Ça tourne pas droit

À quelle vitesse allons-nous ?

C'est vrai : nous tournons, nous tournons, mais à quelle vitesse ? À votre avis, nous sommes des chauffards de l'espace ou des conducteurs responsables ? Calculons…

Nous sommes à 150 millions de kilomètres du Soleil. Un petit rappel de géométrie du collège devrait vous permettre de calculer la circonférence de notre orbite : elle vaut $2 \pi r$. Et en combien de temps parcourt-on cette distance ? En un an, bien sûr : 365 jours. Un calcul et quelques conversions plus tard, vous devriez trouver 107 000 km/h. Transformons ça en unités plus abordables à notre échelle : cela nous fait une vitesse de 30 kilomètres par seconde !
Imaginez un endroit qui est à 30 km de chez vous : c'est sûrement le troisième ou quatrième village après le vôtre. Si vous habitez Paris, ça vous amène après Versailles, ou alors c'est l'équivalent d'un tour complet du périphérique. Et maintenant imaginez que vous faites cette distance en une seconde. Pouf ! Et même pas décoiffé !

Et pour la rotation, à quelle vitesse se fait-elle ? La réponse va vous surprendre : ça dépend d'où vous êtes !
En effet, regardez la Terre :

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Ces trois cercles font un tour complet en 24 heures. Le cercle le plus grand, l'équateur, fait 40 000 km de longueur. Il parcourt plus de distance que les autres en 24 heures, donc va plus vite. À l'équateur, la vitesse de rotation est de 1600 km/h.

À l'inverse, imaginez que vous soyez au pôle Nord. Là, en 24 heures, vous ne faites que tourner sur vous-mêmes, sur place. Aux pôles, 0 km/h. Et entre les deux, eh bien, toutes les vitesses intermédiaires.

Cela explique pourquoi les bases spatiales sont à Kourou ou à Cap Canaveral, proches de l'équateur (on peut aussi citer Sea Launch, la plateforme de lancement en pleine mer). Il faut beaucoup de vitesse à une fusée pour se mettre en orbite. En étant lancées depuis l'équateur, ces fusées bénéficient des 1600 km/h initiaux que leur fournit gratuitement la Terre. C'est toujours ça de pris… C'est ce qu'on appelle l'effet de fronde (par analogie avec un lance-pierre), et qui n'est pas négligeable : le lancement d'une fusée depuis Baïkonour (latitude 46° nord) nécessite 55% d'énergie en plus (source).

À 45 degrés de latitude, là où on trouve l'Europe ou encore les Etats-Unis, on tourne à 900 km/h. C'est à peu près la vitesse de nos avions de ligne. Regardez la conséquence…

Entre Paris et New York, il y a 6 heures de décalage horaire. Si un avion mettait 6 heures pour relier ces deux villes, voilà ce qui se passerait : l'avion décollerait de Paris à midi pendant qu'il serait 6 heures à New York. Six heures après, l'avion atterrirait à New York, où il sera alors midi ! On arriverait à la même heure que notre heure de départ (en heure locale bien sûr, ne rêvez pas de téléportation).
Et le passager, que verrait-il ? Tout le long du voyage, pour lui, il sera toujours midi, il verra toujours le Soleil fixe dans le ciel, à son plus haut point. Tout ça parce qu'il irait aussi vite que la rotation de la Terre, mais en sens inverse.

Eh bien, c'est presque ce qu'il se passe réellement :

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Le Soleil n'a que deux heures d'avance sur notre avion
Pendant tout votre voyage, le Soleil est presque fixe dans le ciel

Pensez-y la prochaine fois que vous irez à New York…

Latitude et longitude

Mais notre latitude ne change pas uniquement notre vitesse, elle modifie aussi la manière dont on regarde l'Univers. Nous allons voir pourquoi, mais tout d'abord, savez-vous exactement ce qu'est la latitude, et sa soeur jumelle la longitude ? Petite piqûre de rappel :


Explications longitude-latitude

  • la latitude est l'angle vertical entre l'équateur, le centre de la Terre et l'endroit où nous nous trouvons. Ainsi, un point sur l'équateur est à la latitude 0°, le pôle Nord est à la latitude 90°N (nord), et le pôle Sud est à 90°S (sud). Tous les points situés à une même latitude forment une ligne parallèle à l'équateur, qu'on appelle sans originalité un parallèle.

