Licence CC BY

Réflexions sur l'art libre et son avenir

L’art libre est une notion calquée sur celle de « logiciel libre ». Elle consiste à dire qu’il devrait exister une forme d’art qui offre les mêmes libertés d’utilisation, d’étude, de distribution et de modification que les logiciels libres. Ce thème a un côté fortement politique qui a tendance à polariser les débats et à crisper les positions, si bien que les questions pragmatiques sont souvent noyées dans des considérations philosophiques et éthiques – qui ont aussi leur intérêt. Ici je vais tenter d’être pragmatique, et vous livrer ma réflexion sur ce que pourrait être et devenir l’art libre.

Note importante : tout cet article n’est que le reflet de mon opinion personnelle au moment de l’écriture, et n’engage que moi. De plus, ces réflexions sont basées sur mes connaissances, qui peuvent donc être parcellaires et biaisées ; n’hésitez pas à me corriger cordialement dans les commentaires, je serai ravi d’en discuter et de mettre cet article à jour.

D’autre part, ce texte est déjà très long ; je laisse volontairement certains points de réflexion ouverts au débat. Le cas du domaine public, qui peut être vu comme une extension de l’art libre, est volontairement laissé de côté car il est complexe et à la limite du sujet.

Enfin, si vous êtes familier avec les concepts de logiciel libre et de licence libre, vous pouvez zapper la première partie et atterrir directement au cœur du sujet.

De quoi parle-t-on exactement ?

À l’origine était le logiciel libre

Tout part du concept de logiciel libre. Diverses variantes de la définition existent, la plus connue est celle de la Free Software Foundation, laquelle considère qu’un logiciel est libre s’il permet les quatre libertés suivantes à son utilisateur :

  1. La liberté d’exécuter le programme comme il le désire, quel que soit l’usage.
  2. La liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins.
  3. La liberté de redistribuer des copies du logiciel,
  4. La liberté de distribuer lui-même des copies modifiées du programme.

On attache une licence à un logiciel libre – un contrat qui explique les libertés et restrictions qu’a l’utilisateur. Sans elle s’appliquerait le régime du droit d’auteur standard. Beaucoup de subtilités et de variantes différencient les licences existantes, notamment la notion de copyleft, mais je n’entrerai pas dans ces considérations.

Le fait qu’un programme soit libre implique deux choses. La première est qu’il n’est jamais question de prix. Si un logiciel libre est souvent gratuit1, ce n’est aucunement obligatoire. La seconde, est que les libertés d’étude et de modification nécessitent l’accès au code source du logiciel – en gros, ce qui a été écrit par les programmeurs et qui permet d’obtenir l’application finale.

Liberté de créations intellectuelles

Les concepts du logiciel libre peuvent s’appliquer à toute création intellectuelle, mais les licences écrites pour le logiciel libre sont généralement assez peu adaptées à autre chose que du code informatique. C’est pourquoi divers organismes ont inventé toute une flopée de licences appropriées aux œuvres autres que des programmes, dont bien entendu les arts. Les plus diffusées d’entre elles sont sans doute les licences Creative Commons.

Ces licences sont beaucoup utilisées dans certains domaines comme le partage de connaissances (Wikipedia est libre, sous licence CC BY-SA) ou la documentation.

Par contre, elles sont beaucoup plus rares ailleurs. L’art libre, par exemple, est encore exceptionnel.

Notez, car ça va avoir son importance, que toutes ces libertés sont offertes par le créateur à l’utilisateur. Les bénéfices visent donc principalement l’usager, et non l’auteur – il peut y en avoir, mais c’est un effet de bord et ne sont pas garanties par la licence.

Libre diffusion

Au milieu de ces licences libres, on trouve aussi des licences qui ont l’air libres de loin, mais qui ne le sont pas. Elles visent généralement à permettre la distribution des créations auxquelles elles sont associées, mais sans autoriser les quatre libertés sus-citées. Par exemple, il peut être interdit de modifier l’œuvre, ou de la commercialiser. Ces licences sont dites de libre diffusion.


  1. Principalement à cause de la facilité de redistribution : généralement, les logiciels, comme tous les contenus numériques, sont simples à copier tant qu’il n’y a pas de verrou (DRM) l’interdisant – or ces verrous ne peuvent pas exister sur un logiciel libre, puisqu’ils violeraient la liberté de redistribution. 

Un peu de contexte

Dans la vie, je fais du développement informatique ; je contribue, professionnellement ou non à des logiciels libres, et ai rédigé divers contenus libres (dont le présent texte). C’est donc naturellement que je me suis posé la question de l’art libre ; à travers diverses interrogations sur différents forums, en tombant sur des articles sur le sujet, etc.

C’est un thème fait couler beaucoup d’encre – affiché beaucoup de pixels. Ces derniers jours en particulier, Glénat a publié au format papier Pepper & Carrot, une bande dessinée libre sous licence CC-BY de David Revoy. Cette parution et les conditions contractuelles associées ont provoquée une jolie déferlante de messages, pas toujours très cordiaux et mesurés, entre les partisans de l’art libre et les soutiens de la publication traditionnelle telle qu’elle devrait1 être (notamment Béhé et Boulet). Ce billet et ses liens renseigneront efficacement celles et ceux qui veulent des détails sur cette « affaire ».

Là encore, le côté pragmatique de la question – pourquoi le logiciel libre est en pleine forme, pourquoi les contenus de documentation et de partage de connaissances libres sont fréquents, et pourquoi l’art libre est presque inexistant – passe à la trappe. Je vais tenter donc d’étudier le sujet, hors de tout prosélytisme pour une quelconque partie.


  1. Je trouve intéressant que personne dans ce débat ne soutienne l’édition traditionnelle telle qu’elle est actuellement, preuve supplémentaire s’il en était besoin du problème. 

L’art libre et ses implications

Définir l’art libre

Si je reprends les quatre libertés du logiciel libre et que je les applique à l’art, qu’obtiens-je ?

  1. La liberté d’exécution est un concept un peu compliqué : comment faire la différence, dans l’art, avec la diffusion ? On peut revenir à l’esprit du point, et à la notion d’usage : une œuvre d’art libre serait utilisable quel que soit le contexte, comme retransmettre de la musique dans un commerce.
  2. La liberté d’étude est très fréquente dans l’art. Si j’étais acide, je prétendrais qu’elle est presque trop exercée, au risque de faire dire n’importe quoi aux œuvres.
  3. La liberté de redistribution pose deux problèmes. Un, certains arts s’y prêtent peu parce que l’œuvre est unique et/ou éphémère (sculpture, arts vivants, peinture, etc.) ; ou alors on rentre dans des considérations d’œuvres dérivées (photographie, film d’une œuvre, etc.). Deux, quand la redistribution est simple (par exemple les œuvres sur support numérique : musique, photographie, films, textes, etc.) le comportement actuel est plutôt de chercher à interdire la redistribution par tous les moyens, y compris à y dépenser des fortunes.
  4. La liberté de redistribuer des copies modifiées se heurte, elle aussi à deux obstacles : il faut pouvoir copier et modifier la copie, ce qui peut être techniquement très compliqué.

La notion de « sources », qui permet de créer une œuvre dérivée, peut être également complexe. Si la source d’un texte est essentiellement le texte lui-même, qu’est-ce que la source d’une musique ? Sa partition seulement ? Et dans le cas d’une image, même purement informatique ? Qu’est-ce que les sources d’un film ?

Quand bien même on se mettrait d’accord sur ces définitions de sources, d’autres problèmes apparaissent, par exemple de bêtes contraintes matérielles. Ainsi, en considérant que les sources d’un film d’animation sont les fichiers qui ont permis de le générer : les sources de Big Buck Bunny, qui dure 9 minutes et 56 secondes, font plus de 200 Go (en bas de page, plus de vingt-quatre heures de téléchargement avec une bonne connexion ADSL).

Qu’est-ce donc qu’une œuvre d’art libre ? Il n’y a pas de réponse simple à cette interrogation. Une licence libre est bien entendu indispensable ; mais certaines des libertés promises peuvent se retrouver inapplicables tout naturellement à cause de considérations matérielles, ou parce que la question des sources se pose.

