Analyse d'un spectre IR

Le problème exposé dans ce sujet a été résolu.

Bonjour,

Je dois examiner le spectre vibrationnel suivant. Je suppose que dans cette région spectrale, on ne voit que les vibrations N-H mais je suis pas certain. J’ai donc ces nombres d’onde à assigner: 3277, 3200, 1535, 1291, 1314 et 783 [cm-1].

Spectre IR

Ce que je pense:

  • Stretching : 3200 et 3277 [cm-1] (Quid différentiation symétrique / asymétrique?)
  • Bending : 1291, 1314 et 1535 [cm-1]
  • La dernière doit forcément être à (783 cm-1) mais encore une fois je suis pas certain et j’ai du mal à bien justifier.

Merci d’avance!

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Merci ! En fait, ce qui m’intéresserait plus c’est d’un point de vue fondamental, pourquoi a-t-on 4 modes différents (stretching symétrique, stretching asymétrique, bending, …) et pas plus ? J’avais pour habitude d’appliquer la "règle" $3N -6$ (nombre de DDL) pour une molécule non-linéaire ($N$ atomes) mais ici ça ne semble pas fonctionner. A priori, je dirais qu’il y a des niveaux d’énergie qui sont dégénérés. Si jamais Pierre_24 passe par là il saura sûrement :p

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Si jamais Pierre_24 passe par là il saura sûrement :p

ZDS_M

T’as même pas idée

À la base, j’étais en train de tenter un petit calcul de chimie quantique pour y voir un peu plus clair, mais il se trouve que que le platine fait vraiment ch*** son monde, ce qui fait que GAMESS est tout perdu. Si j’ai un peu de temps de CPU a brûler, j’essayerai une fois avec Gaussian 09.

Mais je peux déjà répondre à ce que tu viens de dire, et c’est ENCORE lié à la théorie des groupes (c’est peut être parce que j’ai le nez dedans, mais j’ai l’impression que tout tourne autour de ça, actuellement). A pouf, le cis-platine est au moins1 $C_{2v}$. Si on regarde la table de caractère de ce groupe, en particulier l’avant dernière colonne, et qu’on se souviens que seul les modes appartenant dont la représentation est la même que la représentation de la translation, on voit que les modes qui appartiennent à la représentation $A_2$ ne sont techniquement jamais actifs en IR. Donc, même si tu as bien $3N-6$ modes normaux de vibrations, tu n’observe pas tout ceux liés à cette représentation. Ça se calcule assez vite, mais c’est le week-end, et flemme parce que je l’ai déjà fait hier avec mes étudiants :p

Et ça, c’est dans le monde idéal de la théorie. En réalité, selon la résolution du spectromètre (et à cause du fait qu’on travaille en phase liquide, en général), il se peut très bien que tu "rate" des pics de faible intensité. Parce qu’autant la théorie des groupes t’informe sur la présence ou non d’un pic dans ton spectre IR (et encore, même ça c’est pas tout à fait vrai), autant elle ne te dis rien sur l’intensité, qui est grosso modo proportionnelle au carré de la variation du moment dipolaire induite par ton mode de vibration. C’est pour ça que les modes de vibration liés aux alcools ce voient assez bien, par exemple.

Note que la théorie des groupes ne dit rien non plus sur la fréquence de vibration. Si on fait comme avec un ressort, on a

$$\nu\propto \sqrt{\frac{k}{\mu}}$$

$k$ est la force du ressort (de la ou les liaisons impliquées) et $\mu$ est la masse réduite. Autrement dit, plus la liaison est forte ou implique des atomes légers, plus $\nu$ est grand. Ça peut aider, mais c’est pas absolu.


  1. quoique ça dépend de la manière dont on place les hydrogènes dans l’espace, donc c’est même pas certain. Ce serait peut être bien juste $C_2$, mais dans ce cas là, tout les modes sont permis. 