Mais la latitude n'est pas suffisante pour repérer un lieu sur la Terre. Elle permet de connaitre la position verticale par rapport à l'équateur, mais il nous faut aussi définir notre position horizontale, comme sur une grille.
Mais position par rapport à quoi ? Pour la position verticale, l'équateur est une origine naturelle, mais comme la Terre tourne suivant un axe nord-sud, tous les points situés sur un même parallèle se valent, il n'y a pas de point particulier que l'on peut prendre pour origine. Ce seront donc des conditions géopolitiques qui décideront de l'origine. Comme l'Angleterre était à l'époque maîtresse des océans grâce à sa flotte, ce sera l'observatoire de Greenwich qui servira de point de référence.

  • la longitude est l'angle horizontal entre Greenwich, le centre de la Terre et l'endroit où nous nous trouvons. Ainsi, Greenwich est à la longitude 0°, on peut se déplacer vers l'est jusqu'à 180°E (est), et vers l'ouest également de 180°W (ouest). Tous les points situés à une même longitude forment une ligne qu'on appelle un méridien.

Notez que le méridien 180°E et 180°W sont une seule et même ligne, située de l'autre côté de la Terre par rapport au méridien de Greenwich.
Tous les méridiens se rejoignent aux deux pôles. Les pôles n'ont donc pas de longitude bien définie.

Des points de vue différents

Mais en quoi la latitude modifie notre manière de regarder l'Univers ? Nous allons le voir avec l'exemple de l'étoile polaire. Regardez le schéma ci-dessous :


La latitude change notre vision

  • lorsque nous sommes au pôle nord, comment fait-on pour regarder l'étoile polaire ? Nous devons regarder vers le haut, juste au-dessus de notre tête.
  • Et à l'équateur ? Sur le schéma, la direction pointée par la flèche h indique notre horizon. Pour regarder l'étoile polaire, nous devons viser vers le nord, juste au raz de l'horizon.

Et entre les deux, nous voyons l'étoile polaire à un certain angle au-dessus de l'horizon, angle qui dépend de notre latitude. Regardez la différence entre l'angle rouge à Paris et l'angle vert à Cotonou…
En fait, cet angle est égal à notre latitude. Cela se démontre facilement avec un peu de géométrie de niveau collège (une histoire d'angles alternes-internes…). Ainsi, à Paris, qui est à une latitude de 47°N, l'étoile polaire est visible dans le ciel à 47° au dessus de l'horizon.

C'est ainsi que les marins pouvaient connaitre leur latitude en pleine mer. À l'aide d'un sextant, ils visaient l'étoile polaire et mesuraient l'angle entre cette étoile et l'horizon.

Et dans l'hémisphère sud ?

Là, c'est encore pire : l'étoile polaire se situe… sous l'horizon. Bien évidement, cela signifie que vous ne pouvez pas la voir.
Mais alors, nous voyons les étoiles tourner autour de quoi ? Rappelez-vous, l'étoile polaire reste fixe dans le ciel parce qu'elle est dans le prolongement de l'axe de rotation de la Terre. Mais cet axe de rotation se prolonge aussi à la verticale du pôle sud, vers l'infini. Et au bout de cet axe, il n'y a malheureusement pas d'étoile, mais une constellation se trouve très proche de cet axe : la Croix du Sud. C'est cette constellation qui reste à peu près fixe dans le ciel et qui guide les marins dans le sud.
La voûte céleste tourne donc autour de cette constellation, mais dans le sens des aiguilles d'une montre, alors que dans le nord, elle tourne autour de l'étoile polaire dans le sens inverse ! Pourquoi cela ? Rassurez-vous, la Terre ne s'est pas soudainement mise à tourner dans le sens contraire. C'est juste que pour voir cette ronde des étoiles autour de la Croix du Sud, vous vous tournez vers le sud, vous faites un demi-tour par rapport à la dernière fois. Donc, de votre point de vue, tout se met à tourner en sens inverse !

Et le Soleil, dans tout ça ?

Oui, il n'y a pas que les étoiles la nuit que vous voyez sous un angle différent, mais également le Soleil.
Dans le schéma précédent, le Soleil est à droite, à la verticale de l'équateur. Là, vous voyez le Soleil se lever à l'est, passer à votre verticale à midi, et se coucher à l'ouest.

À Paris, par contre, vous le voyez bien sûr se lever à l'est, mais à midi, vous devez regarder vers le sud, en direction de l'équateur. Il passera à midi, non pas à votre verticale, mais à un certain angle au-dessus de l'horizon.

