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[Brève] Les voies du langage sont impénétrables

Brève archi-brève sur les emprunts et les déformations

Bon, si vous avez lu les 2 billets que j’ai publiés à ce propos, vous savez que je suis féru d’étymologie, et de l’histoire des mots. Mais… malheureusement (ou heureusement :-° ?) l’étymologie ne se limite pas au latin : cette brève vous le montrera à juste titre − et avec un ton des plus anecdotiques.

Tout commença avec une affiche dans le métro…

C’est bête, les affiches de pub, mais ça vous accroche le regard sans qu’on s’en rende compte : c’est alors que votre cerveau se met à traiter gentiment l’information, sans trop vous prévenir. Ce coup-ci, c’était une entreprise de ménage à domicile dont je ne peux taire le nom sous peine de rendre ce billet illégitime : Shiva.

Sans forcément que je m’en rende compte non plus, mon cerveau faisait déjà la connexion avec le dieu hindou du même nom, dieu qui fait partie de la triade fondamentale de l’hindouisme, le Trimourti (avec Brahman et Vishnou). Je me répétai alors machinalement que, schématiquement, si Brahman symbolisait le commencement et Vishnou le maintien, de son côté, Shiva n’avait pour lui que la destruction 1.
Drôle d’ironie, donc, pour un dieu de l’achèvement, que de donner son nom à une entreprise de ménage, de rangement, d’ordre… C’est ce décalage qui me réveilla enfin, et me fit réfléchir au pourquoi du comment de cette situation paradoxale.


  1. C’est extrêmement réducteur, je le conçois, puisque 1) cette destruction n’est pas forcément définitive, mais peut être re-créatrice ; 2) le culte shivaïte a apporté des nuances et des complications sur lesquelles je ne m’étendrai pas. 

Déroulons le fil

La solution, vous l’aurez compris, est simple. On parle généralement de Shiva comme le dieu (ou quelquefois, comme la déesse − alors qu’il s’agit bien d’un dieu 1) aux bras innombrables (coucou les Hécatonchires) : en fait, c’est un abus car, à ce que je sache, c’est une représentation commune à tous les dieux hindous (comme le montre l’image ci-dessous). Alors, pourquoi ce trait a-t-il donc été attribué à Shiva en particulier ? Pour être honnête, je n’en sais rien, mais il est pratique et pas malhonnête intellectuellement de parler de coup du sort.

Ganesh, avec 4 bras (oui, seulement)

La jonction, ensuite, entre la multitude de bras et la talent ménager se fait tout aussi aisément, puisque se vanter symboliquement d’avoir un grand nombre de bras est synonyme d’efficacité, d’un caractère multitâche à toute épreuve, etc.


  1. C’est une erreur assez commune que l’on fait, en croyant qu’un nom terminé par "a" est féminin. On m’a déjà fait le coup avec le célèbre Catilina − comme quoi, j’en reviens toujours au latin. 


Bref, tout cela n’a constitué que quelques secondes de mon temps de transport, mais c’est un amusement que je tenais à partager avec vous, pour vous montrer que l’étymologie est partout. Partout.

Dans les villes, dans les campagnes, sur les rézosocios, etc.

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