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Combien y a-t-il de positions différentes au morpion ?

Symétries et équivalence de positions

Dans mon précédent billet, je montrais combien de positions il existait au morpion. Cependant, on peut voir que certaines sont équivalentes du point de vue du jeu, car elles présentent des pions qui jouent des rôles similaires les uns par rapport aux autres.

Par exemple, le premier joueur n’a vraiment que trois options : jouer au centre, jouer dans un coin, jouer sur une arête, vu que tous les coins et arêtes sont identiques à ce point-là du jeu. Ensuite, le deuxième joueur a similairement des choix réels restreints : si le premier joueur a joué au centre, le deuxième ne peut jouer que dans un coin ou une arête, encore une fois indistinguables à ce stade du jeu.

Combien y a-t-il alors de positions non-équivalentes ?

Réduction du nombre de positions par symétrie

Intuitivement, on se rend compte qu’on peut regarder une grille de morpion en tournant autour sans changer la partie en cours, de même qu’en la regardant dans un miroir.

Tourner ou regarder une réflexion permet de voir 8 parties symétriques. Il n’y en a pas plus, car une grille de morpion est un carré et à ce titre, on peut faire au plus 8 symétriques différent, en procédant par rotations et réflexions.

Pour le jeu de morpion cela nous permet d’obtenir un minorant du nombre de position en divisant par huit le nombre de positions obtenu dans mon précédent billet. C’est bien un minorant, car certaines positions sont invariantes selon certaines symétries et il n’y a donc pas 8 symétriques différents, mais moins.

Coups Minorant
0 0
1 1
2 9
3 31
4 94
5 157
6 190
7 142
8 48
9 9
Total 681

Nombre exact de positions non-équivalentes

Je n’ai malheureusement pas trouvé de méthode astucieuse pour compter les positions différentes sans les énumérer. Heureusement, j’ai pu modifier légèrement le programme de vérification de mon précédent billet pour éliminer du compte les positions équivalentes !

Le programme est ci-dessous.

P1 = 1
P2 = -1
EMPTY = 0

class Position:
    def __init__(self, pos_vec):
        self.pos_vec = pos_vec

    def allowed_moves(self):
        if self.is_endgame():
            return []
        else:
            return [i for i in range(len(self.pos_vec)) if self.pos_vec[i] == EMPTY]

    def current_player(self):
        if len([p for p in self.pos_vec if p == EMPTY]) % 2 == 0:
            return P2
        else:
            return P1

    def next_player(self):
        if self.current_player() == P1:
            return P2
        else:
            return P1

    def play(self, player, move):
        new_pos_vec = [p for p in self.pos_vec]
        new_pos_vec[move] = player
        return Position(new_pos_vec)

    def is_endgame(self):
        p = self.current_player()
        if ((self.pos_vec[0] == p and self.pos_vec[1] == p and self.pos_vec[2] == p)
           or (self.pos_vec[3] == p and self.pos_vec[4] == p and self.pos_vec[5] == p)
           or (self.pos_vec[6] == p and self.pos_vec[7] == p and self.pos_vec[8] == p)
           or (self.pos_vec[0] == p and self.pos_vec[3] == p and self.pos_vec[6] == p)
           or (self.pos_vec[1] == p and self.pos_vec[4] == p and self.pos_vec[7] == p)
           or (self.pos_vec[2] == p and self.pos_vec[5] == p and self.pos_vec[8] == p)
           or (self.pos_vec[0] == p and self.pos_vec[4] == p and self.pos_vec[8] == p)
           or (self.pos_vec[2] == p and self.pos_vec[4] == p and self.pos_vec[6] == p)
          ):
           return True
        elif [p for p in self.pos_vec if p == EMPTY] == []:
           return True
        else:
            return False

    def __hash__(self):
        return self.pos_vec[4]

