Au cœur des phénomènes rares : lumière et atmosphère

Lumière et atmosphère

La pluie, la neige, les nuages, les marées… Ces phénomènes naturels nous sont si familiers qu’ils peuvent parfois nous sembler banals. Dans ce premier article d’une série dédiée aux phénomènes rares sur Terre, je vous propose de partir à la découverte de sept phénomènes liés à la lumière et à l’atmosphère.

Alors que vous soyez curieux, que vous cherchiez à vous changer les idées ou à vous émerveiller, vous êtes au bon endroit !

Bonne lecture.

Les arcs-en-ciel lunaires

Un arc-en-ciel lunaire, bon… c’est vraiment juste un arc-en-ciel normal mais avec de la lumière qui vient de la lune (donc principalement du soleil réfléchit sur la lune, qui n’émet pas de lumière).

Ça reste un phénomène rare, et beau !

Arcs-en-ciel lunaire
Crédit photo Ron Currens

J’en profite pour rappeler comment fonctionne un arc-en-ciel.

Quand la lumière du Soleil entre dans une goutte d’eau en suspension (ce qui arrive généralement après la pluie), elle est réfractée (déviée), puis réfléchie à l’intérieur de la goutte, avant de ressortir en étant réfractée à nouveau.

Chaque couleur correspond à une longueur d’onde différente, et ces longueurs d’onde ne sont pas déviées sous le même angle :

  • Le rouge est dévié d’environ 42°
  • Le violet est dévié d’environ 40°
  • Les autres couleurs (orange, jaune, vert, bleu, indigo) sont réparties entre ces deux valeurs.

Cela signifie que, pour un observateur donné, toutes les gouttes situées sous un angle de 42° envoient du rouge vers ses yeux, celles sous 41° envoient du jaune, celles sous 40° envoient du violet, etc.

Ainsi, l’observateur perçoit un arc coloré, car il ne voit qu’une seule couleur par goutte, en fonction de son emplacement. Et si l’horizon ne cachait pas le bas de l’arc, un arc-en-ciel serait en réalité un cercle complet !

Fonctionnement arc-en-ciel
Source : Rebecca McDowell

Si vous voulez une explication plus complète, je vous réfère à l’excellente vidéo de Science étonnante1 pour aller davantage dans les détails !

Les arcs circumhorizontaux

Arc circumhorizontal small
Crédit photo Jxharley - Own work, CC BY-SA 4.0.

Un peu barbare comme nom, arc circumhorizontal, non ? C’est ce magnifique arc-en-ciel qui semble flotter dans les nuages. Décomposons-le :

  • Arc : pour la courbure qu’il forme
  • Circum : du latin circum, signifiant "autour"
  • Horizontal : parce qu’il est parallèle à l’horizon (et oui !)

Pour l’observer, il faut des nuages cirrus, ces filaments blanchâtres présents dans la haute troposphère (entre 5 000 et 14 000 mètres d’altitude), constitués exclusivement de cristaux de glace. Les traînées de condensation des avions en sont un exemple !2

L’arc circumhorizontal est encore plus coloré qu’un arc-en-ciel classique. Il apparaît lorsque la lumière du Soleil traverse ces cristaux de glace en forme de plaques hexagonales, qui agissent comme de minuscules prismes. Lorsque les rayons lumineux entrent par une face de ces cristaux et ressortent par une autre, ils sont réfractés (voir section précédente pour l’explication). Pour que l’effet soit visible, l’angle de réfraction doit être optimal, ce qui ne se produit que si le Soleil est suffisamment haut dans le ciel.

Plus précisément, pour qu’il se forme, le Soleil doit être à une élévation d’au moins 58° au-dessus de l’horizon, ce qui limite son observation aux régions situées sous des latitudes comprises entre 55° nord et 55° sud. Autrement dit, il est possible d’en voir en été en Europe du Sud, aux États-Unis, en Inde ou encore en Australie, mais jamais en Scandinavie ou au Canada !1


  1. Arc circumhorizontal (Organisation Météorologique Mondiale)
  2. Astronomy Picture of the Day (NASA)

Les feux de Saint-Elme

Connus depuis l’Antiquité1, les marins et les voyageurs ont été fascinés par un phénomène lumineux mystérieux qui apparaît parfois sur les mâts des navires ou les sommets des clochers : les feux de Saint-Elme. Contrairement à ce que leur nom pourrait suggérer, ces "feux" ne brûlent pas, mais illuminent l’air de lueurs bleutées ou violettes. Ce spectacle naturel, bien que spectaculaire, est en réalité un phénomène électrique inoffensif.

