Anneau? Corps?

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Bonjour,

J’ai une simple question de curiosité. Je n’ai pas l’intention de devenir un expert du sujet mais je me demandais simplement si vous pourriez m’expliquer de manière vulgarisée et intuitive ce qu’est un anneau et un corps (je parle de maths bien sûr). J’ai lu plusieurs documents mais ils ne font que donner des définitions super formelles qui me m’aident pas vraiment. D’ailleurs, auriez-vous un document (gratuit de préférence) qui me permettrait d’avoir une introduction intuitive à la topologie? Car tous ceux que j’ai trouvés sont assez lourds et trop formels à mon goût.

Merci :)

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Salut,

Grossièrement, un anneau est un ensemble que l’on munit d’une addition et d’une multiplication, de sorte que la multiplication soit distributive sur l’addition. Par exemple, l’ensemble des réels est un anneau quand on le muni de l’addition et de la multiplication usuelle. Dans un anneau, par exemple, chaque élément à un opposé dans l’anneau (par exemple 1 et -1 sont des réels opposés), et on peut écrire des choses du type $a * (b+c) = a*b + a*c$.

Un corps, c’est un anneau dans lequel on peut en plus inverser les éléments à l’exception du zéro. Par exemple, l’ensemble des réels muni de l’addition et de la multiplication usuelle est un corps, et zéro n’y a bien pas d’inverse (on ne peut pas diviser par zéro).

Salut,

Avoir une structure permet de « regrouper » des ensembles. Par exemple on sait que sur tel groupe d’ensemble on peut faire telle opération tranquillement, on sait que tel ensemble a le même comportement que tel autre (voir les isomorphismes de groupe ou d’anneaux). Et en général, ça permet d’avoir des résultats plus généraux. Par exemple, plutôt que de dire que tel théorème marche dans les réels, on pourra dire (sous certaines conditions) qu’il marche dans un cors quelconque.

EDIT : Plus simplement, ça sert à identifier et à « simplifier », c’est commode. Si on te dit que tel ensemble muni de telles lois est un corps, c’est plus simple que si on te dit on peut faire ça, et ça aussi, etc.

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Et à quoi ça sert concrètement?

Euh… Tout dépend ce que tu entends par concrètement. Le concept d’anneau (ou de corps) permet notamment de démontrer tout un tas de propriétés et de théorèmes en se servant uniquement de la définition d’un anneau ou d’un corps. Ensuite, tu peux prendre un cas concret (par exemple les réels muni des opérations qui vont bien), démontrer qu’il s’agit d’un anneau et tous ces théorèmes seront alors vrais.

L’étude des structures algébriques (dont les anneaux et les corps font partie) permet aussi de se demander quelles hypothèses sont suffisantes pour obtenir certaines propriétés et théorèmes (autrement dit, quelles sont les règles suffisantes pour calculer comme on en a l’habitude ?). D’autres thématiques abordent plutôt les transformations qui conservent les structures algébriques (on parle de morphismes).

Est ce qu’il existe des anneaux qui n’ont pas cette distributivité?

Le Gigot

S’il n’avaient pas cette distributivité, ce ne serait pas des anneaux ! Mais quoi qu’il en soit, il existe certainement des cas où il n’y a pas distributivité (auquel cas il ne s’agit pas d’anneaux), mais je n’ai pas d’exemple précis sous la main. Ceci dit, je ne suis pas sûr que ce soit très intéressant mathématiquement.

Banni

Je comprends pas trop la question à quoi ça sert.

Karnaj

Je pense qu’il est toujours utile d’essayer de motiver les notions. Évidemment la réponse universelle est « parce qu’elle est utile, parce que ça apparaît »… Mais ça ne fait que reporter la question qui devient « pourquoi est-ce que ça apparaît, est-ce qu’il y a une raison fondamentale ». Pas dit qu’on ait une réponse ni qu’il en existe une universelle, mais les réponses à ces questions apportent toujours beaucoup d’intuition je trouve.

