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Retour d’expérience à un comité de pilotage d’Agenda 21

Quand c’est le peuple qui fait la loi

Comme dans toute production, il peut avoir des coquilles et des imperfections, des mauvaises formulations ou des informations erronées. Merci de le signaler, pour bonifier cette production.

Lorsque l’on parle de citoyenneté, on pense généralement à glisser un bulletin dans l’urne pour élire un représentant. Néanmoins, il y a des milliers d’autres manières de participer, au quotidien et d’agir. On peut par exemple participer à des manifestations : en battant le pavé, on peut s’exprimer pour ou contre telle ou telle décision du gouvernement. On peut aussi s’engager au sein d’associations, et agir au quotidien : distribution de nourriture à la soupe populaire, diffusion du savoir au sein de Zeste de Savoir… On peut aussi participer aux activités plus institutionnelles. Ainsi, vous pouvez participer aux réunions publiques, obligatoires lors d’études d’impacts (construction d’une autoroute ou d’un supermarché, installation de pylônes électriques). Les institutions publiques peuvent aussi demander en amont l’avis aux citoyens pour la constitution d’un projet. Vous me connaissez : quand on me demande mon avis, je le donne ! Il y avait aussi une motivation professionnelle : dans mes études, j’ai entendu parler (beaucoup) de ce genre de procédés, et il me semblait important d’aller sur le terrain pour mieux comprendre. J’ai donc la double casquette, celle du citoyen et du géographe.

J’ai donc participé au comité de pilotage (COPIL) de l’Agenda 21 de ma commune ! Je vais partager mon expérience, montrer les bons aspects, mais aussi les limites d’une certaine forme de démocratie participative locale. Bien entendu, il ne faut pas prendre pour argent comptant mon témoignage : je vous laisse libre de forger la vôtre en participant à ce genre de projets. La constitution des Agendas 21 change selon les contextes. Ainsi, j’avais étudié en cours celui du bassin potassique alsacien, et il y avait surtout des enjeux d’une région post-industrielle. Dans mon cas, il se trouve que ma commune est la première en termes de nombre d’exploitants agricole dans le département. Il y aura donc une forte connotation agricole, avec une population relativement aisée. C’est deux contextes différents, et donc deux enjeux différents.

L’Agenda 21, qu’est-ce que c’est ?

L’Agenda 21, c’est quoi ce truc ? L’Agenda 21, c’est un document qui découle de la conférence de Rio (1992), nommé Sommet de la Terre. Concrètement, c’est un document fixant les grandes lignes de la politique locale (dans une ville par exemple), en termes de développement durable. On retrouve dans ce document des actions concrètes, comme le développement d’un réseau de pistes cyclables.

Le logo du projet (enfin, pour ma commune)

Mais revenons aux bases. C’est quoi le développement durable ? Le développement durable, c’est, selon le rapport Brundtland, c’est « un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Dis autrement, on essaye de ne pas dévaliser le magasin, laissant nos enfants payer les pots cassés. Dans le développement durable, il y a aussi une idée de gouvernance, c’est-à-dire de gouverner en obtenant un certain consensus, pour avoir une certaine légitimité dans les décisions. En effet, on s’est aperçu qu’imposer des contraintes pouvait être mal pris, et que la pilule passait mieux si les citoyens étaient un minimum sollicités. Si on veut être plus critique, c’est une manière de dire « vous avez été consulté, donc maintenant on fait, pas la peine de râler », reprenant la devise latine vox populi vox dei.

Plusieurs acteurs ont participé à ce projet. Bien sûr, il y avait les élu·e·s, qui représentait les pouvoirs publics. À l’animation, on retrouve une CPIE (Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement), une association spécialisée dans le développement durable. On avait aussi des « experts » qui nous aidaient à l’animation et à la compréhension de certains concepts. Je pense notamment à un universitaire spécialisé dans la démocratie liquide. Finalement, on avait les citoyens, une soixantaine de personnes, ce qui n’est pas mal pour une ville de 12 000 habitants (un taux de participation de 0,5 %). Pour situer le contexte, il y avait déjà eu un précédent plan Agenda 21 : la mairie était donc rodée concernant les procédures et savait où elle mettait les pieds.