On peut toutefois estimer, au moins à minima (et pour la suite de cet article), qu’une œuvre d’art libre peut être diffusée à volonté, quel que soit l’usage, qu’elle peut être analysée et adaptée aux besoins de l’utilisateur, que sa version diffusée peut être copiée, que ces copies peuvent être modifiées et que ces modifications elles-mêmes peuvent être diffusées.

Les avantages de l’art libre

Maintenant qu’on a une définition, à quoi va bien pouvoir nous servir l’art libre ?

Pour l’utilisateur qui, je le rappelle, est le bénéficiaire voulu des libertés, les avantages sont assez immédiats. Ça règle par exemple la question de la diffusion d’une vidéo, y compris « en séance publique, avec ou sans perception de droits d’entrée ; par quelqu’un d’autre que le détenteur, pour le prêt ou l’usage d’autrui y compris hors du cadre familial et privé ; duplication autorisée ; utilisation pour radio diffusion, télévision ou télédiffusion possibles »1 – et ce sans s’exposer à des poursuites judiciaires, ni même demander à quiconque puisque ces droits sont déjà donnés par la licence.

L’art libre règle aussi le problème de la pénurie artificielle. À partir du moment où la diffusion et la copie sont libres (et que les contraintes physiques les permettent), l’œuvre est disponible, pour toujours. Le terrible « n’est plus édité » n’a plus lieu d’être – et n’imaginez pas que ça n’arrive qu’à des œuvres à la diffusion confidentielle : pendant environ une décennie et jusqu’à sa réédition en 2013, il était impossible de se procurer légalement en France un DVD neuf du film « La famille Addams ».

Les avantages de la libre diffusion et de la libre redistribution sont assez évidents pour l’utilisateur. La modification intéressera sans doute moins de monde, mais peut être très pratique. Imaginez que vous avez besoin de texte, de schémas, de sons, de musique, de vidéo, etc. pour illustrer une de vos productions (et ce quelle que soit cette production, que ce soit une œuvre d’art, un rapport, que vous montiez un opéra ou présentiez une conférence…). Vous pouvez utiliser n’importe quelle œuvre d’art libre pour l’incorporer à votre création. Vous pouvez modifier n’importe quelle œuvre d’art libre pour l’intégrer à votre création – et redistribuer le tout !

Ici les exemples sont simples, mais ça peut aller chercher beaucoup plus loin, la seule limite étant celle de votre imagination.

Et pour l’auteur dans tout ça ? Eh bien, il peut y gagner aussi. La pérennité de la disponibilité de ses œuvres est intéressante. On pourrait mentionner les œuvres dérivées, rendues possibles, traductions comprises.


  1. D’après les phrases écrites en rond sur le pourtour de quasiment tous les DVD du commerce… 

Pourquoi le libre marche si bien dans certains domaines ?

Comme je l’indiquais plus haut, on trouve beaucoup de créations libres dans le logiciel, et dans certains types de productions non artistiques, comme la transmission de connaissances, au sens large du terme.

La réutilisation

Une création libre, un logiciel en particulier, peut être massivement réutilisée. Par exemple, le noyau Linux qui est l’un des plus gros programmes libres du monde, est exécuté littéralement des milliards de fois, puisqu’on le trouve dans tous les téléphones Android, dans beaucoup de serveurs Internet, de réseaux internes d’entreprise, dans des objets « connectés » comme des SmartTV et j’en passe. Les libertés d’utilisation pour tous usages et de redistribution, couplée avec la simplicité « naturelle » de copie dans le monde informatique, ont rapidement diffusé les logiciels libres.

Cette notion de réutilisation se retrouve dans une tendance lourde de l’informatique aujourd’hui : de plus en plus de composants « outils » (langages, bibliothèques, frameworks, etc.) sont publiés sous licence libre. En fait, tous les exemples de logiciels-outils non libres que je sais s’être lancés ces dernières années soit sont des produits de niche, soit ont échoué.

L’amélioration mutuelle

L’un des avantages des créations libres, c’est que les utilisateurs peuvent les modifier – et donc les améliorer. Or, en informatique, la notion « d’amélioration » est plutôt consensuelle.

Ainsi, les usagers d’un logiciel libre peuvent dénicher et signaler les problèmes, mais aussi les corriger eux-mêmes. De même pour les nouvelles fonctionnalités. C’est spécialement vrai pour les logiciels-outils dont je parlais plus haut : les utilisateurs sont eux-mêmes développeurs, et donc ont plus de chances d’améliorer les logiciels dont ils se servent qu’un non-informaticien. Libérer un logiciel, particulièrement un logiciel-outil, c’est par conséquent une amélioration mutuelle :

  • l’utilisateur profite des perfectionnements rendus disponibles par toute la communauté des utilisateurs de ce composant ;
  • le créateur n’a pas à faire lui-même tout le travail d’amélioration du composant.

Ainsi, toute la communauté tire parti du travail de tout le monde.

Une relation gagnant/gagnant avec l’industrie ?

Malgré beaucoup de réticences de la part de l’industrie (dans le passé, et même encore maintenant), le logiciel libre n’a pas provoqué le chômage catastrophique que certains prévoyaient, parce qu’elle a su s’adapter, et que dans bien des cas une relation gagnant/gagnant s’est créée entre l’industrie logicielle « traditionnelle », qui vend des programmes informatiques, et le monde du logiciel libre.

En fait, gagner de l’argent directement en vendant du logiciel libre est assez rare, ne serait-ce qu’à cause des clauses de libre utilisation et redistribution qui empêchent de fait des modèles de licences payantes à l’achat ou à l’usage du produit.

Par contre, beaucoup d’entreprises vivent indirectement du logiciel libre :

  • En vendant des logiciels non libres plus ou moins basés sur du libre – Microsoft, Apple, Google, Amazon, pour ne citer qu’eux, sont dans ce cas.
  • En vendant des services autour des logiciels libres : des formations, de l’aide au maniement, du support technique, de l’hébergement, des solutions clé en main quand l’usage de l’outil n’est pas trivial, etc.

On se retrouve donc avec un monde dans lequel :

  • D’une part, les entreprises gagnent à utiliser du logiciel libre dans leurs produits (et c’est à des degrés divers le cas de la plupart des établissements informatiques aujourd’hui).
  • D’autre part, ces entreprises permettent au logiciel libre de fonctionner, parce qu’elles y concourent massivement (voir, par exemple, la liste des contributeurs au noyau Linux).

En résumé, la plupart des gros projets de logiciel libre n’auraient jamais atteint leur taille sans le soutien d’entreprises ou de fondations leur permettant d’embaucher des développeurs ; et beaucoup d’entreprises de logiciels n’auraient pas pu s’étendre si bien si elles avaient dû baser leurs créations intégralement sur des outils non libres.

Pourquoi l’art libre ne fonctionne pas aussi bien ?

Pour faire court, parce que les forces du logiciel libre sont difficilement applicables à l’art ; et pour quelques raisons propres à la destination des productions et à l’industrie en place. Je vais détailler tout ça.

La faiblesse de la réutilisabilité

On trouve beaucoup d’exemples de réutilisation indirecte d’œuvres d'art – dans le sens où l'idée est copiée, mais pas le matériau de l’œuvre lui-même. On peut citer les adaptations (parfois exploitées jusqu’à la nausée) et les fan-fictions.

Au contraire des logiciels ou des contenus d’apprentissage, réutiliser directement de l’art, c'est-à-dire l’intégration d’une œuvre directement ou en partie dans une autre, est quelque chose de difficile. Non pas qu’il soit compliqué de faire une œuvre dérivée (certains s’en font une spécialité), au contraire. Mais si on excepte les cas de plagiat par flemme ou opportunisme, les exemples de réutilisation directe dans l’art sont plutôt rares.

Inversement, dans les logiciels outils (qui sont ceux le plus « libérés » aujourd’hui) la réutilisation est l’utilisation normale.

« Améliorer » de l’art ?

On l’a vu, la notion d’amélioration dans le logiciel ou le contenu didactique est généralement consensuelle. Dans l’art, pas du tout ; les gouts personnels entrent très violemment en jeu, et une œuvre pourra être considérée comme géniale ou catastrophique selon le point de vue.

