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Vis ma vie: le doctorat

Ou j'explique comment ça se passe pour moi et pour les autres

Même si j’en avais déjà touché un mot dans mon interview, voilà deux ans que je poursuis un doctorat. Et comme c’est un monde que tout le monde ne connaît pas forcément, je vous offre une petite visite guidée. Au programme ? L’avant, le pendant et l’après. Je vais un peu parler de ce que je fais, mais surtout de comment ça fonctionne en tentant de rester général. Et c’est parti. ;)

Disclamer: j’effectue un doctorat en chimie, donc peux être que certaines choses ne s’appliquent pas à tout les doctorats (je n’ai qu’une vague idée de comment ça se passe en science humaine, par exemple). Par ailleurs, je suis doctorant en Belgique, et certaines choses varient légèrement d’un pays à l’autre. Je vais faire assez bien de référence à la situation de mes voisins français, mais c’est basé sur les discussions que j’ai pu avoir avec eux, faites-vous un plaisir de me corriger si nécessaire.

L'avant: qui veux bien me payer ?

Oncle picsou
Objectif financement !

Les raisons qui poussent à faire un doctorat peuvent être multiples. Un premier prérequis est tout de même de ne pas avoir trop été dégoûté de la recherche durant le mémoire généralement fraîchement présenté (même si certaines personnes font un doctorat après plusieurs années). Le second, c’est de trouver un promoteur qui accepte de vous encadrer (et qui dès lors, propose généralement un sujet de thèse en adéquation avec la politique du laboratoire dans lequel vous tombez, même si tout est possible). Et le troisième, c’est le nerf de la guerre, donc bien entendu l’argent.

Et ça me chagrine de commencer par là, mais c’est une dure réalité: un doctorat n’est pas gratuit. Déjà, il faut être payé pour pouvoir à minima se nourrir et se loger (les études universitaires sont déjà bien assez longues comme ça sans devoir en plus rajouter du temps à ne pas être payé et vivre aux dépens de papa-maman). Ensuite, et ça dépend de la discipline, mais il faut souvent acheter du matériel ou des livres (et des produits, quand vous êtes expérimentateur), et il est dans l’ordre des choses que le doctorant participe aux frais (souvent pas directement, heureusement). Finalement, il faut financer les déplacements (voir plus bas).

Au niveau du salaire, je n’ai pas trop à me plaindre. Je suis incapable de trouver une étude sérieuse comparant le salaire des doctorants européens ou dans le monde, mais j’ai cru comprendre que mes collègues français étaient relativement mal payés en comparaison (je compatis sincèrement, d’ailleurs). De plus, balancer des chiffres est toujours dangereux puisque le coût de la vie1 entre en ligne de compte (par exemple, dans les pays nordiques, c’est complètement abusé).

Or, les financements, ça ne se trouve pas sous le sabot d’un promoteur, tant s’en faut. Dès lors, il existe différentes sources de financements possibles:

  • Le doctorat en collaboration avec une entreprise. Je connais au final assez peu cette option, mais elle existe et est relativement courante. Bien entendu, l’entreprise ne le fait pas par pureté d’esprit, et s’attend à des "retours sur investissement". Ça implique souvent des clauses de confidentialités, des brevets potentiels, et des sujets avec une orientation très "pratiques". Bref, quelques années de recherche et développement.
  • Les financements "publics": insérez ici tout ce que compte votre pays d’origine ou de destination d’institutions publiques, en plus de l’Union européenne si ça s’applique à votre cas. En Belgique, on a par exemple le FNRS (l’équivalent du CNRS en France). Ces institutions possèdent de l’argent à investir, et les financements s’obtiennent via des concours (par exemple le FRIA ou le FRESH en Belgique) ou des appels à projets. Ça implique donc d’avoir un projet bien ficelé et de ne pas avoir peur de devoir le défendre. C’est assez stressant. Les sources de ces financements sont multiples. En Belgique, une partie de l’argent provient par exemple de la Loterie Nationale (organisme de gestion des jeux de hasard en Belgique) ou de téléthons (un des plus connu et me touchant à peu près directement est nommé le Télévie et est organisé pour aider la recherche contre le cancer et la leucémie).
  • L’assistanat2: petite particularité belge, et l’option que j’ai choisie. J’accepte d’utiliser 50% (théoriquement) de mon temps à enseigner (ou préparer mes cours, ou surveiller des examens) et en échange, l’université accepte de me payer mon doctorat (et me donne deux ans de plus pour réaliser mon doctorat alors que la durée normale en Belgique est de quatre ans). Un bon deal pour qui aime enseigner, donc, parce qu’en échange, le sujet de thèse est à peu près libre (tant qu’il n’est pas extravagant). Bien entendu, le nombre de places est limité, puisqu’un professeur n’a théoriquement qu’un seul assistant. Dans d’autres pays où cette option n’existe pas, les doctorants sont parfois obligés de donner des heures de cours (ça fait partie de leur contrat) ou elles leur sont proposées comme complément (comme en France ?). Le nombre d’heures est alors bien inférieur au mien (il est écrit quelque part que je dois faire 250 heures de cours par an, ce qui est à peu près le cas).

Bon, une fois l’argent trouvé (en général, les appels de postes se font avec un financement déjà disponible, donc le doctorant n’a pas à chercher lui-même son financement), la partie fun peut enfin commencer :pirate:


  1. Le prix du logement est probablement la plus grosse partie du budget du doctorant, et c’est très variable d’un pays (et d’une ville) à l’autre. 

  2. Notez que dans certains pays, le terme teacher’s assistant ne désigne pas cette situation. 

Le pendant: la recherche et ce qui va avec

Que fait un doctorant ? Il boit du café cherche, bien entendu.

The research cycle
Le cycle de la recherche, par le plus qu’excellent PhD Comics. En français dans le texte: "Lire, écrire, rincer, recommencer".