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Merci beaucoup Pierre ! Ah, j’ai l’impression aussi depuis quelques semaines que le monde tourne autour de la théorie des groupes… (Heureusement que j’aime ça! Hâte d’avoir mon cours de Spectro l’année prochaine après la quantique!)

D’accord, j’avais loupé cette histoire que certains modes peuvent être inactifs en IR… Tiens, je vais essayer de calculer la fameuse intégrale pour vérifier comme exercice et puis faire pareil en RAMAN ! Ne t’inquiète pas, pas besoin de lancer un calcul quantique pour ça… (déjà pour modéliser une simple SN2 c’est lent alors là j’imagine pas). C’était plutôt par curiosité, rien d’important.

Penses-tu qu’on peut facilement différencier les stretch symétriques et asymétriques ?

Par contre, en général on considère cette molécule comme $C_2v$ même si effectivement ta remarque tes hydrogènes des amines font sens.

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D’accord, j’avais loupé cette histoire que certains modes peuvent être inactifs en IR… Tiens, je vais essayer de calculer la fameuse intégrale pour vérifier comme exercice et puis faire pareil en RAMAN !

Je te souhaite bien du plaisir, n’oublie pas qu’il faut considérer la fonction d’onde vibrationelle (polynomes d’Hermite, toussa toussa) :p

Ne t’inquiète pas, pas besoin de lancer un calcul quantique pour ça… (déjà pour modéliser une simple SN2 c’est lent alors là j’imagine pas). C’était plutôt par curiosité, rien d’important.

C’est beaucoup plus rapide que de modéliser une SN2, en fait, il "suffit" de calculer les constantes de force (dérivée seconde de l’énergie par rapport aux coordonnées normales), ce qui se fait relativement vite au niveau d’approximation le plus simple (Hartree-Fock, pour pas le citer). Évidement, j’ai pas une précision de l’ordre de 10 cm-1 en faisant ça, mais ça aide à s’en sortir. Et puis, n’oublie pas que j’ai à ma disposition des super-calculateurs, et que c’est pas 1 heure de calcul qui fera la différence en fin d’année, quand bien même mes heures de calcul seraient comptées (ça m’arrive d’ailleurs de temps à autre pour une question sur ce forum). Mais effectivement, peu importe ;)

Penses-tu qu’on peut facilement différencier les stretch symétriques et asymétriques ?

Bof. Si on prend l’exemple de la molécule d’eau,

mode de vibration de la molécule d’eau

On voit que la différence de longueur d’onde est d’environ 100 cm-1 Comme c’est les mêmes atomes qui sont impliqués et les mêmes liaisons, à priori $\mu$ et $k$ de mon équation du ressort de mon post précédent sont fortement semblable. Objectivement, je vois rien dans l’absolu qui me permettrait de dire que c’est le stretch asymétrique qui est à une longueur d’onde plus importante, sauf si on part du principe que comme ce mode de vibration implique un rapprochement de l’oxygène et de l’hydrogène, il y a une légère répulsion en plus (mais j’ai pas pris la peine de vérifier si c’était systématiquement vrai, je lache ça comme ça).

Par contre, en général on considère le cisplatine comme $C_2v$ même si effectivement ta remarque tes hydrogènes des amines font sens.

ZDS_M

… Ce qui, d’ailleurs, en pratique est faux, parce qu’il y a rotation des $NH_3$ à température ambiante. Mais si on commence à s’embêter avec ça, il n’y a plus aucune symétrie nulle part ^^

Faudrait quand même que je vérifie aussi que c’est la conformation "$C_{2v}$" qui est la plus stable, mais y’a des bonnes chances (dans ma tête, le placement des hydrogènes est optimum dans ce cas là, mais je suis nul en vision dans l’espace).

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Je te souhaite bien du plaisir, n’oublie pas qu’il faut considérer la fonction d’onde vibrationelle (polynomes d’Hermite, toussa toussa) :p

Effectivement… Qu’est-ce que je suis bête :p C’est même pas solvable analytiquement j’imagine.

