Mon manège à moi... c'est toi
C'est parti pour un grand tour de l'univers ! Par contre, nous allons avoir du mal à voyager dans l'espace, nous sommes donc condamnés à le regarder depuis notre canapé…
C'est ça le beau métier d'astronome : regarder les étoiles. Pourtant l'astronome est obligé de contempler ce spectacle depuis la position la plus inconfortable qui soit : depuis l'intérieur d'un manège.
Imaginez : vous êtes dans un manège. Pas un cheval de bois normal, ce serait trop facile… Non, vous connaissez les manèges avec des tasses ? Vous êtes assis dans une tasse, le manège commence à tourner, mais la tasse aussi se met à tourner sur elle-même. Depuis cette position, vous regardez le paysage autour de vous : dur de prendre des repères, surtout avec les voitures et les passants qui se déplacent…
Et maintenant, on vous donne un papier et un crayon et on vous dit : « Dessine-moi le paysage ».
L'allégorie de l'astronome
Où je veux en venir ? L'astronome est exactement dans la même situation : il est sur une planète qui tourne sur elle-même, et qui est en rotation autour du Soleil. La lune, les planètes et les comètes se déplacent dans tous les sens autour du lui. Et là, tel le Petit Prince, on lui tend un papier et un crayon et on lui dit : « Dessine-moi l'univers ».
Bloquons la révolution
Situation peu enviable, n'est-ce pas ?
Cette situation, c'est pourtant la nôtre. Pour essayer de comprendre, décomposons les choses. Intéressons-nous tout d'abord au mouvement de la Terre sur elle-même, sans nous préoccuper de sa révolution autour du Soleil.
Nous tournons donc autour du centre de la Terre, en 24h. Vous connaissez tous la conséquence de cette rotation sur notre vie quotidienne : le mouvement du Soleil dans le ciel et le cycle jour-nuit. Ce sont deux choses que vous ne pouvez pas rater !! Voyons comment cela se produit :
Le jour et la nuit
Sur cette image, la Terre tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Le Soleil est à gauche. Dans votre rotation, vous passez successivement de la partie éclairée à la partie sombre : c'est le jour et la nuit. Du coup, vous voyez le Soleil parcourir le ciel dans le sens des aiguilles d'une montre, mais n'oubliez pas, c'est vous qui bougez, c'est votre champ de vision qui change d'orientation.
Visualisez votre rotation sur le schéma ci-dessus : à partir de la première position dessinée, votre champ de vision tourne lentement vers le Soleil. Lorsque vous arrivez sur la partie la plus à gauche, vous êtes face au Soleil. Pour vous, il est midi, le soleil est au plus haut dans le ciel. Puis vous vous détournez progressivement du Soleil, vous voyez celui-ci descendre vers l'horizon. Il est 18 heures : vous passez petit à petit dans l'ombre, le Soleil se couche à l'ouest, et vous pouvez enfin voir les étoiles.
Lorsque vous êtes tournés complètement à droite de l'image, le Soleil est sous vos pieds : il est minuit. Par opposition à midi, on pourrait dire que le Soleil est au plus bas dans le ciel, mais vous ne pouvez pas le voir. Enfin, vous revenez petit à petit vers la partie éclairée. À 6 heures du matin, vous atteignez enfin de nouveau la frontière jour-nuit. Ça y est, vous revoyez le Soleil, qui se lève à l'est, à l'opposé de là où vous l'aviez vu se coucher…
Cela entraîne aussi une autre conséquence, dont vous avez sûrement entendu parler : le décalage horaire. Vous savez que les différents endroits de la Terre ne sont pas à la même heure : c'est ça que l'on appelle le décalage horaire, chaque point de la Terre a une heure locale.