L’Agenda 21 n’est pas une lubie de ma commune. En effet, il y a un cadre institutionnel important. À l’échelle nationale, la France a rédigé en 2006 le cadre de référence pour les projets territoriaux de développement durable et Agendas 21 locaux, donnant six finalités :

  • la lutte contre le changement climatique ;
  • la préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources ;
  • la cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et les générations ;
  • l’épanouissement de tous les êtres humains ;
  • une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables ;

Néanmoins et pour faire simple, il y a eu un boom des Agendas 21 après les lois Grenelle (2008-2009), quand il y a eu une incitation par la puissance publique pour le développement durable.

Le déroulement du processus

Concrètement, la constitution de l’Agenda 21 passe par une série de réunions où le COPIL se réunit. Il y a ensuite constitution du document, qui sera voté au conseil municipal, et il y aura une réunion publique d’information pour informer l’ensemble des citoyens (et pas uniquement ceux qui ont participé à la rédaction) du document.

Quelques « règles » que l’on devait respecter pour réfléchir ensemble

La première réunion a servi à déterminer les enjeux du territoire, ainsi que ses points forts et points faibles. Concrètement, cela a permis de faire un état des lieux. Un certain nombre d’enjeux ont été identifiés. À titre d’exemple, un enjeu fort est la préservation des ressources communales, comme la forêt ou les espaces agricoles. Un point fort est la forte présence des circuits courts et de producteurs locaux, et un point faible est la faible production en agriculture biologique. Comme vous voyez, c’est une réflexion commune pour faire un état des lieux.

Pour être exhaustif, voici quelques éléments qui ont été soulignés :

  • les efforts communaux en faveur de l’environnement, comme la création de refuge LPO (pour les oiseaux), le fait de pas utiliser de pesticide dans les espaces communaux…
  • la présence de circuits courts (en lien avec les producteurs locaux) ;
  • la faiblesse des réseaux de transports et leur piètre qualité ;
  • la prédominance de la voiture ;
  • le manque de civisme de la part de certains habitants ;
  • l’agréable équilibre paysager et entre le développement urbain et les activités agricoles, ainsi que la préservation des espaces naturels ;

La mairie a ensuite proposé des visites de terrains. Ces visites ont permis de voir la morphologie urbaine (par exemple, des immeubles consommant peu d’énergie), les mobilités (comment on se déplace à vélo), l’agriculture (on visite des exploitations…). Cela nous a permis de mieux comprendre certains enjeux en interrogeant des acteurs, mais aussi en pratiquant. Par exemple, sur les mobilités, on peut se rendre compte de certaines frictions dans des lieux de passages : tel endroit est peu pratique à vélo.

Il y a une deuxième réunion où on réfléchit aux orientations générales. Dit autrement, sur quoi on veut mettre la priorité ? On comprend qu’il est impossible de tout faire, il faut donc fixer des grands axes. On a réfléchi à ce qui peut nous sembler prioritaires de faire. Un axe qui est ressorti était le renforcement des liens sociaux et l’entraide intergénérationnelle. Les grandes directions étaient le développement de l’énergie durable, favoriser les mobilités durables, un axe communication/échange de savoirs, renforcement des liens sociaux, développement de l’économie sociale et solidaire, l’équilibre agricole/urbain/espaces naturels (ce qui semble être un point ultra-sensible chez les habitants).

Cela a donné lieu à une troisième réunion : que faire comme actions pour atteindre ces objectifs. Il y a eu une valse d’idées. Par exemple, dans l’orientation visant à faciliter l’information au public, il a été proposé une application ordiphone. Il a été rédigé une sorte de mini-cahier des charges des fonctionnalités. En parallèle, il y a eu une réunion entre les élu·e·s et les technicien·ne·s pour définir des besoins internes (comme mutualiser les bases de données de diffusion). Il y avait des suggestions plus ou moins farfelues : création d’un tramway pour le plus improbable. On avait aussi, plus sérieusement, une action pour inciter les commerçants à éteindre la nuit leur commerce, isoler les bâtiments communaux, sensibiliser les enfants aux économies d’énergie, développer un centre-ville piéton, créer un local à vélo, développer le télétravail pour les services communaux, améliorer le site web de la commune, faire des bibliothèques de rue, faire des activités intergénérationnelles entre la maison de retraite et l’école primaire, créer un atelier de réparation de matériel, soutenir la monnaie locale, créer des poulaillers collectifs, produire du bois en circuit court (il y a une filière bois), subventionner l’agriculture biologique, faire des siestes dans les parcs communaux… des idées à foison !