Feu de Saint-Elme
Feu de Saint-Elme depuis un cockpit d’avion. Crédit photo Luis Andress / SWNS

Dans la nature, les électrons et les protons suivent des lois fondamentales d’attraction et de répulsion : les charges similaires se repoussent, tandis que les charges opposées s’attirent. Lors d’un orage, l’air est rempli de charges électriques. Ces charges créent un champ électrique, une zone d’influence autour d’un objet chargé. C’est le même principe que les lampes à plasma : lorsque vous approchez votre doigt du globe, l’électricité suit la trajectoire jusqu’à vous, illuminant les filaments à l’intérieur.

Lors d’un orage, les charges électriques dans l’atmosphère créent un champ électrique intense, particulièrement fort autour des objets pointus (mâts, clochers…). À ces endroits, le champ devient assez puissant pour arracher des électrons aux molécules de l’air, les transformant en ions. Ce processus, appelé ionisation, génère un plasma : un état de la matière où coexistent électrons libres et ions chargés.

Lorsque ce plasma se forme, il émet de la lumière, produisant les lueurs caractéristiques des feux de Saint-Elme. Un exemple concret est lorsque vous voyez une étincelle bleue en touchant une poignée de porte après avoir marché sur un tapis : c’est une petite décharge électrique qui ionise l’air, créant un plasma lumineux.

Le nom "feu de Saint-Elme" provient de Saint-Elme (ou Saint-Erasme), le saint patron des marins. Les marins observaient ces lueurs en haut des mâts de leurs navires et les considéraient comme un signe de protection divine. Ce phénomène était particulièrement réconfortant en période de tempête, où la mer pouvait être imprévisible et dangereuse.

Feu de Saint-Elme - MCO
Source : Les Mystérieuses Cités d’Or

Notre air est principalement composé de 78 % de diazote (N₂) et de 21 % de dioxygène (O₂). Lorsque ces molécules sont ionisées, elles émettent une lumière violette caractéristique. Contrairement aux représentations populaires dans des œuvres comme Tintin (où les feux sont jaunes et verts) ou Les Mystérieuses Cités d’Or (où ils sont blancs), les véritables feux de Saint-Elme apparaissent généralement sous une teinte violette.

Les nuages noctulescents

Nuage noctulescent
Crédit photo Gofororbit

Aussi appelés nuages polaires, les nuages noctulescents (du latin noctilucent, « qui brille dans la nuit ») sont des nuages très peu denses situés dans la mésosphère, à plus de 75 km d’altitude. Pour comparaison, la mésosphère s’étend de 50 à 90 km, bien au-dessus des nuages classiques, qui se forment généralement en dessous de 12 km.

Extrêmement froids (-120 °C, tout de même !), ces nuages se forment entre 45°N et 80°N, soit de Grenoble jusqu’au nord du Groenland, ainsi qu’à des latitudes équivalentes dans l’hémisphère sud, sous le Chili par exemple1. À ces températures glaciales, ils sont constitués de minuscules cristaux de glace. Leur teinte bleuâtre ou argentée n’est visible que rarement et qu’en été, lorsque la mésosphère atteint ses températures les plus basses3.

Les nuages noctulescents semblent également être des indicateurs sensibles des changements dans la haute atmosphère2, notamment en raison de leur lien avec la vapeur d’eau et le méthane. Leur observation constitue ainsi un précieux outil d’étude pour les chercheurs.


  1. Noctilucent clouds (Met Office)
  2. Noctilucent clouds as possible indicators of global change in the mesosphere (G.E. Thomas et J. Olivero, 2001)
  3. Nuages nocturnes lumineux (Organization Météorologique Mondiale)

Les rayons verts

Green flash
Crédit photo Jim Grant

Phénomène aussi fugace que spectaculaire, le rayon vert ne dure que quelques secondes et n’apparaît qu’en de rares occasions, juste au lever ou au coucher du Soleil. Il se manifeste sous la forme d’un bref éclat vert au sommet du Soleil, juste avant que celui-ci ne disparaisse sous l’horizon ou au moment où il commence à émerger.

Alors, comment ça marche ? Rappelons que l’atmosphère agit comme un prisme naturel qui décompose la lumière blanche du Soleil en un spectre de couleurs, comme dans un arc-en-ciel. Plus le Soleil est bas sur l’horizon, plus la lumière traverse une épaisseur d’air importante et plus cet effet devient perceptible. Les couleurs de grande longueur d’onde (rouge et orange) sont peu déviées, tandis que les couleurs de courte longueur d’onde (bleu et violet) sont fortement réfractées.

En théorie, on pourrait voir un dégradé allant du rouge en bas au bleu en haut. Mais en pratique, le bleu est souvent dispersé et absorbé par l’atmosphère avant d’atteindre nos yeux. Ce qui reste visible en dernier est alors le vert, d’où l’apparition de ce bref rayon lumineux1.

