Ces dernières semaines ont été mouvementées sur le Fediverse. Les réseaux sociaux fédérés qui le composent, et Mastodon en tête, ont grossi soudainement1 depuis l’acquisition de Twitter par le controversé Elon Musk. Mais des concurrents commerciaux pourraient bien émerger.
Ce long article finit par un petit guide pratique pour se mettre au Fediverse. N’hésitez pas à vous y rendre si le reste vous intéresse moins !
Ce billet a été initialement rédigé pour la newsleter FedeRez de Août 2023 (non disponible publiquement).
- Le Fediverse
- Une niche à occuper.
- Mark is watching you.
- Gulliver et les Lilliputiens.
- Et dans les ténèbres les lier.
- Le Fediverse face à ses propres défis.
- Prendre l'éléphant par les défenses.
Le Fediverse
Commençons par le commencement du début : de quoi le Fediverse est-il le nom ? C’est un mot-valise qui nous vient tout droit de l’anglais, en mettant bout à bout les mots « fédération » et « univers ». Il décrit une fédération de serveurs formant un réseau social. Il existe plusieurs protocoles permettant de faire communiquer les membres de la fédération, mais le plus connu et peut-être le plus utilisé est ActivityPub, au point que l’on définit parfois le Fediverse comme étant la fédération des serveurs qui l’utilisent pour communiquer. ActivityPub est une recommandation officielle du depuis janvier 2018.
Parlons justement des serveurs qui composent la fédération. Nombre de logiciels peuvent y tourner, tels que l’agrégateur de liens Lemmy, la plateforme de partage de vidéos PeerTube, le service d’échange de photos décentralisé Pixelfed, ou encore votre propre blog ! Celui qui va principalement nous intéresser aujourd’hui est aussi une des composantes les plus utilisées du Fediverse : Mastodon.
Mastodon est une plateforme de microblogging (comme le sont Twitter ou encore Tumblr) décentralisée et libre. Elle permet à chacun de rejoindre, mais également d’héberger, un serveur qui se chargera d’échanger avec le reste du Fediverse.
Une niche à occuper.
Il faut bien s’en rappeler, Twitter occupe une niche dans l’espace des réseaux sociaux. Bien qu'il soit difficile d’attribuer avec certitude des classes sociales aux utilisateurices de Twitter, il semble ressortir qu’il s’agit d’un réseau social plutôt utilisé par des personnes ayant eu accès à uneéducation supérieure. On peut le voir à l’espace médiatique occupé par le réseau social ; on a tous entendu à la radio ou vu à la télévision une sortie commentée d’un responsable politique sur Twitter. Cela peut sembler étonnant, car le réseau social est loin d’être le plus utilisé par les Français.
Comme je l’ai dit dans l’introduction, le Fediverse a vu exploser son nombre d’inscrits, en grande partie grâce aux innovations proposées sur Twitter par son nouveau propriétaire. Cependant, les réseaux sociaux décentralisés ne sont pas les seuls à vouloir profiter de l’état actuel de Twitter. C’est ainsi que l’on a vu émerger deux contre-propositions: Bluesky et Threads.
Je ne vais pas m’étendre en détails sur Bluesky, qui est une émanation de Twitter créée sous l’impulsion d’un de ses co-fondateurs. La plateforme est décentralisée et basée sur un protocole concurrent à ActivityPub. Pour le moment, une invitation est nécessaire pour rejoindre ce réseau social.
Le second réseau, Threads, est développé par Meta, la société mère de Facebook, Instagram et WhatsApp. La société de Mark Zuckerberg a commencé en janvier 2023 le développement de l’application, en se basant sur ActivityPub. Après des fuites durant le printemps, Meta a sauté sur l’occasion d’une journée de dysfonctionnements particulièrement massive de Twitter1 pour diffuser son application sur l’AppStore le 3 juillet, pour une ouverture annoncée le 6. La promotion de l’application a été assurée par l’invitation de quelques personnalités.