Reprenez les schémas précédents pour le comprendre : lorsque vous êtes face au Soleil, il est midi pour vous, mais pour ceux qui sont de l'autre côté de la Terre, il est minuit. D'autres encore atteignent tout juste la limite ombre-soleil : pour eux, le Soleil se lève, il est 6 heures. Et enfin d'autres vont passer dans l'ombre : il est 18 heures pour eux, le Soleil se couche.
Prenons un exemple : il y a 6h de décalage entre Paris et New York, et 6h entre Paris et Tokyo. Six heures, c'est un quart de 24 heures. Cela signifie que pour aller de Paris à New York, il faut faire un quart du tour de la Terre. Lorsque le Soleil se lève à New York, ça veut dire que New York est en haut du dessin ci-dessus, à la limite ombre-soleil. À un quart de tour de là, on trouve Paris, en plein face au Soleil : là-bas, il est midi. Et encore à un quart de tour de là, on trouve Tokyo, qui s'apprête à plonger dans l'ombre.
Puis la Terre va continuer son périple : New York va se retrouver face au Soleil, pendant que Paris s'apprête à s'endormir et qu'à Tokyo, de l'autre côté de la Terre, il est minuit. Puis, Tokyo reviendra dans la lumière du jour et verra le Soleil se lever, à l'est.
Chaque endroit de la Terre a donc une heure différente en fonction de sa longitude. On a donc divisé la Terre (360°) en 24 tranches de 15° chacune : les fuseaux horaires.
Mais évidemment, par commodité, ces fuseaux ont été modifiés pour respecter certaines contraintes géopolitiques, notamment pour essayer de faire en sorte que tous les endroits d'un même pays soient à la même heure. Sinon, vous imaginez la galère pour les horaires de la SNCF…
Certains pays, comme les États-Unis ou la Russie, sont bien sûr trop grands pour pouvoir respecter cette contrainte. La Chine, au contraire, a décidé d'avoir un fuseau horaire unique malgré son étalement géographique.
Ces redécoupages entraînent quelques décalages entre l'heure légale (celle de votre montre) et l'heure solaire. Ainsi, en Europe, Madrid et Prague ont la même heure, alors qu'ils sont séparés par 3 tranches de 15°. Ainsi, quand le Soleil est à la verticale de Prague, il est bien midi à Prague, mais il est aussi midi à Paris et à Madrid ! Et lorsque le Soleil sera au-dessus de nos têtes, nos montres indiqueront « une heure ».
Les fuseaux horaires ont constitué un casse-tête administratif, au point que certains proposent de s'en passer et d'avoir un horaire unique partout sur Terre. Ces fuseaux ont donné lieu à quelques histoires assez originales, comme l'histoire des horaires en France sous l'Occupation ou l'année où les Philippins n'ont pas eu de 31 décembre…
Et pendant la nuit…
Et la nuit, comment pouvez-vous voir le mouvement de la Terre ? En regardant les étoiles, pardi ! En effet, il n'y a pas que le Soleil qui semble se déplacer, il y a tout le ciel, ce qu'on appelle la voûte céleste, mais en journée, vous ne pouvez voir que le Soleil. La nuit, vous voyez donc les étoiles suivre le même mouvement que le Soleil : elles tournent dans le sens des aiguilles d'une montre. Mais n'oubliez pas : c'est vous qui tournez, ce ne sont pas les étoiles.
Faites donc une petite expérience ce soir : à une heure précise, regardez par la fenêtre, et repérez un groupe d'étoiles. Essayez de les identifier grâce à la forme qu'elles dessinent dans le ciel. Puis repérez leur position, en vous aidant de votre environnement proche : un arbre, un bâtiment…
Revenez une heure plus tard : les étoiles ont bougé, elles ne sont plus à la même place.
Si vous pouviez dessiner minute par minute la position des étoiles, vous obtiendriez ceci :
La ronde des étoiles
Elles tournent dans le sens des aiguilles d'une montre, mais autour de quoi ? Quel est donc ce centre de rotation ? Pour le comprendre, refaisons une expérience :
Chez vous, placez vous sous l'ampoule de votre salon puis commencez à tourner sur vous-même. Remarquez que tout votre univers tourne autour de vous.