Et aux pôles ? Pour voir le Soleil à midi, vous devez regarder à l'horizon, très bas dans le ciel !

Cela explique d'ailleurs pourquoi il fait froid aux pôles, et chaud à l'équateur.


Pourquoi il fait froid aux pôles

Regardez : un même rayon solaire (donc la même quantité de lumière et de chaleur) frappe la Terre à des angles différents selon la latitude. Ce faisant, son intensité s'étale sur une surface beaucoup plus grande à mesure qu'on s'éloigne de l'équateur. Ça chauffe donc beaucoup moins, il fait plus froid…

Les saisons

Mais alors, si tout a l'air si bien réglé, pourquoi il fait plus froid en hiver qu'en été ?

Parce que je ne vous ai pas tout dit :
L'axe de rotation de la terre est incliné par rapport au Soleil. Regardez ce que cela change sur le schéma ci-dessous :

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Ici, le pôle nord de la Terre est détourné du Soleil. Dans l'hémisphère nord, les rayons du Soleil arrivent avec un angle très incliné. Comme nous l'avons vu précédemment, cela entraîne un rafraîchissement de la température : c'est l'hiver.
Dans l’hémisphère sud, au contraire, les rayons du Soleil sont beaucoup plus perpendiculaires au sol. Il fait plus chaud, c'est l'été.

Retenez donc que c'est l'inclinaison de la Terre qui nous donne les saisons, et non pas la distance variable entre la Terre et le Soleil, comme on le croit souvent.

Mais comment peut-on inverser la situation ? Il arrive bien un moment où c'est l'été dans l'hémisphère nord…
L'axe de la Terre bascule-t-il tous les six mois ?

Au contraire, il reste bien fixe. Par contre, la Terre tourne autour du Soleil, ce qui entraîne la suite d'événements suivants :

Regardez : à gauche de l'image, l'hémisphère nord est tournée vers le Soleil : c'est l'été.
Six mois plus tard, nous sommes de l'autre côté de notre orbite. Mais notre inclinaison n'a pas changé, ce qui fait que l'hémisphère nord s'est maintenant détourné du Soleil : c'est l'hiver.

Cela entraîne une autre conséquence. Lorsqu'un côté est incliné vers le Soleil, les jours y sont plus longs que les nuits. Cela se voit bien sur le schéma :

Regardez d'ailleurs le pôle nord. Pendant toute la rotation, il reste toujours éclairé, il ne passe jamais dans l'ombre. Le Soleil ne se couche jamais.
Et au pôle sud, c'est l'inverse : le Soleil ne se lève jamais !

Cette situation s'inverse bien sûr au cours de l'année. Dans six mois, ce sera le pôle nord qui sera plongé dans une très longue nuit…

Solstices et équinoxes

L'axe de la Terre est incliné de 23,5°. Lorsque le nord est incliné au maximum vers le Soleil, celui-ci se trouve donc à peu près à la verticale du 23ème parallèle, et n'ira pas plus haut. Ce parallèle va se voir attribuer un nom spécial : le tropique du Cancer.
Au même moment, une grande région autour du pôle Nord reste toujours ensoleillée. Cette région s'étend jusqu'à 23,5° du pôle, c'est-à-dire à la latitude de 66,5°. Ce parallèle va aussi recevoir un nom spécial : le cercle polaire antarctique.

Ce jour où l'inclinaison est maximale est appelé solstice : solstice d'été au nord, solstice d'hiver au sud.

Nous avons bien sûr l'équivalent dans l'hémisphère sud, où la situation sera identique six mois plus tard. Ce sont respectivement le tropique du Capricorne et le cercle polaire arctique. Ce sera alors le solstice d'été au sud, et le solstice d'hiver au nord.

Et entre les deux saisons ?

Lorsque l'axe de la Terre passe d'une inclinaison extrême à l'autre par rapport au Soleil, il arrive un moment où il passe par une inclinaison nulle (attention, l'inclinaison réelle ne change pas, c'est l'inclinaison par rapport au Soleil qui change). Ce sont les deux situations intermédiaires sur le premier schéma au-dessus. La limite ombre-soleil passe exactement par les pôles. À ce moment-là, les jours et les nuits ont la même durée partout sur la Terre. C'est ce qu'on appelle les équinoxes (equi : égal, noxe : nuit).