De plus, le perfectionnement d’une œuvre d’art, en admettant qu’il soit physiquement possible, semble complexe, même pour un groupe de personnes qualifiées et motivées – notamment, car la notion de style entre en jeu. Par exemple, dans De bons présages, un roman de Neil Gaiman et Terry Pratchett, en connaissant les deux auteurs on devine assez bien qui a écrit quoi. On pourrait aussi disserter du rapport investissement/résultat à l’amélioration d’une œuvre, mais ce serait très spéculatif.

Les difficiles relations entre art et argent

C’est sans doute ce point qui enflamme le plus les débats : art et argent ne font pas du tout bon ménage.

Bien sûr, on trouve quelques artistes qui gagnent très bien leur vie, mais c’est très loin d’être la majorité. Je ne sais pas ce qu’il en est dans d’autres pays, mais le Français semble considérer que l’artiste, quel qu’il soit, se doit de vivre d’amour et d’eau fraiche. Gagner de l’argent, ou pire, travailler pour une entreprise quand on est artiste est vraiment très mal vu. Véronique Ovaldé confiait il y a quelques jours sur France Info qu’elle avait dû arrêter d’écrire des textes de commande tant ça lui posait de problèmes et tant elle devait se justifier. Dire à un artiste est qu’il fait « du commercial » est généralement perçu comme une insulte.

Pire : ce n’est pas qu’une posture du public. Ici je me restreins aux domaines du roman et de la bande dessinée, n’ayant pas assez d’informations sur les autres arts pour en parler. Le roman et la bande dessinée, donc, sont victimes d’un déséquilibre complet de la chaine d’édition, qui a pour conséquences, entre autres, une surproduction massive (six-cent-cinquante romans pour cette rentrée littéraire 2016 !) et un effondrement de la rémunération des auteurs. Même quelqu’un comme l’auteur de Garulfo, une série qui a eu un certain succès a jeté l’éponge. Le milieu de la musique n’a pas l’air dans un bien meilleur état.

Je passe volontairement sous silence la question du piratage, dans la mesure où le logiciel est aussi impacté, et que la situation évolue trop vite avec des chiffres trop flous pour que je me permette une remarque pertinente.

Inversement, on a des entreprises qui investissent beaucoup dans le logiciel libre.

Dans l’art comme dans le développement logiciel, on trouve beaucoup d’amateurs – et, soyons honnêtes, beaucoup de mauvais amateurs, même si la majorité d’entre eux ne prétends pas faire de cette activité autre chose qu’un hobby. Pour comparer ce qui est comparable, si on ne considère que les personnes formées à un art d’un côté ou au développement logiciel de l’autre, on remarque que les développeurs sont généralement bien rémunérés et ont un taux de chômage sectoriel très faible, quand les artistes galèrent, sont sous-payés voire ne trouvent aucun travail dans leur domaine y compris suite à une formation reconnue. En fait, si vous avez les capacités de faire du bon développement logiciel, vous pourrez normalement en vivre. Mais même en ayant un talent artistique reconnu par le grand public et les artistes, il vous sera difficile d’en vivre. L’une des conséquences, c’est qu’il y a un vivier de développeurs qui peuvent, matériellement, donner du temps au libre, au contraire du vivier d’artistes en capacité de faire de même.

Certes, il y a toujours des personnes prêtes à faire avancer le libre de manière totalement bénévole, ou via des structures autofinancées. C’est ainsi que s’est lancé le logiciel libre. Mais je ne crois pas que l’art libre puisse se développer grandement sans l’aide de l’industrie à un moment ou à un autre – tout comme le logiciel libre ne s’est jamais aussi bien porté que depuis que l’industrie a compris qu’elle était gagnante dans le processus. Or, les industries culturelles sont très conservatrices (en particulier l’édition d’ailleurs), et sont toujours à adresser des problématiques et tester des solutions tentées il y a des décennies par l’industrie logicielle…

La destination des productions

C’est peut-être la différence la plus structurante. Une œuvre d’art, dans le sens courant le plus large, est un produit fini, destiné à être « consommé » tel quel par les « utilisateurs ». Bien entendu, on peut toujours imaginer des œuvres dérivées, mais ce n’est pas le but premier.

Or, un logiciel, un document de transmissions de connaissances (encyclopédie, tutoriel, etc.) n’est pratiquement jamais un produit fini1 : c’est plutôt un outil. Cet outil peut être destiné à la réalisation d’autres logiciels, à un utilisateur final (votre système d’exploitation, le navigateur grâce auquel vous lisez ce texte, etc.) ; ce peut être un instrument d’apprentissage… Mais en soi, ces choses qui fonctionnent si bien sous licence libre ont rarement un intérêt intrinsèque. Ce qui est la définition contraire d’une œuvre d’art !

Or, cette destination de la création importe énormément dans le processus qui mène à sa réalisation : quels sont les choix faits, pourquoi, qui en a la responsabilité (ici rentre en compte l’artiste, son influence directe et son égo)… autant de paramètres dont la définition fait de l’œuvre ce qu’elle est. On pourrait philosopher sur le lien entre une œuvre et son créateur, ce qui nous entrainerait trop loin. On peut cependant constater que, dans notre société occidentale moderne, une œuvre est rarement dissociée de son créateur, et c’est loin de changer. Essayez de penser à la dernière fois où on vous a présenté une œuvre d’art sans vous dire un mot sur son auteur. Le logiciel, typiquement, est rattaché à un éditeur, qui est une entité protéiforme : bien que ce dernier ait une influence sur le produit final, les choix ne sont pas aussi puissants que dans l’art2.

Sans doute trouvera-t-on dans un futur que j’espère proche toute une batterie d’outils artistiques libres. Ceux-ci pourraient être des outils techniques (certains existent déjà) ou des outils artistiques : bases d’éléments réutilisables, univers entiers à développer, méthodes diverses, tout ce qui peut sortir de votre imagination et être réemployé ou servir à la production d’une œuvre d’art.

Mais je ne crois pas à la diffusion massive d’œuvres d’art libres dans un futur proche, ni même à moyen terme. Peut-être qu’on trouvera une quantité respectable d’œuvres sous licence de libre diffusion.


  1. À l’exception notable des jeux vidéos, alliance parfaite de l’art et du logiciel. Les jeux vidéos libres sont rares ; les jeux vidéos libres ayant connu du succès sont très exceptionnels. 

  2. Prenons le cas d’un art qui nécessite beaucoup d’acteurs – plus que beaucoup de logiciels : un film, un ballet, une pièce de théâtre, etc. Généralement, ces œuvres sont créditées respectivement au réalisateur, à l’auteur, au metteur en scène, parfois à plusieurs de ces personnages – mais très rarement à une entité aussi floue qu’un éditeur. 


Un immense merci à vous si vous êtes arrivé au bout de ce très long raisonnement sur l’état de l’art libre. Merci aussi à nohar, Renault et Gabbro pour leurs relectures et commentaires pertinents. N’hésitez pas à me contredire, à débattre dans les commentaires, à apporter des preuves que je dis n’importe quoi le cas échéant, et à partager cet article s’il vous a plu !


Un exemple d'utilisation de l’art libre : l'icône est d'après David Revoy, CC-BY 4.0.

25 commentaires

Pour ceux qui le savent, quand j'en ai l'occasion, j'écris. Qu'implique donc cette réflexion sur la licence de mes écrits ? La réponse dans ce dernier paragraphe, que je mets volontairement en commentaire et non dans le corps du texte parce qu'il ne concerne que moi :

Et mes créations, dans tout ça ?

Eh bien, dans la théorie, je devrais, vu le raisonnement que j’ai développé ici, placer mes écrits sous licence libre, et ce d’autant plus que j’ai la chance de pouvoir vivre d’autre chose. D’ailleurs, tous mes documents de type « partage de connaissance » sont sous licence libre (CC BY-SA 4.0 normalement), ce qui inclut tous les textes non littéraires de ce site.

Sauf que la vraie vie est plus compliquée, que le milieu de l’édition est très conservateur, que les dernières expérimentations d’éditeurs avec des licences libres me laissent perplexe (tant au point de vue du résultat que du côté moral), et qu’autopublier des textes sous licence libre n’est pas toujours bien vu. Or, je n’ai pas l’âme d’un pionnier dans ce domaine : il faut des gens pour pousser le mouvement et faire du prosélytisme, je le respecte, mais je ne veux pas prendre ce rôle.