Regardez la fenêtre : ce sera votre Soleil. Vous le voyez traverser votre « ciel », se coucher, puis se relever de l'autre coté.
Regardez votre télé : ce sera une étoile. Vous la voyez suivre le même chemin.
Maintenant, regardez au-dessus de vous, votre ampoule : elle ne bouge pas, elle reste toujours au même endroit. Pourquoi ? Parce qu'elle se situe sur votre axe de rotation. Et tout tourne autour d'elle !
Revenons alors à nos étoiles : ce point fixe que vous voyez sur l'image, c'est un point qui se trouve dans le prolongement de l'axe de rotation de la Terre. Imaginez un axe qui sort à la verticale du pôle Nord de la Terre, et qui va vers l'infini : c'est l'axe de rotation. Il se trouve qu'au bout de cet axe, très loin (à 300 années-lumière), on trouve une étoile. Cette étoile joue le rôle de votre ampoule. Elle vous paraîtra fixe pendant la rotation de la terre.
Cette étoile, vous la connaissez : c'est l'étoile polaire, de son vrai nom Polaris, dont vous avez appris qu'elle indique toujours le nord. Vous savez maintenant pourquoi elle a servi - et continue de servir - de repère aux marins, randonneurs, astronomes… Parce qu'elle reste solidement fixée sur sa position, pendant que les autres étoiles valsent autour d'elle.
Regardez les cercles que font les autres étoiles : ils sont de plus en plus grands, à mesure que l'étoile est plus éloignée du nord géographique. Les étoiles proches du nord resteront visibles toute la nuit, tandis que les autres, leur rotation les entraînera parfois sous l'horizon : vous les verrez alors se lever, passer haut dans le ciel, puis se coucher. Comme le Soleil en fait.
Gardez bien à l'esprit que ce que vous voyez la nuit se passe aussi en plein jour. Il n'y a pas de raisons que ce soit différent. Regardez le premier dessin de la Terre plus haut. Même en plein jour, il y a des étoiles dans votre champ de vision, mais elles sont cachées par l'éclat du Soleil. Pourtant elles sont là, elles se lèvent, se couchent… et tournent autour de l'étoile polaire, qui n'a pas bougé ! Eh oui, même en plein jour, elle est toujours là, dans le ciel.
Repérez où se trouve l'étoile polaire cette nuit. Demain dans la journée, regardez dans le même endroit du ciel : l'étoile polaire est toujours là, toujours accompagnée de sa valse d'étoiles ! Mais le Soleil, jaloux de sa popularité, vous empêche de la voir.
Bloquons la rotation
L'Univers vu depuis un manège
Comment observer l'Univers dans ces conditions ? Il nous faut nous débarrasser de cette rotation journalière. Comment allons-nous faire ?
Regardez le Soleil : tous les jours, à midi, il est au même endroit dans le ciel. En effet, comme la Terre fait un tour complet en 24h, toutes les 24h, nous regardons la même portion du ciel. Nous devrions donc trouver les mêmes étoiles au même endroit. Voilà qui nous aiderait dans nos observations.
Faites l'expérience ce soir. Vous vous souvenez des étoiles que nous avons vues se déplacer au cours de la nuit ? Ce soir, repérez leur position à une certaine heure. Demain, à la même heure, regardez-les de nouveau : elles sont au même endroit du ciel !
Maintenant, revenez dans une semaine. Vous allez être surpris : les étoiles ont bougé !! Elles sont un peu plus à droite que la dernière fois…
Que s'est-il passé ? Normalement, à la même heure, on revient en face de la même portion du ciel, non ?
Par rapport au Soleil, oui. Par rapport aux étoiles… presque.
En effet, nous avons un peu trop vite oublié le mouvement de la Terre autour du Soleil.
Regardez ce qu'il se passe en réalité :
- Il est midi, vous êtes face au Soleil.
