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Le gaz sarin

Analyse d'un enjeu sanitaire

Bien le bonjour !

Dans cet article, je vous propose d’en apprendre plus sur un sujet qui est malheureusement d’actualité en cette année 2017 : le gaz sarin. Nous parlerons notamment principalement ses mécanismes d’action sur le corps humain et des moyens de lutte à disposition du corps médical. Aucun prérequis n’est nécessaire pour lire cet article.

Mise en contexte

Tout d’abord, une petite mise en contexte s’impose.

Nous sommes le 4 avril 2017, un peu avant 7 heures du matin, dans la ville de Khan Cheikhoun, dans la province d’Idlib, dans l’ouest de la Syrie. Cette ville est majoritairement peuplée de rebelles opposants au gouvernement de Bachar el-Assad, président de la République arabe syrienne.

Bachar el-Assad est le fils de Hafez el-Hassad, ancien ministre de la défense ayant pris le pouvoir par un coup d’État. Ce dernier est très décrié à cause du régime autoritaire qu’il met en place, reposant sur un parti unique : le Baas (Parti socialiste de la résurrection arabe). C’est son fils qui lui succède après sa mort, en 2000, après que le Parlement ai modifié la Constitution pour lui permettre d’accéder au pouvoir (il avait 34 ans, alors que l’âge minimum était de 40).

Soudain, un Soukhoï Su-22, avion de fabrication russe appartenant à l’armée syrienne, apparaît dans le ciel de la ville. Celui-ci largue quatre bombes dans les quartiers résidentiels de la ville, au sud et au nord-est. Les trois dernières sont des bombes classiques, qui toucheront des habitations. Toutefois, un phénomène étrange est observé près du lieu de l’explosion de la première bombe.

Tout d’abord, celle-ci n’a fait que très peu de dégâts. Tout juste voit-on un cratère d’environ un mètre au milieu de la route. Mais beaucoup de personnes à proximité présentent des symptômes inquiétants. Elles ont des convulsions, des difficultés à respirer, une hyper-salivation ou des nausées. Très vite, il devient clair qu’une arme chimique a été utilisée.

Cratère de la première bombe. Ammar Abdullah/Reuters, tous droits réservés.

Conséquences du gaz sarin

Le sarin est une molécule dite organophosphorée, ce qui veut dire qu’elle contient au moins un atome de phosphore lié à un atome de carbone ($P$-$C$). Ce type de molécule est surtout connu pour être à la base de la composition de nombreux pesticides modernes, tels que le Roundup de Monsanto. Toutefois, il est aussi tristement connu pour être la base de plusieurs gaz de combat tels que le Tabun, le Sarin ou le VX.

Schéma d’une molécule de sarin.

Le sarin est une molécule très volatile : il faut s’éloigner d’au moins 220 mètres du lieu de l’exposition pour être en sécurité. De plus, il est inodore et incolore, donc difficile à repérer1. Enfin, son seuil de dangerosité est très faible : des séquelles apparaissent à partir d’une concentration de 0,087 mg/m3 (0,015 ppm), le décès peut survenir à partir de 0,38 mg/m3 (0,064 ppm)2. Il est donc environ 500 fois plus toxique que le cyanure.

Ces gaz sont dits neurotoxiques, c’est à dire qu’ils perturbent le fonctionnement du système nerveux. Il existe d’autres types d’armes chimiques, tels que les hémotoxiques (comme le cyanure d’hydrogène) qui empêchent l’oxygène de passer dans le sang, les agents vésicants (comme le Napalm ou le gaz moutarde) qui sont irritants, ou les agents neutralisants comme les gaz CN ou CS, couramment appelés « lacrymogènes »3.

Dans le cerveau

Le cerveau est au centre du système nerveux. Il est constitué de neurones reliés entre-eux par des synapses. Au total, il y a environ 100 milliards de neurones dans un cerveau humain. L’ensemble forme un réseau vaste et complexe.

Structure d’un neurone.

Pour être plus précis, les neurones reçoivent des informations par leurs dendrites et en émettent par leurs axones, qui possèdent plusieurs terminaisons. L’espace de communication entre l’axone d’un neurone et la dendrite d’un autre neurone se nomme la synapse. Les extrémités des axones sont souvent appelées « boutons synaptiques ».

Détail d’une synapse.

Les neurones communiquent entre-eux au niveau des synapses à l’aide de neurotransmetteurs, des composés chimiques qui jouent le rôle de messagers. Le neurotransmetteur qui nous intéresse ici se nomme l’acétylcholine (ou ACh), il est notamment utilisé pour transmettre des informations relatives aux mouvements ou à la mémoire.