Donc, pour l’instant je continue à réfléchir et à observer l’état de l’art. En attendant, mes textes littéraires sont sous licence de libre diffusion.

C'est intéressant. Finalement je partage assez ton analyse. Notamment le fait que la réutilisation est un véritable moteur.

Si on regarde les trucs artistiques et qui sont entrain d'émerger (par rapport au logiciel) en version libre :

  • jeux d'icônes et autres dessins stéréotypés,
  • éléments audio (bruitages, samples..) et graphiques (modèles 3D standards…),
  • polices d'écriture,
  • designs de site Web.

À chaque fois c'est réutilisable et réutilisé.

Je pense que ton article résume bien tous les défis autour de ça, Spacefox. Je ne peux qu'appuyer le constat par ma propre expérience dans le milieu de la 3D : partager son travail n'y a rien de naturel, et si un artiste partagera souvent volontiers son process créatif (vidéo de making-of, streaming pendant le travail, images du process…) ça reste rare de voir des sources circuler.

Le cœur de la question reste le côté financier de la chose, à mon avis. Un programmeur qui réalise des projets open-source fonctionnels a généralement peu de mal à trouver du travail comme programmeur, mais quasiment tous les artistes que j'ai connu galéraient à trouver un emploi stable. Que ça soit dans le jeu vidéo, le film, la peinture, ce n'est pas une nouveauté : il y a quelques grands noms qui vivent bien, quelques bons artistes qui vivent, et une majorité qui a un travail alimentaire pour financer leur passion.

Aujourd'hui il y a effectivement Patreon et Kickstarter, mais ça ne fait qu'enlever les éditeurs de la boucle, ça ne rendra jamais riche un artiste inconnu.

Je pense que ton article résume bien tous les défis autour de ça, Spacefox. Je ne peux qu'appuyer le constat par ma propre expérience dans le milieu de la 3D : partager son travail n'y a rien de naturel, et si un artiste partagera souvent volontiers son process créatif (vidéo de making-of, streaming pendant le travail, images du process…) ça reste rare de voir des sources circuler.

[…]

Stranger

Totalement d'accord, mais en même temps les sources des projets sont clairement pas les plus intéressantes pour un artiste 3D, montrer le process de créa. est ce qui reste le plus pertinent. Dans le domaine de l'animation on trouve en revanche beaucoup de perso rigé et de bonne facture partager gratuitement/librement.

Mais le cœur du débat -à mon sens- c'est pourquoi partager des sources ? Un taff artistique, c'est ou une commande, ou du travail personnel. Je trouve compliqué de mettre à même niveau tout le travail collaboratif que l'on peut avoir sur un logiciel libre et le comparer au logiciel libre. Favorisé le partage des créatifs via des licences libre c'est une bonne chose, mais y voir tout le process graphique avec une éthique du logiciel libre je ne voit pas comment.

Merci d'avoir mis ici ce texte très intéressant, que je partage en très grande partie. Bien évidemment, c'est de la partie que je ne partage pas dont je vais parler. ^^

J'approuve tout particulièrement entre autre la question du rapport à l'argent et celui de l'amélioration.


On peut cependant constater que, dans notre société occidentale moderne, une œuvre est rarement dissociée de son créateur, et c’est loin de changer. Essayez de penser à la dernière fois où on vous a présenté une œuvre d’art sans vous dire un mot sur son auteur.

Je ne serais pas aussi tranché que toi. Chaque fois que je joue à un jeu vidéo, chaque fois que je regarde un film, chaque fois que je vais au théâtre, je regarde une œuvre collective. J'ai certes accès aux crédits, mais quand on parle de plus de 10 personnes (plutôt mille dans le cas des films), on ne peut pas vraiment dire que chaque auteur est associé correctement à ses créateurs. On retiendra 2 ou 3 noms, sans plus.

Mon impression est que cette tendance se généralise. Des BD fait par moult personnes (un dessinateur, un encreur, un scénariste, un coloriste…), par exemple, des séries qui changent de réalisateur d'une saison à l'autre : ne reste que l'œuvre et ses trouze mille réalisateurs à la fin.


Les jeux vidéos libres sont rares ; les jeux vidéos libres ayant connu du succès sont très exceptionnels.

Les jeux vidéos libres sont nombreux. Les jeux vidéos libres de qualité sont rares. Les jeux vidéos libres de qualité originaux (dans le sens « pas une réédite d'un jeu vidéo propriétaire ») sont exceptionnels.


Je finis par le point qui me semble le plus intéressant à discuter :

La faiblesse de la réutilisabilité

Tu mets de côté bien vite la question de l'adaptation. Si je passe d'un support à l'autre, si j'écris une suite, une alternative…, je réutilise l'œuvre. Pas son matériau rut, certes, mais son univers. Et le fait de placer une œuvre sous licence libre met l'univers sous la même licence. Et ça, ça peut être très utile, il suffit de voir la quantité d'œuvre dérivé du domaine public ! Si un jour je souhaite créer une (première) œuvre, je ne vais pas partir sur un univers nouveau et potentiellement hyper incohérent ou mal documenté, je vais partir d'autre chose, histoire de me simplifier la tache. Et là, les œuvres libres peuvent m'aider (le domaine public aussi).

Une dernière chose, fondamentale selon moi (point de vue de chercheur, probablement ;) ) : ne cherchons pas comment autrui peut utiliser nos travaux si on lui en laisse la possibilité. Laissons faire, et voyons. C'est bête à dire, mais c'est un changement de paradigme. Tu ne vois pas de réutilisabilité ? Et alors, il suffit que quelqu'un d'autre en voit, c'est suffisant. Sauf bonne raison, offre ; tu verras bien ce qui ressortira. Probablement rien, mais peut-être quelque chose. L'art libre tel que pratiqué aujourd'hui est récent, inutile de chercher à deviner comment les choses vont évoluer ; lançons, et voyons ce qui retombe. ^^

+2 -0

Merci d'avoir mis ici ce texte très intéressant, que je partage en très grande partie. Bien évidemment, c'est de la partie que je ne partage pas dont je vais parler. ^^

Gabbro

Tant mieux, c'est ça qui est intéressant !

Je ne serais pas aussi tranché que toi. Chaque fois que je joue à un jeu vidéo, chaque fois que je regarde un film, chaque fois que je vais au théâtre, je regarde une œuvre collective. J'ai certes accès aux crédits, mais quand on parle de plus de 10 personnes (plutôt mille dans le cas des films), on ne peut pas vraiment dire que chaque auteur est associé correctement à ses créateurs. On retiendra 2 ou 3 noms, sans plus.

Gabbro

Le truc, c'est que même quand les crédits sont disponibles, l'œuvre reste généralement associée à un auteur ou un petit groupe, le reste étant « les techniciens », sous-entendu du travail non artistique qui n'est là que pour la réalisation physique de l'œuvre. Et c'est plus ou moins vrai selon les domaines et les œuvres, selon le contrôle réellement effectué par le ou les artistes principaux.

Cette espèce de hiérarchie entre un auteur principal et un groupe d'exécutants, qu'elle soit réelle, subie ou supposée, me paraît moins présente dans le logiciel par exemple.

Mon impression est que cette tendance se généralise. Des BD fait par moult personnes (un dessinateur, un encreur, un scénariste, un coloriste…), par exemple, des séries qui changent de réalisateur d'une saison à l'autre : ne reste que l'œuvre et ses trouze mille réalisateurs à la fin.

Gabbro

C'est sans doute parce qu'on en parle plus qu'avant. La BD franco-belge a toujours utilisé des assistants, des coloristes, etc. mais souvent sans le dire. Hergé était très loin d'être seul à dessiner les Tintin. La plupart des albums Dupuis sont coloriés soit par « Cerise », soit par le « Studio Léonardo ». C'est soit non dit, soit écrit en tout petit dans un coin, alors que les américains ou les japonais n'ont aucun problème à lister tous les intervenants dans des crédits relativement visibles.

Les jeux vidéos libres sont nombreux.
Les jeux vidéos libres de qualité sont rares.
Les jeux vidéos libres de qualité originaux (dans le sens « pas une réédite d'un jeu vidéo propriétaire ») sont exceptionnels.