C’est beaucoup plus rapide que de modéliser une SN2, en fait, il "suffit" de calculer les constantes de force (dérivée seconde de l’énergie par rapport aux coordonnées normales), ce qui se fait relativement vite au niveau d’approximation le plus simple (Hartree-Fock, pour pas le citer). Évidement, j’ai pas une précision de l’ordre de 10 cm-1 en faisant ça, mais ça aide à s’en sortir. Et puis, n’oublie pas que j’ai à ma disposition des super-calculateurs, et que c’est pas 1 heure de calcul qui fera la différence en fin d’année, quand bien même mes heures de calcul seraient comptées (ça m’arrive d’ailleurs de temps à autre pour une question sur ce forum). Mais effectivement, peu importe ;)

Bon, si vraiment t’as envie d’essayer avec Gaussian 09 ça peut être intéressant (pour voir si mon intuition du dessus était juste!) mais bref :p Donc dans cette méthode pas besoin d’utiliser de DFT ?

Merci encore, c’est très clair ! Je me disais bien qu’on pouvait pas différentier aisément ces deux là!

Je te souhaite bien du plaisir, n’oublie pas qu’il faut considérer la fonction d’onde vibrationelle (polynomes d’Hermite, toussa toussa) :p

Effectivement… Qu’est-ce que je suis bête :p C’est même pas solvable analytiquement j’imagine.

Oh, si, évidement. C’est juste pas marrant :p

Bon, si vraiment t’as envie d’essayer avec Gaussian 09 ça peut être intéressant (pour voir si mon intuition du dessus était juste!) mais bref :p Donc dans cette méthode pas besoin d’utiliser de DFT ?

Dans le meilleur des mondes, si, je ferais de la DFT qui marche beaucoup mieux. Aller hop, je tente ça :)

Dans le meilleur des mondes, si, je ferais de la DFT qui marche beaucoup mieux. Aller hop, je tente ça :)

pierre_24

Allez ! Curieux de voir ce que ça donnera ! Je viens de regarder dans mon cours de quantique et j’ai pas vu la méthode d’Hartree-Fock (oui, j’ai un peu vu sur Wikipedia mais c’est pas trivial). Est-ce que cette méthode est similaire à l’approche variationelle ou à la théorie des perturbations non dégénérées ? C’est tout ce que j’ai vu pour le moment mais je suppose que ce sont des théories moins précises car déjà on les a appliqués à des problèmes indépendants du temps :p

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Allez ! Curieux de voir ce que ça donnera ! Je viens de regarder dans mon cours de quantique et j’ai pas vu la méthode d’Hartree-Fock (oui, j’ai un peu vu sur Wikipedia mais c’est pas trivial). Est-ce que cette méthode est similaire à l’approche variationelle ou à la théorie des perturbations non dégénérées ? C’est tout ce que j’ai vu pour le moment mais je suppose que ce sont des théories moins précises car déjà on les a appliqués à des problèmes indépendants du temps :p

ZDS_M

Chimie quantique 101:

