Linéarisation d’une équation aux dérivées partielles

Autour d’une solution stationnaire

Le problème exposé dans ce sujet a été résolu.

Bonjour les agrumes !

Dans le cadre de mon TIPE, je travaille sur le système de Lotka-Volterra. Dans une seconde partie, j’aimerais ajouter un phénomène de diffusion à ces équations.

Cependant, je suis bloqué théoriquement. Lors d’une conférence dans mon lycée, un chercheur travaillait sur l’équation générale

$$ \frac{\partial u}{\partial t}(t, x) = f(u(t, x)) + d\frac{\partial^2 u}{\partial x^2}(t, x) \tag{1} $$

d’inconnue $u \colon \mathbf R \times [0, L] \to \mathbf R$ avec $d$ un réel.

Pour de futurs calculs, je voudrais linéariser cette équation autour d’un point stationnaire $u^*$, i.e. tel que $f(u^*) = 0$. D’après ses explications, il posait ensuite une fonction $u$ telle que $u(t, x) = u^* + \varepsilon p(t, x)$ avec $p(t, x)$ une « petite perturbation ». Ainsi, le but est de savoir quelle équation est vérifiée par $p$. Sans rentrer dans les détails, il parvient à

$$ \frac{\partial p}{\partial t}(t, x) = f'(u^*)p(t, x) + d\frac{\partial^2 p}{\partial x^2}(t, x). \tag{2} $$

Malgré plusieurs messages, il semble éviter mes questions. C’est pourquoi je les pose ici.

  • Comment peut-on écrire formellement une telle fonction $u$ proche de $u^*$ ? Est-ce qu’un petit $o$ peut formaliser la chose ?
  • Et surtout, comment fait-il pour arriver à l’équation $(2)$ ?

De plus, il m’a parlé du théorème de stabilité de Lyapunov, mais je ne vois pas trop à quoi il peut me servir.

Merci d’avance,
Bonne journée les gens !

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Hello,

C’est une formulation de stabilité linéaire tout à fait classique. En fait, $u^*$ est choisie comme solution stationnaire de ton équation sur $u$, pas seulement (ni nécessairement, d’ailleurs) comme racine de $f$. Du coup, si tu écris $u$ comme $u^*+\tilde u$ avec $\tilde u$ la perturbation de ton choix (la forme choisie dépend surtout de ce que tu étudies), tu retombes sur la deuxième équation après avoir fait sauter les éventuels termes non linéaires (en l’occurrence un terme en $\epsilon^2 f"$).

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Merci de ta réponse, je commence à comprendre.

Seulement, comment passe-t-on de $f(u(t, x))$ à $f'(u^*)p(t, x)$ ? C’est un développement de Taylor ?

En fait, mon prof de maths me questionne surtout sur la validité de cette linéarisation. Il m’a déjà demandé pourquoi on pouvait supprimer ces termes, mais je n’ai pas su lui répondre. En effet, selon lui, une petite perturbation ne veut rien dire, enfin ce n’est pas assez rigoureux selon lui (ou plutôt pour lui)…

Oui, c’est du Taylor (on suppose que les fonctions se comportent correctement et que la série de Taylor converge vers $f$).

Comment $\epsilon^2$ compare avec $\epsilon$ ?

Pour la notion de "petit", il faut deux choses : une norme, et deux objets à comparer. Je te laisse réfléchir un peu.

Bein, si $\varepsilon$ est petit, alors $\varepsilon^2 < \varepsilon$.

J’avais déjà essayé de justifier le terme « petite ». Pour moi, c’est quand $\forall t \in \mathbf R, \lVert p(t, \cdot) \rVert_\infty = o(\lVert u(t, \cdot) \rVert_\infty)$. En fait, j’arrive pas trop à formaliser.

Edit : Je viens de me rendre compte que cela ne veut rien dire. Je ne vois pas du tout comment définir cela. :-o

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A mon avis, tu n’as pas besoin de lineariser quoique ce soit vu que l’on sait bien resoudre cette equation par une methode spectrale (sous condition de regularite de la fonction $u$ et $f$). Pourquoi ne pas resoudre le probleme d’evolution et integrer cela dans ton systeme de Lotka-Volterra?

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Je ne cherche pas du tout à résoudre cette équation. Je veux juste la mettre sous la forme $(2)$ pour pouvoir montrer des résultats sur $p$. En particulier, que $p(t) \to 0$ en $+\infty$ si $u^*$ est une solution stationnaire et que, par conséquent, la diffusion dans ce genre d’équation a une action stabilisatrice.