Gabbro

Si tu as une source pour la quantité, ça m'intéresse. Que l'on prenne les jeux professionnels, les jeux amateurs, et même les millions de clones amateurs qu'on trouve sur mobile ou qui ne sont pratiquement pas diffusés, la proportion de jeux libres me semble ridicule.

En fait, mis à part les petits jeux inclus dans les distributions et quelques-uns qui ont bien marché dans leur domaine (2048, 0 A.D, Battle for Wesnoth, FreeCiv, GNU Go, le futur Helium Rain) et 2-3 qui ont été libérés, ça fait très peu par rapport à ce à quoi j'ai joué — et je ne parle même pas des tas de jeux que je connais sans y avoir vraiment joué.

Tu mets de côté bien vite la question de l'adaptation. Si je passe d'un support à l'autre, si j'écris une suite, une alternative…, je réutilise l'œuvre. Pas son matériau rut, certes, mais son univers. Et le fait de placer une œuvre sous licence libre met l'univers sous la même licence. Et ça, ça peut être très utile, il suffit de voir la quantité d'œuvre dérivé du domaine public ! Si un jour je souhaite créer une (première) œuvre, je ne vais pas partir sur un univers nouveau et potentiellement hyper incohérent ou mal documenté, je vais partir d'autre chose, histoire de me simplifier la tache. Et là, les œuvres libres peuvent m'aider (le domaine public aussi).

Gabbro

En fait on pourrait avoir un article complet sur la question de l'adaptation. Je l'ai évacuée un peu rapidement parce qu'elle est spécifique :

  1. Ce n'est pas de la réutilisation directe comme on peut le voir avec le logiciel, c'est donc difficile à comparer.
  2. La notion même d'adaptation est floue : à partir de quel moment c'est de l'adaptation, à quel moment c'est de l'inspiration, quelle est la limite du plagitat, etc.
  3. Ça n'a pas les mêmes implications – y compris légales – que la réutilisation directe de matériaux. Surtout si on étends le concept d'adaptation à la réutilisation d'univers (il n'existe pas à ma connaissance de licence qui autorise l'utilisation de l'univers tout en interdisant l'adaptation directe, or il me semble que ce genre de licence serait plus facile à accepter pour l'industrie et les artistes dans un premier temps que les licences 100 % libres).

Une dernière chose, fondamentale selon moi (point de vue de chercheur, probablement ;) ) : ne cherchons pas comment autrui peut utiliser nos travaux si on lui en laisse la possibilité. Laissons faire, et voyons. C'est bête à dire, mais c'est un changement de paradigme. Tu ne vois pas de réutilisabilité ? Et alors, il suffit que quelqu'un d'autre en voit, c'est suffisant. Sauf bonne raison, offre ; tu verras bien ce qui ressortira. Probablement rien, mais peut-être quelque chose. L'art libre tel que pratiqué aujourd'hui est récent, inutile de chercher à deviner comment les choses vont évoluer ; lançons, et voyons ce qui retombe. ^^

Gabbro

Je suis plutôt d'accord avec la conclusion. Je pense que c'est difficile à faire à cause de tous les autres points : il faut une sacrée dose d'altruisme pour libérer son art quand tu vois difficilement les applications concrètes et que ça ne te rapporte rien, voire que ça t'exclut du système. Par exemple, un sociétaire à la SACEM ne peut pas faire de musique libre.

Sur les jeux vidéos libres, je voulais réagir rapidement car on a tendance à ne pas comparer les choses correctement. Si on prends ta courte liste de jeux libres (que je classe parmi les jeux de qualité – et à laquelle j'ajouterai Widelands, FreeDink, Newton Adventures, Plee the Bear et Ardentryst), ce sont donc ce que j'appelle les rares jeux libres de qualité. Ils sont une dizaine contre plusieurs centaines de jeux propriétaires de qualité.

Si on prend tous les jeux, les jeux libres sont nombreux en nombre (liste1 (près de 300), liste2), mais toujours aussi peu nombreux en proportion.

Les jeux libres marchent bien sur certaines niches (jeu de gestion de transport – OpenTTD et simutrans), dans lesquels il n'existe plus trop d'alternative propriétaire maintenus.

Bref, on peut légitimement considérer cela comme peu, voir négligeable, (en proportion) mais tout aussi bien dire qu'il y en a un nombre important, dont un nombre non négligeable de qualité. Comme tu dis, très vite, que les jeux vidéos libres sont rares, je voulais réagir1.


Pour le reste, je vois tout à fait ce que tu veux dire. Je reste toujours stupéfait des conditions de la SACEM…

Je pense que c'est difficile à faire à cause de tous les autres points : il faut une sacrée dose d'altruisme pour libérer son art quand tu vois difficilement les applications concrètes et que ça ne te rapporte rien

Il y a un paquet d'artiste, dont certain de grande qualité (au hasard), qui ne vivent pas de leur œuvre, qui font ça sur leur temps libre. Mais je pense que bien des amateurs ont l'espoir de passer professionnel un jour, ou alors ne connaissent pas le système de l'art libre. Ça ne rapporte peut-être rien, mais je ne suis pas sûr qu'en pratique, ça coute tant que ça (quoique, permettre à d'autre de faire ce qu'il veut de son œuvre, ça coute moralement surement beaucoup à certains auteurs).


  1. J'aurais dû dès ma première réponse sortir la liste de 300 jeux (dont je ne connais d'ailleurs pas les 3/4). 

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quoique, permettre à d'autre de faire ce qu'il veut de son œuvre, ça coute moralement surement beaucoup à certains auteurs

Oui, c'est aussi un gros blocage. Peut-être plus pour les auteurs bien diffusés avec un message ou un point de vue forts : eux savent d'expérience à quel point une adaptation peut s'éloigner de l'œuvre de base (cf les réaction d'Alan Moore par exemple).

Merci pour ces réflexions. J'apporte ma pierre à la discussion.

quoique, permettre à d'autre de faire ce qu'il veut de son œuvre, ça coute moralement surement beaucoup à certains auteurs

Oui, c'est aussi un gros blocage. Peut-être plus pour les auteurs bien diffusés avec un message ou un point de vue forts : eux savent d'expérience à quel point une adaptation peut s'éloigner de l'œuvre de base (cf les réaction d'Alan Moore par exemple).

Concernant la liberté 4 (la liberté de distribuer lui-même des copies modifiées du programme), elle me semble difficilement applicable directement dans l'art. En effet, pour les programmes informatiques il n'y a pas de question de "sens" ou de "cohérence" globale. Mais pour l'art, c'est plus délicat. On le voit déjà lors des citations où l'on peut faire dire l'opposé de ce qu'avait dit l'orateur simplement en coupant/collant différents bouts de son discours.

Même pour la redistribution ça peut être compliqué. Par exemple Gilles Servat qui n'est pas content que sa chanson La blanche hermine soit reprise par des partis politiques d'extrême droite (cf. Touche pas à la blanche hermine).

Bien que pour le logiciel libre aussi il y a cette question de "récupération" qui peut se manifester, pour l'art elle me semble exacerbée.

Comment est-ce que c'est géré pour les programmeurs de logiciels libres ? Par exemple un code d'un anti-militariste qui est récupéré à des fins militaires ? Est-ce que c'est simplement une question d'humilité ? D'abnégation ? D'acceptation que l'on ne peut plus rien sur sa production ? D'espérance que son utilisation sera conforme à notre vision (politique, artistique, etc.) ?

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Comment est-ce que c'est géré pour les programmeurs de logiciels libres ? Par exemple un code d'un anti-militariste qui est récupéré à des fins militaires ? Est-ce que c'est simplement une question d'humilité ? D'abnégation ? D'acceptation que l'on ne peut plus rien sur sa production ? D'espérance que son utilisation sera conforme à notre vision (politique, artistique, etc.) ?

Gwend@l

Le logiciel étant un outil, donc normalement sans message, la question de l'usage se pose assez peu pour son concepteur ; et même s'il était utilisé à des fins malveillantes, c'est purement le problème de l'utilisateur si l'outil est normalement destiné à autre chose (comme pour tout outil : on ne blâme pas le fabriquant d'un couteau suite à un poignardage ; on a pas accusé le fabriquant du camion suite aux attentats de Nice, etc).

