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Backup d'une base Redis

Avec du multiprocessing en Bash et inotify

Ce bref billet présente une façon de faire un backup d’un snapshot de Redis, aussi dit un dump (en mode RDB). Cela s’est avéré moins trivial que ce que j’imaginais. Voyons-voir.

SAVE ou BGSAVE

Redis fait lui-même un snapshot régulier selon des paramètres à définir dans sa configuration (voire aucun snapshot si configuré comme tel). Le dump qu’il laisse se situe souvent dans /var/lib/redis/dump.rdb. Pour faire un backup (copie du dump), c’est donc assez simple : simplement copier /var/lib/redis/dump.rdb quelque part et le tour est joué. Mais je préfère bien entendu avoir une version fraîche du dump avant de procéder au backup, pas celle qui date de la dernière mise à jour par Redis.

Redis propose deux commandes pour forcer « à la main » le snapshot d’un dump RDB : SAVE et BGSAVE. On évitera SAVE car la commande est synchrone et bloque ainsi l’intégralité des activités de la base de données jusqu’à la fin de l’opération. Cependant, BGSAVE ne souffre pas du même problème et est donc préconisé : la commande est asynchrone et retourne la main immédiatement et évite de bloquer l’activité de la base de données.

Mais si l’opération est asynchrone, comment savoir quand l’opération prendra fin afin de procéder à la copie du dump frais ?

C’est là qu’il faudra ruser. On peut éventuellement se baser sur la date de dernière modification du fichier /var/lib/redis/dump.rdb et attendre qu’il change avant de lancer la copie. Mais il y a une méthode plus sophistiquée et fiable grâce à l’appel système inotify de Linux.

inotifywait

On peut analyser le comportement de Redis grâce à l’appel système inotify sous Linux. Quand le noyau détecte un événement concernant un certain fichier, il nous alerte. J’utilise la commande inotifywait pour cela.

Première étape, on « arme » un moniteur sur le fichier pour l’observer :

# inotifywait -m /var/lib/redis/dump.rdb

Seconde étape : on exécute un BGSAVE dans Redis (dans un autre terminal) :

% redis-cli      
127.0.0.1:6379> BGSAVE
Background saving started

Enfin, on revient à notre moniteur et on observe cela :

# inotifywait -m /var/lib/redis/dump.rdb
Setting up watches.
Watches established.
/var/lib/redis/dump.rdb ATTRIB 
/var/lib/redis/dump.rdb DELETE_SELF

L’événement DELETE_SELF signe la fin de l’opération d’un BGSAVE. Cet événement signifie que le dump a été supprimé. En effet, Redis ne modifie donc pas in situ le fichier /var/lib/redis/dump.rdb, mais il se contente de le remplacer par un nouveau dump, ce qui se traduit par une suppression de ce dernier en vue du remplacement.

Voici le processus complet commenté :

/var/lib/redis/ CREATE temp-17672.rdb  # Redis créé un dump temporaire "temp-17672.rdb"
/var/lib/redis/ OPEN temp-17672.rdb
/var/lib/redis/ MODIFY temp-17672.rdb  # Il écrit dedans ses données
/var/lib/redis/ CLOSE_WRITE,CLOSE temp-17672.rdb
/var/lib/redis/ MOVED_FROM temp-17672.rdb  # Quand le dump est écrit, il écrase "dump.rdb"
/var/lib/redis/ MOVED_TO dump.rdb

Script de backup d’un snapshot

On connaît un élément sur lequel se baser. Très bien, il suffit maintenant de faire un script qui reprend le même principe : armer un moniteur inotify, attendre l’événement DELETE_SELF, puis procéder à la copie du dump frais aussitôt.

J’ai eu besoin de faire deux processus concurrents pour cela. De la même façon que précédemment j’ai eu à lancer en parallèle l’exécution du moniteur et de la commande Redis dans deux terminaux.

En Bash, c’est heureusement assez simple de faire cela. Un bloc (entre parenthèses) représente un processus qui contient une ou plusieurs commandes. Le & permet de ne pas attendre la fin de l’exécution d’un processus avant de lancer le suivant.

Je vous invite à faire le test dans votre terminal. Comparez (sleep 10; echo "fini"); (echo "Instantané") avec (sleep 10; echo "fini")& (echo "Instantané"); wait. Dans le premier cas, on doit attendre 10 seconde avant d’afficher « Instantané ». Dans le second cas, le second processus s’exécute aussitôt sans attendre que le premier s’achève, affichant ainsi « Instantané ». Grâce au wait, il attend toutefois que le premier processus se termine avec un « fini » avant de rendre la main.

