Suite à ce billet de Qwerty, je me suis dit que la Belgique méritait elle aussi son petit rappel culturel en chanson en ce 21 juillet (qui se trouve être, si je ne m’abuse, le jour du quatrième anniversaire de la version publique de ZdS). En plus, avec la coupe du monde, c’était presque d’actualité de parler des hymnes nationaux.
Donc pour l’occasion, je me permets un petit peu de patriotisme
Le contexte: d'où vient la Belgique ?
Je ne suis pas historien, et j’espère ne pas avoir trop romancé ou simplifié la chose. Ne prenez pas non plus ce qui suit trop au sérieux.
Donc, petit rappels pour les personnes qui ne saurait pas d’où vient la Belgique: après la conquête de la Gaule par Jules César et son « de tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves » (et ne prenons pas la grosse tête, il s’agissait clairement de propagande), la Provincia Belgica est alors un territoire qui contient une partie de la Belgique actuelle, mais aussi le nord de la France. Suite aux invasions barbares et à la chute de l’Empire romain d’occident, la région est ensuite royaume franc, puis un de ces nombreux territoires partagés à la mort des différents rois qui suivent.
La Belgique est finalement rattachée aux Pays-Bas vers le 15ième siècle (du coup, les gens de l’époque parlent parfois de Pays-Bas du nord et du sud). L’ensemble est alors parfois nommé Leo Belgicus (sauf que les Pays-Bas du nord finissent ensuite par obtenir leur indépendance). Le territoire Belge est donc d’abord sous domination espagnole (du 15ième au 18ième siècle, via les Habsbourg) puis autrichienne (via les Habsbourg, toujours, au 18ième siècle). Et pendant tout ce temps la principauté de Liège 1 (dirigée par un prince-évêque depuis le 10ième siècle) reste indépendante et ne fais pas partie de ces Pays-Bas. D’autant que le regroupement dit des Pays-Bas se cachait beaucoup de petits états locaux avec leurs propres lois (ainsi qu’un certain nombre d’enclaves).
Donc la Belgique, c’est pas encore vraiment ça.
La suite (vers la fin du 18ième siècle) est en partie liée à l’histoire de France et à sa révolution2, puisque ce déclarent à la même période des révolutions dans la région "Belge", d’une part avec la révolution liégeoise (signant la fin de la principauté de Liège), d’autre part avec la révolution brabançonne. Ceci dit, autant la première semble proche des idéaux de la révolution française, la seconde est principalement une contestation du pouvoir et des réformes (de Joseph II) dans les Pays-Bas autrichiens, qui aurait sinon conduit à une centralisation du pouvoir exercé dans la région depuis Vienne. Cette dernière révolution conduit même à la création d’une confédération connue sous le nom d’états Belgique unis, ceci dit fragilisée par des tensions opposant conservateurs (catholiques) et libéraux, ce qui fait que cette confédération ne survit qu’un an avant le retour de l’Autriche au pouvoir (qui en profite pour "libérer" la principauté de Liège de la révolution et replacer le prince-évêque sur le trône). Il semblerait ceci dit que c’est à partir de cette période que le qualificatif Belgique s’impose pour désigner les habitants des Pays-Bas autrichiens (sans Liège, encore une fois). Puis la France débarque en 1792 et met les Autrichiens dehors (deux fois), pour finalement réunir tout le monde (dont les Liégeois) dans l’empire français, en 9 départements dits "réunis", qui sont assez proches des provinces belges actuelles.
Cette partie de l’histoire prend ceci dit fin en 1814 avec l’abdication de Napoléon 1er, puis sa défaite à Waterloo 3. Les provinces unies sont alors rattachées aux Pays-Bas (par le congrès de Vienne en 1815, à cause des Anglais qui souhaitent, je cite, un "équilibre européen"), ce qui n’est pas forcément du goût des futurs Belges (entre autre à cause de tensions religieuse entre les Pays-Bas du Sud, catholique et du nord, protestant, mais aussi d’un certain favoritisme pour le nord du pays de la part du gouvernement4). Notez que c’est à cette époque que finit par disparaître la distinction entre Belges et Liégeois (pour des raisons de … Convergence des luttes).
Viens finalement la révolution belge, qui suis de peu la révolution de juillet en France (consacrant alors en là-bas une monarchie constitutionnelle, qui est toujours aujourd’hui le modèle belge). Ainsi, fin juillet 1830, les futurs Belges (particulièrement les Bruxellois) semble inspirés par les événements français (et s’agitent un peu), et le gouvernement prend alors différentes mesures contre l’agitation ambiante, parmi lesquelles l’interdiction d’un opéra, la Muette de Portici (qui raconte le soulèvement du peuple napolitain contre les Espagnols au 17ième siècle, pièce alors jugée comme exaltant un peu trop le sentiment patriotique). Le 25 août 1830, une représentation est ceci dit autorisée, et l’histoire retiendra que c’est suite à ça que les ennuis ont commencé, la foule galvanisée par l’opéra créant des émeutes.
