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Introduction à l’orthotypographie

Après les choses qui sont de premières nécessités pour la vie, rien n’est plus précieux que les livres. L’art typographique qui les produit rend des services importants et procure des secours infinis à la société. Il sert à instruire le citoyen, à étendre le progrès des sciences et des arts, à nourrir et cultiver l’esprit, et à élever l’âme : son devoir est d’être le commissionnaire et l’interprète général de la sagesse et de la vérité ; en un mot, c’est le peintre de l’esprit. On pourrait donc l’appeler par excellence l’art des arts et la science des sciences.

Pierre-Simon Fournier le jeune, Manuel typographique, 1764.

Il est difficile d’écrire un texte correct. On doit prendre en compte la formulation, la grammaire, l’orthographe, et même la typographie ! Ce dernier cas est particulièrement laborieux. En effet, la typographie change selon le contexte et le pays, on n’écrira pas pareillement en France, en Suisse romande, en Belgique ou au Québec ! Cela change énormément et il est difficile d’être exhaustif. À plusieurs reprises, j’ai essayé de faire un tutoriel, mais devant la tâche herculéenne, j’ai abandonné. De plus, il existe de nombreuses ressources sur Internet et il me paraît peu utile de réécrire ce qui existe déjà. Je vous propose donc à la place de rappeler ici des petites règles de bases, et de vous fournir quelques liens pour approfondir la matière.

Toutefois, si l’on doit retenir une règle, c’est celle de la cohérence : ne changez pas de style en cours de route ! Par ailleurs, n’oubliez pas que ce ne sont au final que des conventions, et pas des règles immuables gravées dans l’airain.

Les lettres et leurs formes

Combien trouve-t-on de lettres dans l’alphabet français ? 26 ? Perdu, c’est 42 ! Les voici :

a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z à â é è ê ë î ï ô ù ü û ÿ ç œ æ

Certaines sont plus utilisées que d’autres. Par exemple, le ù n’apparaît que dans « où » et le œ n’est utilisé que pour certains mots comme œil, œsophage ou cœur (notez donc bien qu’il ne s’agit pas d’un remplaçant de la suite de lettres « oe » !).

Chaque lettre peut prendre trois formes :

  • minuscule (le bas de casse) : abcxyz ;
  • capitale (la capitale) : ABCXYZ ;
  • petite capitale (utilisée pour écrire des sigles ou dans les bibliographies) : ᴀʙᴄʏᴢ.

Les capitales doivent être accentuées, car sinon, cela est considéré comme une faute d’orthographe.

Quelle est la différence entre capitale et majuscule ?

La capitale désigne la forme de la lettre (en bâton en gros), alors que la majuscule désigne le caractère commençant une phrase ou un nom propre !

D’où vient l’expression bas de casse et haut de casse ?

Avant, du temps où on utilisait des lettres en plombs, on rangeait dans des casiers ces lettres. Et on mettait simplement en bas les minuscules et en haut les majuscules !

La ponctuation

La ponctuation permet de donner « vie » au texte, en y apportant un rythme1. Il existe plusieurs signes de ponctuations : ’[]:«»().!?;…—–,

L’apostrophe

L’apostrophe permet l’élision d’une voyelle ou d’une partie d’un mot. Par exemple : l’amour, la presqu’île…

Préférez l’usage de l’apostrophe typographique « ’ » à l’apostrophe droit « ' ». Cette dernière était utilisée à cause d’une limitation technique des machines à écrire. Sous Windows, il suffit de faire Alt+(0, 1, 4, 6), sous Mac alt+maj+' et sous Linux AltGr + g.

Sur Zeste de savoir, le remplacement est automatique !

Les crochets

Les crochets permettent d’indiquer que l’on a remplacé, ajouté un mot, ou coupé un texte, afin de rendre compréhensible un texte. Il est aussi utilisé en mathématique, en informatique et dans les bibliographies.

[Clem] errait sur la plage […] quand elle rencontra Citron.

Deux points

Les deux points, « : » séparent deux propositions différentes. Mis à part dans le cas d’une citation, ils ne sont pas suivis d’une majuscule.

Guillemets

Les guillemets servent à citer. Il existe un usage impropre des guillemets. Sur Internet, de nombreuses personnes utilisent des guillemets droits (" "), au lieu des guillemets français (« »). Je rappelle qu’il y a après le guillemet ouvrant une espace insécable et une autre avant le guillemet fermant. Si vous écrivez en anglais, il existe des guillemets spécifiques : les doubles quotes (“ ”) et les singles quotes (‘ ’).

Il est probable que des éléments de typographie changent selon les pays. En effet, la typographie est différente qu’on soit en France, en Suisse ou en Belgique. Le cas le plus flagrant est celui des guillemets. Il n’existe pas de normalisation à l’échelle francophone. On tolérera un modèle différent, tant que vous restez cohérent, et ne jonglez pas avec les différents modèles.

Parenthèses

Les parenthèses « () » permettent d’insérer un complément d’information.

Point

Le point « . » permet de finir une phrase. Il est suivi d’une majuscule.