  • Hartree-Fock: méthode variationnelle, et vraiment la méthode la plus "simple" en chimie quantique. Est entachée d’une erreur dite de "corrélation électronique" (terme bateau regroupant justement tout ce qu’on reproche à Hartree-Fock !): provenant principalement du fait que le formalisme autorise en pratique "deux électrons de même spin à se trouver au même endroit", du fait que la fonction d’onde soit décrite par un seul déterminant, et du fait que par défaut, on ne fait pas la différence entre spin up et down. Pas la méthode la plus précise, donc, mais la plus rapide et la moins coûteuse en terme de caclul, permet donc de ce faire une bonne idée.
  • Théorie des perturbations : formalisme permettant, entre autre, "d’inclure la corrélation électronique" (donc de corriger un défaut d’Hartree-Fock, celui des électrons de même spin dans l’espace) à une fonction d’onde Hartree-Fock. Une méthode très utilisé pour ça est MP2. Mais vu qu’elle est pas variationnelle, l’énergie obtenue peut être inférieure à "l’énergie exacte" (ce qui n’empêche pas de l’utiliser en pratique). La théorie des perturbations peut aussi être utilisée pour inclure l’effet du solvant de manière implicite, par exemple ;)
  • DFT: méthode variationnelle aussi en pratique, formalisme un peu similaire à Hartree-Fock, sauf qu’on travaille avec la densité électronique au lieu de la fonction d’onde. Inclut la corrélation électronique "par magie" (comme on sais pas à quoi ça ressemble, on fitte des expressions sur des données expérimentales, et ça marche), coûte quasiment aussi peut cher en terme de ressource qu’Hartree-Fock (en tout cas pour les fonctionnelles les plus simples), pour un résultat parfois meilleur (mais tout dépend du domaine). Marche très bien pour les optimisations ou les spectres IR, par exemple.
  • Puis t’as les méthodes dites "unrestricted" qui s’attaquent au problème du traitement des spins de manières séparée (ce qui est bien utile pour décrire les radicaux, par exemple) et les méthodes "multi-configurations", qui s’attaque au fait qu’une fonction d’onde seule ne permet pas de décrire l’état d’un système (pour faire un parallèle, c’est comme les différentes formes de résonance d’une molécule organique).

Voilà voilà ;)


Bon, le calcul a pris 4 minutes de temps CPU en DFT. Je ne prétend pas du tout que c’est le meilleur calcul de l’univers, parce que par exemple, je l’ai fait en phase gaz, et parce que j’ai pas pris la base d’orbitale atomique la plus complexe du monde ou la meilleure fonctionnelle1, mais j’obtiens ceci:

Spectre IR du cis-platine
Spectre IR simulé du cis-platine, pour lequel les fréquences on été multipliées par 0.964 pour mieux reproduire les données expérimentales.

Bon, j’arrive pas à superposer sur ton graphe, parce que son échelle des Y est logarithmique, mais dans l’idée, je reproduit les "gros" pics, à environ 800, 1300, 1500 et 3200 cm-1. C’pas l’extase, j’appellerai pas ça une victoire, mais j’ai connu pire :)

Bon, le "problème", c’est que t’as 27 modes normaux de vibration, dont à peu près 19 actifs en IR (si on exclus les modes dont l’intensité est quasiment 0). Par exemple, le pic à 1300 cm-1, bah il en contient en pratique 2 modes normaux. Autrement dit, je vais pas te faire toute la liste, mais voir un peu si tes prédictions tiennent la route (sachant que je peux très bien être dans le faux aussi):

  • Bending à 1300 et 1500 cm-1: oui.
  • Rocking à 800 cm-1: oui.
  • J’ai pas de mode à 2000 cm⁻¹, même pas un qui ne soit pas actif en IR. Je vois pas trop ce que ça pourrait être.
  • Stretching à 3200-3300 cm-1: encore une fois, t’es grosso modo dans le juste (même si moi, je suis plus haut en fréquences).

10/10, donc ;)

Et quelques images pour la beauté du truc (notez que dans ce cas, les fréquences ne sont pas multipliées par 0.964):

801 cm⁻¹
1314 cm⁻¹
3387 cm⁻¹
3511 cm⁻¹
3560 cm⁻¹

Vu les images, je dirais que le stretch asymétrique (3511 et 3560 cm⁻¹) est plus haut en fréquences que le symétrique (3387 cm⁻¹).

Je peux t’envoyer un fichier que tu peux ouvrir avec le programme Avogadro pour visualiser les modes de vibration, si tu le souhaite.