- Un jour passe, la Terre a tourné sur elle-même, et il est de nouveau midi. Vous revenez face au Soleil, 24h se sont passées.
Mais pendant ces 24h, la Terre s'est aussi déplacée sur son orbite. Très peu à l'échelle de l'Univers, mais tout de même, regardez les conséquences pour l'astronome :
Pour quelques degrés de plus…
Lorsque la Terre fait un tour complet, elle se déplace également sur son orbite. Du coup, après un tour de 360°, vous n'êtes plus face au Soleil ! Il n'est pas encore midi, mais un peu moins. Pour revenir face au Soleil, vous devez encore tourner un peu (l'angle en pointillés sur le schéma). Ça y est, quelques minutes après, il est enfin de nouveau midi.
En 24h, nous ne tournons donc pas de 360°, mais un peu plus…
Et à votre avis, de combien de degrés a-t-on dû tourner pour revenir à midi ? Le calcul est simple. La Terre tourne autour du Soleil en un an, 360° en 365 jours, donc à peu près 1 degré par jour. C'est ce degré que la Terre doit rattraper dans sa rotation quotidienne pour se recaler face au Soleil. En fait, en 1 jour, nous tournons, non pas de 360°, mais de 361°.
Une dernière question : combien de temps met-on pour parcourir ce petit degré supplémentaire ?
Le calcul est simple, encore une fois. Nous faisons 361° en 24h, donc 1° en à peu près 4 minutes. En fait, la Terre fait un tour de 360° en 23h 56min (c'est le jour sidéral), mais revient face au Soleil (361°) en 24h (c'est le jour solaire).
Quatre minutes, c'est donc le temps que met le Soleil à parcourir 1° dans le ciel. Regardez le Soleil. Dans 4 minutes, il aura bougé d'un degré. Dans une heure, de 15 degrés. Dans 6h, de 90 degrés, le quart de son orbite circulaire (et remarquez que le quart d'une journée (24h), c'est bien 6h).
Une petite anecdote à propos de cette différence :
En 1930, la société AT&T, pionnière en radiocommunications, charge un de ses ingénieurs, Karl Jansky, de répertorier toutes les sources radio qui pourraient interférer avec les ondes de télécommunication. Armé d'une antenne, il découvre notamment les perturbations électromagnétiques dues aux orages mais il découvre également un signal radio étrange, qui atteint un pic d'intensité toutes les 23h56min. Pas une journée mais presque… Incapable de comprendre ce chiffre, il en parle à un de ses collègues, féru d'astronomie. Celui-ci comprend immédiatement : le signal provient d'un point fixe, extérieur au système solaire, vers lequel pointe l'antenne à chaque fois que la Terre a fait un tour de 360°. Il s’avérera que ce point, c'est le centre de la galaxie, où se situe un trou noir, source intense d'ondes radio. C'est le début, un peu fortuit, de la radioastronomie.
Quelles sont les conséquences sur nos étoiles ? Tous les jours, notre champ de vision a tourné d'un degré supplémentaire dans le sens inverse des aiguilles d'une montre par rapport à hier à la même heure. La voûte céleste se décale donc d'un degré par jour dans le sens contraire. Pratiquement imperceptible d'un jour à l'autre, ce mouvement a des conséquences énormes sur nos observations.
En effet, à force de se décaler de jour en jour, une étoile va finir par disparaître sous l'horizon et ne plus être visible la nuit. Pourquoi donc ?
L'explication est dans l'image ci-dessous :
Orion en janvier et en juillet
Lorsque la Terre est en haut de l'image, la constellation d'Orion se trouve dans la partie du ciel opposée au Soleil, elle est donc visible la nuit. Mais six mois plus tard, la Terre se trouve de l'autre côté de son orbite, elle s'est déplacée de 180°. Orion est toujours au même endroit, mais cette fois-ci, il est du même côté que le Soleil, donc caché dans la lumière du jour ! La nuit, nous ne regardons plus vers Orion, nous voyons les étoiles situées vers le bas de l'image, à l'opposé du Soleil.