Molécule d’acétylcholine.

Quand tout se passe bien dans le cerveau, une molécule d’acétylcholine est produite dans un neurone et voyage en passant par la synapse du neurone voisin jusqu’à ses récepteurs (dit post-synaptique, après la synapse). Il recevra alors un signal d’activation. Elle est ensuite décomposée (il s’agit en fait d’une hydrolyse) par une enzyme nommée acétylcholinestérase afin de stopper le signal. Ah oui, car toute information doit arrêter de transiter à un moment, non ? Si vous n’êtes pas convaincu, vous rappelez-vous d’avoir eu une chanson en tête toute une journée ? Agaçant, hein ? Bah là c’est pareil, c’est marrant le temps que l’information soit utile, pas plus.

La nature étant bien faite, le récepteur à acétylcholine est juste à coté de l’acétylcholinestérase.

L’acétylcholinestérase possède deux sites : un site dit hydroxyle et un site dit anionique (charge négative).

Acétylcholinestérase.

Pour en comprendre davantage sur ce site clé de l’action du Sarin, il faut expliquer son rôle quotidien. Déjà cette enzyme possède un nom bien étrange, je suis même certain que beaucoup d’entre-vous ne le lisent qu’à moitié depuis le début de l’article. Il y a pourtant une logique :

  • une enzyme est toujours suivie du suffixe -ase ;
  • une enzyme est souvent liée à une molécule spécifique, ici le neurotransmetteur acétylcholine ;
  • et enfin, on sait que le rôle de cette enzyme est de décomposer l’acétylcholine, ce qui est lié au radical ester.
Hydrolyse de l’acétylcholine.

On voit sur cette image que l’acétylcholine s’incruste parfaitement dans l’enzyme. Pour les plus perspicaces d’entre vous, vous aurez compris que la première interaction est une attirance entre une charge $+$ et une charge $−$. La deuxième interaction n’est pas simple à expliquer, tenons-la pour acquise (voir sites électrophiles pour les plus curieux). On voit ensuite que l’acétylcholine se fait couper en deux après une brève association avec l’enzyme. C’est cette coupure qui été nommée plus tôt dans cet article décomposition (hydrolyse de la fonction ester).

Le rôle du sarin

C’est ici que se joue le rôle du sarin. Celui-ci inhibe l’action de l’acétylcholinestérase en s’accrochant à elle par son site hydroxyle. Elle devient alors incapable de détruire l’acétylcholine, qui continue donc d’exciter la surface de la synapse. Le neurone reçoit donc un signal permanent. Voyons comment se passe leurs interactions.

Le Sarin s’approche du site hydroxyle pour y réagir de manière dite pseudo-réversible.

On constate que l’enzyme devient inerte face à l’acétylcholine. Car elle n’a plus la possibilité de réagir avec cette dernière. Elle est bloquée par le Sarin durant une longue durée. Le sarin, en se liant au site de l’hydrolyse empêche l’acétylcholine d’être décomposée. Elle est alors gardée en périphérie de l’enzyme… Il a été précisé qu’à coté de l’enzyme il y avait toujours le récepteur à l’acétylcholine. Vous voyez le problème venir ?

L’acétylcholine n’est plus dégradé et reste bloqué sur le récepteur, l’activant ainsi jusqu’à la décomposition du lien entre le Sarin et l’acétylcholinestérase. Pour faire un parallèle avec l’électronique, si la synapse était un bouton poussoir, y mettre du sarin reviendrait à empêcher son retour à l’état ouvert : une fois appuyé, le bouton resterait en position fermée ad vitum aeternam.

Puisque ce sont les neurones qui contrôlent les mouvements musculaires, leur excitation permanente entraîne une contraction musculaire permanente, un peu comme une crise de tétanie. Malheureusement, comme pour le tétanos, cette crise touche également les muscles respiratoires. Autrement dit, le diaphragme est lui aussi en contraction permanente, et ne peut donc plus assurer la respiration. Il en résulte généralement une mort par asphyxie au bout d’une dizaine de minutes.

La victime peut avoir des râles ou une respiration sifflante, comme pour une violente crise d’asthme. À cela s’ajoutent les symptômes évoqués au début de cet article, tels qu’une hypersalivation, une contraction des pupilles (myosis), des nausées, des diarrhées ou des convulsions.