  1. pour références futures, On part sur B3LYP/6-31+G(d), avec Lanl2TZ pour décrire le platine, et j’ai pris un facteur de scaling de 0.964 comme recommandé ici

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C’est tellement stylé… J’vais rien y biter quand j’vais avoir les cours de spectroscopie… ZDS_M viens on pose un max de question l’an prochain ? Spam.

PS : Déjà que là j’ai rien compris… j’ai trop les nerfs :'(

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Ben côté chimie quantique, y’a pas grand chose à comprendre dans ce cas-ci à part "je peux le faire, et du coup je l’ai fait, et ça marche pas encore trop mal". Le détail de la méthode de calcul est pas réellement intéressant ici, je pense (mais peut être que je me trompe), en gros, "ça marche, mais c’est triché". Par contre, côté spectroscopie, c’est normalement assez évident, donc je veux bien que tu me poses des questions si c’est pas clair :)

Je te rappel que j’attend tout aide pour ce qui est de la théorie des groupes. Et je pense que c’est à partir de là que j’ai décroché. J’ai compris qu’à cause de certains éléments de symétries il y avait des déformations de liaisons invisible en IR.

Pourquoi ? ça doit surement venir des bases de la théories des groupes et de la table des caractères ?

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Pourquoi ? ça doit surement venir des bases de la théories des groupes et de la table des caractères ?

Blackline

Pierre t’expliquera ça 1000 fois mieux mais ça vient du fait que pour une transitions comme ci-dessous ($\Psi$ = fonction d’onde, $E$ = niveau d’énergie) :

-

L’intensité est proportionelle à $I \propto {\left| {\int {{\Psi _f}\mu {\Psi _i}} } \right|^2} = {\left| {\langle \left. {{\Psi _f}} \right|\left. \mu \right|{\Psi _i}\rangle } \right|^2}$$\mu$ est l’opérateur moment dipolaire $\mu = \sum\limits_i {{e_i}{x_i}} + \sum\limits_i {{e_i}{y_i}} + \sum\limits_i {{e_i}{z_i}} $. Du coup, on peut écrire trois intégrales pour les différentes polarisations de la lumière $x$, $y$ et $z$. Pour de la lumière polarisée suivant $x$: ${I_x} \propto {\left| {\int {{\Psi _f}x{\Psi _i}} } \right|^2}$.

Il faut que cette intégrale soit différente de zéro et apparemment c’est assez compliqué à calculer du coup souvent on peut faire appel à la théorie des groupes. Il faut par exemple que la fonction appartienne à la représentation totalement symétrique (là, je pourrais pas te dire ce que c’est - j’ai pas encore compris - mais d’après des posts avec Pierre sur le forum d’il y a peu je pense qu’il faut que la représentation soit irréductible :p ).

Cette théorie n’est pas valable pour toutes les spectroscopies, par exemple en RAMAN l’intégrale est différente car c’est un processus qui se passe comme ça d’après ce que j’ai compris:

-

$\Psi _v$ c’est un niveau "virtuel".

Pierre passera par là ajouter la tonne d’info qu’il doit manquer et clarifier ça :p


@Pierre_24:

Sinon, qu’est-ce que je peux répondre à ton message à part que c’est tellement beau… C’est incroyable ! Merci ! Peut-être pas les meilleurs calculs du monde mais là tu m’as mis une claque tellement c’est beau :o Les petites animations envoient du lourd! Pour la petite anecdote, l’année prochaine j’ai le choix d’un module de chimie computationelle (Monte Carlo, intro aux structures électroniques, …) et j’avoue que ça me tentais pas trop (depuis ma tentative de simulation de SN2..) mais là ça me donne vachement envie ! La seule chose qui me dérange c’est "on multiplie par X pour mieux reproduire les données expérimentales", ça fait très "magie".

