets connectés dans les villes pour améliorer la vie des habitants, sachez que vous ne devriez pas aller voir directement ces employeurs potentiels !
En effet, les entreprises préfèrent généralement se concentrer sur leur cœur de métier. Ainsi, une banque préfère employer des banquiers, des traders, des conseillers clientèle. Pourtant, les besoins de sécurité et d’infrastructures réseaux sont extrêmement importants dans ce domaine. Alors pourquoi ne pas aller postuler au Crédit Apicole ou chez la Société Généreuse ?
Eh bien, mettez-vous à la place de ces compagnies. Vous embauchez une dizaine d’ingénieurs réseaux et d’experts en télécoms pour un projet qui va faciliter certaines transactions, par exemple. Fort bien, le projet prend un an à se mettre en place. Une fois cela réalisé, vous n’allez plus toucher à votre nouvelle infrastructure, tout au plus il va falloir la maintenir. Vous faites quoi de vos employés ? Peut-être qu’à ce moment-là, vous aurez un autre projet auquel les affecter, mais la question se posera encore l’année suivante. Voulez-vous prendre le risque de devoir payer des employés sans savoir si vous aurez du boulot à leur donner ?
Pour éviter d’être confrontées à ce genre de problèmes, les sociétés délèguent bien souvent leurs projets informatiques1 à des entreprises spécialisées : les ESN.
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Et pas que : la délégation ou sous-traitance concerne beaucoup de métiers. La sécurité physique, l’entretien des locaux, la comptabilité : tout peut être délégué à des prestataires.
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Les ESN
Aujourd’hui, les projets informatiques de bon nombre d’entreprises et administrations publiques sont réalisées par des entreprises de services du numérique (ESN). On rencontre aussi l’ancienne appellation SSII ou SS2I, pour Société de Services en Ingénierie Informatique.
Les ESN embauchent de nombreux employés, appelés consultants, pour les faire intervenir sur les projets de ses clients, qui sont le plus souvent de grandes sociétés ou des administrations. Reprenons l’exemple de notre banque qui a un projet qui va durer un an. Elle a plutôt intérêt à contacter une ESN pour sa réalisation, cela lui évitera de devoir employer des gens sans savoir si elle aura du travail à leur donner ensuite. La société de services se débrouillera pour la réalisation de ce projet, en échange d’un gros chèque. Ah oui, ça va coûter cher à la banque, parce qu’elle va devoir payer l’équivalent des salaires des consultants, de leur manager, et une partie des frais de fonctionnement de l’entreprise. C’est le prix à payer pour éviter d’avoir directement des salariés.
Pour l’ESN, ce marché est très lucratif. La prestation d’un consultant peut être facturée autour de 500 euros par jour de travail, soit environ 10.000 euros par mois ! La marge réalisée peut sembler importante, mais elle sert notamment à alimenter un fonds pour les périodes où un consultant se retrouverait sans projet. En effet, quand un employé a terminé une mission chez un client, il n’est pas sûr d’être affecté dès le jour suivant sur un autre projet. On parle alors d’une période d'intercontrat. Et comme les consultants sont des employés en CDI, ils doivent être payés même s’ils ne travaillent pas ! Les commerciaux et managers font toujours en sorte que ces périodes soient les plus courtes et les moins fréquentes possibles, car c’est un gouffre financier. Grâce au fonds alimenté par le travail de tous, les ESN peuvent se permettre de payer quelques jours non travaillés. On peut comparer cela à l’assurance chômage.
A contrario, les clients de ces sociétés ne peuvent pas forcément se permettre cela. De plus, les sociétés de services ont souvent beaucoup de clients en simultané et donc plein de projets potentiels : il est donc assez facile d’affecter un consultant sur une mission.
Travailler dans une ESN
Cette profusion de clients est intéressante pour les consultants, car elle leur permet d’intégrer des environnements très divers, aussi bien sur le plan social que technique. Bien souvent, les consultants travaillent directement dans les locaux de leurs clients, comme les employés. On parle alors de prestation en régie. Ce fonctionnement est à double tranchant.
Les missions durent généralement entre 6 mois et 2 ans, ce qui permet d’appréhender et de comparer divers fonctionnements d’entreprises. C’est particulièrement enrichissant en début de carrière, car cela empêche de s’enfermer dans une bulle et d’occulter l’étendue des technologies et cultures d’entreprises.
Il peut être intimidant de travailler directement chez un client, surtout la première fois ! On se demande si on va être à la hauteur, on a peur de montrer qu’on ne sait pas quelque chose, … Ne vous inquiétez pas ! Les clients sont habitués à accueillir des consultants et savent s’en occuper, les former à leurs outils, etc. Quand on prend un prestataire, on sait que cela va lui demander du temps d’appréhender l’environnement et qu’il ne va pas être immédiatement productif. Au lieu de vouloir dissimuler vos craintes, n’hésitez pas à poser toutes vos questions ! Cela montre que vous vous intéressez au client, que vous avez envie de mener à bien votre mission, que vous vous investissez.