Chercher et trouver

J’ai parlé plus haut de projet de recherche. Au départ, ce n’est qu’un bout de papier plutôt vague, avec des deadlines qui ne seront jamais respectées (réaliste), dont la moitié des choses ne sera pas faite par manque de temps (véridique) et basé sur des "résultats prometteurs" dans un "domaine en pleine explosion" (lol) avec des "applications concrètes" (même s’il faudra encore 10 ans en pratique et une armée d’ingénieurs pour arriver à quelque chose). Bref, un projet de recherche, ça vend du rêve par paquets de douze. Et il faut mettre ça en pratique.

Et là, y’a pas de secret, il faut d’abord aller voir ce que les copains avant toi on fait. C’est-à-dire se plonger dans la fameuse "littérature scientifique". C’est un endroit génial ou tout ce que l’humanité à pu produire de résultats sur ton domaine de recherche se trouve. Enfin, à condition que ton institution aie payé les droits d’accès aux différents journaux scientifiques1, et que les publications ne soient pas trop anciennes2 (parfois, il faut aller à la bibliothèque, mais avec internet, ça devient rare). En général, à moins d’avoir de la chance et de tomber sur un livre, le résultat de cette recherche prend la forme d’articles scientifiques de 2 à … beaucoup de pages. Et bien entendu, il ne suffit pas d’en lire qu’un, car il fait références "aux découvertes de xxx", "à la théorie de yyy reformulée par zzz" et "en parallèle des travaux de aaaa, bbbb et cccc", ou toutes ses phrases pointent sur autant d’articles scientifiques différents. Et ça s’accumule.

Littérature scientifique
Image par @buddedited, décrivant de manière relativement réaliste comment peut se passer une recherche bibliographique. Mention spéciale à "cet article est en allemand" (qui est courant en chimie, même si je ne parle pas un mot d’allemand).

Plus sérieusement, la bibliographie, c’est pas marrant (du tout) mais c’est nécessaire. Pour ne pas réinventer la roue, par exemple, puis pour savoir ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Et les articles s’accumulent en général en pile sur le bureau (moi, je préfère lire du papier), et ça prend des semaines pour en faire le tour (en général, pour comprendre un article, il faut plusieurs heures ou jours). Et on apprend plein de choses pour la suite. :)

Puis, il faut faire des recherches à proprement parler, et donc mettre en application la fameuse méthode scientifique:

Source: Wikipédia

Je ne vais pas rentrer dans le détail ici (je le ferais un tout petit peu me concernant juste en dessous), mais le terme "expérience" renferme évidemment plein de choses (de l’observation ou de la mesure sur "le terrain" à la simulation sur ordinateur, en passant par les tests papier-crayon, in vitro, in vivo, etc). Bien entendu, tout ça ne va pas sans une certaine rigueur scientifique, qui consiste par exemple à faire de la statistique correctement, à tester les limites de ses hypothèses, à oser des approximations et des généralisations tout en les justifiant correctement, à effectuer des optimisations (il s’agit de modifier les paramètres d’un protocole expérimental, encore une fois tel qu’il soit, afin d’être le plus "efficace" possible), et autres.

Régression linéaire
Je ne pouvais pas faire un truc sur la science sans mettre un XCD… XDK… XKCD ;)

Il arrive donc à un doctorant d’effectuer la même expérience plusieurs fois (véridique3). Il arrive que cette expérience échoue (bon, même si ce n’est pas marrant, un échec est un résultat en soi). Il arrive qu’on fasse fausse route (véridique). Il arrive qu’une hypothèse soit fausse (véridique). N’oublions pas qu’après tout, on ne peut pas tordre les lois de l’univers à sa façon, parce que dans ce genre de bataille, c’est toujours l’univers qui gagne. Il arrive que l’expérience fonctionne, aussi, de temps à autre. Que les résultats affluent et soient cohérents entre eux (ou pas tout à fait, mais il faut bien une exception pour confirmer la règle), qu’une hypothèse se dégage et qu’on puisse enfin passer à la suite. ;)

Boire du café

On rigole, on rigole, mais on fait plein de rencontres intéressantes à la machine à café. D’ailleurs, je mets au défi quelqu’un d’être productif 4 heures d’affilée. Oh, et on peut boire du thé, aussi.

Communiquer ses résultats

Troisième partie du job: la communication. Qui, académiquement, peut plus ou moins prendre deux formes: la communication orale et la publication. Le but du jeu, c’est de partager ces découvertes avec le monde scientifique.

Les communications orales, c’est entre autres le classique Powerpoint à présenter devant plus ou moins de monde (qui en a plus ou moins quelque chose à faire) avec une séance de questions après, ce qu’on appelle un talk. C’est AFFREUSEMENT stressant, pour plein de raisons: il faut captiver le public, il faut parler correctement (souvent en anglais, et avec le stress, c’est jamais drôle), il ne faut pas aller trop vite, il ne faut pas aller trop doucement, il ne faut pas faire une présentation trop chargée ou trop longue, il faut avoir des questions après (bon, le chairman4 est censé toujours en avoir une de réserve), il faut comprendre la question et savoir y répondre … C’est bien entendu pareil pour toute présentation orale, mais voilà, je trouve ça stressant quand même :p

Il existe cependant une seconde forme de communication orale, c’est le poster: pour ceux qui n’ont pas la "chance" de pouvoir présenter un talk, il y a des sessions posters qui sont organisés, ou il s’agit de résumer son travail sur un poster au format ArchE (proche, mais pas exactement pareil, du format A0), et d’attendre qu’une personne intéressée vienne demander à ce qu’on présente le travail ou vienne poser des questions. Comme ça se fait en plus petit comité, c’est moins stressant, et encore une fois, ça permet de rencontrer des gens. Quand il y a des gens ^^

L'attente devant le poster
Votre serviteur en chair et en os, qui attend que quelqu’un vienne lui poser une question (bon, en vrai, cette fois-là, j’ai eu des échanges assez intéressants).

