Très régulièrement, je croise des personnes (y compris moi-même) qui ne semblent pas douter de leur opinion sur un ou des sujets plutôt complexes. Les sujets en question peuvent être notamment :
- L’élection du président de la République
- L’agriculture biologique
- L’immigration
Je perçois la quasi-absence de doute au travers de signaux comme :
- L’expression de l’évidence (« bah oui », « bah non »)
- L’énervement face aux contradictions
- La rareté des questions pour comprendre les opinions différentes
- La force des affirmations alors même que les « experts » ne parviennent pas à un consensus
Nous sommes à la fois face à l’ignorance de notre propre ignorance (par exemple, défendre l’agriculture biologique sans s’être documenté sur la question, alors que la question est très complexe, si bien que peu de personnes, à mon sens, sont légitimes pour en parler de manière constructive) et au refus de notre ignorance quand on y est confronté (par exemple, dénier aux autres le droit de nous contredire).
Or, ce manque de réalisme est à mon sens un fléau à de multiples conséquences :
- Contredire devient un acte de méchanceté qu’on se met à éviter au détriment du débat
- En oubliant qu’on peut se tromper, on se focalise sur son opinion et dénigre celui des autres, créant des tensions sociétales (l’opposition politique droite/gauche par exemple)
- « Celui qui croit savoir n’apprend plus » disait Pierre Bottero dans un de ses romans
Partagez-vous ce constat ?
Le cas échéant, j’aimerais dans ce sujet soulever les questions suivantes :
- Peut-on lutter contre cela ?
- Le faut-il ?
- Comment ?
Pour limiter les thèmes afin de clarifier le débat, je propose de ne pas discuter tout de suite de solutions potentielles à grande échelle (éducation, etc.) mais de se concentrer sur des méthodes qu’on peut appliquer soi-même, quand on se retrouve à vouloir contredire quelqu’un ou à lui signaler son manque de légitimité pour parler d’un sujet.
Pour cela, nous pouvons considérer l’exemple de l’agriculture biologique. Supposons que pendant une soirée, un repas de famille ou autre, deux personnes auto-entretiennent leur attrait pour le bio :
— Maintenant, on mange n’importe quoi et on nous empoisonne avec les pesticides.1
— Tu as raison, les agriculteurs feraient mieux de se mettre au bio plutôt que de détruire l’environnement et notre santé.
— Oui, personnellement je ne mange plus que bio. Tout le monde devrait faire pareil. 2
On peut alors se demander comment amener ces personnes à :
- Questionner leur opinion (admettre la possibilité d’avoir tort)
- Se documenter davantage
- Admettre qu’elles ont tort (dans cet exemple, j’ignore si c’est le cas)
On peut également distinguer deux cas de figure (le premier incluant le second puisque, comme dirait l’autre, qui peut le plus peut le moins) :
- On est un minimum connaisseur du sujet et est donc capable de défendre correctement un point de vue
- On ignore quasiment tout du sujet et ne peut donc pas démontrer aux interlocuteurs qu’ils ont tort ou qu’ils manquent d’éléments pour être si catégoriques
Ce n’est bien sûr qu’un exemple pour guider le débat, ne vous obligez pas à vous y restreindre.
Merci.
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Apparemment, non.
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Apparemment, aucune preuve ne nous permet d’être si catégorique sur les bénéfices du bio. Et le passage du « moi » à « tout le monde » n’est pas trivial techniquement.
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