[Signet] Une transition énergétique impossible ?

Dans le cadre de mon travail, j’ai eu l’occasion de lire deux livres traitant des questions énergétiques et d’utilisation du sous-sol.

FRESSOZ, Jean-Baptiste, 2024. Sans transition: une nouvelle histoire de l’énergie. Paris : Points. Ecocène. ISBN 9782021538557
FRESSOZ, Jean-Baptiste, 2024. Sans transition: une nouvelle histoire de l’énergie. Paris : Points. Ecocène. ISBN 9782021538557

Le premier ouvrage est écrit par un chercheur en histoire des sciences, J.-B. Fressoz. Ce dernier revient sur la notion de transition énergétique en montrant qu’au lieu de se substituer, les énergies du passé s’accumulaient. Le charbon n’a pas remplacé le bois : sa consommation a été multipliée par six au début du XXe siècle pour servir dans les mines de charbon ; il est toujours très largement utilisé, notamment dans la fabrication d’acier. Il démonte également la notion de transition énergétique. Ce terme est apparu dans les années 1970 au sein du lobby nucléaire, qui souhaitait que le gouvernement étatsunien remplace les énergies fossiles par l’atome et l’hydrogène, dans une optique de souveraineté énergétique et d’indépendance vis-à-vis des pays pétroliers du Moyen-Orient. Il ne s’agissait donc pas, à l’origine, d’une volonté à passer aux « énergies vertes ».

IZOARD, Celia, 2024. La ruée minière au XXIe siècle : enquête sur les métaux à l’ère de la transition. Paris : Points. Ecocène. ISBN 9782021515282
IZOARD, Celia, 2024. La ruée minière au XXIe siècle : enquête sur les métaux à l’ère de la transition. Paris : Points. Ecocène. ISBN 9782021515282

C. Izoard est journaliste. Dans cet ouvrage, elle revient sur les mines modernes : loin d’être un artéfact du passé, nous n’avons jamais autant exploité les ressources du sous-sol : pour la transition énergétique (le lithium des batteries), la transition numérique (pour fabriquer les composants électroniques), etc. Loin de sortir de la dépendance au matériel (avec la tertiarisation de l’économie), nous n’avons jamais eu autant besoin de ressources en qualité comme en quantité. Et cela a un cout écologique important (la pollution par exemple).

Ces deux ouvrages, bien qu’ils puissent faire l’objet de critiques, ont toutefois un mérite : ils rappellent que la transition énergétique a un prix et qu’elle entraine une augmentation constante de la demande en ressources. L’occasion de rappeler les trois piliers du scénario Négawatt : sobriété, efficacité et renouvelabilité. Avant de substituer une énergie par une autre, il faut en réduire les besoins matériels, sinon on ne pourra pas réellement changer de modèle.



4 commentaires

Je vais faire une petite critique, je n’ai pas lu les livres en question, je me base juste sur ce que tu mentionnes (et que j’ai déjà vu par ailleurs).

Le premier ouvrage est écrit par un chercheur en histoire des sciences, J.-B. Fressoz. Ce dernier revient sur la notion de transition énergétique en montrant qu’au lieu de se substituer, les énergies du passé s’accumulaient. Le charbon n’a pas remplacé le bois : sa consommation a été multipliée par six au début du XXe siècle pour servir dans les mines de charbon ; il est toujours très largement utilisé, notamment dans la fabrication d’acier.

C’est vrai, cela montre que la tâche est difficile car inédite mais pas impossible, il y a des scénarios valables à ce sujet. La sobriété sera en effet indispensable au processus mais cela ne me semble pas incompatible avec l’approche.

Il démonte également la notion de transition énergétique. Ce terme est apparu dans les années 1970 au sein du lobby nucléaire, qui souhaitait que le gouvernement étatsunien remplace les énergies fossiles par l’atome et l’hydrogène, dans une optique de souveraineté énergétique et d’indépendance vis-à-vis des pays pétroliers du Moyen-Orient. Il ne s’agissait donc pas, à l’origine, d’une volonté à passer aux « énergies vertes ».

Je pense que personne n’a dit que la transition énergétique dans le contexte du choc pétrolier avait un but écologique. La France notamment, après il y a des bénéfices écologiques suivant les critères à ces décisions de l’époque mais ce n’était pas l’objectif visé effectivement. Est-ce que la motivation derrière a une importance après tout ? L’important ici c’est le résultat.