Ces communications orales se font lors de congrès (symposium, rassemblement, conférence …), ou on rassemble plusieurs scientifiques sur un thème plus ou moins précis (les conférences "générales" étant les plus complexes, parce qu’il est difficile de comprendre ou d’être compris par tout le monde, surtout sur des domaines pointus). Ces conférences ont très souvent lieu à l’étranger, et ceci explique une partie du cout d’un doctorat. En effet, ces conférences sont l’occasion de faire un peu de réseautage (je préfère networking), de discuter d’éventuelles collaborations (bon, ça, c’est surtout pour les promoteurs), de rencontrer des amis ou de discuter avec les auteurs d’une publication qu’on a récemment lue (très utile quand c’est le cas), et de voir ce qui se fait ailleurs. C’est donc un moment très important dans la vie d’un doctorant. Et parfois, ça donne l’occasion de visiter des endroits sympas en même temps5.

Et puis il y a la publication. Le Saint-Graal du chercheur, qui est prié d’en produire au moins une sur tout son doctorat (en tout cas, c’est noté dans mon règlement doctoral, ça peut changer d’un règlement à l’autre). Il s’agit donc de présenter ces résultats pour que le monde entier puisse les lire et les utiliser si nécessaire (voir plus haut). Bien sûr, on ne publie pas n’importe quoi, et l’article passe d’abord par le peer-review. Le principe est simple: une fois le manuscrit près, il est soumis à un journal scientifique. Ce journal est plus ou moins thématisé et possède un certain facteur d’impact (voir plus loin). Une fois le manuscrit reçu par l’éditeur du journal, il est envoyé à plusieurs scientifiques (au minimum deux) compétents dans le domaine (les peers ou reviewers) qui sont chargés de le relire, et de faire des remarques ou des suggestions6, qui sont transmis à l’auteur (de manière anonyme, donc on ne sait pas qui sont ces reviewers) avec une mention qui peut aller de "accepté" à "rejeté" en passant par "révision mineure/majeure". Dans ce dernier cas, l’auteur est prié de proposer une seconde version en tenant compte (ou pas) des remarques des reviewers, et c’est alors à l’éditeur de juger s’il accepte alors cette seconde version. Quand c’est le cas, c’est la fête (littéralement, parce que ce n’est pas une procédure facile), et le manuscrit est alors accepté et "en attente de publication" (certains journaux scientifiques sortent encore en format papier, et le manuscrit se trouvera donc dans l’édition suivante, quand d’autres publient les articles sur internet).

Pour ceux qui n’aurait jamais eu l’occasion de lire un article scientifique, voilà un peu à quoi ça peut ressembler:

Un article de journal
C’est de l’humour, hein ;) (en plus, en vrai, j’étais pas tout seul à l’écrire, celui-là, mais ça fait quand même du bien à l’égo).

Bon, il y a un but derrière. On résume souvent la vie académique par la phrase publish or perish, et c’est malheureusement vrai. Sur le CV, ça fait "bien" d’avoir publié plusieurs fois dans des journaux de qualités. Ce qui fait bien aussi, c’est d’avoir été souvent cité, car ça signifie que beaucoup de gens ont lu vos articles et les ont trouvé intéressants. C’est symbolisé par le "fameux7" h-index, qui mesure en gros le nombre de fois que l’ensemble des publications d’un chercheur ont été citées en moyenne. Avoir un h-index, élevé, ça fait bien sur le CV. Évidement, c’est un cercle vicieux, car pour être cité, il faut être lu, et donc publier dans des journaux scientifiques très lus, ou autrement dit "à haut facteur d’impact", le facteur d’impact étant la moyenne du nombre de fois qu’un article publié dans un journal donné est cité. C’est en fait ces journaux à haut facteur d’impact que le public connaît généralement. Vous pouvez trouver par exemple une liste ici, ou on retrouve par exemple le Lancet (journal de médecine), ou les fameux Nature, Science ou Cells, dont je suis certain que vous avez déjà entendu les noms8.

Une publication, c’est donc aussi un choix stratégique. Ce n’est vraiment pas un aspect marrant de la recherche, mais voilà, c’est comme ça que ça fonctionne, et malheureusement, il faut jouer le jeu. Ce n’est clairement pas la partie qui m’enchante le plus, mais encore une fois, ça fait plaisir de voir plusieurs mois (voir plusieurs années, pour certains) de travail concrétisés par une publication. Vraiment ^^

Boire du café

On en parle pas assez, je trouve.

Avoir cours

Keuuuuuwa ? Les doctorants on encore cours ? Je croyais que c’était fini les études !

Nan ;)

Doctorant, en anglais, se traduit par PhD student. On reste donc encore des étudiants9, avec un programme d’étude. En Belgique, j’ai 60 crédits à réaliser durant mon doctorat, et une publication, participation à une conférence ou encadrement d’un étudiant compte pour un certain nombre de crédits. Mais je peux (et je dois) aussi aller suivre des cours de master (par exemple aller suivre un cours en physique, parce que je ne l’ai pas eu durant ma formation en chimie). Il existe aussi des possibilités d’écoles doctorales, donc une semaine de cours réservés au doctorant (et organisé littéralement au milieu de nulle part) sur des sujets donnés, et qui comptent aussi pour des crédits.

Dans le même ordre d’idée, il arrive également d’encadrer des mémorants pour leur sujet de mémoire (ou des stagiaires). En général, c’est des sujets en rapport avec la thèse qui est en train d’être réalisée par le doctorant (et qui se retrouvera dans la thèse finale). C’est aussi toute une expérience que de transmettre son savoir à quelqu’un d’autre, vous pouvez me croire.