Par contre, j’ai pas très bien compris comment tu lance ça. Tu modélise sur GAMESS/Gaussian 09 suivant ton choix et puis pourquoi tu passes sur Avogadro ? Je pensais que GAMESS pouvait te donner directement le "petit film" de ce que tu avais modélisé. Juste pour être sûr, les 2 dernières animations (3511 et 3560 cm-1) représentent bel et bien un stretching aussi?

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Merci pour ce préambule compréhensible ZDS_M :) ! J’pense bien que les 3 dernières animations sont des stretching, mais je dirais ne pas savoir dire si c’est asymétrique ou symétrique.

D’ailleurs à $1314$ $cm^{-1}$ est-ce que ce mouvement est lié à l’effet parapluie d’inversion des trialkyles amines prochirales ?

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Ça fait beaucoup de questions, je vais voir ce que je peux faire :p


Je vais commencer par une petite auto-citation:

De manière générale, pour un opérateur $\hat{\mu}$ décrivant une transition entre deux fonctions d’ondes ($\Psi$) de l’état initial ($\Psi_i$) au final ($\Psi_f$), une transition est permise si:

$$\Gamma^{\Psi_f} \otimes \Gamma^{\hat{\mu}} \otimes \Gamma^{\Psi_i} \in \Gamma^{RTS}, \text{ alors } \int \Psi_i^\star\,\hat{\mu}\,\Psi_f d\tau\neq 0$$

$\otimes$ représente le produit direct et $\Gamma^{RTS}$ est la représentation totalement symétrique. En effet, la transition n’est permise que si le produit $\Psi_i^\star\,\hat{\mu}\,\Psi_f$ ne donne pas une fonction qui soit impaire (puisque l’intégration sur tout l’espace d’une fonction impaire donne un résultat nul), et cette parité peut être déterminée en observant la parité des trois composants de celle-ci. On peut dès lors définir, pour chaque spectroscopie, une série de règles de sélection.

(…)

Une molécule possède $3N$ ($N$ étant le nombre d’atomes) degrés de liberté, dont 3 de rotation~(ou 2 si la molécule est linéaire) et 3 de translation, ce qui laisse $3N-6$ (ou $3N-5$) degrés de liberté de vibration. En spectroscopie vibrationnelle, une molécule est excitée de son niveau fondamental ($\Gamma^{\Psi_i} \in \Gamma^{RTS}$) à un état excité vibrationnel. Dès lors, la transition n’est possible à condition que $\Gamma^{\Psi_f}\otimes\Gamma^{\hat{\mu}} \in \Gamma^{RTS}$, c’est-à-dire que l’opérateur et l’état vibrationnel final appartiennent à la même représentation.

Par conséquent, un mode de vibration $a$, dont les coordonnées normales sont notées $Q_a$,

  • Est actif en spectroscopie IR si $\partial \mu_i / \partial Q_a \neq 0$, autrement dit si le mode de vibration implique une modification du moment dipolaire. C’est le cas lorsque $Q_a$ appartient à la représentation irréductible d’une des composantes de translation ($i=x,y,z$) ;
  • Est actif en spectroscopie Raman si $\partial \alpha_{ij} / \partial Q_a \neq 0$, autrement dit si le mode de vibration implique une modification de la polarisabilité. C’est le cas lorsque $Q_a$ appartient à la même représentation irréductible qu’une fonction quadratique ($ij =xx\,(x^2)$, $xy$, ....).

Donc en effet, il y a cette fameuse intégrale. En fait, impliquer la théorie des groupes là dedans reviens au final à avoir un peu de bon sens mathématique: par exemple, si $\Psi_i^\star\,\hat{\mu}\,\Psi_f$ est impaire, l’intégration sur tout l’espace donnera quelque chose de nul. Et ainsi de suite. La "représentation totalement symétrique" (R.T.S) est effectivement irréductible, mais aussi (et surtout) présente un caractère égal à un pour chacune des classes d’un groupe. La représentation R.T.S., c’est toujours la première ligne d’une table de caractère (donc la $A$, $A_1$, $A_g$ …). Et je rappelle qu’avoir un caractère égal à 1 signifie "invariant à cette transformation de symétrie", donc si par exemple le groupe contient une inversion, $\chi(i)=1$ signifie que ce qu’on considère est pair. Et ainsi de suite, d’où l’intérêt de la théorie des groupes dans ce genre de cas.