Il n’en est heureusement pas de même pour le cœur4. En effet, son action n’est pas contrôlée par le cerveau mais par lui-même : c’est le seul muscle du corps humain à être auto-géré. Son activité est contrôlée par le nœud sinusal5, qui gère tout seul le rythme et la force de contraction du cœur.

Pour une exposition au sarin sous forme de vapeur (cas le plus courant), les premiers symptômes apparaissent au bout de 30 secondes à deux minutes. Quand le sarin est liquide, cette période est bien plus longue, pouvant aller jusqu’à 18 heures1.

Enfin, à supposer que la dose de sarin reçue soit trop faible pour engendrer la mort, elle provoquera tout de même des lésions neurologiques. En effet, quand un neurone est excité pendant trop longtemps, il apparaît un phénomène nommé excitotoxicité, qui engendre une surcharge de calcium dans le neurone, qui peut à long terme finir par le tuer.


Si vous voulez voir comment respire une victime du gaz sarin, vous pouvez cliquer ci-dessous pour afficher une vidéo. Attention, celle-ci est susceptible de heurter la sensibilité de certaines personnes, visionnez-la en connaissance de cause.

Cette vidéo est extraite d’une vidéo de l’ONG française Syria Charity, qui œuvre pour améliorer les conditions de vie des Syriens. Elle est publiée ici avec leur aimable autorisation. La jeune fille que l’on voit sur cette vidéo a survécu à son exposition au sarin. Bien que traumatisée, ses jours ne sont plus en danger. Source. Source de la vidéo originale.


  1. Handbook of Chemical and Biological Warfare Agents, D. Hank Ellison, CRC Press, 2000, p. 230. 

  2. Source : https://www.cdc.gov/niosh/ershdb/emergencyresponsecard_29750001.html

  3. Eh oui, le lacrymogène est une arme chimique, certes moins dangereuse que les autres (heureusement). 

  4. Le diaphragme est lui aussi un cas particulier : il est commandé aussi bien par le système nerveux autonome que par le système somatique. C’est pour cela que vous respirez sans vous en rendre compte, mais que vous pouvez tout de même prendre consciemment de grandes inspirations. 

  5. D’où le terme de « rythme sinusal » pour désigner un rythme cardiaque normal, car contrôlé par le nœud sinusal. 

Moyens de lutte

Heureusement, il y a des moyens de lutte à disposition du corps médical, pourvu que celui-ci soit présent suffisamment vite, et c’est ce que nous allons voir dans cette partie.

Nous venons de voir que lors d’une exposition au sarin, acétylcholinestérase (AChE) est inhibée, laissant le champ libre à l’acétylcholine. On peut donc imaginer plusieurs moyens d’actions :

  • bloquer les récepteurs de l’acétylcholine sur les synapses ;
  • détruire l’acétylcholine déjà présente pour faire place nette ;
  • ou séparer l’acétylcholinestérase (AChE) du sarin pour la désinhiber.

Pour cela, on fera appel à des molécules spécifiques. La première option sera la spécialité de l’Atropine, tandis que la dernière sera celle du Pralidoxime. Il n’existe pas à ma connaissance de médicament mettant en pratique la deuxième option. On ajoutera aussi souvent un anti-convulsivant, du Diazépam, pour limiter l’ampleur de la crise de tétanie.

Atropine

L’Atropine est un alcaloïde (une substance, souvent d’origine végétale, à base d’azote) qui se trouve à l’état naturel dans des plantes1 telles que la belladone, le datura ou la mandragore. Elle est un antagoniste cholinergique, c’est à dire qu’elle agit en se fixant aux récepteurs de l’acétylcholine sur les synapses. La place étant déjà prise par l’Atropine, l’acétylcholine ne peut plus s’y accrocher et laisse donc un répit au neurone.

Atropine

Elle a logiquement pour effets secondaires les effets inverses du sarin, à savoir un arrêt de la salivation et de la transpiration, une constipation et une dilatation des pupilles, appelée mydriase2, 3. Il s’agit du remède le plus courant et le plus plébiscité contre le sarin.

Pralidoxime

Pralidoxime

Le Pralidoxime, quant à lui, agit d’une toute autre manière. Comme nous l’avons vu, le sarin se fixe sur le site hydroxyle de l’acétylcholinestérase (AChE), celui servant à l’hydrolyse de l’acétylcholine. Le Pralidoxime agit en se fixant sur l’autre site, le site anionique, puis en attirant à lui le phosphate de la molécule de sarin. Il va alors se décrocher de l’acétylcholinestérase (AChE) en emportant avec lui le sarin. L’AChE peut alors reprendre son travail et aller détruire les molécules d’acétylcholine.