Au départ, c’est le drapeau français qui est utilisé par les émeutiers, mais une milice bourgeoise, qui est créée pour rétablir l’ordre (non pas pour contrer la révolution, mais pour contenir les émeutes), arbore les couleurs noir-jaune-rouge de ce qui deviendra le drapeau belge (qui auraient été inspirées par des couleurs employées durant la révolution brabançonne citée plus haut). Par la suite, d’autres villes suivent l’exemple et la répression s’organise (avec, par exemple, l’envoi de troupes à Bruxelles pour contrer une éventuelle attaque néerlandophone). Une délégation, en possession d’une liste de revendications (principalement une séparation administrative entre la Hollande et la Belgique), est envoyée à Guillaume I d’Orange (roi des Pays-Bas) début septembre, mais celui-ci ne veux rien entendre. Fin septembre (le 23, pour être précis), l’armée hollandaise tente alors une entrée dans Bruxelles, mais elle est contenue par une assez forte résistance de la population (on dit que les femmes balançaient des objets par les fenêtres) et l’installation de barricades dans le parc de Bruxelles. L’armée se replie dans la nuit du 26 au 27 septembre 18305.
Le roi tente alors de faire marche arrière et d’accepter les revendications belges, mais il est trop tard: l’indépendance est proclamée le 4 octobre6. Entre temps, des combats ont été gagnés par les révolutionnaires (aidés par des changements de camp de la part des soldats de l’armée) dans d’autres villes et certains continuent durant le mois d’octobre, par exemple à Anvers (ou un bombardement de la part de l’armée hollandaise finit de fâcher définitivement les Belges avec les Pays-Bas).
Le droit des peuples à disposer d’eux même, OK. Par contre, pour qu’un pays existe réellement, il faut qu’il soit reconnu par ces pairs. Les Pays-Bas appellent à l’aide les grandes puissances (sans résultats au final) et de l’autre côté, on passe à côté d’une annexion française. Par ailleurs, ayant choisi une monarchie constitutionnelle, la Belgique doit se doter d’un roi. Sont successivement proposée Guillaume II des Pays-Bas (fils de Guillaume I), Louis d’Orléans (un prince français, donc) et puis finalement Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha (d’abord prince consort du trône d’Angleterre, empêché par la mort de sa femme, puis prétendant au trône de Grèce, mais qu’il finit par refuser), qui n’accepte de régner que si un compromis international est trouvé (au niveau de la reconnaissance de la Belgique en tant qu’état et la question de ses frontières, entre autres).
Finalement, le traité des XVIII articles consacre l’indépendance de la Belgique (et sa neutralité, utilisée en 1914 à la suite de l’invasion allemande). Le roi prête serment le 21 juillet 1831, date choisie plus tard (en 1890) pour devenir la fête nationale belge en lieu et place du 27 septembre. Pour la petite histoire, l’indépendance de la Belgique n’est reconnue que quelques années plus tard (en 1839) par les Pays-Bas par le traité … des XXIV articles: il y a eu discussion sur le découpage du Limbourg et le Duché du Luxembourg (qui gagnera sont indépendance plus tard et qui est alors rattaché à la Hollande) et le partage de la dette entre la Belgique et les Pays-Bas.
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Liège, aucun rapport avec l’arbre, est une ville de l’est de la Belgique. La principauté de Liège est donc un territoire qui était grosso modo situé à l’est dans l’actuelle Belgique, même si située en partie sur sur l’Allemagne et la France actuelle. Et que les frontières ont bien entendu varié au fil du temps.
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D’ailleurs, si vous ne le connaissez pas, allez donc voir le travail d'Histony sur la révolution française. C’est sympa.
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J’ose ? Mmmh … Allez, J’ose !
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Dont je ne saurais pas dire si il est entièrement réel ou fantasmé. Par contre, peu de problèmes linguistiques au programme à ce moment-là (beaucoup de la bourgeoisie parlent de toute façon français), sauf sur la fin quand le roi des Pays-Bas tente d’imposer le néerlandais pour toute l’administration (mais même les Flamands, dont la langue reste un dialecte à l’époque, semblent contre). Sur la fin, le gouvernement fait tout de même un certain nombre de concessions envers les "provinces du sud", en termes de liberté linguistique et de la presse, entre autres, donc tout n’est pas noir non plus.