Boire du café

Promis, j’arrête.

En discuter avec son promoteur

J’ai la chance (et je ne dis pas ça pour le flatter, il n’y a aucune chance qu’il me lise) d’avoir un promoteur relativement accessible, ce qui me permet d’avoir des discussions avec lui et des retours sur ce que je fais (en plus du fais que j’ai globalement bon rapports avec lui). Ça aide vraiment. Je sais que ce n’est pas forcément le cas pour tout les doctorants.


  1. Coucou SciHub! Sérieusement, j’en parlerais pas trop ici, mais allez voir cet excellent vidéo de Datagueule qui explique l’hypocrisie qu’est l’édition scientifique. 

  2. En ce moment, je me promène globalement dans les années 70. Et tous les concepts théoriques ont été décrits avant les années 50, mais on n’avait pas les ordinateurs pour les appliquer. 

  3. Dans mon domaine, cette pratique porte un nom, c’est le benchmark. Et un nouveau projet commence à peu près toujours par cette étape. 

  4. Durant une session de plusieurs présentations, le chairman est la personne qui introduit chacune des personnes, qui veille à ce que le temps soit respecté, qui pointe les personnes qui ont le droit de poser des questions, et qui, comme je dis, en a toujours une de réserve. 

  5. Par exemple, j’ai deux de mes collègues qui vont à un symposium à Barcelone, en septembre. Je suis clairement jaloux :p 

  6. Il y a TOUJOURS un reviewer chiant dans le paquet (Damn you, reviewers #2). Dans les clichés, il y a aussi les reviewers qui te demandent de citer leurs propres papiers. Et ceux dont on voit clairement que t’as marché dans leurs plates-bandes et qui ne sont pas très contents. Et ceux qui n’ont pas lu l’article. 

  7. (in)famous 

  8. Du coup, quand quelqu’un "fait un Nature", c’est la grande classe. Même si je salue l’événement, je trouve ça un peu surfait: Nature, pour caricaturer, c’est un peu le "science et vie" de la recherche: les articles sont très courts et très généraux, mais c’est sensationnel. Et c’est la grande classe. 

  9. D’ailleurs j’ai toujours une carte d’étudiant. À moi les réductions <3  

#3615malife

Si c’est le doctorat plus que ma petite vie qui vous intéresse, vous pouvez vous rendre à la section suivante sans problème, je ne vous en voudrais pas. En plus il y a un (tout petit) peu de maths :-°

Je suis doctorant en chimie quantique (ou comme mes collègues aiment le dire, je suis "théoricien"). Ça signifie que je fais très peu d’expériences "en vrai" et que je me base en fait sur des simulations réalisées à l’aide de l’ordinateur pour prédire le résultat d’expériences pas encore réalisées ou tenter d’expliquer certains résultats déjà obtenus. Donc mon outil de travail, ce n’est pas tellement le laboratoire au contraire de mon collègue Blackline, mais plutôt mon bureau et mon ordinateur. Et d’autres ordinateurs.

Pour expliquer un peu sans trop vous perdre, je me base sur la résolution de l’équation de Schrödinger, qu’on pourrait par exemple écrire sous cette forme:

$$\hat{\mathcal{H}}\Psi = E\Psi$$

C’est théoriquement assez simple, en fait: on décrit le monde, c’est-à-dire le système qu’on considère, par $\Psi$ (qui s’appelle la fonction d’onde, et qui décrit par exemple un ensemble de particules), et on veut réaliser une mesure sur ce système. L’outil de mesure est représenté par $\hat{\mathcal{H}}$ (qui s’appelle un opérateur, ou aussi l’Hamiltonien, et qui mesure ici l’énergie du système), et quand on applique cet outil de mesure sur notre système, on obtient le résultat (ici $E$, c’est l’énergie) et le système, inchangé. Voilà en gros et en très simplifié ce que nous dit l’équation de Schrödinger1.

Donc, et à condition que je connaisse $\Psi$, qui dans mon cas représente souvent une molécule, je peux réaliser la mesure de n’importe quelle propriété dessus. Il se trouve qu’une molécule, c’est un gros paquet d’électrons, de protons et de neutrons (mais si, vous l’avez vu en secondaire), c’est-à-dire un système où, pour ce simplifier la vie, les noyaux atomiques sont figés avec des électrons qui voyagent dans tous les sens autour. Un peu comme une vache qui aurait un nuage de mouches autour de lui. En chimie, on ne s’intéresse en général qu’au comportement des électrons, et on laisse le reste au physicien. Et pourtant même comme ça, connaître le $\Psi$ correspondant à cette situation demande un peu de travail, parce que ce n’est pas un problème "simple" en physique (comprendre qu’il n’existe pas d’expression exacte pour une situation donnée dès que le problème compte plus de deux corps).

Heureusement, on a réussi à formuler ça de manière à ce que les ordinateurs, eux, puissent nous donner une solution à ce problème (qui ne sera pas exacte, mais approximée, ceci dit, mais je ne vais pas entrer dans les détails). Et comme on ne fait pas les choses à moitié, on aime lancer plusieurs calculs à la fois, ce qui fait qu’en pratique, nos machines de bureau ne suffisent pas, et qu’on est "obligé" d’utiliser des supercalculateurs. D’ailleurs, je ne sais pas ce que vous avez en tête quand vous entendez "supercalculateurs", mais n’allez pas imaginer trop de trucs. En fait, il s’agit dans mon cas de processeurs avec la même capacité de calcul que des processeurs d’ordinateurs actuels (voire un peu plus vieux), sauf qu’il y en a beaucoup. Avec ça, on met assez bien de mémoire vive, et des disques durs de grande capacité, mais c’est tout, et on obtiendrait à peu près le même résultat si on mettait un certain nombre d’ordinateurs de bureau en réseau (sauf que ce serait pénible à gérer ^^). Pour exploiter tout ça, soit on lance beaucoup de calculs exploitant un faible nombre de processeurs, mais en même temps, soit on utilise des programmes qui sont extrêmement bien parallélisés (grâce, par exemple, au protocole MPI).