Intéraction du Pralidoxime (chargé positivement) avec l’AChE

Attention, le mode d’action du Pralidoxime n’est plus valide si l’exposition au Sarin dépasse les 5 heures. Ceci est la conséquence d’un processus de vieillissement de l’AChE sur le long terme, aussi appelé Aging Process.

Processus du vieillissement de l’AChE après 5 heures d’exposition au Sarin - AChE détériorée (ici en vert)

Lors de la contamination au gaz Sarin, l’AChE est lié au Sarin d’une manière assez peu réversible nous l’avons vue plus haut. Mais une nouvelle réaction peut opérer lorsque le Sarin est greffé depuis trop longtemps sur l’enzyme. Ce processus rend le fragment Sarin beaucoup moins labile. Il est dès lors impossible à extraire. Il faudra attendre que l’organisme restaure l’AChE détériorée progressivement et durant ce temps il faut maintenir en vie la victime.

Seringues auto-injectables

Plusieurs armées ont à disposition des seringues auto-injectables contenant un mélange d’Atropine / Pralidoxime / Diazépam, permettant de lutter facilement et efficacement contre les armes chimiques organophosphorées en général (sarin, tabun, VX, etc). Elles ne dispensent toutefois pas d’une intervention médicale rapide pour prévenir des dommages neurologiques.

Organisation

Dans les premiers instants de la contamination, l’espérance de vie des victimes est d’environ 10 minutes. Face à une telle urgence, respecter l’état de l’art de la médecine est tout sauf une priorité. Il faut simplement maintenir les victimes en vie quelques minutes le temps que des médecins équipés et préparés puissent prendre le relais. Ils ajusteront ensuite les doses en fonction de la gravité des symptômes, et ils donneront aux victimes des masques à oxygène à haute concentration (ils permettent d’inspirer près de 100% d’oxygène, contre les 21% de l’air ambiant). La surveillance se fait avec un saturomètre pour vérifier le taux d’oxygénation du sang ainsi qu’avec du matériel de réanimation.

Sans matériel

S’il n’est pas possible de stopper une intoxication au sarin sans matériel, il est en revanche possible de limiter son aggravation.

Tout d’abord, le sarin est liposoluble, ce qui veut dire qu’il peut rentrer dans le sang en passant directement par la peau. Il faut donc déshabiller au plus vite les victimes afin de limiter leur exposition, leurs vêtements pouvant emprisonner une partie du gaz. Les victimes devront ensuite être décontaminées avec un mélange d’eau et de savon afin d’enlever toute trace de sarin de leur peau4.

Cela ne peut se faire que si les secouristes sont eux-mêmes protégés5. De plus, ce nettoyage à grande eau a l’inconvénient de pouvoir entraîner des hypothermies et d’aggraver un état de choc.

Pour les victimes qui sont déjà en arrêt respiratoire, il faut pratiquer un massage cardiaque, si possible avec des insufflations d’oxygène. Il faut toutefois y mobiliser au moins une personne par victime, ce qui n’est pas toujours possible sur le terrain (dépendant du nombre de victimes et de secouristes).

Il s’agit là d’une des lois les plus difficiles du secourisme. Il faut d’abord maintenir en vie les personnes qui sont vivantes, avant de tenter de réanimer les personnes qui sont déjà cliniquement mortes. On s’occupera des blessés légers en dernier. Toutefois, le sujet du secourisme de catastrophe nécessiterait un article à lui tout seul.


  1. Parmi les alcaloïdes les plus connus, on peut citer la caféine (article dédié ici), la nicotine ou la morphine. 

  2. À l’inverse, quand la pupille est trop contractée, on parle de myosis. 

  3. L’Atropine est d’ailleurs souvent utilisée dans ce but pour les examens ophtalmologiques, sous forme de collyre (des gouttes sur les yeux). 

  4. Handbook of Chemical and Biological Warfare Agents, D. Hank Ellison, CRC Press, 2000, p. 142. 

  5. Il s’agit là du premier principe du secourisme : se protéger d’abord. Un secouriste blessé devient une victime. 

Le bilan de Khan Cheikhoun

Avant de clore cet article, revenons un instant à Khan Cheikhoun.