    def __eq__(self, other):
        def reorder(order):
            return [self.pos_vec[i] for i in order]
        d1 = reorder([0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8])  # OK
        d2 = reorder([6, 3, 0, 7, 4, 1, 8, 5, 2])  # OK
        d3 = reorder([8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1, 0])  # OK
        d4 = reorder([2, 5, 8, 1, 4, 7, 0, 3, 6])  # OK
        i1 = reorder([2, 1, 0, 5, 4, 3, 8, 7, 6])  # OK
        i2 = reorder([6, 7, 8, 3, 4, 5, 0, 1, 2])  # OK
        i3 = reorder([8, 5, 2, 7, 4, 1, 6, 3, 0])  # OK
        i4 = reorder([0, 3, 6, 1, 4, 7, 2, 5, 8])  # OK
        return (d1 == other.pos_vec or d2 == other.pos_vec or d3 == other.pos_vec or d4 == other.pos_vec
                or i1 == other.pos_vec or i2 == other.pos_vec or i3 == other.pos_vec or i4 == other.pos_vec)

    def size(self):
        return len([c for c in self.pos_vec if c == P1 or c == P2])
        

def generate_next_positions(current_position):
    allowed_moves = current_position.allowed_moves()
    player = current_position.next_player()
    next_positions = []
    for move in allowed_moves:
        np = current_position.play(player, move)
        next_positions.append(np)
    return next_positions


def generate_positions():
    empty_board = Position([EMPTY, EMPTY, EMPTY, EMPTY, EMPTY, EMPTY, EMPTY, EMPTY, EMPTY])
    all_positions = {empty_board}
    def gp(current_position):
        nps = generate_next_positions(current_position)
        for p in nps:
            if p not in all_positions:
                all_positions.add(p)
                gp(p)
    gp(empty_board)
    return all_positions

def count_positions():
    all_positions = generate_positions()
    return len(all_positions)


def count_positions(n=None):
    all_positions = generate_positions()
    if n is None:
        return len(all_positions)
    else:
        return len([p for p in all_positions if p.size() == n])

p = count_positions()
print(p)
print("---")
for i in range(10):
    print(count_positions(i))

On obtient le tableau suivant.

Coups Nombre exact de positions
0 1
1 3
2 12
3 38
4 108
5 174
6 204
7 153
8 57
9 15
Total 765

Une réalisation indépendante donne le même résultat. Youpi ! En prime, le programme du billet précédent étant correct, on peut avoir une confiance assez grande dans le résultat.

Relation d'équivalence mathématique

Tel que défini auparavant, « être stratégiquement équivalent » est une relation d’équivalence au sens mathématique, autrement dit un genre d’égalité.

Les propriétés (vérifiées ici) sont les suivantes :

  • symétrie : si une partie est équivalente à une autre, alors on peut inverser les rôles et c’est toujours vrai ;
  • transitivité : on peut faire des chaînes d’équivalence, et les extrémités seront équivalentes ;
  • réflexivité : toute position est équivalente à elle-même.

C’est d’ailleurs en redéfinissant l’égalité dans le programme de mon précédent billet qu’on obtient le résultat du présent billet.

Dans un sens, ce la revient à compresser l’ensemble des positions. C’est pratique notamment pour écrire des programmes cherchant à jouer stratégiquement au jeu, car cela fait moins de cas à analyser. Il suffit de savoir reconnaître la situation symétrique connue, trouver le coup à jouer, puis le transposer dans la position originale.


Et voilà ! Il y a encore et toujours beaucoup à dire sur les mathématiques du morpion, mais… ce sera pour une prochaine fois.

Miniature du billet : d’après une illustration d’une partie de morpion par Symode09, domaine public (source).

6 commentaires

Allez je poste ici pour proposer une solution un peu différente.

lines = [slice(0, 3), slice(3, 6), slice(6, None)]
columns = [slice(0, None, 3), slice(1, None, 3), slice(2, None, 3)]
diags = [slice(0, None, 4), slice(2, -1, 2)]
groups = lines + columns + diags

transformations = [
    [0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8],
    [6, 3, 0, 7, 4, 1, 8, 5, 2],
    [8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1, 0],
    [2, 5, 8, 1, 4, 7, 0, 3, 6],
    [2, 1, 0, 5, 4, 3, 8, 7, 6],
    [6, 7, 8, 3, 4, 5, 0, 1, 2],
    [8, 5, 2, 7, 4, 1, 6, 3, 0],
    [0, 3, 6, 1, 4, 7, 2, 5, 8],
]

def finished(grid):
    if all(e is not None for e in grid):
        return True
    for group in groups:
        items = set(grid[group])
        if len(items) == 1 and items != {None}:
            return True
    return False

def reorder(grid, indices):
    return tuple(grid[i] for i in indices)

def get_key(grid):
    grid = [-1 if c is None else c for c in grid]
    return min(reorder(grid, indices) for indices in transformations)