Voici un exemple d’un supercalculateur que j’utilise régulièrement, donc une grande armoire avec plein de machines dedans, qui on la forme (pas l’odeur) de boites à pizza. C’est exactement la même chose que dans un service d’hébergement internet, et ça coûte très cher en électricité et en climatisation :p

Bon, ça, c’est pour la technique. En pratique, je ne développe pas de nouvelle méthode de calculs2, je me base sur des implémentations existantes pour calculer les propriétés de molécules que je trouve intéressantes. En particulier je m’intéresse à un certain type de spectroscopie, qui mesure la réponse d’une molécule à son interaction avec la lumière (issue d’un laser).

Comme on peut le voir sur cette image, la réponse de la molécule (représentée par la longueur et l’orientation des flèches) n’est pas la même en fonction de l’orientation de la lumière (en fait de la composante électrique de celui-ci), et est plus forte dans un certain sens. Cela a des conséquences sur le signal qui est mesuré expérimentalement, et le calcul aide ici à comprendre pourquoi.

Dans mon cas, je reste très proche de la recherche dite fondamentale, ce qui signifie que les applications éventuelles de mon travail pour "monsieur tout le monde" (il y a des applications possibles dans le stockage de données ou dans la réalisation de transistors au niveau moléculaire et utilisant la lumière) demanderaient en pratique des années de développement. Je ne dis pas que ce n’est pas important, mais c’est un peu difficile à expliquer à des personnes qui ne sont pas dans le domaine et qui s’attendent à ce que la recherche ait une application immédiate dans le quotidien. Loin de là me concernant, et c’est pour ça que j’ai très difficile à vous expliquer ici ce que je fais ;)

Et l’assistanat, alors ?

Vraiment une composante de mon doctorat qui me plaît. Ça fait maintenant 2 ans que je suis assistant, et mon enthousiasme n’a pas encore décru, donc j’imagine que je suis maso et que j’aime ça. On vit avec, j’imagine ^^

Ça demande du temps. Les 50% de mon contrat sont peut-être exagérés (encore que je ne compte pas), mais clairement, préparer une séance d’exercice sur une matière que tu n’as plus vue depuis 5 ans (véridique) demande un peu de temps. Même la "chimie de base", qui représente mon fonds de commerce en temps qu’assistant (puisque j’ai systématiquement un a deux groupes de premières années) demande de bien se rappeler les concepts, leurs tenants et leurs aboutissants. En plus de ça, il faut faire un peu de psychologie inversée et voir ou l’étudiant va probablement se planter, pour prévenir et éventuellement sévir.

Et mon travail ne se limite pas qu’aux séances d’exercices (TD, principalement des maths4 en ce qui me concerne), il y a aussi des séances pratiques (TP), où l’étudiant est invité à faire quelque chose de ces 10 petits doigts. Étant l’assistant associé au cours de chimie quantique, j’apprends aux étudiants à se servir d’un ordinateur. Littéralement. C’est fou comme un étudiant, de nos jours, sais aller sur Facebook les yeux fermés et sur à peu près n’importe quel appareil, mais a un problème manifeste à ce servir d’un outil de traitement de texte pour sortir quelque chose de correct3 (bon, après, je leur apprends à ce servir de LaTeX, pour leur laisser le choix). Je m’occupe donc des travaux pratiques du cours de "logiciel scientifique" (10 séances, un logiciel par séance, et on voit comment on peut l’utiliser pour faire des trucs corrects) et des travaux pratiques du cours de chimie quantique (ou une petite partie du travail, puisque ça se passe sur des supercalculateurs, est de donner aux étudiants des rudiments de Bash et d’UNIX).

Et je le répète encore une fois, mais j’ADORE ça. Et ça va me poser un souci pour la suite.


  1. Pas taper, les physiciens, hein ? :-°  

  2. Par contre, je développe des outils permettant d’interpréter les résultats des calculs. La programmation reste donc une composante importante de mon doctorat. 

  3. Bon, après, je reconnais que Word rend pas la tâche facile non plus. Mais quand même :o 

  4. Bon, des maths de chimistes, hein. On fait ça bien comme des cochons et on obtient la bonne réponse quand même. La rigueur, c’est pour les matheux :p 

L'après: le futur et ce qui vient ensuite

Bien entendu, à la fin de la thèse, il y a un minuscule détail, c’est la présentation de la thèse. C’est à dire 3 à 6 mois d’écriture d’un manuscrit ou le doctorant devient en général très irritable et asocial, couronné par une présentation devant un jury dont le but est de te poser le plus de questions possibles pour être sur que tu mérites ton doctorat (d’ailleurs, petite subtilité belge ici, la présentation ce passe en deux fois: une défense privée et généralement assez longue, avec juste le jury et le doctorant, et une défense publique, quasiment du show, qui se fait avec le public et où il y a moins de questions posées). Ensuite, on fait la fête pour oublier.

Et ensuite, on profite du chômage cherche du travail.