Point d’exclamation

Le point d’exclamation « ! » permet d’exprimer la surprise, la colère, la joie, une admiration… Notez qu’on ne met pas deux (ou plus) points d’exclamation successifs : « !! ».

Point d’interrogation

Le point d’interrogation « ? » permet de marquer une interrogation. Comme le point d’exclamation, son usage doit être modéré.

Point virgule

Ce dernier sert à relier différentes idées au sein d’une phrase ; notez cependant qu’après un point virgule, il n’y a pas de majuscule !

Point de suspension

Le point de suspension « … » permet de dire que l’énoncé est incomplet. Il est extrêmement utile pour faire des sous-entendus…

Virgule

La virgule « , » permet de mettre une respiration dans une phrase, mais également d’isoler une proposition en vue de la mettre en évidence ou au contraire de connecter plusieurs propositions. Elle est également employée dans la construction d’énumérations. Il suffit d’une virgule pour changer le sens d’une phrase !

On mange, les enfants !

On mange les enfants !

Les tirets

Il existe trois types de tirets : les cadratins (—), les demi-cadratins (‒) et le trait d’union (-).

Historiquement, un tiret cadratin est la longueur du M dans les pièces métalliques d’impression. C’est donc une unité de référence dans la mesure typographique (le fameux em).

Il existe différents usages :

  • le tiret cadratin est utilisé pour marquer le changement de personnages dans un dialogue ou pour faire des incises ;
  • le tiret demi-cadratin est utilisé pour faire des listes ou des soustractions ;
  • le trait d’union est utilisé pour relier plusieurs mots : Trifouilli-les-bananes ;

Mais la distinction tend à disparaître et on utilise de moins en moins le tiret cadratin, pour le remplacer par le demi-cadratin.

Dans l’espace, personne ne vous entendra crier !

En typographie, espace est féminin !

On considère qu’il y a deux types d’espaces : celle qui est variable (qui sera coupée lors d’un retour à la ligne) et celle qui est insécable (qui ne sera pas coupée au retour à la ligne). Cette dernière est utilisée avant ou après certains signes de ponctuation (je ne vais pas rentrer dans des considérations comme l’espace insécable fine ou non, qui change selon les pays). Le tableau suivant résume l’emploie des espaces pour les différents signes de ponctuation.

Symbole typographique Une espace avant le signe une espace après le signe
non non
[ variable non
] non variable
: insécable variable
« variable insécable
» insécable variable
( variable non
) non variable
. non variable
! insécable variable
? insécable variable
; insécable variable
non variable
, non variable

  1. Enfin, parfois pas. Dans la Horde du Contrevent par exemple, Alain Damasio utilise la ponctuation pour décrire les différentes formes de vents.

Les majuscules

Pour les majuscules, vous pouvez retenir quelques règles simples :

  • la première lettre d’une phrase prend une majuscule ;
  • le contenu d’une parenthèse n’est pas une phrase, il ne prend donc pas de majuscule ;
  • ce qui suit les deux points ne prend pas de majuscule ;
  • les titres ne prennent qu’une majuscule au début (et pas tout le titre !) ;
  • les noms de famille ne s’écrivent pas entièrement en majuscules (mais vous pouvez écrire en petite capitale) ;
  • Si un nom commun est unique, il peut devenir un nom propre. Par exemple, la Bibliothèque nationale.

Le style de caractères

Gras/souligné/italique

Chaque type de présentation à un sens précis. Contrairement au papier, sur le web, on a tendance à laisser, par convention, le souligné pour les liens.

L’italique sert à montrer une différence : mot étranger (anglais, latin), emphase, nom d’une œuvre,… Le gras est quant à lui utilisé pour les titres et sous-titres. Toutefois, vous pouvez, mais ce n’est pas une obligation, utiliser le gras comme emphase forte. Sur Internet, les capitales équivalent à crier !

Afficher du code

Afin d’afficher du code informatique, il est intéressant d’utiliser une police à chasse fixe, comme Courrier new. En effet, en plus d’être nettement plus lisible, on identifie plus facilement un code par cette convention.


Je tiens à signaler la présence du logiciel (libre) Grammalecte. Disponible pour Firefox, Thunderbird, LibreOffice et même pour Vim et Emacs, il relèvera la plupart de vos coquilles !

Pour aller plus loin

Je vous laisse avec quelques références en tête :

France

Suisse

  • Guide du Typographe, AST ;
  • Ponctuation, Typoguide ;

Canada

  • Le Ramat de la typographie, Bureau de la traduction ;

Francophonie

16 commentaires

J’ai relevé quelques fautes d’orthographe :

on écrira pas pareillement –> on n’écrira pas pareillement

œusophage –> œsophage

quand elle rencontrât Citron. –> quand elle rencontra Citron.

Mise à part dans le cas d’une citation, elle n’est pas suivie d’une majuscule. –> Mis à part dans le cas d’une citation, ils ne sont pas suivis d’une majuscule.

