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Retour d'expérience : j'ai couru un backyard ultra

Une course contre soi-même et personne d'autre

Même si le titre dit explicitement que j’ai couru cet ultra, ce billet ne vise pas du tout à me vanter (et vous remarquerez que je me suis d’ailleurs arrêté bien avant la marque du marathon), mais plutôt à vous faire connaître un format de course que j’ai trouvé super sympa : le backyard ultra (ultra de jardin)

Principe de la course

Dans un backyard ultra, le principe est tout simple. Chaque heure, il faut courir un tout petit peu plus de 6.7 km. Si on n’arrive pas à finir dans l’heure, on est éliminé. La course continue jusqu’à ce qu’il n’y ait plus qu’une personne. Si les derniers en lice abandonne en même temps, il n’y a pas de vainqueur.

6.7 km, sur du plat, c’est facile à faire en une heure. Un coureur un peu entraîné les parcourera en moins de 40 minutes sans trop de difficultés. Une partie de la stratégie vient de ce fait : faut-il courir vite pour avoir du temps pour se reposer, boire et manger, ou au contraire prendre son temps, pour que les muscles restent chauds ? Les meilleurs au monde dans cet exercice essaient de viser entre 53 et 55 minutes, ce qui leur laisse le temps de se changer et d’utiliser les toilettes si nécéssaire, pendant qu’ils mangent et boivent en trottinant, pour gagner du temps.

Älvdalen Backyard Ultra

Celui que j’ai fait se situe en Suède, à Älvdalen (à plus ou moins 4 heures de Stockholm). Il était très plat : 2 toutes petites côtes, durant lesquelles tout le monde marchait bien entendu. Quelques goulots d’étranglement, qui obligeaient à marcher aussi.

Le parcours était très sympa. Le long d’une rivière pendant environ la moitié, dans des petits chemins pendant l’autre, avec juste 700 mètres sur route.

Parcours de ÄBU
Parcours de ÄBU

Ressenti personnel

Dans cette section narcissique, je vais vous parler de moi, et de mon ressenti tout au long de cette course.

Avant la course

Je m’étais fixé un objectifs de sept boucles (et donc sept heures), juste au dessus de la distance du marathon. Cet objectif me terrifiait, puisque je n’avais pas couru plus de 16 km depuis septembre dernier, et que ma plus grande distance de tous les temps était de 25 km, mais je me disais qu’avec le rythme lent et les pauses, c’était jouable.

Le matin même (et un peu la veille), j’ai essayé de limiter au maximum mes déplacements, pour être aussi frais que possible. Une heure avant la course, j’ai ramené (à une tente dans l’aire de départ/arrivée partagée avec des collègues) boissons (eau et jus d’orange) et victuailles (hachis parmentier pour le début, chips et bonbons pour plus tard, quelques bananes).

Pas trop stressé par rapport à d’autres courses que j’ai pu faire dans le passé, sûrement rassuré de savoir que je n’allais pas devoir m’employer dès le début.

Début de la course - première boucle

Un départ très tranquille. Je m’était placé vers la queue du peloton, et j’ai bien mis 45 secondes avant de pouvoir courir. Après 700 mètres, premier goulot d’étranglement, et rebelotte, marche pendant un moment. Plus tard, un terrain un peu compliqué avec pas mal de pierres et de racines, mais plats. Certains décident de marcher, et dû à l’étroitesse, je suis obligé de suivre le mouvement. À ce moment, je commence à m’énerver un peu, parce que j’avais prévu de marcher, mais pas à ces endroits. La deuxième partie de la course est plus large, et je peux me mettre à mon rythme.

Au final, une premiére boucle terminée en plus de 50 minutes (assez satisfait de ce coté, de ne pas l’avoir parcourue trop vite), en transpirant à peine malgré les 23 degrés matinaux (on montera à presque 30 au soleil), et en me sentant fort. Tous les voyants sont au vert.

Boucles 2 et 3

Rien de notables dans ces boucles. Je continue doucement, je transpire de plus en plus, mais je continue à bien manger et à bien m’hydrater, je ne me sens pas encore trop fatigué. À la fin de la troisième (un peu plus de 20 km), je commence à sentir le manque d’entraînement dans les jambes, les genoux sifflent un peu, mais pas encore d’inquiètude. Ces deux boucles auront ététerminées en moins de 50 minutes chacune, un peu trop rapidement.

Boucle 4

Je commence et très rapidement, j’ai un point de coté. J’ai dû trop manger. Il passe aux alentours de deux kilomètres. Vers 24 km, les quadriceptes se réveillent et commencent à durcir. J’arrive à 25 km, toujours plus ou moins bien, et je ne sais pas si c’est psychologique ou mental (puisque c’était ma plus grande distance jamais parcourue en un jour), mais de là, les choses vont s’empirer très rapidement. Je finis deux kilomètres plus loin avec les quads qui font un peu mal, et en transpirant à grosse gouttes. Moins de lucidité, je bois de l’eau et mange des bonbons, mais sans trop penser, en mode automatique.