- Le réseau social et sa direction ayant jugé opportun de limiter le nombre de tweets qu’un membre peut consulter par jour, à cause d’un trop grand nombre de requêtes effectuées vers leurs serveurs. Il s’est avéré qu’une compagnie d’IA exploitait les données publiques des utilisateurices en parcourant le site, probablement à cause la fermeture récente de l’API de Twitter.↩
Mark is watching you.
Auprès du grand public, la première inquiétude s’est formée relativement à l’utilisation des données personnelles. Meta n’a pas annoncé de date de lancement pour Threads en Union européeenne, car l’application ne respecterait pas le RGPD.Ainsi, l’entreprise états-unienne, en lien avec la commission de protection des données irlandaise, a annoncé ne pas lancer l’application en Europe dans un futur proche à cause d’incertitudes sur l’application de la RGPD, notamment du fait de l’utilisation dans Threads des données issues d’Instagram. On notera que cela n’a pas empêché certains média français de s’inscrire rapidement sur le site.
Les concurrents de Threads ne se sont pas fait prier pour relever l’approche problématique de la vie privée de l’application, à travers les voix de leurs propriétaires respectifs, Elon Musk et Jack Dorsey. Cependant, quelques internautes facétieux ont décidé de compléter ces informations en listant les autorisations demandés par Threads, Bluesky, Twitter et Mastodon lors de l’installation via l’AppStore.
Bluesky | Threads | Mastodon | |
---|---|---|---|
Purchases | Contact Info | Health & Fitness | Rien ! |
Location | User Content | Purchases | |
Contact Info | Identifiers | Financial Info | |
User Content | Diagnostics | Location | |
Browsing History | Contact Info | ||
Identifiers | Contacts | ||
Usage Data | User Content | ||
Diagnostics | Search History | ||
Browsing History | |||
Identifiers | |||
Usage Data | |||
Sensitive Info | |||
Diagnostics | |||
Other Data |
En matière d’autorisations, Threads semble donc bien plus intrusif que ses compétiteurs, bien que les autorisations demandées par Twitter laissent un potentiel invasif important.
Gulliver et les Lilliputiens.
Christine Lemer-Webber, co-créatrice d’ActivityPub, fait très justement remarquer l’ambiguïté de l’utilisation du protocole par un géant comme Meta. En effet, si ActivityPub est aujourd’hui une recommandation du , le groupe de travail chargé de son élaboration a failli être stoppé, car les règles de l’organisation requièrent la participation des membres payants. Membres qui n’ont pas montré un grand intérêt pour ce travail. La CTO du Spritely Institute note que si cela a profité au protocole, qui s’est retrouvé écrit par un groupe de passionnés, il a fallu que le crée une exception pour leur permettre de terminer leur travail.
Et c’est en effet ce qui a fait couler beaucoup d’octets dans le Fediverse1, Threads utilise ActivityPub. Cela signifie que, théoriquement, le réseau social de Meta pourrait se fédérer avec le reste du Fediverse. Dans un long post de blog, Mastodon gGmbH (la société à but non lucratif du créateur du réseau social) répond à quelques inquiétudes de la communauté.
Tout d’abord, il est réaffirmé que si Meta peut bien appliquer les politiques de gestion des données personnelles qu’il souhaite sur son application, cela ne signifie pas que la société sera en mesure d’aspirer les données non publiques des utilisateurices du Fediverse dont les serveurs choisiraient de fédérer avec Threads. Concrètement, les adresses courriel ou les adresses IP des membres ne sont pas partagées par les serveurs Mastodon. Il en va de même pour la publicité : si Meta sera en mesure d’en imposer à ses propres utilisateurices, il n’y a pas moyen d’en inonder les autres serveurs du Fediverse. Les positions listées ici semblent assez consensuelles. C’est moins le cas pour la plus grande crainte que l’on voit resurgir: Embrace, Extend, Extinguish.