Déroulement

Très rapidement après le bombardement, des casques blancs (les membres de la Défense Civile Syrienne, une organisation humanitaire aidant les victimes de la guerre civile en Syrie) se rendent sur place pour aider les victimes, mais ils ignorent qu’une arme chimique a été utilisée et certains sont contaminés.

Dans les heures qui suivent, le docteur Moundhir Al-Khalil, directeur de la santé de la province d’Idlib, s’adresse à des journalistes1.

Nous faisons tout ce que nous pouvons pour sauver nos concitoyens malgré le peu de moyens dont nous disposons. Nous manquons de cadres de santé, nous n’avons pas d’équipements ni de combinaisons de protection, ni les médicaments nécessaires aux traitements de victimes d’une attaque aux armes chimiques en nombre suffisant. Tous nos stocks ont été utilisés ces deux derniers jours.

Le bombardement de Khan Cheikhoun n’est pas le premier auquel nous avons été confrontés cette semaine. La veille, les villes d’Al-Latmana et de Hbit ont été ciblées […].

Docteur Moundhir Al-Khalil

Dès le départ, les médecins suspectent l’usage d’une arme chimique de type Sarin ou Chlore, et administrent le peu de médicaments disponibles.

Nous n’avons pas parlé du gaz de chlore dans cet article. Pour faire simple, disons que celui-ci brûle la surface des poumons, ce qui peut conduire le plasma sanguin à passer au travers. On appelle cela un œdème pulmonaire, ce qui revient à se noyer dans son propre sang.

Pour rappel, les médicaments préconisés sont l’Atropine, le Diazépam et le Pralidoxime. Le problème est que le stock des deux premiers était épuisé dans l’hôpital de Khan Cheikhoun, et que le troisième ne s’y trouvait tout simplement pas. Il était donc certain qu’une telle attaque ferait un grand nombre de morts. Les victimes sont donc lavées à grande eau, et les plus atteintes se voient obtenir une aide respiratoire (masque à oxygène, voire massage cardiaque).

Quatre heures après l’attaque, le centre de la Défense civile syrienne, utilisé comme morgue improvisée, est détruit par une frappe aérienne, blessant gravement quatre personnes. Peu après, c’est l’hôpital de Khan Cheikhoun qui est touché par une nouvelle frappe aérienne, forçant le personnel évacuer le bâtiment. La veille, l’hôpital principal de la région, dans la ville de Ma’arrat al-Numan, a également été mis hors-service. Celui-ci comportait également une unité de réaction aux attaques chimiques, qui n’a donc pas pu intervenir.

Le 6 avril, l’hôpital d’Adana, en Turquie, confirme l’usage du gaz sarin après une série d’autopsies réalisées sur des victimes2. Le lendemain, le président des États-Unis Donald Trump ordonne une attaque contre l’aéroport de Shayrat, près de Homs, d’où sont partis les avions responsables du bombardement.

Bilan

Un mois après, le bilan est toujours incertain. Le 15 avril, les estimations de l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme sont d’au moins 88 morts, dont 31 enfants. Le nombre de blessés est estimé à 500.

Les survivants prient avant d’enterrer les victimes, le 6 avril. Fadi Al-Halabi/AFP, tous droits réservés.

  1. Source : Article du journal Le Monde (à accès restreint). 

  2. Source : Article du journal Le Parisien


Conclusion

Merci de m’avoir lu !

Je tiens à remercier Arius, Blackline et pierre_24 pour leurs retours sur la version bêta de cet article. Merci également à EtienneR pour son retour post-publication.

Espérons qu’un tel article ne sera jamais plus d’actualité.

Crédits et licences

Cet article est publié sous la licence « Creative Commons By-SA 4.0 ».

Les schémas ainsi que le logo de cet article sont des créations de Blackline, qui a également participé à sa rédaction et que je remercie chaudement.

Un grand merci également à Gabbro pour son travail de validation.

Enfin, je remercie également l’ONG française Syria Charity, qui mène des actions humanitaires en Syrie, pour nous avoir autorisé à réutiliser leurs images.

Sources

Bibliographie

  • Handbook of toxicology of chemical warfare agents, Ramesh C. Gupta, Elsevier, 2009
  • Handbook of Chemical and Biological Warfare Agents, D. Hank Ellison, CRC Press, 2000

7 commentaires

Merci pour cet article très détaillé qui a demandé pas mal de travail et qui est très référencé. :)

Espérons qu’un tel article ne sera jamais plus d’actualité.

Amen to that.

+8 -0

"il devient clair qu’une arme chimique chimique" doublon !