Je pointerais ici les 3 possibilités "d’après" que j’aie en tête:

  • La reconversion. Parfois, les personnes qui font un doctorat ont développé des compétences transversales qui les rendent éligibles à certains postes en entreprise, souvent comme cadres ou chefs de projets. Par exemple, dans mon cas, je pourrais envisager une reconversion dans l’informatique. Il y a aussi des gens qui développent des spin-off pour exploiter des brevets basés sur leurs recherches. Bref, c’est la voie "monde de l’entreprise". Ça fonctionne aussi dans certaines administrations.
  • La recherche. Pour le docteur qui n’a toujours pas été dégoutté de la recherche (y’a des fous partout, hein), s’ouvre alors une période de temps communément appelée le postdoc. Enfin, plutôt LES posts-docs. Un postdoc, c’est un contrat sur une période de temps assez court (typiquement 6 mois à 2 ans) dans un laboratoire, souvent étranger. Le but, c’est alors d’engranger de l’expérience et des publications (voir h-index plus haut) pour pouvoir prétendre à une position permanente dans un labo, ou parfois créer son propre labo (parce que sinon, c’est CDD sur CDD, et c’est pas une vie). Et devenir Professeur (notez la majuscule) à l’université pour les plus tordus d’entre eux. ;)
  • Et puis finalement, l’enseignement. Une voie choisie par exemple par certains de mes collègues assistants, puisque le doctorat ouvre la porte à l’enseignement dans des sections de l’enseignement supérieur non universitaire (je pense que c’est un terme belge, mais le système éducatif français m’échappe totalement).

Je pense ne pas me tromper en me disant que c’est les trois seules possibilités qui s’offrent au futur docteur (bon, y’a aussi les reconversions totales en mode "f*** je lâche tout et je pars élever des lamas en Papouasie", évidement). Ce n’est pas un choix facile, notez (par exemple, les post-docs demandent souvent de partir à l’étranger, à l’âge où on a en général commencé à fonder une famille, ou on est en bonne voie de le faire). Et ça demande parfois des sacrifices.

#3615malife (oui, encore)

Bon. Même si j’ai encore 4 ans pour y penser, je n’ai aucune idée de ce que je vais choisir. Comme je l’ai dit, j’apprécie vraiment l’enseignement, mais je ne suis pas (encore?) dégoûté par la recherche. Du coup, je sens le gros dilemme arriver. Je vous dirais dans 4 ans ce que j’ai fini par choisir, j’imagine. ;)


Et voilà ! J’avais envie de vous parler de ça, parce que je reçois parfois des questions sur le sujet et que le format du billet s’y prêtait bien (ça m’a permis de le faire sur un ton plus décontracté et parfois moins objectif). N’hésitez pas à dire ce que vous en avez pensé.

Et si vous faites, aller faire ou avez fait un doctorat et que vous voulez partager vos expériences, n’hésitez pas. Je suis très curieux de savoir comment ça se passe dans un autre pays ou dans une autre discipline ;)

64 commentaires

Tous me recommandent de passer l’agrégation pour avoir un plan B (et la garantie de l’emploi), parce que même avec un post-doc, en géographie, pire dans sa branche SHS, c’est le parcours du combattant.

Pour situer, dans un domaine considéré comme pas trop mal doté (science des matériaux), la situation est la suivante :

  • Gel des embauches complète (non remplacement du personnel) depuis 3 ans du côté de l’école d’ingé, et ce jusqu’à redressement des finances (jusqu’à nouvel ordre, quoi).
  • Limitation des embauches du côté de la fac (remplacement si le poste est nécessaire pour assurer les cours, ou bien pour les techniciens s’il y a plusieurs départs en peu de temps). En pratique, ça fait un départ sur deux qui est remplacé.
  • Côté CNRS, il y a à peu près remplacement.

En 3 ans, mon groupe de recherche aura formé une quinzaine de docteur, pour une ouverture de poste, due à un départ. Pour les rares à vouloir partir dans le public, certains ont du bol et y arrive après un seul post-doc, mais c’est rare, d’autre trainent 4 post-doc déjà et ne voient pas d’ouverture. Sachant que seul une minorité souhaite partir dans le public (ceux qui partent dans le privé mettent max 6 mois pour trouver un bon boulot, même s’ils n’ont cherché qu’une fois le doctorat en poche).

Je n’ose même pas imaginer dans des domaines sous tension, ou dans lesquelles le privé est peu présent…

+3 -0

Je n’ose même pas imaginer dans des domaines sous tension, ou dans lesquelles le privé est peu présent…

Gabbro

En géo, bah, tu travaille dans des bureaux d’étude pour l’aménagement ou l’urbanisme, l’administration territoriale (mais les fonctionnaires territoriaux sont ceux qu’on liquident le plus). Mais ça peut embêter de faire des boulots de bac+5, alors que tu as passé une thèse (= pas de plus-value). Tu lis les articles, tu vois la forte capacité d’innovation et tutti frutti que peuvent faire des phD. Si tu veux survivre, il te faut une convention CIFRE, donc travailler avec une entreprise pour ton doctorat.

Il reste l’enseignement. Perso, ça me va, j’ai la fibre, mais bon.

Ce qui me déprime, c’est que les compétences des géographes sont quelque chose de demandé, vu que maintenant, tout est territoire (enfin, dans le langage, mais c’est une autre histoire), et les questions de sociétés peuvent être aussi analysé sous le spectre de la géographie (je vois de plus en plus de géographes être interviewé). Et je ne parle pas du développement durable, qui est imminent géographique avec ses jeux d’échelles et d’acteurs. J’ai discuté avec une intervenante qui avait un bureau d’étude en suisse : le métier de géographe était reconnu et valorisé. En France, que nada. On préfère se dire urbaniste, sociologue, aménageur… mais il y a une certaine honte de se réclamer géographe en France.

Si je regarde quelques thèses soutenues, on voit les enjeux économiques et politiques (donc intérêt à embaucher dans le privé). Ou même ça où on demande d’étudier le terrain pour prendre de bonnes décisions.

Je comprends pas pourquoi se manque d’intérêt pour les SHS et la science en générale alors que ça peut (r)apporter beaucoup !

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Pour expliciter, ce que je trouve bien ("sympa") c’est que le métier de prof (à tous niveaux, de l’instit primaire aux profs universitaires) soit rémunéré de façon extrêmement compétitive par rapport au secteur privé.