Faisons un petit détour par les années 2000, mais pas pour profiter de Tokio Hotel ou revivre les années Tecktonik. Lionel Dricot nous propose de se rappeler comment Google a porté un coup fatal à l’adoption généralisée de XMPP, un protocole de messagerie ouvert. Je vous laisse le soin d’aller lire l’article original, mais l’idée est que la société états-unienne a collaboré au développement de la norme XMPP, tout en gardant sa propre implémentation fermée, qui ne respectait pas toujours le protocole. Non content d’avoir ralenti le développement de XMPP, cela était accompagné d’interruptions de service entre Google Talk et le reste du monde, rendant très frustrante l’expérience pour les nouveaux venus qui auraient voulu discuter avec des personnes présentes sur l’application de l’américain. En 2013, Google débranche la prise, sans réaction de la part de ses utilisateurices. Pour eux, les personnes d’autres serveurs étaient tout simplement responsables de la situation, puisqu’ils apparaissaient « hors ligne ». XMPP ne s’est jamais vraiment remis de cela (en termes de nombre d’utilisateurices). L’auteur nous explique que cette stratégie a été théorisée chez Microsoft à la fin des années 90, dans un texte de Vinod Valloppillil intitulé « Blunting OSS attacks », où l’ingénieur dans la célèbre firme états-unienne nous explique comment « décommoditiser les protocoles et les applications [...]. En étendant ces protocoles et en en développant de nouveaux, nous pouvons empêcher les projets OSS d’entrer sur le marché ». Et Lionel Dricot d’illustrer cela avec la politique de Microsoft pour ce qui concerne les formats de fichier de bureautique. L’auteur avertit le Fediverse sur ce qui pourrait se passer si les communautés décidaient de fédérer avec Threads.
Cette position méfiante vis-à-vis de Meta est très répandue dans le
Fediverse. C’est ainsi que les administrateurices de
piaille.fr
, la plus grosse instance francophone
de Mastodon, ont annoncé bloquer toutes les instances présentes ou
futures de Threads. En
effet, Mark Zuckerberg et Jack Dorsey portent avec eux un lourd passé de
décisions douteuses concernant leurs réseaux sociaux respectifs ayant eu
des répercutions politiques considérables ; « we’ve seen them
radicalize our uncles and put Nazis onto the
streets ».
Certains allant jusqu’à comparer l’attitude qu’ils préconisent face à
Threads à la politique adoptée face au régime
iranien : on peut
plaindre les futurs utilisateurices de Threads sans pour autant accepter
de normaliser leurs oppresseurs2. L’utilisateur Yopox3 propose
une analyse plus posée,
mais non moins intéressante sur les (futures) relations entre le
Fediverse et Meta. Il note que Threads a réussi son coup en ayant l’air
attractif, il semble s’y passer beaucoup de choses et de nombreuses
célébrités y sont. L’idée de Meta d’importer le graphe social
d’Instagram est très bonne et reflète la capacité de l’entreprise de
Mark Zuckerberg à surfer sur notre besoin de gratification instantanée :
il est facile de gagner rapidement ses premiers followers puisqu’ils
sont déjà là ! La question qui se pose maintenant est de savoir si la
plateforme conservera son attrait lorsque la pub se fera trop présente ?
On peut aussi se demander si les gens, ayant goûté à un fil basé sur
leurs abonnements, seront prêt à retourner vers un fil généré par un
algorithme qui essaie d’optimiser votre temps sur l’application. Une
conséquence très directe de ce mode de fonctionnement est la structure
très verticale des réseaux sociaux traditionnels, où une minorité capte
l’attention de la majorité. La philosophie de Mastodon, où la nouvelle
petite amie de votre grand-mère ou une connaissance d’école peut
répondre à votre question très pointue sur la structure minérale du
régolite grâce à une bonne utilisation des hashtags risque de ne pas
être reproductible sur Threads.