#get_key = tuple

def compute(grid, player=0, knew=None):
    if knew is None:
        knew = {get_key(grid)}
    pos = (i for i, c in enumerate(grid) if c is None)
    next_player = int(not player)

    for i in pos:
        subgrid = list(grid)
        subgrid[i] = player

        key = get_key(subgrid)
        if key in knew:
            continue
        knew.add(key)

        if not finished(subgrid):
            compute(subgrid, player=next_player, knew=knew)

    return len(knew)

grid = [None] * 9
print(compute(grid))

Ce code, c’est à peu près le même que celui que j’avais utilisé pour ton premier billet, on voit d’ailleurs qu’en décommentant la ligne 33 on retombe sur le dénombrement sans tenir compte des transformations.

Le tout réside dans la fonction get_key qui retourne une signature de la grille. Au départ ce n’était qu’un tuple, pour pouvoir être stocké dans un ensemble et éviter les duplications (premier billet).

Là c’est elle qui s’occupe des transformations pour renvoyer une forme canonique de la grille. Je profite du fait que les tuples soient ordonnables pour simplement renvoyer la « plus petite » des signatures parmi toutes les transformations possibles.

Ainsi ça me permet d’éviter de créer mon propre type, et surtout de redéfinir l’égalité et le hash qui sont souvent des nids à emmerdes. C’est un modèle assez courant en Python aussi, rien qu’à voir tous les paramètres key= sur les fonctions sorted, min, etc.

Si je dit pas de connerie :

Une configuration peut être représenté par un vecteur de dimension 9 ( cad 9 composantes). On peut ensuite définir un jeux de matrices 9x9 : une par opération de symétries (rotation de 90°, 180°, 270° etc.). Ces matrices permettent de passer d’un vecteur (une configuration de morpion) au vecteur obtenu par une opération de symétrie (ce sont des matrices remplies de 0 avec parfois des 1). Ensuite pour chacune des 8 matrices il faut trouver le nombres de vecteurs propres (qui sont toutes les configurations qui restent identique après application de la symétrie). Il suffit ensuite de retirer au nombre de positions totales (que tu as déjà déterminé) le nombre total de vecteurs propres que tu as trouvé.

Plus formellement il faut regarder la représentation du groupe diédrale D8 en dimension 9 (demande @pierre_24 il doit savoir faire ça rapidement, les chimistes doivent avoir des abaques pour ça ^^)

edit: ok le fait que le vecteur ne peut prendre que trois valeurs ("vide, croix ou rond", ou "0,1 ou 2") nécessite peut être d’adapter un peu la méthode faut y réfléchir ^^

+0 -0

@Vael : Je pense que tu es plus ou moins en train de retrouver ce qu’on appelle souvent lemme de Burnside. Malheureusement, toute la difficulté réside dans le "calculer le nombre de configurations (valides) qui restent fixes par l’application d’une certaine symétrie" (ça a l’air possible, mais assez pénible — et je doute que les abaques des chimistes y soient d’une quelconque aide). Si on veut avoir des calculs faciles à la main, il faudra probablement des astuces supplémentaires de vieux sage.

On m’a invoqué ?

calculer le nombre de configurations (valides) qui restent fixes par l’application d’une certaine symétrie

@Lucas-84

Il se trouve que c’est exactement ce qui est fait pour déterminer le groupe de symétrie d’une molécule (à savoir trouver quelles sont les opérations de symétrie qui laissent la molécule inchangée). Du coup, le raisonnement revient effectivement à

Intuitivement, on se rend compte qu’on peut regarder une grille de morpion en tournant autour sans changer la partie en cours, de même qu’en la regardant dans un miroir.

Le billet

… Ce qui n’avance pas grand chose :p

(puisqu’il faudrait un algo qui trouve le groupe de symétrie de chaque possibilités, ce qui est au moins aussi long que de les énumérer)

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