Je connais par contre deux cas où un créateur de logiciel s'est manifesté contre l'usage de sa création :

  1. Il y a quelques années, il y a eu des audits dans le code des ordinateurs de bord des voitures. Il est apparu que dbus était utilisé dans des systèmes critiques. Le mainteneur principal a expliqué que c'était criminel, parce que dbus n'est absolument pas prévu pour ce genre d'usage, et donc ne peut pas garantir la sûreté et la réponse des systèmes critiques. Je ne retrouve pas la source, hélas.
  2. Le concepteur ne Notepad++ (gratuit mais non libre) avait émit le souhait que son logiciel ne soit plus utilisé par les sympathisants du FN.

Oui, c'est aussi un gros blocage. Peut-être plus pour les auteurs bien diffusés avec un message ou un point de vue forts : eux savent d'expérience à quel point une adaptation peut s'éloigner de l'œuvre de base (cf les réaction d'Alan Moore par exemple).

Concernant la liberté 4 (la liberté de distribuer lui-même des copies modifiées du programme), elle me semble difficilement applicable directement dans l'art. En effet, pour les programmes informatiques il n'y a pas de question de "sens" ou de "cohérence" globale. Mais pour l'art, c'est plus délicat. On le voit déjà lors des citations où l'on peut faire dire l'opposé de ce qu'avait dit l'orateur simplement en coupant/collant différents bouts de son discours.

Vous oubliez quand même qu'il y a une quantité invraisemblable d’œuvres d'art qui sont dans le domaine public. Il n'empêche que l'immense majorité des adaptations sont faites de manière honnête (c'est-à-dire en évitant d'y mettre une propagande quelconque dedans) ou alors c'est tellement mauvais que c'est oublié.

Je ne crois pas que Hugo, Molière ou les auteurs de contes ou de ces époques reculées aient soufferts de cela, au contraire, la libre diffusion les maintient populaire par différentes versions, la possibilité d'étudier librement sans contrainte, etc.

Bref, il ne faut pas voir cela comme un problème, mais justement comme une possibilité d'enrichir la culture, un univers et d'entretenir la vie d'une œuvre.

Même pour la redistribution ça peut être compliqué. Par exemple Gilles Servat qui n'est pas content que sa chanson La blanche hermine soit reprise par des partis politiques d'extrême droite (cf. Touche pas à la blanche hermine).

Comment est-ce que c'est géré pour les programmeurs de logiciels libres ? Par exemple un code qui est récupéré à des fins militaires par un anti-militariste ?

Le Logiciel Libre a le même genre de soucis. Beaucoup de code libre servent à Daesh ou autre organisation de ce style à fonctionner et recruter, à faire fonctionner des structures militaires, lancer des bombes, à des criminels d'échapper à la justice, etc. Il ne faut pas croire que seul l'art est concerné par ce genre de concepts moraux. Bien au contraire, je suis persuadé que ce que j’ai listé est bien plus dangereux avec du Logiciel Libre qu'avec de l'art uniquement.

Je pense qu'il faut de manière générale arrêter de voir e l'art quelque chose d'à part. La finalité n'est pas la même que dans le Logiciel Libre, ok, la culture du milieu également ou l'aspect financier. Mais, les enjeux, les problématiques, les avantages du libre et le droit qui entourent ces questions sont similaires finalement. Et le domaine public prouve à l'heure actuelle que beaucoup des préoccupations des auteurs modernes sont fantasmées (même si ça peut exister bien entendu, cela reste finalement assez négligeable au devant du potentiel que cela offre). Un peu comme le fantasme de l'artiste incompris qui pense devenir riche et célèbre un jour en quelque sorte.

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Vous oubliez quand même qu'il y a une quantité invraisemblable d’œuvres d'art qui sont dans le domaine public. Il n'empêche que l'immense majorité des adaptations sont faites de manière honnête (c'est-à-dire en évitant d'y mettre une propagande quelconque dedans) ou alors c'est tellement mauvais que c'est oublié.

Renault

Fusiller une adaptation ne se fait pas qu'en changeant un éventuel message. En fait, j'ai l'opinion inverse de la tienne : la majorité des adaptations à succès que je connais vont de « loin de l'esprit initial » à « WTF complet ». On pourrait citer par exemple la quasi-intégralité des Disney, la quasi-intégralité des adaptations de Dracula, de Frankenstein, du Bossu de Notre-Dame, de Sherlock Holmes etc.

Fusiller une adaptation ne se fait pas qu'en changeant un éventuel message. En fait, j'ai l'opinion inverse de la tienne : la majorité des adaptations à succès que je connais vont de « loin de l'esprit initial » à « WTF complet ». On pourrait citer par exemple la quasi-intégralité des Disney, la quasi-intégralité des adaptations de Dracula, de Frankenstein, du Bossu de Notre-Dame, de Sherlock Holmes etc.

Et est-ce que leurs auteurs d'origines en ont souffert d'une quelconque façon ? Je ne pense pas. Je pense justement que ces œuvres dérivées sont l'occasion de faire découvrir une œuvre, un personnage ou un univers à un public qui n'aurait jamais lu l’œuvre d'origine. Ça permet à cet art et à leurs auteurs de continuer à vivre dans un sens, à perdurer dans la mémoire collective et de convaincre peut être certains d'aller lire le bouquin d'origine pour se faire une opinion dessus.

De toute façon, les ouvrages de ce style souffrent de nombreux biais au cours du temps. Les langues évoluent tout comme les contextes et à force de traduire et adapter, un sorte de téléphone arabe peut s'introduire et changer en fait l’œuvre naturellement. Beaucoup d'ouvrages, comme les contes de fées ou les récrits épiques grecs étaient issue de la tradition orale de leur époque et ils ont juste couché sur papier une version donnée. Homère n'est pas forcément l'auteur de l'Iliade et de l'Odyssée et les frères Grimm de l'ensemble des contes germaniques qu'ils ont rédigé. Si cela se trouve, l’œuvre réellement originale n'était pas celles-là (car il existait probablement pas mal de variantes, un peu comme les blagues drôles ou les proverbes). Mais on ne le saura jamais. Du coup comment dire si telle adaptation n'est pas conforme à l'ouvrage si lui même l'ouvrage de référence n'est pas le point 0 de ce qu'il raconte ?

Le soucis avec l'art, c'est que les artistes sont toujours plus ou moins influencés par leur époque et les œuvres qui les entour. Parfois la limite entre inspiration et plagiat est ténue, et cela peut bloquer tout un processus créatif basé sur cette inspiration.

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Et est-ce que leurs auteurs d'origines en ont souffert d'une quelconque façon ?

Renault

C'est intéressant que tu poses cette question, parce qu'en fait… oui. Pas des adaptations modernes qui concernent majoritairement des œuvres du domaine public (lequel est hors du sujet de l'article d'origine).

Mais les utilisations abusives des œuvres sont précisément à l'origine du droit d'auteur, à la fin du XVIIIème, début XIXème Siècles. Le problème n'était pas que les messages soient détournés, mais que les auteurs ne pouvaient pas vivre de leurs productions, puisque leurs œuvres étaient soit possédées par d'autres, soit plus ou moins pillées (cf Beaumarchais et la Comédie-Française). Le droit d'auteur (et pas d'éditeurs ou d'héritiers) a donc permis un meilleur équilibre dans la répartition des revenus.

C'est d'ailleurs assez ironique de constater que 200 ans après, le système a été complètement dévoyé, et que l'une des solutions serait de revenir sur ce droit d'auteur. Ce qui implique de trouver un autre système de rémunération.

C'est intéressant que tu poses cette question, parce qu'en fait… oui. Pas des adaptations modernes qui concernent majoritairement des œuvres du domaine public (lequel est hors du sujet de l'article d'origine).

Je ne pense pas que le domaine public soit HS. Le domaine public représente ce que serait plus ou moins des œuvres sous licence libre et il est amusant de constater que ceux qui défendent le plus les droits d'auteurs restrictifs sont ceux qui ont le plus pioché dans le passé (comme Disney). Ce qui est d'ailleurs dégueulasse dans un sens, Disney a reprivatisé en leur nom des œuvres diverses et défendent bec et ongle cela alors que sans les histoires du passé il serait difficile de penser où l'entreprise en serait aujourd'hui.

Je trouve que le domaine public met en exergue que les licences libres généralisés sont sujets à moins de fantasmes qu'on pourrait le croire (oui bien entendu certains effets négatifs existent, mais cela ne semble pas générique).