Il est difficile de savoir que penser de l’intégration de grands acteurs dans un univers de petites instances. Si dans leur billet de blog, Mastodon gGmbH semble confiant sur l’avenir du Fediverse (« This is a clear victory for our cause, hopefully one of many to come. »), on peut se demander s’il leur aurait réellement été possible de répondre de manière plus frontale à l’arrivée de Meta sans être ridicule du fait de leur relative faible force de frappe. La société allemande tente de rassurer le Fediverse. D’après elle, la stratégie Embrace, Extend, Extinguish ne marcherait pas sur le Fediverse, car il est déjà suffisamment installé pour survivre : si Meta coupait les ponts on serait de retour à la situation actuelle. Soit, mais cela suppose que les utilisateurices ne migreraient pas en masse vers le silo privé. Elle affirme également que les gros serveurs de Meta ne seront pas en mesure de couler les petits serveurs indépendants, car le follow sur Mastodon se fait au niveau des utilisateurices et non au niveau des serveurs. Mais que penser alors d’une situation où la majorité des membres d’une instance suivraient en majorité des membres de Threads ? La petite instance ne se verrait-elle pas contrainte à suivre les règles du géant, par exemple en termes de modération de contenus ?
Et dans les ténèbres les lier.
Revenons un instant sur le lien entre Instagram et Threads. C’est un des points vendeurs du nouveau réseau social : vos amis y sont déjà présents ! Pour ce faire, Meta semble créer des Shadow Accounts, c’est à dire des profils d’utilisateurices qui ne sont pas réellement présents sur la plateforme, mais qui seraient suivis par les vrais utilisateurices s’ils étaient présents. Éric Freyssinet, directeur scientifique pour la Gendarmerie nationale, note que cela pourrait structurellement engendrer la collecte de données personnelles supplémentaires par rapport à ce que l’application collecte déjà.
Le Fediverse face à ses propres défis.
Des défis, il y en a, à commencer par la modération. Alors certes, la modération, en particulier des réseaux sociaux, est probablement l’un des plus grands défis de nos sociétés modernes1 et n’est donc pas spécifique au Fediverse. Meta n’a jamais été très fort pour empêcher la diffusion d’idées et contenus extrêmes, et il semble que des figures de l’extrême droite, incluant des promoteurs du nazisme et des militants anti-LGBT, soient déjà en train de tester la politique de modération sur Threads.
Le Fediverse n’est pas en reste sur l’inclusion d’idéologies indésirables. On a ainsi vu fleurir il y a quelques mois une instance de Mastodon ouvertement d’extrême droite. Pour contrer cela, les administrateurices ont recours à des listes de blocage, comme Oliphant. Mais ces listes peuvent se révéler problématiques car gérées par de petits groupes et avec des critères qui peuvent paraître arbitraires. Le blocage n’est pas non plus toujours suffisant : que faire par exemple en ce qui concerne la modération intra-serveur ? Par exemple, la modération des contenus pédopornographiques est une opération qui nécessite des actions rapides que les administrateurs bénévoles d’instances ne peuvent pas toujours effectuer à temps.
Le blocage de la fédération vers certains serveurs est également problématique parce qu’il facilite la création de chambres d’écho. Il est en effet facile de ne se retrouver qu’entre opinions concomitantes sur Mastodon, ce qui n’est pas nécessairement un problème en soi, mais peut le devenir si le choix de ce qui est vu ou non est fortement influencé par l’utilisation de listes de blocages. Sur les problématiques des chambres d’écho, certaines utilisateurices les ont soulevées, en particulier à travers les discussions sur l’arrivée de Threads dans le Fediverse.
Une autre problématique du Fediverse est liée au respect de la vie privée. La gestion des données personnelles par les gros acteurs d’Internet est un sujet récurrent et la question de la gouvernance des données implique de faire des compromis entre des objectifs parfois contradictoires. Mais le Fediverse n’est pas épargné par ces questions. Dans un long article, Bloonface détaille les nombreuses problématiques de vie privée liées au principe même de réseau social fédéré. Par exemple, la question de la supression d’un contenu qui a été partagé sur plusieurs instances nécessite de se reposer sur la bonne foi des propriétaires d’instances. Bloonface nous explique que si l’on craint que nos posts et informations liées aux profils puissent être utilisées par n’importe quel acteur, alors il ne faut tout bonnement pas utiliser le Fediverse. Mais plus important, le blogueur nous montre que l’un des plus gros problèmes de sécurité des données privées n’est pas l’arrivée de gros acteurs identifiables comme Meta. Ces grosses compagnies sont habituées à gérer des demandes RGPD, on peut les poursuivre en justice et l’Union européenne est prête à leur taper sur les doigts le cas échéant. Dans le pire des cas, Meta va vous proposer de la publicité intrusive basée sur votre vie privée, mais la société ne pas vous doxxer ou vous envoyer des menaces de mort. Est-ce bien le cas de la petite instance qui tourne sur une Raspberry Pi cachée au fin fond de la Lozère ?