Sinon, qu’est-ce que tu entends par « méthode spectrale » ? Je t’avoue que j’ai aucune notion en ÉDP.

Je n’avais pas fait attention que tu essays de stabiliser le systeme par feedback. Du coup l’approche de resolution directe ne marche pas.

La methode spectrale consiste a decomposer l’operateur Laplacien dans une base de Hilbert. Grosso-modo tu resous $-\Delta u = \lambda u$. Une fois que tu as ta base, il suffit d’exprimer ton probleme dans la base propre (en decomposant u et f dans cette base). Pour trouver les coefficients, il suffit alors de resoudre une EDO. C’est un peu technique, tant du point de vue justification (il faut se placer dans le bon espace dit ’test’, souvent un Sobolev, avoir une injection canonique compact entre les deux espaces, celui de depart et le test afin de prouver l’existence de la base de Hilbert exprime par les valeurs propres de l’operateur) que des calculs. Mais l’avantage c’est que tu as une formes explicites de solutions qui se numerise tres tres bien.

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Bein, si $\varepsilon$ est petit, alors $\varepsilon^2 < \varepsilon$.

Oui, du coup qu’est-ce que tu en déduis sur les termes d’ordres supérieurs du développement de Taylor par rapport au terme d’ordre 1 ?

J’avais déjà essayé de justifier le terme « petite ». Pour moi, c’est quand $\forall t \in \mathbf R, \lVert p(t, \cdot) \rVert_\infty = o(\lVert u(t, \cdot) \rVert_\infty)$. En fait, j’arrive pas trop à formaliser.

Edit : Je viens de me rendre compte que cela ne veut rien dire. Je ne vois pas du tout comment définir cela. :-o

Teguad

Je comprends pas trop ce que tu essayes d’écrire, là. Par ailleurs, fais gaffe, la condition doit être sur la perturbation $\tilde u=\varepsilon p$ plutôt que sur $p$ seul. Une façon simple de s’assurer que $\tilde u$ est petite et donc que l’on peut effectivement éliminer les termes non linéaires, c’est de vérifier que $\int_\Omega\tilde u\tilde u^c\ll\int_\Omega\sqrt{\tilde u\tilde u^c}$ à tout temps $t$ (avec $\Omega$ ton domaine spatial et $^c$ le complexe conjugué).

Je ne cherche pas du tout à résoudre cette équation. Je veux juste la mettre sous la forme $(2)$ pour pouvoir montrer des résultats sur $p$. En particulier, que $p(t) \to 0$ en $+\infty$ si $u^*$ est une solution stationnaire et que, par conséquent, la diffusion dans ce genre d’équation a une action stabilisatrice.

Hmmm, suivant la tronche de $f$ et de tes conditions aux bords, le taux de croissance de $p$ ne sera pas forcément tout le temps négatif. Une façon classique d’étudier la stabilité linéaire est de prendre $\tilde u=\varepsilon e^{\sigma t}e^{ikx}$. $\sigma$ est alors le taux de croissance de la perturbation et $k$ la fréquence spatiale (dont les valeurs possibles sont déterminées par les conditions aux bords du problème). Lorsque tu injectes ça dans ton équation 2, tu te retrouves avec une équation de dispersion qui te donne le taux de croissance $\sigma$ en fonction de l’harmonique $k$, ça va te dire quelles harmoniques sont stables ou instables en fonction de $f$ et de tes conditions aux bords (en sachant que tu peux éliminer $L$ et $d$ du problème en adimensionnant par le temps diffusif).

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Oui, du coup qu’est-ce que tu en déduis sur les termes d’ordres supérieurs du développement de Taylor par rapport au terme d’ordre 1 ?

Oui, on peut négliger les termes d’ordre 2. Ça je sais. Mais justement, là est ma question : pourquoi peut-on les négliger ?

Je comprends pas trop ce que tu essayes d’écrire, là. Par ailleurs, fais gaffe, la condition doit être sur la perturbation $\tilde u=\varepsilon p$ plutôt que sur $p$ seul. Une façon simple de s’assurer que $\tilde u$ est petite et donc que l’on peut effectivement éliminer les termes non linéaires, c’est de vérifier que $\int_\Omega\tilde u\tilde u^c\ll\int_\Omega\sqrt{\tilde u\tilde u^c}$ à tout temps $t$ (avec $\Omega$ ton domaine spatial et $^c$ le complexe conjugué).