Cette règle vaut pour un grand nombre de spectroscopies, et ce traduit par ce que vous connaissez mieux sous le nom de "règles de sélections". C’est ces fameuses règles de sélections qui empêchent techniquement de voir certains pics dans les spectres UV des complexes (en pratique, on les vois, mais leur $\epsilon$ est beaucoup plus faible), c’est ces fameuses règles de sélections qui empêche d’observer certaines transition en UV et en Raman ("tout simplement" parce que le moment dipolaire se transforme comme la translation et que la polarisabilité se transforme comme les machins quadratiques), et ainsi de suite. L’histoire du niveau virtuel en Raman n’est pas spécialement importante ici, il s’agit juste d’une spectroscopie vibrationnelle complémentaire puisque les règles de sélections sont différentes, ce qui permet d’observer d’autres transitions qu’en IR. Les intensités sont pas pareilles non plus, c’est une spectroscopie ou, par exemple, y’a pas de grosse "patate" à 3400 cm⁻¹ à cause de l’eau si je dis pas de conneries.

Juste pour être sûr, les 2 dernières animations (3511 et 3560 cm-1) représentent bel et bien un stretching aussi?

et

J’pense bien que les 3 dernières animations sont des stretching, mais je dirais ne pas savoir dire si c’est asymétrique ou symétrique.

Me semble bien que c’est du stretching aussi. Après, ça me fait toujours un peu rigoler, parce que personne, sur 5 ans d’études, ne m’as jamais dit "un stretching, c’est ça". Donc je me dis que c’est un stretching, par analogie avec l’eau, parce qu’il semble impliquer des modifications de longueur de liaison, et je me dis que c’est asymétrique parce que ce qui se passe sur l’azote de gauche est à l’inverse de ce qui se passe sur l’azote de droite, mais je vous avoue que c’est plus du bon sens qu’une vérité pure. Me croyez pas sur parole sur celle là.

D’ailleurs à 1314 cm−1 est-ce que ce mouvement est lié à l’effet parapluie d’inversion des trialkyles amines prochirales ?

On dirait, hein ? :p

Notez que sur celle là, je crois me souvenir que techniquement, c’est un effet "anharmonique", ce qui signifie que la simulation ne la place pas exactement à la bonne place. Mais peu importe ici.


Sinon,

(…) mais là ça me donne vachement envie ! La seule chose qui me dérange c’est "on multiplie par X pour mieux reproduire les données expérimentales", ça fait très "magie".

Ça fait pas que "magique", c’est "magique". Mon but n’est pas non plus de vous vendre la chimie quantique comme un truc parfait, parce que c’est évidement pas le cas en pratique. Hartree-Fock, la DFT ou d’autres sont des approximation de la réalité (puisque c’est un problème à $N$ corps et qu’on a pas de solution simple pour les problèmes à plus de 3 corps), et donc ce qu’on obtient sont des approximation de la réalité, entachées de différentes erreurs. Un des buts d’un cours de chimie quantique devrait justement être de pointer ces erreurs, et dès lors d’expliquer dans quel cadre on a le droit d’utiliser certaines méthodes.