Il ressort de ces observations que le Fediverse doit se poser la
question de sa gouvernance. De fait, les administrateurices d’instances
et les développeureuses sont investis d’un grand pouvoir2. La
question de l’autorisation du quote post3 est un vieux serpent de
mer de Mastodon. Les développeureuses du réseau social ont tout
simplement décidé de ne pas intégrer cette fonctionnalité à cause de son
caractère jugé toxique. O.
Simard-Casanova
considère que l’approche de Meta sur Threads est meilleure. Meta a
choisi d’autoriser ce genre de posts, mais n’affiche pas les posts
citant sur le post d’origine. Selon l’auteur du toot, cela évite de
récompenser les membres au comportement toxique. Ce genre de décision
gagnerait à être prise collectivement, et il semble que la communauté
évolue doucement vers cela. Ainsi, dans le post annonçant le blocage
de Threads, les
administrateurices de piaille.fr
disent
préparer la mise en place d’un système de vote pour les décisions.
- À ce propos, l'abstract de cet article sur la démocratisation de la modération en ligne est fort intéressant.↩
- Et comme chacun le sait, quand on a des mains qui peuvent tisser des toiles — de réseaux sociaux ou autres —, ce grand pouvoir implique de grandes responsabilités.↩
- Sur Twitter, le quote post est une pratique qui consiste à écrire un tweet contenant un lien vers un autre tweet pour le commenter. C’est différent d’une simple réponse à un post, car il s’affiche dans le fil d’actualités de la personne qui répond et peut parfois mener à du harcèlement.↩
Prendre l'éléphant par les défenses.
Bon, tous ces sujets très sérieux, c’est bien beau, mais pour que le Fediverse fonctionne, ce qu’il lui manque ce n’est pas un système de vote. Ce n’est pas non plus la possibilité de faire des quote posts. Encore moins un système de stories. Non, ce qu’il lui manque, c’est toi. Si je suis assez d’accord avec Ploum dans sa conclusion quand il dit que l’on ne peut pas forcer les gens à venir sur le Fediverse, ou qu’à faire la course à la croissance avec des de grosses entreprises spécialisées dans ce domaine, le Fediverse est certain de perdre. Il n’en reste pas moins qu’un réseau social est plus drôle quand il y a du monde dessus. Alors supposons que ce soir, après avoir refermé la Newsletter de FedeRez, toi, lecteur, tu souhaites essayer Mastodon (par exemple). Comment t’y prendre ?
La toute première étape est de choisir un serveur. Une liste de serveurs
est proposée sur joinmastodon.org
.
Il y en a dans toutes les langues, dans toutes les régions du monde. Si
le choix du serveur a une certaine importance, car votre fil d’actualité
local sera généré à partir de lui, il n’est pas non plus totalement
crucial pour deux raisons. Tout d’abord parce que quand vous aurez
construit un fil d’actualités personnalisé, il est possible que vous
cessiez totalement de consulter le fil local. Ensuite, parce que vous
aurez la possibilité de migrer entre les serveurs une fois votre compte
créé, tout en emmenant vos followers sur le nouveau serveur ! Par
exemple, la plus grosse instance Francophone est
piaille.fr
. Il existe également une instance
maintenue par la Quadrature du Net, mamot.fr
, et
une par Framasoft, framapiaf.org
.
Ensuite, il faut choisir une application pour vous connecter. Sur le
web, vous pouvez utiliser l’interface de votre serveur, par exemple
social.sciences.re
. Personnellement,
j’aime beaucoup utiliser l’interface elk.zone
,
qui est globalement plus agréable que l’interface officielle. Sur
Android, Tusky est un très bon choix, même si une
application « officielle » Mastodon existe aussi. Pour les
utilisateurices d’iOS, je dois bien avouer qu’il semble y avoir quelques
applications, mais je n’ai utilisé que l’officielle, qui est gratuite.