Il est suivit –> Il est suivi

Le gras est quand à lui utilisé –> Le gras est quant à lui utilisé

En dehors de ça, c’est un article sympa.

Merci à tous ceux qui m’ont remonté les fautes ! Cet article est un vieux serpent de mer, j’ai ressorti des cartons, et depuis, heureusement, mon style s’est amélioré :-)

+1 -0

Combien trouve-t-on de lettres dans l’alphabet français ? 26 ? Perdu, c’est 42 ! Les voici :

C’est un sujet qui est comme souvent pour une langue historique plus complexe. En réalité considérer l’alphabet français de 26 ou de 42 signes sont valables. Car on a des indices sur le fait qu’en français les deux interprétations sont plausibles.

Déjà, l’ordre alphabétique. En français les lettres diacritiques (les accents) suivent toujours la lettre de base sans la diacritique. Les ligatures comme œ sont considérées comme équivalent à oe dans ce cadre aussi. Dans d’autres alphabets, ce n’est pas forcément le cas comme en finnois.

Dans l’enseignement, seul l’alphabet de 26 lettre y est enseigné, là encore cela tranche avec d’autres langues comme le finnois ou l’espagnol où certaines lettres avec diacritiques sont bien apprises en même temps aux jeunes enfants. Pour le français, tel qu’enseigné du moins, les signes diacritiques ne sont que des décorateurs des lettres de base et non des lettres à part entière.

Je pense que d’interpréter comme ceci le français est risqué avec l’incorporation des mots étrangers. Par exemple l’anglais utilise parfois des mots étrangers, dont du français, sans retirer les signes diacritiques des langues d’origine. Est-ce que la présence de ces symboles pour ces quelques mots justifie que ces lettres composent l’alphabet anglais ? J’en doute. Cet argument est valable pour toute langue bien évidemment.

Et je crois avoir oublié quelques arguments. En somme je peux comprendre le point de vue que l’alphabet français possède symboles, mais l’interprétation qu’il n’en a que me semble tout aussi valable. La question n’étant finalement qu’une affaire d’opinion.

+1 -0

C’est un sujet qui est comme souvent pour une langue historique plus complexe. En réalité considérer l’alphabet français de 26 ou de 42 signes sont valables. Car on a des indices sur le fait qu’en français les deux interprétations sont plausibles.

Renault

Il n’existe rien de décidé à ce sujet, au moins pour la langue telle qu’elle est actuellement ? (Vrai question, j’ai pas encore cherché.)

+0 -0

Il n’existe rien de décidé à ce sujet, au moins pour la langue telle qu’elle est actuellement ? (Vrai question, j’ai pas encore cherché.)

Globalement de toutes les recherches que j’avais pu faire sur le sujet, suivant les sources seules l’alphabet latin de base est considéré, parfois avec le reste.

Il faut dire que nous parlons de langues qui se sont formés et qui ont évolué plutôt spontanément, il n’y a pas eu un organisme pour créer le français de toute pièce. Donc quand tu essayes de classifier les éléments de la langue, il y aura toujours une partie arbitraire dans les décisions concernant celle-ci.

+1 -0

Clair, synthétique, facile à lire et à comprendre, un très bon résumé des bonnes pratiques usuelles. Pour la ponctuation, une astuce (indépendante du type de l’espace) : les symboles typographiques simples (le point, la virgule…) ne prennent pas d’espace avant et un après (sauf les parenthèses et les crochets), les signes doubles (deux points, point d’exclamation…) prennent une espace avant et après.

Salut,

Merci pour cet article !

Il semblerait que tu aies escampé deux des signes de ponctuations que tu listais initialement :

’[]:«»().!?;…—–,

Je parle en effet des deux tirets dont il n’est dit aucun mot par la suite…

germinolegrand

Oui, c’est une piste intéressante d’amélioration !

+0 -0

Article de qualité et plaisant à lire, merci @qwerty ! Je tiens à te dire que, quand même, tu chipotes un peu ! :p

jejeleterrible58

Oui, c’est le but de l’exercice : être rigoureux pour avoir un texte cohérent. Après, les règles peuvent tenir sur un a4, mais on peut écrire des livres de 1000 pages (histoire vraie).

+1 -0

Intéressant article, j’étais passé à côté… (c’est bien qu’il soit remonté!)

Moi aussi je vais faire mon pointilleux : quitte à parler de bas de casse pour les minuscules, autant parler de haut de casse en ce qui concerne les capitales, je pense cette "antonymie" est importante sur l’origine des termes.

le contenu d’une parenthèse n’est pas une phrase, il ne prend donc pas de majuscule ;

Un cas que je rencontre souvent quand j’écris : un point dans une expression entre parenthèses (comme ici. Je peux commencer une phrase à l’intérieur des parenthèses).

Je fais comme ça en général : majuscule après le point, et pas de point de fin de la dernière phrase (parfois il y en a plusieurs), mais ça parait bancal : si les premiers mots ne correspondent pas à une phrase, de quel droit les suivants ? Et s’il s’agit bien de phrases, pourquoi pas de point à la fin ?

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