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Salutations, agrumes !
Ici SpaceFox, votre renard préféré qui vous parle. Peut-être saviez-vous que Lisa a honteusement repompé mon concept d’écrire une nouvelle par jour à l’occasion d’Inktober 1. Et comme le mois d’octobre est fini – et qu’elle a fini de dormir pour se remettre de cette épreuve, la pauvre – je me suis dit que c’était l’occasion de l’interviewer pour faire un petit bilan de tout ça et de la suite.
- NdL : « Ton » concept s’appelle writober et il y a même eu une liste francophone sur le sujet cette année…↩
Retour sur l’Inktober 2020 en micronouvelles
Bonjour Lisa. Avant de commencer, est-ce que tu peux te présenter en deux mots ?
Bonjour mon renard.
Je dirais… « jeune autrice ».
… je te sens très littérale aujourd’hui…
Eh bien, ça répondait à ta question non ? J’ai un peu la flemme, mais si certaines de nos lectrices (ou de nos lecteurs, ne soyons pas sexistes) voulaient plus de détails, il y a plus de détails disponibles sur le site.
Bien, comment t’es venue cette idée d’écrire une nouvelle par jour à l’occasion d’Inktober ?
Je cherchais à la fois comment essayer de nouvelles idées, et surtout une motivation pour me forcer à écrire. Je me suis rappelé cette expérience que tu avais faite il y a deux ans et je me suis dit que ça serait un bon exercice.
Et ce fut le cas !
Je ne m’en pensais pas capable, mais j’ai réussi à tenir le rythme. Tout est disponible sur le site1, et il y a une version intégrale pour celles et ceux qui voudraient tout lire d’un coup (ce que je ne conseille pas, mais je crois que nous y reviendrons). D’après le compteur en haut à droite, il y en a à peu près pour deux heures de lecture.
Tu dis que tu as réussi, mais je ne compte que 28 textes. Or, le but d’Inktober est d’écrire un texte par jour, et il y a 31 jours en octobre. Aurais-tu confondu avec février ?
Que nenni ! Mon petit renard, 2020 est une année bissextile, février dura 29 jours et pas 28, l’erreur est impossible. Non, il y eut deux raisons à cet écart.
La première c’est que deux textes (ceux des 16–17 et des 30–31) m’ont échappé au-delà de tout contrôle, et j’avais le choix entre sortir des versions sérieusement amputées et décevantes, ou les écrire sur deux jours et en faire quelque chose de correct. Ces deux textes sont mes préférés, ce qui tendrait à prouver que j’aie eu raison.
La seconde concerne le texte des 21–22, écrit spécifiquement à l’intention d’une enfant de cinq ans (très précisément, c’était pour son anniversaire). Et là j’ai une annonce à faire : putain, c’est horriblement difficile ! Écrire quelque chose de compréhensible pour une enfant de cet âge, c’est extrêmement compliqué, surtout sans le support de dessins !
À ce point ?
Oui ! À cause de… tout en fait. La première version de mon histoire contenait trois niveaux de narration imbriqués (l’histoire, les commentaires du narrateur, les commentaires de la petite fille qui écoute l’histoire au narrateur) – évidemment c’était impossible. Et puis les structures des phrases, et puis le vocabulaire, et les thèmes… Il faut tout vérifier. Chaque mot. C’est infernal. Et même comme ça, il y a des passages qu’elle n’a pas trop compris.
Alors la prochaine fois que vous entrerez dans une librairie, dites-vous bien ceci : chaque petit livre pour enfant a été infiniment plus difficile à écrire que les « essais » pondus par les personnalités et les politiques dont on nous abreuve jusqu’à la nausée dans les médias. Et pourtant le monde de l’édition juge que la littérature jeunesse c’est des enfantillages au point de déconsidérer totalement les auteurs jeunesse, jusqu’à les sous-payer et les traiter comme inférieurs dans les festivals.
Excusez-moi, je vais vomir et je reviens…
Autre chose sur ces 28 textes ?
Oui, deux choses. Le vrai but c’était d’écrire tous les jours, pas obligatoirement de publier tous les jours. C’est pour ça que certains jours j’ai publié de mauvais textes : je n’avais pas d’idées…
Il n’empêche que tu n’as publié que 28 textes et moi 31.