Rayon vert
Crédit photo Pierre Thomas1

L’atmosphère, en plus de réfracter la lumière, diffuse aussi fortement les couleurs courtes (bleu et violet), un phénomène connu sous le nom de diffusion de Rayleigh. C’est ce qui rend le ciel bleu en journée. Mais lorsque la lumière solaire traverse une épaisseur d’air importante, comme au coucher du Soleil, le bleu est dispersé dans toutes les directions et ne nous atteint plus directement, laissant place au vert.

Dans des conditions atmosphériques particulièrement pures et avec un horizon parfaitement dégagé (comme en haute montagne ou au-dessus de l’océan), il est même possible d’apercevoir un rayon bleu, encore plus rare. La stabilité de l’air joue aussi un rôle : une atmosphère turbulente réduit les chances d’apercevoir le phénomène.

À noter : cela arrive parfois avec la lune également !

L’apparition des rayons verts est rare, mais elle a inspiré bien des légendes et récits, notamment dans Pirates des Caraïbes 3 ou encore Le Rayon vert de Jules Verne, qui lui attribuait un pouvoir mystique : celui de clarifier les sentiments de ceux qui l’aperçoivent.

Les éclairs en boule

Ball Lightning
Crédit photo Storm Wolf / Flickr, CC BY-ND 2.0

La boule de feu des Sept boules de cristal, ça vous parle ? Et bien ça existe vraiment et c’est beaucoup trop stylé pour ne pas en parler (mes excuses à l’équipe édito pour l’expression) !

Les éclairs en boule sont un phénomène naturel extrêmement rare où une boule lumineuse de 20 à 40 centimètres de diamètre apparaît soudainement lors d’un orage, souvent après un éclair3. Elle peut être jaune, orange rouge, bleue, verte ou blanche, accompagnée de crépitements ou de sifflements, et dure entre une et cinq secondes, se déplaçant horizontalement à quelques mètres par seconde.

Selon une théorie scientifique publiée dans Nature1, ils se forment lorsqu’un éclair frappe le sol, accélérant des électrons qui créent une bulle de plasma maintenue par des micro-ondes. Cette bulle peut traverser des objets solides et apparaître même à l’intérieur des avions2 ! Une autre théorie2 suggère que les éclairs en boule pourraient être des "nœuds électromagnétiques", où les champs électriques et magnétiques s’entremêlent pour former une structure stable.

Bref, on ne sait toujours pas complètement les expliquer, donc jusqu’à preuve du contraire je peux les générer avec mon esprit.

Instabilités de Kelvin-Helmholtz

Nuages de Kelvin-Helmholtz
Une instabilité de Kelvin-Helmholtz dans le Wyoming. Crédit photo Rachel Gordon

Les nuages de Kelvin-Helmholtz sont un phénomène naturel fascinant et relativement rare qui se produit lorsque deux couches d’air superposées se déplacent à des vitesses différentes. Cette différence crée une instabilité due au cisaillement du vent, entraînant la formation de vagues atmosphériques. Imaginez deux courants d’air, l’un au-dessus de l’autre, qui glissent à des vitesses différentes : à leur frontière, des ondulations apparaissent, un peu comme les vagues à la surface de l’eau lorsque le vent souffle fort. Ces vagues dans le ciel sont les instabilités de Kelvin-Helmholtz1 !

Les nuages de Kelvin-Helmholtz sont souvent visibles lorsque le ciel est dégagé et que les conditions sont parfaites pour observer ces vagues dans les nuages. Ils ressemblent à des rouleaux ou des vagues ondulantes et peuvent s’étendre sur de grandes distances. C’est un spectacle impressionnant à voir, surtout quand on sait que ces formes sont créées par des forces invisibles dans l’atmosphère.

L’étude de ces nuages permet aux météorologues de mieux comprendre les mouvements de l’air et les turbulences, contribuant ainsi à affiner les prévisions météorologiques et la compréhension des dynamiques atmosphériques.


C’est tout pour ce premier article sur les phénomènes rares ! J’espère qu’il aura été instructif et vous aura donné l’envie de regarder un peu plus dehors.

Ne manquez pas le prochain article de cette série, intitulé Au cœur des phénomènes rares : géophysique et océan !

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3 commentaires

Article cool. J’aurais bien vu une note sur les halos (similaires aux arcs circumhorizontaux, mais quand l’astre est au dessus de notre tête), la différence avec les nuages irisés et une autre note sur les « Morning Glory ».

J’aurais adoré une partie sur les tornades (et trombes) aussi.

Bien-sûr, on ne peut pas parler de tout.

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