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Du coup, le 27 septembre a été choisi comme fête de la communauté française (nommée Fédération Wallonie-Bruxelles depuis 2011). La communauté française, c’est une construction bien belge, puisqu’elle rassemble les endroits de Belgique sur lequel les gens parlent français comme langue officielle, et qui n’est pas à confondre avec les régions (puisque la communauté française contient la région bruxelloise et une majorité de la Région wallonne).
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Par contre, rien n’est commémoré le 4 octobre. Va comprendre.
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Interlude
Puisque comme je sais que ça sera mentionné dans les commentaires, je préfère vous remettre ça en tête tout de suite:
Voilà. Bon, si vous ne le saviez pas, il s’agit d'Yves Leterme, ex-premier ministre Belge et d’ailleurs Premier ministre faisant fonction durant toute la crise politique où la Belgique c’est retrouvé durant plus d’un an "sans gouvernement" (541 jours, quel record), suite aux élections anticipées dues à la démission … d’Yves Leterme. La Belgique est un pays magique
Et la Brabançonne, donc ?
Tout comme c’est le drapeau français qui est d’abord utilisé, les révolutionnaires entonnent tout naturellement la Marseillaise en août 1830. Mais l’acteur Hypolite Louis Alexandre Dechet (dit Jenneval) (Lyonnais de naissance, monté en Belgique suite à la révolution de juillet) compose une première version de la Brabançonne, alors juste un poème paru dans un journal bruxellois, et qui n’est … Pas encore tout à fait indépendantiste (voir un peu pro hollandaise), comme en témoigne par exemple le deuxième couplet:
En effet, cette première version n’est qu’une mise en garde envers le roi de Hollande (de la maison d’Orange et de la dynastie Nassau), et pour le compositeur, un compromis avec la Hollande est encore possible (opinion alors partagée fin août 1830). Une seconde version, aux paroles similaires, est mise en musique par un certain François Van Campenhout (il semblerait qu’il y ait eu inspiration d’une chanson connue de l’époque, l’air des lanciers polonais). La mise en garde est explicite:
Mais l’invasion hollandaise dans Bruxelles fin septembre amène Jenneval à modifier la chanson pour quelque chose de beaucoup plus guerrier et moins aimable pour le roi de Hollande. D’ailleurs, le premier couplet se veut explicitement une réponse à celui présenté ci-dessus:
Jenneval meurt quelques semaines plus tard en défendant la Belgique contre les Pays-Bas, près d’Anvers1. Bien plus tard, en 1860, la Brabançonne est finalement modifiée par le Premier ministre de l’époque Charle Rogier pour l’adoucir et y enlever les références aux Pays-Bas, avec laquelle la Belgique est finalement en paix (et le restera). De cette version finale, on retiendra le dernier couplet:
Pourquoi le dernier couplet ? Parce que puisque la Belgique est un petit pays, donc son hymne national aussi et une circulaire du 8 août 1921 décrète que seule cette dernière strophe est officielle2. Par contre, même si il semble court comme ça, sa taille est en fait multipliée par 3, puisque 3 langue nationales : le texte est donc traduit dans les 3 langues officielles (et encore une fois, même si une traduction complète existe, seule la traduction de la dernière strophe est officielle). Je vous laisse donc apprécier ça dans les 3 langues (chantée par Helmut Lotti), avec les sous-titres pour les plus motivés d’entre vous:
Voilà qui explique pourquoi les joueurs de foot belges (quand ils chantent) ne semblent pas forcément chanter la même chose. Pragmatisme oblige, il existe une version qui regroupe les 3 langues nationales (en changeant de langue à chaque ligne, ce qui devient assez tendu à maitriser). En voici une version:
Sinon, rayon œuvres dérivées, on a une version techno, une version carillon, une version jazz, une version rock (chantée devant le parlement par BJ Scott, qu’on retrouve dans le jury de The Voice Belgique), une version piano, une parodie (qui m’a fait sourire), et d’autres que j’ai probablement oubliés
Vive la Belgique !
Ce petit exercice très drôle m’a au final permis de (re)découvrir l’histoire de mon Pays (dont certains détails m’avaient échappés), ainsi que de découvrir celle de la Brabançonne (que je ne connaissais pas du tout). J’ai aussi compris que la version que je chantais (issue indirectement des chansonniers scouts catholiques) n’était pas la bonne:
Comme quoi
Sources:
- L’histoire de la Belgique, par Wikipédia, Le CIRÉ (sur vivreenbelgique.be) et Annie Gurickx (de histoire-des-belges.be).
- L’histoire de la Brabançonne racontée par le service public fédéral Belge, Marc Poelmans (de arquebusiers.be) et Wikipédia.
PS: on ne dit pas le "une fois", personne ne dit vraiment ça. Entre autres joyeusetés (bien marrantes, et foncez voir cette chaîne youtube), il s’agit d’une locution flamande parfois employée par les Bruxellois (puisque la ville est bilingue) … Une fois.