Le point de vue le plus intuitif que je connaisse, mais qui ne sera pas utile à Le Gigot, consiste à dire qu’un anneau est une catégorie préadditive à un seul objet. C’est donc l’analogue de ce qu’est un monoïde mais quand on a des groupes abéliens au lieu d’ensembles. Mais je ne sais pas expliquer ça rapidement. Il faut déjà avoir la notion de groupe abélien, et de ce qu’est un endomorphisme de groupe abélien… Un anneau est « ce qui peut agir sur un groupe abélien ».

Donc @Le Gigot, il faut déjà que tu comprennes d’autres notions avant de pouvoir avoir une intuition de ce qu’est un anneau (la notion principale est celle de morphisme de groupes abéliens ; il faut penser à chaque élément de l’anneau comme un endomorphisme de groupe abélien idéalisé). Au final j’en reviens à ce qu’a dit Karnaj : ne te préoccupes pas de savoir ce qu’est un anneau pour le moment, considères juste que c’est une abstraction de la notion d’« ensemble de nombres » (comme $ℤ$, $ℚ$, $ℝ$ ou $ℂ$) et travailles avec, tu comprendras plus tard.

edit Je relis le PO, tu demandais une explication vulgarisée. Je ne sais pas si c’est possible (à part dire que c’est comme un ensemble de nombres), on ne peut pas forcément tout vulgariser sans aucun prérequis…

Pour la distributivité, ce n’est pas une propriété au hasard qu’on a mise.


Concernant la topologie, il y a un point de vue que je trouve très intuitif pour introduire les axiomes. Il s’agit de les motiver de manière logique (au sens du domaine des maths) ; en plus l’intuition se généralise pour des notions plus avancées. Malheureusement je ne connais aucune introduction (ni pas grand chose d’ailleurs) prenant ce point de vue… De toute manière dans tous les cours que je connais tout est introduit à l’envers… il faut toujours recoller les morceaux soi-même.

Je veux bien essayer de te l’expliquer si tu as envie de savoir.

Quelles sont les introductions que tu as testées ? Pour qu’on puisse savoir ce qui est plus ou moins intuitif que ça.

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Il y a un mouvement plutôt récent en maths (disons depuis le XXème) qui consiste à tenter de restreindre au maximum toutes les hypothèses, et à généraliser tous les énoncés. C’est maintenant sous cette forme qu’on est beaucoup à découvrir l’algèbre générale (qui porte, pour grossir le trait, sur les monoïdes, les groupes, les anneaux et les corps).


C’est l’heure de la petite fiction. Je suis un mathématicien du XXIème siècle, et je viens de remarquer un truc formidable sur les polynômes réels : pour tout polynôme réel $P$, il existe un polynôme réel $Q$ tel que :

$$P=P(0)+P'(0)X+\frac{P''(0)}{2}X^2+X^3Q$$

Je vais l’appeler la formule T.

J’ai découvert ça un peu par hasard : en écrivant $P=\sum_{k=0}^n a_kX^k$, j’ai vu que $P(0)=a_0$, $P'(0)=a_1$ et $P''(0)=2a_2$. Je me suis donc empressé d’identifier (comme j’ai appris les maths formelles, je sais que par définition un polynôme c’est la suite de ses coefficients).

Maintenant, pour impressionner les copains, j’aimerais bien écrire l’énoncé le plus général possible (parce que les polynômes réels, ça manque de sensation forte). Pour ça, je me demande dans quel genre d’ensemble je pourrais prendre mes $a_k$. Visiblement il y a une somme et un produit, je vais donc choisir une structure algébrique sur lesquelles ces opérations se comportent "exactement comme sur $\mathbf{R}$" : la plus générale qui fait ça, c’est l’anneau. De mon point de vue à ce moment, un anneau c’est un ensemble muni d’opérations d’addition et de multiplication que je manipule comme l’ensemble des réels.

Malheureusement ma formule T n’a pas encore de sens dans un anneau quelconque. On a dit qu’on avait une notion d’addition et de multiplication, mais qui a parlé de division ? Si je ne veux pas avoir de problème, je vais plutôt me placer dans un corps : c’est la structure qui me permet de faire du calcul sur les fractions exactement comme je le fais dans $\mathbf{R}$. En fait, en étant vraiment perfectionniste, je peux généraliser ma formule au cas d’un polynôme à coefficient dans tout anneau de caractéristique différente de 2, et il faudrait écrire $P''(0)/2$ un peu différemment pour que ça ait bien un sens si l’anneau n’est pas commutatif (mais peu importe ce que tout ça signifie).