Moi non plus.

Ma fonction $u$ est à valeurs réelles. Donc, si j’applique ton inégalité, j’obtiens

$$ \forall x \in \mathbf R, \; \int_0^L \varepsilon^2p^2(t, x) \, \mathrm dx \ll \int_0^L \varepsilon p(t, x) \, \mathrm d x. $$

En quoi ceci m’assure de pouvoir négliger les termes non linéaires ? De plus, le « $\ll$ » n’est pas très mathématique. (C’est pas que ça me plaît pas, mais mon prof n’acceptera pas de telles choses.)

Hmmm, suivant la tronche de $f$ et de tes conditions aux bords, le taux de croissance de $p$ ne sera pas forcément tout le temps négatif. Une façon classique d’étudier la stabilité linéaire est de prendre $\tilde u=\varepsilon e^{\sigma t}e^{ikx}$. $\sigma$ est alors le taux de croissance de la perturbation et $k$ la fréquence spatiale (dont les valeurs possibles sont déterminées par les conditions aux bords du problème). Lorsque tu injectes ça dans ton équation 2, tu te retrouves avec une équation de dispersion qui te donne le taux de croissance $\sigma$ en fonction de l’harmonique $k$, ça va te dire quelles harmoniques sont stables ou instables en fonction de $f$ et de tes conditions aux bords (en sachant que tu peux éliminer $L$ et $d$ du problème en adimensionnant par le temps diffusif).

J’ai des conditions de Neumann aux bords et je voudrais ensuite appliquer cela à un système de Lotka-Volterra, i.e. avec deux inconnues $u$ et $v$ et

$$ f \colon (u, v) \mapsto (au - buv, duv - cv). $$

Il faut peut-être que j’essaye avec un type de perturbation en particulier.

En gros, je voudrais savoir à quelle condition sur $\varepsilon p$ on peut appliquer un développement de Taylor à l’ordre 1. Car, au final, c’est ça que je veux faire.

Oui, on peut négliger les termes d’ordre 2. Ça je sais. Mais justement, là est ma question : pourquoi peut-on les négliger ?

Ben… Parce qu’ils sont petits devant les autres, c’est exactement ce que "négligeable" veut dire. Leurs contributions aux variations temporelles et spatiales sont donc petites, si tu y tiens absolument tu peux l’écrire avec des notations $o$ : $\varepsilon^2=o(\varepsilon)$. Mais tout ça ce sont des tautologies.

Ma fonction $u$ est à valeurs réelles. Donc, si j’applique ton inégalité, j’obtiens

$$ \forall x \in \mathbf R, \; \int_0^L \varepsilon^2p^2(t, x) \, \mathrm dx \ll \int_0^L \varepsilon p(t, x) \, \mathrm d x. $$

En quoi ceci m’assure de pouvoir négliger les termes non linéaires ? De plus, le « $\ll$ » n’est pas très mathématique. (C’est pas que ça me plaît pas, mais mon prof n’acceptera pas de telles choses.)

$\sqrt{(-1)^2}\neq -1$… Remplace $\ll$ par une notation en $o$ si tu y tiens, ça ne change rien au raisonnement. L’idée est juste de dire que les termes non-linéaires sont petits devant les termes linéaires lorsque leurs normes respectives tendent vers 0.

En gros, je voudrais savoir à quelle condition sur $\varepsilon p$ on peut appliquer un développement de Taylor à l’ordre 1. Car, au final, c’est ça que je veux faire.

Teguad

Ben la condition est celle que je t’ai donnée, j’ai du mal à voir ce qui te pose question.

Note que dans la pratique, tu n’as pas besoin de les appliquer pour faire tes calculs puisque l’amplitude de la perturbation $\varepsilon$ sort des équations (ce qui est tout à fait normal, une analyse de stabilité linéaire n’offre pas d’info sur l’amplitude). Tout ce que tu as besoin de dire, c’est que les résultats de l’analyse de stabilité ne seront valables que tant que les perturbations par rapport à ton état de référence vérifient les conditions plus haut (ce qui de façon informelle se dit "tant que leur amplitude est petite").

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Bonjour les gens !