Ce qui est dommage c’est que certes on a fait beaucoup pour réduire l’importance du pétrole dans nos économies mais on n’est pas allé assez loin. En partie par l’amélioration du contexte géopolitique et la découverte de gisements dans la Mer du Nord. Si on avait été plus loin à l’époque, on aurait été en meilleure posture aujourd’hui…

C. Izoard est journaliste. Dans cet ouvrage, elle revient sur les mines modernes : loin d’être un artéfact du passé, nous n’avons jamais autant exploité les ressources du sous-sol : pour la transition énergétique (le lithium des batteries), la transition numérique (pour fabriquer les composants électroniques), etc. Loin de sortir de la dépendance au matériel (avec la tertiarisation de l’économie), nous n’avons jamais eu autant besoin de ressources en qualité comme en quantité. Et cela a un cout écologique important (la pollution par exemple). Ces deux ouvrages, bien qu’ils puissent faire l’objet de critiques, ont toutefois un mérite : ils rappellent que la transition énergétique a un prix et qu’elle entraine une augmentation constante de la demande en ressources.

Hum non. Du moins il faut voir ce qu’on met derrière les termes. La transition énergétique donc abandonner le fossile au profit d’autres énergies comme l’éolien, solaire, etc. avec une électrification des usages peut réduire sans baisse de la consommation des usages par ailleurs à une baisse massive de l’exploitation des ressources du sol.

Car extraire des ressources fossiles doit se faire chaque année à un gros volume pour l’énergie produite par rapports aux métaux nécessaires pour la transition.

Donc oui il faudra extraire plus de métaux dans ce but, mais ça ne compensera pas l’extraction actuelle annuelle des énergies fossiles donc finalement le bilan est positif. L’électrification permet de baisser la quantité d’énergie nécessaire par un meilleur rendement, et le recyclage permet d’éviter qu’on doive chaque année extraire ce qui a été consommé l’année d’avant du sous sol.

Ce n’est pas parfait, mais ça reste favorable.

Et évidemment la sobriété doit être activée dans le processus pour réduire encore plus vite la pollution globale. Cela peut être inclus dans le terme transition énergétique car après tout les scénarios élaborés pour la politique climatique reposent tous dessus. Aucun scénario ne part du principe qu’on continue comme avant avec juste des technologies différentes.

EDIT :

Cependant c’est bien de garder en tête effectivement que le défi qui nous attend n’est pas simple et qu’il y aura des compromis à trouver.

+1 -0

L’occasion de rappeler les trois piliers du scénario Négawatt : sobriété, efficacité et renouvelabilité.

Negawatt ce sont quand même des gens qui recommandent d’utiliser des énergies fossiles dans un contexte de réchauffement climatique, sur fond d’antinucléarisme. Par exemple, dans leur rapport technique de 2011, dans le paragraphe consacré au vieillissement du parc nucléaire français, ils écrivent :

les énergies fossiles, notamment le gaz naturel, assurent le complément en attendant que les alternatives Negawatt soient disponibles

Rapport technique du scénario Negawatt 2011–2050

Au lieu de disserter de façon honnête sur la prolongation de la durée d’exploitation des réacteurs nucléaires au-delà de 40 ans. D’autant plus qu’en 2011, l’Autorité de sûreté nucléaire commençait déjà à instruire la poursuite d’exploitation des réacteurs de 900 MWe à 50 ans. Le sujet était donc parfaitement connu.

Aux trois principes que tu rappelles, et avec lesquels je suis tout à fait en phase, je rajouterais quelque chose comme rationalité ou honnêteté. On ne compte plus les approximations grossières, sans doute volontaires, de l’association Negawatt sur le nucléaire (6g CO2/KWh d’électricité produite quand même).

De ce que tu décris, j’ai un peu l’impression que ces deux bouquin enfonces des portes ouvertes. Mais vu la situation, je reconnais que leur lecture pourrait être utiles à certains personnages haut placés.

Mais dans l’ensemble oui, pour reformuler autrement, le problème est autant (et même plus selon moi) social que technologique. Utiliser des technologies qui consomment moins n’a pas d’intérêt si c’est compensé par une augmentation des usages (le fameux syndrome des voitures dont la consommation augmente malgré les gains de performance).

Et oui, effectivement tu ne trouvera pas beaucoup de partisans de négawatt sur le forum. Tous les écologistes ne sont pas anti-nucléaires.

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