Bon, évidemment, les maths de la vraie vie, ça ressemble pas trop à ça. La plupart du temps on a pas de théorème génial qu’on veut généraliser, mais un problème à résoudre comme on peut. Mais c’est là qu’on peut inverser toute la méthodologie qu’on a vue : au lieu de partir de $\mathbf{R}$ et d’étendre à toute structure générale, on part d’une structure particulière, on remarque une analogie avec $\mathbf{R}$ (ou tout autre ensemble « plus simple »), et on utilise toutes les théories algébriques qui nous permettent de formaliser le pont entre les deux.

En bref, la bonne visualisation pour un anneau/un corps, c’est les exemples classiques d’anneau/de corps qui seront probablement donnés dans ce sujet. La difficulté, c’est de savoir exactement ce que partagent ces ensembles. Mais ça vient avec un tout petit peu d’expérience.


Avec toutes ces boîtes noires mentales, on peut s’amuser à faire plein de trucs :

  • de l’algèbre linéaire : pour représenter des vecteurs, on a besoin d’un corps de base (ça marche aussi avec les anneaux, et on obtient la théorie des modules à la place de celle des espaces vectoriels).
  • de l’arithmétique : tout ce qu’on sait faire sur les entiers relatifs (Bézout, PGCD, nombres premiers, etc.), on peut le faire dans un anneau dit principal (il y a plein d’autres anneaux plus généraux avec des jolis noms : anneau intègre dans lequel un produit est nul ssi. un des deux facteurs est nul, anneau factoriel pour lesquels il y a un théorème de type décomposition en facteurs premiers, anneau euclidien dans lequel on peut définir une division euclidienne, etc.). Par exemple, si tu connais un peu l’arithmétique des polynômes (où l’équivalent d’un nombre premier est un polynôme irréductible), il y a des analogies assez frappantes avec $\mathbf{Z}$.
  • plein de nouveaux ensembles : on a dit qu’on pouvait donner un sens à un polynôme à coefficients dans un anneau. Or, l’ensemble des polynômes lui-même forme un anneau (les opérations d’addition et de multiplication de deux polynômes se comportent bien). Qu’est-ce qu’on obtient en considérant les polynômes à coefficient dans un anneau de polynômes ?
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L’ensemble des entiers muni de l’addition et de la multiplication est un anneau : distributivité, associativité, commutativité, tout est là.

Mais il manque une propriété importante pour en faire un corps : dans l’ensemble des entiers, la notion d’inverse ne marche pas : Si n est un entier , 1/n n’est pas un entier (sauf 2 exceptions) Du coup, toutes les propriétés spécifiques aux corps ne s’appliquent pas à l’ensemble des entiers.

Cette notion d’anneau ou de corps est valable dans des domaines autres que les nombres entiers ou réels. Imagine que tu t’intéresse à des jeux à base de grilles. Imagine un chantier où tu manipules des grilles 10x10 avec des cases blanches et des cases noires.

A partir de 2 grilles, on définit une opération qu’on va appeler la multiplication : à partir de 2 grilles A et B, si la case x est noire dans les 2 grilles, elle sera noire dans AB, et sinon, elle sera blanche dans AB

Et on définit l’addition en disant : à partir de 2 grilles A et B, si la case x est blanche dans les 2 grilles, elle sera blanche dans la grille a+b, et sinon, elle sera noire dans A+B.

Là je viens de définir un Espace (l’ensemble de toutes les grilles possibles), muni de 2 opérations, l’addition et la multiplication. Et il se trouve que cet espace est un anneau. (commutativité, distributivité, associativité, je peux démontrer que ces 3 propriétés sont bien respectées). Si je dois pousser mes recherches sur cet espace, je vais pouvoir exploiter les propriétés qui sont connues et démontrées pour les anneaux.

Par contre, ce n’est pas un corps, et donc je ne pourrais pas exploiter les multiples propriétés connues pour les corps.

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