Voici ce que cela donne dans un script :

#!/bin/bash
 
dump_location=/var/lib/redis/dump.rdb
destination=/tmp/dump-$(date +"%Y%m%d").rdb

(
    if inotifywait -e DELETE_SELF "$dump_location"; then
        cp "$dump_location" "$destination" &&
        echo OK
    else
        echo "no event has occurred"
        exit 1
    fi
 
)& (
    sleep 1
    echo "BGSAVE" | redis-cli
    echo "command sent"
)
 
wait

Dans le second processus, on attend une bonne seconde histoire de laisser le temps à inotifywait -e DELETE_SELF "$dump_location" de s’armer et d’être prêt à écouter (ce qui est probablement fait en quelques microsecondes max…). Il n’y a plus qu’à lancer le BGSAVE qui ordonne à Redis de commencer le snapshotting et rend aussitôt la main, ce qui nous fait donc sortir de ce processus.

Mais grâce au wait, on attend que tous les processus du script soient finis. Ainsi, même si le dump final tarde à arriver dans le premier processus (ce qui peut être le cas si le dump est de quelques gigaoctets), on s’assure de bien l’attendre et de procéder à sa copie avant que le script ne s’achève pour de bon.

Si l’événement précis DELETE_SELF n’est pas remonté, alors la commande échoue avec le message "no event has occurred" dans la branche du else. Donc si jamais une opération sur dump.rdb inattendue et indépendante du script se présentait, cela mettrait aussitôt fin au script avec une erreur.

Et si c’est un évènement DELETE_SELF indépendant du script qui se présentait ?

Dans ce cas, le script procède quand même à la copie du dump, même si son apparition n’est pas issue de son propre fait. La commande BGSAVE lancée par le script n’aura donc aucun effet subséquent car le moniteur inotify n’est armé qu’un seule fois. Il n’y aurait donc qu’une seule copie du dump.

Ce cas peut parfaitement arriver, notamment quand Redis décide tout seul de faire le snapshot. Si ça tombe au même moment que l’exécution du script (dans une fenêtre de ~1 seconde), le cas de figure se présenterait.

Pour moi, ce n’est pas un souci car tout ce qui m’intéresse c’est d’avoir un dump frais et à jour. Même si je ne prends pas en compte le dump provoqué par mon BGSAVE ce n’est pas fondamentalement grave. J’ai donc choisi de ne pas complexifier le script et de le laisser faire.

Dans mon cas, je copie le dump dans /tmp pour le manipuler plus facilement par la suite. Mais il est bien entendu possible de faire autre chose, par exemple enregistrer son snapshot directement dans un Cloud AWS, par exemple :

BUCKET=mon_joli_bucket
destination_file=dump-$(date +"%Y%m%d").rdb

(
    if inotifywait -e DELETE_SELF "$dump_location"; then
        aws s3 cp "$dump_location" s3://$BUCKET/$destination_file &&
        echo OK
...
...
...


Dans la plupart des cas, une base Redis n’a pas spécialement vocation à maintenir des données de façon pérenne (bien qu’il soit capable de le faire selon la façon dont on le configure). Le principe d’un snapshotting aussi fin peut donc paraître curieux. Cependant, le script a au moins l’avantage de pouvoir gérer le cas où un snapshot ponctuel de Redis apparaîtrait, plutôt que de simplement copier à l’aveuglette le fichier /var/lib/redis/dump.rdb sans se préoccuper de savoir s’il sera remplacé pendant la copie.

2 commentaires

Dans la plupart des cas, une base Redis n’a pas spécialement vocation à maintenir des données de façon pérenne (bien qu’il soit capable de le faire selon la façon dont on le configure). Le principe d’un snapshotting aussi fin peut donc paraître curieux.

Je me disais justement ça en voyant le titre de l’article. Donc, par curiosité, dans quel genre de situation est-il nécessaire de faire une telle copie ?

Je me disais justement ça en voyant le titre de l’article. Donc, par curiosité, dans quel genre de situation est-il nécessaire de faire une telle copie ?

Migwel

J’ai deux cas.

Dans le premier cas, j’ai un petit projet personnel qui utilise Redis comme base de données exclusive. C’est peu habituel, mais c’était plutôt un challenge personnel pour me forcer à tirer le maximum des structures de données proposées par Redis pour modéliser de façon satisfaisante les données et leurs relations. Pas aussi trivial qu’avec du SQL, mais c’est possible de faire des choses assez sympathiques (plus que je ne l’aurais cru) !

Enfin, un cas de figure qui correspond certainement plus à un usage réel. Redis est utilisé en tant que cache entre une BDD SQL et l’applicatif. La BDD SQL a des backups réguliers, ce qui permet de remonter le temps sur un snapshot particulier si besoin. Jusqu’à là, rien de très exotique. Mais dans le cas où on rétablirait une BDD SQL, il ne faudrait pas que le cache Redis soit incohérent avec. Il faut donc au choix :

  • partir sur un cache Redis froid et vierge
  • restaurer une version du cache Redis légèrement antérieure à la version du snapshot SQL pour partir sur un cache chaud

Dans ce cas précis, le cache de Redis contient aussi des données un peu moins triviales que du simple cache habituellement implémenté en simple key-value. Il y a aussi une bonne partie de stream qui permettent de représenter des évènements « chauds » dans le temps avant que ceux-ci ne finisse dans la BDD SQL en archivage « froid ». La cohérence entre le snapshot Redis et le snapshot SQL est donc important.

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