Ce fonctionnement semble avantageux, mais toute médaille à son revers. Comme on travaille directement chez son client, on a tendance à oublier qu’on est prestataire. Gardez en tête que vous n’êtes pas employé par votre client, mais par une société de services. Cela implique que :
- vous êtes rémunéré par votre ESN ;
- votre supérieur et responsable hiérarchique, ce n’est pas votre client, c’est un manager de l’ESN ;
- vos congés et demandes de formation doivent être validés par votre supérieur, pas par votre client. Ainsi, votre client n’a pas de droit de regard sur vos absences ;
- vous discutez de votre évolution de carrière avec votre supérieur, pas avec votre client ;
- vous ne pouvez pas changer de poste chez votre client pendant la durée de votre mission. Si vous êtes missionné pour faire du support réseau pendant 6 mois, vous ne pouvez pas faire du développement d’applications au bout de 3 mois, même si c’est dans vos compétences. Si votre client vous le demande, vous devez immédiatement en informer votre supérieur.
Vous avez compris, il ne faut pas faire d’amalgame entre son employeur et son client. Ce n’est pas forcément évident, car on a beaucoup moins de contact avec l’ESN pour laquelle on travaille, qu’avec son client chez qui on se rend tous les jours.
Pour cette raison, l’identité des sociétés de services est assez peu marquée chez ceux qui y travaillent. On dit parfois que toutes les ESN se ressemblent. Les consultants n’ont ainsi que peu de scrupules à passer d’une société à une autre qui leur propose un meilleur salaire. On assiste à une drôle de guerre entre les compagnies. Comme les projets dans les réseaux informatiques sont nombreux en ce moment, il y a davantage de postes que de personnes qualifiées pour les pourvoir, à tel point que les consultants touchent des primes s’ils font embaucher leurs proches ou anciens collègues1 ! Si vous achevez vos études d’ici 6 mois et que vous publiez votre CV, attendez-vous à passer vos prochains jours à répondre au téléphone et à des e-mails !
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On appelle cela de la cooptation. Les primes tournent souvent autour de 1000 euros par personne cooptée.
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Choisir son employeur... ou s'en affranchir
Pour combler tous ces postes qui se créent de jour en jour, les ESN essaient de débaucher des consultants déjà en poste et des futurs diplômés. Attention, pour ceux qui n’ont pas encore d’expérience, le recrutement ne se fait qu’à bac+5, c’est-à-dire soit avec un master 2, soit avec un diplôme d’ingénieur. Alors, si vous recevez plein de coups de fil et de messages de recruteurs, comment savoir à qui dire oui ?
La chose la plus importante : ne vous précipitez pas. Prenez le temps d’examiner les propositions qui vous sont faites. Si on vous propose un poste pour dans 6 mois, sachez que l’employeur n’a sûrement aucune idée de la mission qu’il va vous donner. Il peut vous inciter à signer rapidement un contrat pour éviter que vous n’alliez chez un concurrent. Ne cédez pas à la pression d’un recruteur : s’il est trop pressé, il peut y avoir anguille sous roche. Surtout si les conditions ne vous semblent pas correctes !
Les conditions, justement. La plus évidente, que vous allez forcément négocier, est le salaire. Si ce point est bien sûr très important, il ne faut pas négliger les avantages ou inconvénients qui vont avec. Aurez-vous à travailler parfois le week-end ? À faire des astreintes la nuit ? Disposerez-vous d’un véhicule de fonction ? Devrez-vous faire des déplacements, et dans quelle région ?
Nous ne nous attarderons pas davantage sur ce sujet, car tout cela fait partie du recrutement et n’est pas spécifique aux métiers du réseau.
Comme l’univers des réseaux informatiques est vaste, n’oubliez pas non plus de préciser ce que vous voulez ou ne voulez pas faire. La conception de solutions de télécommunications dans le milieu hospitalier, ce n’est pas la même chose que la configuration de pare-feux dans une administration ! Toutes les sociétés de services ne peuvent pas forcément vous proposer le poste de vos rêves.
Un aspect particulier des ESN est que la vie au sein de l’entreprise dépend en partie de sa taille. Dans une grosse société comme Capgemini ou Altran, les recrutements se font à tour de bras et les départs sont aussi fréquents. Vous aurez moins de proximité avec votre manager et avec votre employeur de manière générale. Des évènements peuvent être organisés pour maintenir ou tenter d’établir un lien entre les employés : sorties au restaurant, escape games, etc. Cet aspect social est davantage présent dans des structures plus modestes, comme Extia ou Squad. Elles sont généralement centrées autour d’une seule agglomération ou quelques villes, ce qui donne une dimension plus humaine qu’une multinationale. Il n’y a pas de choix idéal : certains préfèreront qu’on les laisse faire tranquillement leur boulot, quand d’autres voudront participer à des sorties avec leurs collègues.
Les sociétés mentionnées sont là à titre d’exemple. Je n’ai aucun lien particulier avec elles.
Une autre possibilité consiste à s’affranchir d’un employeur, autrement dit d’être freelance. Cela permet d’avoir des revenus plus élevés, car vous fixez le prix que vous facturez à votre client. Toutefois, vous ne disposez pas des avantages d’un employé comme les congés payés ou les formations. Comme il est compliqué quand on est seul d’aller convaincre un client d’acheter sa prestation, on peut passer par une société de portage. Il s’agit d’entreprises chargées de mettre en relation les freelances et les clients potentiels, moyennant une part des bénéfices que vous allez faire, bien sûr.
Voilà pour un tour d’horizon du marché du travail dans le domaine du réseau. Les entreprises dont ce n’est pas le métier principal préfèrent passer par des sociétés de services, qui sont constituées de nombreux profils spécialisés. Ces ESN peuvent être de différentes tailles et donc avoir une approche plus ou moins humaine avec leurs consultants. Ne vous attendez donc pas à être embauché par une entreprise du secteur bancaire ou dans le transport pour faire du réseau !