Mon problème semble être réglé. J’ai trouvé des éléments de réponse dans le livre de Smoller Shock Wave And Reaction–Diffusion Equations. Dans le chapitre sur la linéarisation, Smoller fait l’étude de ce genre d’ÉDP. En fait, il n’est pas du tout question d’un développement de Taylor ni de petits $o$ : il s’agit simplement de la jacobienne de $f$ au point $u^*$.

Dans mon cas très précis, le théorème qui m’intéresse (11.20) dit ensuite que, si les valeurs propres de $J_f(u^*)$ ont une partie réelle strictement négative, alors le point est stable. Ce qui permet donc de poursuivre mon TIPE.

Merci tout de même à vous, adri1 et KFC !

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Euh… C’est équivalent, hein. La Jacobienne, c’est juste la généralisation multi dimensionnelle d’une dérivée. Si tu fais un dévelopement de Taylor au premier ordre sur un système d’équations, tu te retrouves avec sa jacobienne et ses valeurs propres sont les taux de croissance dont on parlait plus haut.

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Je suis d’accord. Mais avec ce théorème, il n’y a pas de petit $o$ à négliger et, justement, mon problème était de savoir à quelle condition cette linéarisation de l’ÉDP est valide, i.e. $u^*$ est stable. En gros, ce théorème généralise les théorème de stabilité pour une ÉDO.

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C’est fondé sur exactement la même approximation. Si tu linéarises ton système, c’est que tu ignores les termes d’ordre supérieurs. Ça change absolument rien que tu le formules en terme de Jacobienne directement ou pas. Ton analyse restera tout de même valide uniquement sous condition que les termes d’ordre supérieurs sont négligeables.

Encore une fois, je suis d’accord avec toi. Je viens de me rendre compte que tout ce que je dis est confus. Ma véritable question, après réflexion, était

Pourquoi l’étude cette équation linéarisé permet de conclure sur la stabilité de $u^*$ dans l’équation non linéarisée ?

Au passage, dans le livre, il n’utilise pas de développement de Taylor ou de petits $o$.

Finalement, ce que je cherchais, c’était une généralisation des théorèmes de stabilité et non un raisonnement « à la physicienne ». Je l’ai trouvée et c’est le suivant.

Soit $u^*$ un point stationnaire de $\partial_t u = f(u) + \Delta u$ avec $\Delta$ le laplacien, i.e. tel que $f(u^*) + \Delta u^* = 0$. Alors, le point $u^*$ est stable ssi

$$ \exists \alpha < 0, \; \operatorname{Sp}(J_f(u^*) + \Delta) \subset \{z \in \mathbf C \mid \operatorname{Re} z < \alpha\}. $$

En tout cas, merci beaucoup ! J’ai

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J’avoue avoir beaucoup de mal à comprendre pourquoi cette formulation te convient plus que celle qui consiste à dire avec des mots qu’on linéarise et qu’on regarde le signe du taux de croissance parce qu’elles sont strictement équivalente, il n’y en a pas une plus rigoureuse ou générale que l’autre, ce que tu as écrit est exactement la même chose et les conditions d’applicabilité sont les mêmes.

Si dans le bouquin il n’y a pas mention de Taylor ou de notations de Landau, c’est parce que ce sont des choses triviales que tout le monde comprend lorsqu’on parle de faire une analyse de stabilité linéaire. Si tu reprends mon tout premier commentaire, tu verras que je n’en fais d’ailleurs pas mention, c’est toi qui a absolument voulu raccrocher les wagons avec ces notions (ce qui est parfaitement légitime, mais clairement pas nécessaire).

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J’avoue avoir beaucoup de mal à comprendre pourquoi cette formulation te convient plus que celle qui consiste à dire avec des mots qu’on linéarise et qu’on regarde le signe du taux de croissance parce qu’elles sont strictement équivalente, il n’y en a pas une plus rigoureuse ou générale que l’autre, ce que tu as écrit est exactement la même chose et les conditions d’applicabilité sont les mêmes.

C’est ce que mon prof me demande. À la base, le chercheur qui faisait sa conférence l’a fait comme tu me le proposais (pour coller à notre niveau L1 en maths) et son argumentation me convenait, mais mon prof n’était pas convaincu par ce type d’arguments et ce même chercheur n’a pas montré ce résultat comme cela lors de ses recherches. C’est tout ! Crois-moi, je ne voulais pas mettre en doute tes affirmations. Mais, les énoncés de ce livre ne sont pas triviaux, ce qui me fait penser que mon problème n’était pas si simple qu’il n’en avait l’air.

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