C'est d'ailleurs assez ironique de constater que 200 ans après, le système a été complètement dévoyé, et que l'une des solutions serait de revenir sur ce droit d'auteur.

Le soucis est comme tout : tout est question d'équilibre. Aujourd'hui, il est trop en faveur des auteurs, et typiquement il y a trois dispositions qui sont injustifiées ou bizarres ou chiantes :

  • Le droit d'auteur ne devrait pas survivre à la mort de l'auteur, et encore moins 50-90 ans ;
  • Tu as des œuvres situées dans l'espace public, parfois avec l'aide d'argent public et pourtant il peut t'être interdit de diffuser publiquement une photo ayant ce dit objet dans le champ de l'objectif ;
  • Malgré les efforts d'uniformisation du droit d'auteur, il y a trop de dispositions locales. Un pays peut avoir une œuvre dans le domaine public à un instant T mais le pays voisin. Avec la mondialisation des échanges, ces dispositions posent problème dans la diffusion notamment d’œuvres dérivées.

Je n'ai rien contre ceux qui publient de manière classique. Mais après il faut reconnaître que la protection de l'auteur va trop loin sans réelle nécessité. Et quand l'équilibre est rompu, tu as un système qui se paralyse de lui même ce qui nuis paradoxalement au public en général mais aussi aux auteurs eux mêmes. Un peu comme les brevets par exemple qui souffrent de troubles similaires ces derniers temps et qui pourraient avoir besoin aussi de certains ajustements.

Ce qui implique de trouver un autre système de rémunération.

Tout à fait. Je dirais même, un autre système de fonctionnement (relations avec les représentants des droits, les éditeurs, etc.).

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Peut-être par un système de mécénat, comme proposé par Richard Stallman ? Un simple bouton qui permet de faire un don automatique d'une valeur fixe, ce qui demande encore moins d'engagement que de faire un transfert via Paypal par exemple.

Sinon, peut-être en faisant payer le premier accès ? Par exemple, pour un fichier vidéo, on fait payer x€ le 1er téléchargement. À moins que l’œuvre soit diffusée massivement (si c'est un film ou un livre à succès), il ne devrait pas y avoir de "contournement" de masse. Et même s'il y en a, les personnes "morales" achèteront tout de même l'original.

Sinon, peut-être le crowfunding, ou les sites comme Tipeee ? Certains vidéastes se financent très bien avec (même s'ils ont aussi les publicités, qui rapportent peut-être plus).


Le domaine public représente ce que serait plus ou moins des œuvres sous licence libre et il est amusant de constater que ceux qui défendent le plus les droits d'auteurs restrictifs sont ceux qui ont le plus pioché dans le passé (comme Disney).

En effet, c'est à la fois triste et ironique. On peut aussi citer Tri Yann, qui aime beaucoup déposer à la SACEM des chansons résultant de la combinaisons de plusieurs œuvres dans le domaine public (au hasard : Si mort à mors, qui est simplement un poème moyenâgeux chanté sur un air traditionnel gallois).

Ce serait bien si le domaine public était une licence contaminante, au moins partiellement. Une sorte de CC By SA au lieu d'une CC 0, mais en moins restrictif.

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Sinon, peut-être le crowfunding, ou les sites comme Tipeee ? Certains vidéastes se financent très bien avec (même s'ils ont aussi les publicités, qui rapportent peut-être plus).

rezemika

Plutôt que parapharser, je vais me contenter de lier cette réflexion sur le sujet.

Edit : correction d'une erreur de citation.

Sinon, peut-être le crowfunding, ou les sites comme Tipeee ? Certains vidéastes se financent très bien avec (même s'ils ont aussi les publicités, qui rapportent peut-être plus).

rezemika

Plutôt que parapharser, je vais me contenter de lier cette réflexion sur le sujet.

Edit : correction d'une erreur de citation.

SpaceFox

Ah, je n'avais pas vu les choses ainsi. Merci de ta réponse ! :)

Sinon, petite suggestion : ce sujet ayant l'air assez pérenne, peut-être serait-il opportun de poursuivre ce débat sur un fil dédié sur le forum ?

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Mais je ne crois pas que l’art libre puisse se développer grandement sans l’aide de l’industrie à un moment ou à un autre – tout comme le logiciel libre ne s’est jamais aussi bien porté que depuis que l’industrie a compris qu’elle était gagnante dans le processus.

Beuh, pas convaincu. Déjà l’idée d’un art soutenu par l’industrie, on ne parle peut-être pas de la même chose, mais il y a un risque de contradiction dans les termes. Les films, dessins, bandes dessinées, livres etc. ne sont pas tous de l’art, et en général plus il y a d’industrie et moins il y a d’art. On parle bien "d’industrie du livre", peut-être à tort, mais pour les vidéos par exemple c’est clair : ce qui est le mieux financé par l’industrie au sens général du terme, ce sont les publicités commerciales.

Ensuite je ne vois pas ce qui permet de dire que "le libre ne s’est jamais porté aussi bien que depuis que l’industrie a compris…". Des entreprises paient des gens pour travailler sur du logiciel libre, certes, souvent parce que c’est dans leur intérêt direct. (Pas strictement toujours, mais la marge est assez anecdotique.) Je ne vois pas sur quels faits tu t’appuies sur dire ça et à mon avis c’est plus une tournure de langage qui semble convaincante au premier abord qu’une idée qui décrit vraiment quelque chose de réel dans les circuits de création de logiciel libre. Et puis "se porter bien" c’est très subjectif et compliqué à démêler; est-ce que "le libre" se porte mieux depuis que Apple a mis ses forces derrière LLVM (peut-être ?) ? Qu’Oracle a acheté MySQL (bof ?) ? OpenOffice (sans doute pas ?). Lequel des logiciels libres que je fais tourner chaque jour sur mon ordinateur portable se "porte mieux" depuis l’industrie, et pour quelle raison ?

Il y a plein de nouvelles formes de réutilisation et d’adaptation qui apparaissent dans les milieux créatifs, par exemple celle des mashups, ou les "vidéos youtube". Difficile de savoir de quoi demain sera fait en terme d’expression artistique – et donc d’espérer beaucoup de l’industrie, à mon avis.

Il y a plein de formes de financement qu’on connaît encore assez mal aujourd’hui et qui ont été peu explorées, par exemple autour du crowdfunding. Notre ignorance vient en grande partie à cause des blocages complets de ceux qui se revendiquent comme "l’industrie" aujourd’hui; il y a dix ans, en France les libristes ont essayé de soutenir l’idée de licence globale, qui a été tuée par les distributeurs. Je me souviens avoir entendu un exposé de Richard Stallman à l’époque, donné en français, où il faisait remarquer (l’idée était courante) qu’au lieu de rémunérer les gens proportionnellement à leur succès, ce qui donne de grands écarts de revenus chez les artistes, on pouvait imaginer une courbe en cloche plus douce (racine carrée du nombre d’auditeurs/spectateurs/etc., par exemple), qui rémunère moins les super-stars au profit des artistes moins connus. On a beau jeu maintenant de pointer du doigt, comme dans le commentaire que tu cites en référence sur le crowdfunding, le fait que les rémunérations sont très pyramidales sur Patreon.

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il y a dix ans, en France les libristes ont essayé de soutenir l’idée de licence globale, qui a été tuée par les distributeurs. Je me souviens avoir entendu un exposé de Richard Stallman à l’époque, donné en français, où il faisait remarquer (l’idée était courante) qu’au lieu de rémunérer les gens proportionnellement à leur succès, ce qui donne de grands écarts de revenus chez les artistes, on pouvait imaginer une courbe en cloche plus douce (racine carrée du nombre d’auditeurs/spectateurs/etc., par exemple), qui rémunère moins les super-stars au profit des artistes moins connus. On a beau jeu maintenant de pointer du doigt, comme dans le commentaire que tu cites en référence sur le crowdfunding, le fait que les rémunérations sont très pyramidales sur Patreon.

gasche

Ironiquement, Stallman a gagné, puisqu’il a eu la licence globale avec Spotify ou Netflix, du moins quelque chose qui y ressemble beaucoup. L’industrie a fini par suivre. Par contre, le problème de rémunération reste identique.