À ce moment-là, c'est donc caché dans la lumière du jour qu'Orion traverse le ciel, incognito…
Ainsi, le ciel que vous regardez est différent au cours de l'année. Pour se repérer, les astronomes de l'Antiquité ont repéré des groupes d'étoiles qu'ils ont reliées entre elles : ce sont les constellations. Vous en connaissez sûrement au moins une : la Grande Ourse, qui vous permet de repérer l'étoile polaire. Vous venez de faire connaissance avec Orion, reconnaissable à sa forme humanoïde (les deux épaules en haut, les deux pieds en bas, et au milieu trois étoiles alignées qui forment sa ceinture). Orion était d'ailleurs un chasseur dans la mythologie grecque.
Petit aparté : vous êtes-vous déjà demandé pourquoi la Grande Ourse ? Après tout, on vous l'a toujours montrée en forme de casserole non ?
C'est parce que la casserole n'est qu'une partie de ce que les anciens appelaient la Grande Ourse :
Sauf qu'un ours n'a pas de queue… Les anciens étaient meilleurs astronomes que zoologistes !
Regardez alors les cartes du ciel ci-dessous : la première représente le ciel en mars, et la deuxième le ciel en septembre, six mois plus tard, à la même heure, vers minuit. Repérez Orion sur la carte : elle est visible en septembre, mais pas en mars.
Mais alors, où est-elle en mars ?
Rappelez-vous, elle n'a pas disparu. Elle est dans le ciel… dans la journée, cachée dans l'éclat du Soleil. Pensez-y : les étoiles que vous ne voyez pas la nuit continuent à traverser le ciel sous vos yeux, mais invisibles, masquées par Sa Majesté le Soleil.
Ces cartes du ciel seront votre outil principal en tant qu'astronome amateur. Elles sont constituées d'une partie mobile où est dessiné le ciel. Pour vous en servir, il faudra la placer au-dessus de votre tête, car elle représente la voûte céleste, et vous ferez tourner la partie mobile en fonction de l'heure du jour, ou du moment de l'année. Vous comprenez maintenant pourquoi :
- la voûte céleste tourne d'un degré par jour, pour une rotation complète en un an. C'est ce mouvement que vous imprimerez à votre carte d'un jour à l'autre à la même heure.
- mais ce mouvement est noyé dans la rotation journalière de 360 degrés. C'est ce mouvement, plus rapide, que vous devrez imprimer à votre carte si vous faites plusieurs observations au cours de la nuit.
Mais souvenez-vous, vous avez toujours un repère : l'étoile polaire, qui reste fidèle à son poste.
Comme petite expérience, comparez les deux cartes précédentes : l'étoile polaire, à la queue de la constellation de la Petite Ourse, est toujours au même endroit dans les deux cas.
Mais regardez autour : en mars, Céphée est au-dessus, et la Grande Ourse est en dessous. En septembre, c'est le contraire. Le ciel semble avoir tourné de 180 degrés en six mois !!
Mais vous le savez maintenant, c'est vous qui avez bougé de 180 degrés. Reprenez le schéma de l'orbite de la Terre. Lorsque vous êtes en haut de l'image, à minuit vous êtes dos au Soleil et vous voyez Orion.
Mais six mois plus tard, vous êtes en bas. Et à minuit, vous regardez vers le bas de la carte, à 180 degrés par rapport à précédemment. Plus d'Orion dans le ciel. Et de votre point de vue, toute la sphère céleste a tourné d'un demi-tour. Et c'est ce demi-tour que vous voyez sur votre carte du ciel.
Des étoiles et des hommes
Tout cela explique la vision du monde qui s'est imposée naturellement aux premiers hommes : une Terre immobile ayant la forme d'un disque, au-dessous de la voûte céleste en mouvement.