Il eut finalement une série de réunions pour prioriser les différentes actions en les classant, éliminant ceux irréalisables. Lors de la dernière réunion, j’ai même pu animer un atelier ! Il consistait à réfléchir à la mise en place d’actions citoyennes, c’est-à-dire ce que pouvait faire le citoyen pour mettre en place l’Agenda 21, et ce, indépendamment de la mairie. Par exemple, il a été proposé de mettre en place des bibliothèques de rue : où les mettre ? Quelles contraintes légales ?

Déroulement (de mémoire) de l’élaboration, Qwerty, 2017

Et ensuite ? Le rôle du COPIL s’arrête ici. L’Agenda 21 sera rédigé puis voté au conseil municipal. Une réunion publique d’information aura lieu pour informer l’ensemble de la population. De plus, il y aura des actions d’information à une manifestation organisée par la ville, pour interpeller les badauds.

L’expérience de la démocratie liquide : un flop ?

Loomio, permettant d’expérimenter la démocratie liquide

En plus du processus relativement « classique » de l’Agenda 21, il eut une expérimentation de démocratie liquide. Pour faire simple, la démocratie liquide, c’est quand vous définissez un délégué pour prendre une décision, délégué qui change selon la décision, en opposition à une démocratie représentative où un représentant vous représente pour toutes les décisions. Ça, c’était ce qui était marqué sur le prospectus de la communication. Dans les faits, c’était traduit par l’ouverture d’une plateforme Loomio, où chacun pouvait proposer quelque chose.

Dans les faits, j’ai dû être une des personnes à avoir le plus participé à la plateforme. En discutant avec d’autres personnes, il semble que la complexité relative de l’outil informatique aurait pu constituer une barrière. On voit ici une des principales limites à la numérisation : on met de côté des personnes peu à l’aise avec l’informatique, alors qu’elles peuvent apporter des choses intéressantes. Ça a fini en réunion informelle hors clavier, autour d’un verre, pour discuter.


C’est au final une belle expérience, qui pourra être valorisée sur un CV. Cela m’a permis de m’impliquer dans la vie communale, et de rencontrer des personnes que je n’aurais pas connues autrement. De plus, cela m’a permis, par l’expérimentation, de voir les limites de certaines pratiques, et donc de réfléchir à des moyens d’améliorations. C’est une expérience que je conseille à tous, ne serait-ce pour tenter de changer le rapport de force entre représentant·e·s et le peuple lui-même. Pour finir, je voudrais vous donner ce conseil : reprenez le pouvoir quand vous avez l’occasion, personne ne vous le donnera de gaîté de cœur. La démocratie s’est construite sur des luttes, grandes ou petites.

5 commentaires

Merci pour ce résumé ! Ça me donne presque envie de voir s’il n’y en a pas autour de chez moi.

J’aurais cependant aimé une description un peu plus précise du climat, de l’ambiance de ces réunions : enfin, tu l’as déjà un peu fait dans ta deuxième partie :) .

+0 -0

Merci pour ce résumé ! Ça me donne presque envie de voir s’il n’y en a pas autour de chez moi.

J’aurais cependant aimé une description un peu plus précise du climat, de l’ambiance de ces réunions : enfin, tu l’as déjà un peu fait dans ta deuxième partie :) .

Dwayn

Convivial, les gens avaient envie de participer !

+3 -0

Merci, très intéressant !

Petites fautes à la lecture (y a-t-il un meilleur endroit pour les signaler ?) :

sans rien laisser nos enfants payer les pots cassés

Sans rien laisser à nos enfants, ou sans les laisser payer les pots cassés, il faut choisir ;-)

on met de côté des personnes peu à l’aise avec l’informatique, alors qu’ils peuvent apporter des choses intéressantes

alors qu’elles

Au final, c’est fini

Ça a fini.

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