Oo en France aussi on à ce genre de logique. Mais en sens inverse. Du primaire à l’université, tout est fait pour que seuls ceux qui ont le feu sacré osent envisager de devenir prof. Et ce n’est pas uniquement la rémunération, mais bien l’ensemble des conditions de travail et les perspectives qui sont concernés. En valeur absolue on est bien plus fort que vous je pense. :D

Je peux pas comparer les récits terrorisant de profs d’école obligatoire française à propos de leurs conditions de travail, de pas pouvoir choisir où ils enseignent, de l’éducation nationale, etc, avec ce que les profs équivalents ici disent de leur boulot. Et qui n’a rien d’inquiétant.

Enfin, en valeur absolue, difficile d’évaluer.

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Salut !

Pour compléter ce que dit Pierre dans son disclaimer, je dirais qu’il y a aussi autant de doctorats que de directeurs de thèse. Quant au conditions de travail en Suisse (durée, heures d’assistanat, salaire), ça dépend des universités. Pour ce qui est de l’EPFL, où je fais mon doctorat, quelle que soit la source de financement, la durée est de 4 ans, avec 600 heures d’enseignement à effectuer (en réalité moins car les calculs sont bidons) et le salaire se trouve ici : http://phd.epfl.ch/salary .

Bon week-end :)

P.S. Il semblerait que ma dernière connexion remonte au 28 octobre et je crois bien que c’était également la date de ma dernière visite jusqu’à la semaine dernière. Du coup je me suis un peu baladé sur les forums et je suis content de voir qu’il y a toujours de l’activité en chimie par ici. Merci pour les messages sympas sur le topic Diels-Alder, je ne m’y attendais pas du tout ! :)

Et l’assistanat, alors ?

[…] Je m’occupe donc des travaux pratiques du cours de "logiciel scientifique" (10 séances, un logiciel par séance, et on voit comment on peut l’utiliser pour faire des trucs corrects) et des travaux pratiques […]

Y a quoi comme logiciels qui sont abordés ?

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Y a quoi comme logiciels qui sont abordés ?

Gil Cot

Les trois piliers de la suite Office (Word, Powerpoint, Excel, avec un focus sur la statistique et la régression pour ce dernier), Kaleidagraph (un logiciel un peu plus performant qu’Excel pour les régressions et les graphes, mais qui accuse son age et d’autres comme Origin sont en discussion), LaTeX (héhé!) et Matlab (principalement pour le calcul symbolique).

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Merci pour la réponse. J’en compte sept sur la dizaine escomptée :) En tant que fan de Logiciels Libres et Ouverts, je me désole qu’il n’y ait pas :

  • pour la compatibilité syntaxique et programmatique avec MAPLE : GNU Octave (le plus compatible) ou FreeMat ou JMathLib ou GAP ou Giac/Xcas (qui a plusieurs modes de compatibilité en fait) ou Scilab (plutôt orienté simulation numérique, a un traducteur de Matlab)
  • pour le calcul symbolique : Maxima (incorporé dans SageMath) ou Yacas (incorporé dans GeoGebra) ou GAP (intégré dans SageMath et Wims) ou Axiom (fourché en OpenAxiom et FriCAS entre temps) ou PARI/GP (composant aussi de SageMath) ou Giac/Xcas (intégré dans GeoGebra et un certain nombre de calculatrices) ou Singular (aussi dans SageMath) etc.
  • R qu’on ne présente plus pour l’analyse et la visualisation de données
  • gnuplot qui est utilisé ou peut s’utiliser avec bon nombre des précédents mentionnés
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Bien que je sois tout à fait d’accord avec toi, je crains que les étudiants ne soient définitivement allergique à la ligne de commande1 ;)

(Octave, j’ai essayé, mais il allait pas assez loin pour le calcul symbolique, vu que tout est basé sur sympy, qui fait ce qu’il peut. Maxima, par contre, je connaissait pas)

J’en compte sept sur la dizaine escomptée :)

Y’avait une séance sur la recherche bibliographique, et plusieurs séances pour Excel ;)


  1. On arrive à en convertir certains à LaTeX, mais très peu
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(Octave, j’ai essayé, mais il allait pas assez loin pour le calcul symbolique, vu que tout est basé sur sympy, qui fait ce qu’il peut. Maxima, par contre, je connaissait pas)

J’avais édité ma réponse entre temps pour ajouter les liens sur les sites officiels.
Je recommandais Octave s’il était vraiment indispensable d’être compatible avec Matlab : c’est son clone libre (une fonction native non reconnue ou un script MathWork qui n’est pas compris est considéré comme un bug par le projet.) Sachant qu’en une journée je doute qu’on pousse vraiment dans les fonctionnalités trop exotiques ou trop avancées.
Si c’est le calcul symbolique qui prime, je préfère les français PARI/GP et Giac/Xcas (j’ai un peu vu ce dernier grandir). Mais le plus simple est probablement de passer par SageMath qui est une suite cohérente de plusieurs de ses logiciels de manière transparente.

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Je trouve compréhensible de présenter Matlab aux étudiants, en tout cas au niveau Master, c’est quand même une référence du domaine pour le calcul numérique. (Pour le calcul symbolique c’est moins naturel comme choix.) C’est évidemment super si les matériaux présentent GNU Octave comme implémentation libre et sont compatibles avec. Matlab/Octave utilisent un style de programmation matricielle qui est assez différent de ce qu’on fait dans d’autres logiciels, et c’est bien de l’avoir vu au moins une fois.