Ensuite je ne vois pas ce qui permet de dire que "le libre ne s’est jamais porté aussi bien que depuis que l’industrie a compris…". Des entreprises paient des gens pour travailler sur du logiciel libre, certes, souvent parce que c’est dans leur intérêt direct. (Pas strictement toujours, mais la marge est assez anecdotique.) Je ne vois pas sur quels faits tu t’appuies sur dire ça

gasche

Le fait que beaucoup de gros projets libres (et quelque soit le domaine) que je connais et utilise sont soit directement portés par une entreprise, soit ont une forte proportion de contributions en provenance d’entreprises. Par exemple, je doute fort que le noyau Linux serait arrivé là où il est aujourd’hui sans des contributions massives d’entreprises.

Je ne comprends pas la réflexion sur le fait que ces contributions sont faites dans l’intérêt direct de l’entreprise et non pas par amour du libre. En quoi est-ce un problème ? N’est-ce pas un signe de bonne santé du logiciel libre si les entreprises en viennent à considérer que même dans le raisonnement le plus égoïste, il est préférable pour elles de contribuer à un projet libre plutôt que de réinventer la roue — et donc se mettent dans une relation gagnant-gagnant ?

Les exemples que tu donnes ensuite montrent que tu surinterprètes ou as mal compris mon propos. Ce que je dis, c’est que depuis que les entreprises ont compris qu’il valait mieux, pour leur propre intérêt, contribuer au logiciel libre, ce logiciel avance mieux tout simplement parce que les forces apportées par ces entreprises aident au développement du logiciel libre, au lieu de le freiner comme ça a pu être le cas à une époque. Cf par exemple tout ce que libère Microsoft, et leurs diverses contributions.
Et ce même si les ajouts peuvent être anecdotiques selon les projets.

Note que je ne parle pas du cas spécifique des logiciels complètement portés par une entreprise, mais de l’apport général de celles-ci.

On a beau jeu maintenant de pointer du doigt, comme dans le commentaire que tu cites en référence sur le crowdfunding, le fait que les rémunérations sont très pyramidales sur Patreon.

gasche

Au-delà de ça, la fin de ce commentaire montre un autre problème rarement mentionné dans le crowdfounding : le fait qu’il est très improbable d’avoir assez de contributeurs pour financer à minima les artistes, c’est-à-dire de leur permettre de vivre avec un minimum de confort et ce sans aucune prime selon leur succès.

Le revenu universelle couplée à une licence globale / financement participatif pourrait être éventuellement une solution de manière plus générale. L’objectif étant d’essayer de découpler le revenu au succès (dans une certaine mesure bien entendu) cela peut se faire à plusieurs échelons et non uniquement dans le domaine artistique mais de manière plus global.

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Par exemple, je doute fort que le noyau Linux serait arrivé là où il est aujourd’hui sans des contributions massives d’entreprises.

"Je doute fort", c’est juste une hypothèse, ce n’est pas concret. C’est ce que je reproche à ce propos sur le fait que le libre se porte "mieux" grâce à l’industrie, ça n’est pas vérifiable et je ne sais même pas vraiment ce que ça veut dire.

Le fait que beaucoup de gros projets libres (et quelque soit le domaine) que je connais et utilise sont soit directement portés par une entreprise

Est-ce que ces projets sont des projets qui sont pertinents en dehors d’une logique industrielle ? Parce que, par exemple, il y a plein de boîtes qui développent des ERP, certaines sous forme de logiciel libre, et personne ou presque qui contribue à ces logiciels sur son temps libre, mais je ne sais pas si ça a du sens d’affirmer que le libre se porterait "moins bien" sans ces contributions.

Encore une fois, si des entreprises se mettaient à faire des publicités commerciales sous licence libre, je ne sais pas si l’art libre se porterait "mieux" pour autant.

Je ne comprends pas la réflexion sur le fait que ces contributions sont faites dans l’intérêt direct de l’entreprise et non pas par amour du libre. En quoi est-ce un problème ? N’est-ce pas un signe de bonne santé du logiciel libre si les entreprises en viennent à considérer que même dans le raisonnement le plus égoïste, il est préférable pour elles de contribuer à un projet libre plutôt que de réinventer la roue — et donc se mettent dans une relation gagnant-gagnant ?

Je n’ai pas dit que c’était un problème. Je pense que c’est très bien, je fais juste remarquer que ça ne suffit pas à dire que le libre se porte "mieux". D’ailleurs ton discours c’est que le libre se porte "tellement bien" que ça devient dans l’intérêt de l’industrie de le soutenir, ce qui tendrait à souligner que le libre se porte "bien" même avant et sans investissement de l’industrie.

Encore une fois, je me demande concrètement quels sont les logiciels que j’utilise tous les jours qui se "portent mieux" grâce à l’industrie. Firefox (Mozilla) est sans doute un exemple crédible – et sans doute le seul – LibreOffice peut-être aussi, des gens s’en servent tous les jours.

Au-delà de ça, la fin de ce commentaire montre un autre problème rarement mentionné dans le crowdfounding : le fait qu’il est très improbable d’avoir assez de contributeurs pour financer à minima les artistes, c’est-à-dire de leur permettre de vivre avec un minimum de confort et ce sans aucune prime selon leur succès.

On avait fait le calcul à l’époque des débats sur la licence globale, pour la musique un coût raisonnable par foyer (moins qu’un forfait téléphonique) apportait plus d’argent que les ventes d’albums aujourd’hui. Si on voulait utiliser massivement du crowdfunding, c’est à ce genre d’échelle qu’il faudrait comparer.

Encore une fois, je me demande concrètement quels sont les logiciels que j’utilise tous les jours qui se "portent mieux" grâce à l’industrie. Firefox (Mozilla) est sans doute un exemple crédible – et sans doute le seul – LibreOffice peut-être aussi, des gens s’en servent tous les jours.

Hum, tu oublies tous les apports de Linaro, Red Hat, Collabora, Novell ou encore Canonical dans l’écosystème d’applications pourtant visibles (genre GNOME, LibreOffice, NetworkManager, systemd, Wayland, KVM, le noyau Linux, GCC, Buildroot, U-Boot, etc.). Même s’ils ne développent pas tout de A-Z, pour GNOME cela représente près de 50% des contributions par exemple.

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"Je doute fort", c’est juste une hypothèse, ce n’est pas concret.

Mon concret, il est là : http://linuxfr.org/news/sortie-du-noyau-linux-4-7#le-bilan-en-chiffres (j’ai pas de chiffres plus récents sous la main).

Pour répondre à tout le reste : à partir du moment où une entreprise soutient (directement par des commits ou de l’argent ; ou indirectement en donnant de la légitimité pour l’usage en entreprise), le projet soutenu se porte, par définition, mieux que sans ce soutien. J’en profite pour rappeler que ce n’est par parce qu’un projet est piloté par une fondation qu’il n’y a aucune entreprise derrière, cf par exemple ce que fait Gandi (qui soutient Zeste de Savoir d’ailleurs, pour qui cherche un exemple concret).

Dans les logiciels que tu utilise tous les jours qui se portent mieux grâce à l’industrie, tu as donc des choses comme Zeste de Savoir, ou Ubuntu pour un exemple directement piloté par une entreprise. Même dans le rapport d’activité de Framasoft on trouve des partenariat avec des entreprises.

On avait fait le calcul à l’époque des débats sur la licence globale, pour la musique un coût raisonnable par foyer (moins qu’un forfait téléphonique) apportait plus d’argent que les ventes d’albums aujourd’hui. Si on voulait utiliser massivement du crowdfunding, c’est à ce genre d’échelle qu’il faudrait comparer.

gasche

Tu compares deux choses qui n’ont rien à voir : la licence globale et le crowfounding ne participent pas de la même démarche. La licence globale concerne bien plus de gens par nature ; ou alors ta vision du crowfounding n’en est plus et devient une forme de licence globale.
Le commentaire en question n’est pas une critique de ce que pourrait devenir un crowfounding globalisé, mais de ce qu’il est aujourd’hui et de ce qu’il pourrait devenir si le paradigme de base (le particulier va chercher ce qui l’intéresse et participe aux projets séparément → le nombre de donateurs reste proportionnellement limité dans la population) ne bouge pas.

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