En effet. Par contre, tu as été grillé par tleb et Ymox qui me l’ont signalés en MP. ^^ J’envoie la version corrigée ce soir. Merci !

Et du coup comment on peut "identifier" la présence de ce gaz dans l’air ? Y a t-il une "sonde" qu’on peut deplacer dans l’air?

Unknown

Bonne question ! À vrai dire, je n’ai pas trouvé grand chose de concret. Il semblerait qu’il n’existe pas de "sonde" au sens courant (comme les compteurs Geiger). Par contre, j’ai trouvé des traces de recherches pour des gaz de défense qui décomposeraient les gaz organophosphorés en d’autres composés non toxiques (par exemple ici). Mais ça ne permet pas de détecter leur présence… La seule chose qui s’en rapproche est un composé qui devient apparemment fluorescent en présence de sarin (voire ici).

Merci pour vos retours ! :)

+1 -0

En fait il se peut qu’on sente une odeur fruitée et que le liquide laisse des traces brun/jaune (s’il est impure)1. Rare sont les armes chimiques qui soient pures car cela coûte de l’argent de purifier un produit. Livré impur, dans le cas d’une guerre, il sera donc plus caractéristique.

Mais bien sûr l’apparition de signes cliniques identiques chez plusieurs personnes se trouvant au même endroit (au même moment) doit évoquer une intoxication à un toxique et donc déclencher une alerte immédiate.

Pour ce qui est de l’armée, elle est doté d’un carnet de détecteur ($PDF1$). Ce dernier, au contact d’un liquide (pas de gaz, il faut sa forme condensée) va generer une couleur sur le papier de détection. Ce papier est spécialisé pour les neurotoxiques organophosphorés ou vésicants.

Classe couleurs
VESICANTS virage du rouge au violet
NEUROTOXIQUES G coloration jaune à orangé
NEUROTOXIQUES V coloration bleu-vert foncée à noire
+2 -0

Médiapart a écrit des articles très intéressants sur l’utilisation des armes chimiques en Syrie, qui complètement très bien celui-ci (malheureusement, ils ne sont lisibles que par les abonnés; je pense que le nombre d’articles de grande qualité sur ce site justifie un abonnement (11€/mois) pour ceux qui ont la chance d’avoir un salaire):

  • Comment Bachar al-Assad a gazé son peuple: les plans secrets et les preuves, 1 juin 2017, parle des raisons politiques de l’approvisionnement de la Syrie en armes chimiques, des produits de synthèse spécifiques à la recette syrienne qui permettent son attribution, et du fonctionnement du service de recherche en armement qui les a développées (avec des témoignages de gens qui en ont déserté). On y apprend que la décision et l’ordre par Bachar El-Assad d’équiper des bases militaires en armes chimiques vient de 2009, après le mouvement vert en Iran, donc avant le début du conflit syrien en 2011, et qu’elles avaient été prévue dès le départ comme instrument de contrôle des populations syriennes et pas contre un ennemi extérieur.

  • Armes chimiques: le régime syrien a construit son arsenal avec l’aide de plusieurs pays , 2 juin 2017, en dit beaucoup plus sur le développement historique de la capacité syrienne de production d’armes chimiques. Hafez al-Assad a lancé en 1970 un programme national de développement de capacités de production locale dans un but d’indépendance militaire. L’article parle (encore une fois, en s’appuyant sur des témoignages de chimistes syriens) des évolutions des choix de produits chimiques et de leurs recettes de production au gré des changements internationaux, et d’où viennent les compétences, les équipements et les matières premières utilisées. Une chose qui m’a surprise est l’hypothèse, pour expliquer le choix dans les années 1980 de former les chimistes militaires syriens en Allemagne et d’y acheter la majorité des équipements nécessaire, que c’est une conséquence de l’influence d’un criminel de guerre nazi, Alois Brunner, qui a fuit en Syrie dans les années 1950 et y a mené une vie tranquille de conseiller du régime jusqu’à sa mort en 2001.

+3 -0

La nouvelle version a été publiée ! Merci à tleb, Ymox, qwerty et Unknown pour m’avoir signalé les coquilles, et merci à Taurre pour avoir validé la nouvelle version !

Et bien sur, merci à vous tous pour vos retours ! :)

@gasche : Je ne suis malheureusement pas abonné, mais merci pour les liens.

+0 -0

Nouvelle version publiée, corrigeant quelques coquilles signalées par EtienneR, et validée par Taurre. Merci ! :)

+1 -0
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