Vous êtes maintenant en mesure de vous connecter au Fediverse, hourra ! Mais si vous consultez votre fil d’actualités, il vous paraîtra bien vide. Il est temps de rendre l’expérience du Fediverse intéressante. La première chose à faire est de rendre votre page de profil attractive : une image de profil, une bannière, une description qui explique qui vous êtes... Mastodon propose aussi des metadata, qui sont quatre champs que vous pouvez remplir avec des informations que vous jugez importantes, par exemple l’adresse de votre blog ou une citation de votre grand-mère. Vous pouvez également activer une option qui permet aux gens de vous découvrir.
Il est temps d’écrire votre premier toot ! Il est d’usage de le faire
en utilisant le hashtag #introduction
et de vous présenter pour
aider le Fediverse à vous connaître. Il est de bon goût de refaire ce
post lorsque vous changez de serveur.
Vous pouvez maintenant commencer à remplir votre fil d’actualité. C’est
la partie que j’ai trouvé la moins intuitive en commençant à utiliser le
Fediverse, car j’ai toujours été habitué aux réseaux sociaux qui
proposent du contenu intéressant immédiatement. Sur Mastodon, pas de fil
d’actualité qui s’optimise sur votre temps d’utilisation, donc on va
vous demander un peu de travail ! Une bonne stratégie ici est de suivre
en masse des hashtags, des groupes1 et des comptes qui sont
susceptibles de vous plaire (comme le
mien !), puis d’affiner ensuite.
Il existe des sites qui recensent les comptes intéressants par thème,
comme Trunk, ou les groupes, comme
chirp.social
. Enfin, pour rendre l’expérience
de Mastodon encore plus intéressante, il faut se forcer un petit peu à
poster. L’interaction avec les autres utilisateurices est la meilleure
part du réseau social, et cela vous aidera à trouver du contenu
intéressant.
Pour retrouver tous ces conseils et bien plus, le meilleur site est Fedi.Tips. Vous trouverez tout ce dont vous avez besoin pour rendre votre expérience du Fediverse meilleure.
- Les groupes sont des comptes qui repostent tout le contenu envoyé par leurs membres.↩
Cet article est bien long, alors je ferai une conclusion brève. Je pense que dans le contexte politique actuel, nous avons besoin d’espaces où échanger librement des idées, et les réseaux sociaux ont prouvé leur capacité à créer de la mobilisation et sensibiliser les gens à des causes et raisonnements auxquels ils n’auraient pas eu accès autrement. L’émergence du Fediverse pourrait bien être un moyen de remettre plus d’horizontalité dans nos relations sur ces plateformes. Mais pour cela, nous avons besoin d’en faire des espaces gouvernés de manière transparente. De manière plus générale, les problématiques auxquelles le Fediverse fait actuellement face nous rappellent l’importance de la question de la gouvernance d’Internet, du fait de son impact sur la vie politique et sociale au quotidien.
À notre petite échelle, pour donner une chance au Fediverse d’avoir un impact, nous pouvons essayer de l’adopter. Pourquoi ne pas décider que le renommage récent de Twitter en « X » est la bonne occasion d’essayer Mastodon ? Au niveau de FedeRez, nous avons eu récemment une discussion sur un bon moyen de trier les conversations qui s’entremêlent sur le canal IRC/Telegram/Matrix/pigeons voyageurs. Nous pourrions par exemple créer un groupe FedeRez sur le Fediverse et avoir des discussions là-bas comme on en aurait sur un forum.
En attendant, je vous remercie de m’avoir lu sur ces quatre longues pages, et je vous souhaite un bon mois d’août !
Je profite également de la publication sur Zeste de Savoir pour remercier les relecteurs, qui se reconnaîtront.
Le Logo est une proposition de logo pour le Fediverse par Eukombos — CC 0