Boucle 5

Les deux premiers kilomètres se passent bien, requinqué après la pause. Les 4 et demis qui suivent sont un chemin de croix, je coure quand c’est plat mais avec les quadriceptes qui font de plus en plus mal. Je finis en 54 minutes, donc avec pas mal de marge, mais le manque de lucidité m’empêche de le réaliser. Je ne remarque pas non plus que je manque probablement de sel, et que j’aurais dû ouvrir les chips. Je décide de m’arrêter, ne voyant pas comment je peux finir deux boucles de plus, ce qui était mon objectif, avec cette douleur musculaire.

L’après

Je m’assieds pendant la boucle qui suit, et je bois. Je ne mange presque pas. À la fin de l’heure, je me sens bien mieux, et rentre à l’airBNB en marchant avec tous les sacs, ce qui tend à me faire dire que j’ai eu un problème de déshydratation. Mes collègues finiront 10 boucles chacuns. Le vainqueur aura besoin d’en terminer 34 pour se débarasser des autres prétendants.

Quelques jours plus tard

Outre les leçons apprises (s’entraîner peut aider, il faut faire gaffe au sel, etc), je retire de cette expérience une très grande satisfaction. En enlevant l’idée de chrono pour pousser au plus loin sa résilience, et en ayant un camp de base où se retrouver, discuter, on s’est un peu plus rapproché des aprés-midi foot au stade municipal que d’une grosse course bien huilée. J’ai vraiment apprécié le format, et vous encourage à franchir le pas !

Memorabilia

Pour ceux qui s’intéresse un peu au monde de l’ultra, il y avait deux personnalités présentes à la course. Le première était Johan Steene, qui depuis l’année dernière détient le record du monde de ce genre de course avec 68 heures (soit un peu plus de 450 km). Personnelement, je n’aime pas quand on atteint ces durées, je trouve que les risques pris par les coureurs sont bien trop grands. Mais à la fin de ses 34 boucles, il avait l’air plus frais que moi après 3.

L’autres n’était autre que Laz, le co-créateur du marathon de Barkley, réputé comme étant une des courses les plus dures au monde.

Au final, pas plus intélligent que les gens qui s’émeuvent devant une star de cinéma, mais toujours sympa de voir des figures du sport de ses propres yeux.


En conclusion, si quelqu’un sait comment dire backyard ultra en français, je prends, parce que je n’ai pas trouvé. En espérant que je n’ai pas été trop narcissique et que je vous ai peut-être donné l’envie d’essayer !

7 commentaires

Quelle coïncidence, j’ai regardé un reportage sur le marathon de Barkley il y a quelques jours.

Ce genre de courses restent très spéciales. J’ai eu des retours de proches d’un recordman d’ultra-triathlon, et c’est autant un défi mental que physique.

backyard ultra

Ultra d’arrière-cours ?

Ca a l’aire géniale ! Je connaissais les spartan race qui est une course qui a l’aire horriblement dur mais pas les backyard ultra. Ca me plairais d’en faire une !

+1 -0

Merci pour ce retour d’xp, c’est très intéressant :o ! Un ressenti personnel permet justement d’entrer un peu plus dans la réalité des choses, au lieu de rester sur des données (assez) abstraites.

+1 -0

Merci, je connaissais pas ce type de courses. Pour ceux qui aiment les expériences sportives différentes, il existe depuis plus de 15 ans ce qu’on appelle "La diagonale des fous" qui se déroule à la Réunion. Il s’agit de traverser l’ile en diagonale. Comme elle est bardée de chemin (en effet l’intérieur de l’ile est très peu peuplée car très montagneuse) chaque année ils modifient plus ou moins le parcours, ce qui donne un côté touristique et unique à cette course. Par contre, c’est extrêmement difficile, avec un dénivelé total d’environ 10km (montée + descente). Certaines parties sont très raides, genre +2000m sur 3km, certaines descentes dangereuses (attention aux genoux). Total: environ 160 km que les meilleurs parcourent en 20h environ. Mais pas d’inquiétude, vous avez le droit de prendre plus de temps (jusqu’à 5 jours). Il y a pas mal de points d’arrêts, avec nourriture, qq lits. Du coup, vous voyagez plutôt léger (eau, sac de couchage, vertements de rechange (car les températures varient entre 0° en hauteur la nuit et 25° au soleil et plus basse altitude), il faut prévoir de quoi se protéger de la pluie, des baskets de rechange et chaussettes, et surtout un petit kit médical pour les ampoules, qq straps pour chevilles ou genoux, et pas mal de talc à mettre sur les pieds, chaussettes et baskets pour absorber un max d’humidité. Pour les moins téméraires, il y a deux verions plus courtes de la courses, une d’environ 100 km et une de 75km. La plupart des participants qui ne sont pas pros des courses extrêmes mais quand même sportifs mettent entre 2 et 3 jours. Il y a des vidéos sur youtube, dont une complète d’un participant qui explique tout, comment il va, où il fait ses pauses etc. Vidéo à voir, c’est intense!

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