Par exemple, si c’est la précision que je cherche, je suis à côté de la plaque. Et en même temps, j’ai pas non plus cherché à tenter de l’obtenir. J’ai dit que mon calcul avait duré 4 minutes, même sans vous expliquer ce qu’il y a derrière, je peux vous dire que c’est très peu. Il est évident que plus la méthode que j’utilise est complexe/complète, plus je m’attend à obtenir un résultat précis, mais plus ça va me prendre du temps à l’obtenir. J’aurais pu, par exemple, inclure l’effet du solvant, ce qui aurait probablement multiplié le temps du calcul par 3 ou 4, mais m’aurait probablement rapproché du spectre expérimental. Et ainsi de suite. Cependant, des générations de chimistes théoriciens on constatés que si on faisait une régression linéaire entre les longueurs d’onde expérimentales et calculées au niveau d’approximation que j’ai utilisé, ben le coefficient de régression linéaire de la droite était de 0.964. Il faut traduire ça par "ce qui manque dans la méthode peu être rajouté en multipliant par ce facteur". Il se trouve que c’est très courant en simulation de spectroscopie sous une forme ou une autre, et que je suis d’accord, c’est "magique".

Maintenant, il faut être pragmatique. Moi, j’ai clairement choisi la facilité, alors que j’aurais pu employer une méthode un peu plus complexe et mon calcul aurait duré quelques heures. Ça m’aurait pas coûté grand chose de plus, mais je voulais avoir le résultat rapidement, et mon but n’était absolument pas de donner un résultat parfait. Mais au delà de ça, il y a des gens qui se basent sur la chimie quantique pour guider des processus ou des synthèses (bon, c’est rare, mais il y en a de plus en plus). Mettons que le calcul en question prennent plusieurs mois, ça fait plusieurs mois à attendre un résultat avant de continuer. Pas top ! Maintenant, si la même réponse peut être obtenue en quelques jours en multipliant le résultat par 0.964, ben … Le patron va y regarder à deux fois. Mais il ne faut pas sur-vendre le résultat non plus, ça reste une simulation, et y’a certains cas ou ça fonctionne très bien, d’autre ou ça ne fonctionne pas. En général, ce qu’on fait, c’est qu’on modélise un système de petite taille avec une méthode très complexe1, puis qu’on compare avec les résultats de méthodes plus simple pour trouver celle qui donne un résultat "correct" en un temps acceptable. Puis on simule les gros systèmes avec cette méthode plus simple ;)

Donc voilà: la chimie quantique est un outil génial quand on sais l’utiliser, mais on doit bien être conscient de ces faiblesses et de ces limites … Comme toute technique :p

C’était le paragraphe auto-conviction

Par contre, j’ai pas très bien compris comment tu lance ça. Tu modélise sur GAMESS/Gaussian 09 suivant ton choix et puis pourquoi tu passes sur Avogadro ? Je pensais que GAMESS pouvait te donner directement le "petit film" de ce que tu avais modélisé.

Alors, pas confondre. GAMESS et Gaussian sont des programmes de calculs. Autrement dit, eux, ce qu’ils font, c’est calculer la fonction d’onde (et l’énergie) et éventuellement l’utiliser pour calculer des propriétés additionnelles (moment dipolaire, RMN, IR, etc). Propriétés qu’ils crachent sous forme de texte, parce qu’ils ont été créé dans les années 80 et écrit en Fortran et que histoire de l’informatique toussa. Donc non, malheureusement, GAMESS (ou Gaussian) est pas foutu de sortir la moindre image. Par contre, si tu lui demande gentiment, il te sort les informations qui te permettent de la tracer (sous forme d’un tableau de chiffre).

C’est là qu’Avogadro (ou autres, mais celui là est gratuit et fait assez bien le job) qui n’est pas un programme de calcul, mais un programme de visualisation, entre en jeu. Lui, il lit les données et les interprète pour justement obtenir une jolie image, avec toutes les facilités de l’informatique moderne (GUI, boutons, souris, … Tout ces trucs qui existaient pas dans les années 80 quoi :p ). Bref, c’est bien sympa pour donner du sens à toutes ces colonnes de chiffre.


Vous me devez un café.


  1. sauf que dans la recherche, on a pas peur d’y mettre un mois, là ou dans l’industrie, ben ce sera pas forcément le cas ^^ 

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