Pour le calcul numérique scientifique, je trouverais intéressant de présenter Julia, comme une alternative à Matlab et/ou Numpy/Scipy. C’est un langage conçu dès le départ pour le calcul scientifique, donc plutôt plus agréable que Python pour cela, et avec des promesses de meilleures performances. (Ce n’est pas typé statiquement et l’implémentation a un peu trop de bugs, mais personne n’est parfait.) À mon avis c’est un choix raisonnable pour "un bon outil à choisir pour le calcul scientifique dans le futur".

Pour le calcul numérique scientifique, je trouverais intéressant de présenter Julia, comme une alternative à Matlab et/ou Numpy/Scipy. C’est un langage conçu dès le départ pour le calcul scientifique, donc plutôt plus agréable que Python pour cela, et avec des promesses de meilleures performances. (Ce n’est pas typé statiquement et l’implémentation a un peu trop de bugs, mais personne n’est parfait.) À mon avis c’est un choix raisonnable pour "un bon outil à choisir pour le calcul scientifique dans le futur".

Le côté intéressant de Julia est son modèle de polymorphisme qui permet de réutiliser de manière efficace des algorithmes génériques sur des types arbitraires qui ont chacun été mis au point de leur côté. Dans le genre répondre à un fantasme universel dans le domaine des simulations numériques, on fait difficilement mieux. Mais le problème est que ça se casse complètement la gueule trop souvent de façon subtile et silencieuse parce que c’est une promesse impossible à tenir en pratique (du moins sans un système de type plus robuste). Il y a beaucoup trop de subtilités dans les coins en calcul scientifique, et le résultat est que la force de Julia est aussi ce qui le rend impossible à conseiller sérieusement pour faire du calcul scientifique. Cette promesse sans cadre formel pour exposer proprement les invariants à respecter pour réutiliser un algo donné encourage l’écriture de bugs qui font que les programmes crachent des résultats faux silencieusement. Ce n’est simplement pas acceptable pour un domaine où on se préoccupe typiquement d’avoir un bon résultat. Ce qui est décevant est aussi la réponse de la communauté qui semble pas mal se moquer du problème de fond avec une réponse digne du "il y a qu’à faire attention" de certains programmeurs C.

EDIT : pour rester dans le sujet, ça me fait penser que le choix de langage pour introduire au calcul scientifique importe relativement peu parmi les choix raisonnables existant. Ce qui est beaucoup plus important est d’enseigner et montrer qu’il est important de ne pas traiter ces logiciels comme des boites noires qui marchent à tous les coups. Cultiver son esprit critique face à des résultats numériques est très important, et je vois beaucoup trop de gens qui s’en servent aveuglément…

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Je suis sceptique sur le fait que les bugs de Julia (comme mentionnés dans l’article not-julia) que tu cites sont liés au polymorphisme ad-hoc encouragé par le langage. Tu as raison qu’il serait intéressant de pouvoir mieux spécifier les propriétés attendues, mais ce problème n’a rien de spécifique à Julia, il s’applique directement à C++ aussi (qui est statiquement typé mais rarement assez fin pour exprimer ces invariants), Python ne fait pas spécialement mieux (et les gens écrivent aussi du code scientifique générique), etc.

Fortress essayait de faire un peu mieux avec des contrats supportés en dur dans le langage, mais même les contrats sont vite limités pour les propriétés qu’on attend en mathématiques, qui ne se prêtent pas bien à une vérification dynamique. (Par exemple: comment instrumenter une fonction distance pour vérifier qu’elle vérifie l’inégalité triangulaire ? C’est jouable mais déjà très tendu; bonne chance pour la continuité d’une fonction, etc.)

À mon avis les bugs reprochés à Julia ont une cause systémique, mais elle ne vient pas du design du langage, elle vient de la culture de développement de la communauté, qui n’attache pas assez d’importance (et de ressources) au fait d’écrire du code sans bugs. (D’ailleurs une première source de bugs qui gêne les gens est dans l’implémentation du langage elle-même, ce n’est pas un problème de polymorphisme comme tu le décris.)

Je ne sais pas si c’est un problème qui va empêcher Julia de devenir une référence pour le calcul scientifique sur le moyen terme. Les communautés d’utilisateurs adoptent souvent des solutions qui ont des gros défauts techniques (par exemple Python et ses performances médiocres, R où tout est pété…) du moment qu’il y a assez d’avantages pour oublier et des effets réseau qui entretiennent l’adoption. On peut par ailleurs rêver que la communauté Julia va changer ses pratiques et corriger ses bugs; à un moment Scala avait la réputation d’avoir une implémentation fragile, et je crois qu’ils et elles ont réussi à changer ça à force de récrire le code.

Cette culture de se moquer des problèmes d’exactitude est pour moi une conséquence directe du design du langage un peu par dessus la jambe. Python a effectivement le même problème fondamental d’être très permissif, et c’est pas un secret que beaucoup de code scientifique est mal foutu en conséquence. Les deux seules raisons pour laquelle Python est un candidat sérieux en calcul scientifique est d’une part mypy qui permet de controller raisonnablement ce qu’on fait, et d’autre part numpy (et l’écosystème autour avec scipy notamment) qui a été conçu par des gens qui savent très bien ce qu’ils font en terme de numérique (et de fait, le polymorphisme exposé dans l’API Python de numpy est relativement limité, tu peux pas injecter n’importe quoi dans l’API et croiser les doigts en espérant que ça marche). On voit d’ailleurs que certains morceaux de la stack couramment utilisée qui viennent de la partie plus "pythonesque" de la communauté souffrent de gros problèmes de design, par example matplotlib qui manipule en arrière plan une énorme state machine et qui est impossible à annoter pour donner à e.g. mypy la responsibilité de vérifier qu’on fait pas n’importe quoi en terme de typage. La conséquence de ça sont de nombreux bugs sur les plots produits qui sont pas facile à corriger (à cause des effets de bords sur la state machine de partout), et malheureusement il n’y a pas d’alternative aussi riche en fonctionnalités aujourd’hui…

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