Un peu comme ça :
Enfin, pour être honnête, les anciens le représentaient plutôt comme ça :
Dieu est-il au-delà de la sphère des fixes ?
Les étoiles que nous voyons changent donc au cours de l'année. Mais au bout d'un an, nous revoyons les mêmes, à la même place. Elles constituent donc un bon repère temporel. C'est pour cela, entre autres, qu'elles ont très tôt intéressé les hommes ; ils avaient besoin d'un calendrier pour l'agriculture : pour savoir quand semer, quand récolter, quand il fait froid, ou trop humide.
La manière la plus simple de procéder était de repérer, au moment du coucher du Soleil, quelles sont les étoiles qui se lèvent à ce moment-là à l'est, ou lesquelles sont à ce moment-là au zénith, au plus haut dans le ciel. Ces indices leur indiquaient à quel moment de l'année ils se trouvaient.
Les astronomes de pratiquement toutes les civilisations vont donc dresser un véritable catalogue stellaire, et donneront leur nom aux premières constellations. Cet héritage sera transmis aux Grecs notamment, chez lesquels on retrouvera des manuels agricoles où les étoiles occupent une place prépondérante :
« Commence la moisson quand les Pléiades, filles d'Atlas, se lèvent dans les cieux, et le labourage quand elles disparaissent ; elles demeurent cachées quarante jours et quarante nuits, et se montrent de nouveau lorsque l'année est révolue, à l'époque où s'aiguise le tranchant du fer. »
« Lorsque Orion et Sirius seront parvenus jusqu'au milieu du ciel, et que l'Aurore aux doigts de rose contemplera Arcture, ô Persès ! cueille tous les raisins et apporte-les dans ta demeure. »
« Quand les Pléiades, les Hyades et l'impétueux Orion auront disparu, rappelle-toi que c'est la saison du labourage. Qu'ainsi l'année soit remplie tout entière par des travaux champêtres. »
Mais voilà, très rapidement ces constellations vont acquérir une aura mystique. Les hommes vont établir un lien de causalité entre les étoiles et ce qui se passe sur Terre. Ben oui, si Sirius est dans le ciel quand il fait chaud, c'est que Sirius est responsable de la chaleur…
Ainsi on retrouve aussi des conseils d'un autre genre dans les almanachs :
« Lorsque, pendant l'automne, les pluies du grand Jupiter rendent le corps humain plus souple et plus léger (car alors l'astre du Sirius roule moins longtemps pendant le jour sur la tête des malheureux mortels et prolonge davantage sa course nocturne) […], songe que c'est le temps d'abattre les bois nécessaires à tes travaux ».
« Si le désir de la périlleuse navigation s'est emparé de ton âme, redoute l'époque où les Pléiades, fuyant l'impétueux Orion, se plongent dans le sombre Océan ; alors se déchaîne le souffle de tous les vents ; n'expose pas tes navires aux fureurs de la mer ténébreuse. Souviens-toi plutôt, comme je te le conseille, de travailler la terre ».
Hésiode, Les travaux et les jours, VIIIème siècle av. JC
De même, les mégalithes de Stonehenge, dressés il y a 4000 ans, semblent être alignés avec des positions spéciales de la Lune et du Soleil. Peut-être s'agit-il là du premier calendrier ?
Le premier calendrier ?
Nous avons encore quelques traces de ces croyances dans notre vocabulaire. Ainsi, la constellation du Petit Chien est visible la nuit, en hiver. Au mois d'août, elle a disparu. Mais vous le savez, ça veut dire qu'elle vagabonde dans le ciel la journée, près du Soleil.
Et en août, vous savez qu'il fait chaud. Très chaud, c'est la canicule. Et justement, caniculum, ça veut dire « petit chien » en latin.
De même, cette croyance en l'influence des cieux sur la Terre va donner lieu à une autre croyance dont nous aurons l'occasion de reparler : l'astrologie.