Tu fais le malin, renard. Mais regarde bien le petit bloc en haut à droite de nos intégrales respectives sur le site : j’ai écrit 29 025 mots (173 596 SEC pour utiliser une unité civilisée2), tu n’as écrit que 21 593 mots (129 821 SEC). En réalité, j’ai écrit beaucoup plus que toi, feignasse.
En 2018, j’avais à ma disposition une liste de thèmes mise à disposition par Boulet, l’auteur de BD. Tu n’avais pas de telle liste – d’ailleurs tu n’as pas publié de liste des thèmes utilisés. Quelles ont été tes inspirations ?
Eh bien j’ai pioché dans les différentes suggestions qui m’ont été faites, sachant que je m’étais mise des contraintes très strictes sur ce que je voulais écrire. En particulier en lisant ta production d’il y a deux ans, plusieurs fois je me suis dit : « Il y a une idée, mais pas d’histoire, on se fait chier ». Je voulais éviter ça… ce qui complique les choses, parce qu’il faut que je trouve une histoire, mais pas trop compliquée pour être racontée en une journée.
Si j’en crois ce que j’ai lu, ça n’était pas toujours réussi…
J’ai dit que j’ai essayé, pas que j’ai réussi, sale bête !
Tu parlais de tes contraintes, il me semble que tu avais détaillé ton processus d’écriture sur le sujet de forum…
Oui, dans ce message et je te le remets ici par la magie du copier/coller :
Aujourd’hui, on parle d’espoir avec Musée des espoirs. J’ai voulu essayer quelque chose, mais je ne suis pas satisfaite du résultat, je le trouve un peu bancal. Mais il me faudrait du recul pour l’analyser, ce que le format d’Inktober ne me laisse pas. D’un point de vue de l’organisation, c’est un marathon : je dois d’une part bloquer assez de temps tous les jours pendant un mois pour écrire une nouvelle (et ça implique de savoir combien de temps ça peut me prendre, cf plus bas et merci le covid), et d’autre part me motiver à écrire un texte chaque jour, même (et surtout si) je n’en ai pas envie. Concernant le rythme, la première difficulté c’est de lancer la machine, et après ça roule tout seul tant que l’inspiration est là. La seconde difficulté, c’est de dépasser les blocages et d’écrire quelque chose, même mauvais, pour réussir à conserver le rythme. Parce que si je m’autorise des trous pour autre chose qu’une vrai bonne raison, je sais que n’importe quelle flemmardise va devenir un prétexte à ne rien écrire, et là tout s’arrête dans une spirale infernale de procrastination.
Mon processus d’écriture est le suivant : trouver une idée selon le thème du jour, la structurer en nouvelle, l’écrire, faire les corrections minimales pour que les yeux des lecteurs ne saignent pas trop, publier.
Le point clé là-dedans, c’est trouver une idée et la structurer en nouvelle. L’une des contraintes fortes, c’est que la nouvelle doit pouvoir être écrite dans la journée, donc doit être très courte. Ça interdit tout ce qui est un peu complexe. L’autre contrainte forte, c’est que la nouvelle doit raconter quelque chose. Ça a l’air con dit comme ça, mais c’est sans doute ce qui est le plus compliqué dès qu’on prend en compte la contrainte précédente. C’est très facile d’écrire des textes qui sont des aperçus d’univers, des morceaux d’histoire, des impressions, mais qui ne sont pas une histoire parce qu’ils ne racontent rien, et donc n’ont aucun intérêt en soi (ils pourraient être une partie d’un récit plus grand). Quand il y a deux ans j’ai lu les textes de SpaceFox, je lui ai dit plusieurs fois : « ton truc là, c’est mignon, mais ce n’est pas une histoire, ça ne raconte rien et on se fait chier ». J’essaie d’éviter ça, sans toujours y parvenir.
Une fois que j’ai une idée, je construis l’histoire dans ma tête, jusqu’à ce qu’elle fonctionne correctement. Ainsi, au moment d’écrire, je sais d’où je pars, où je vais et comment j’y vais, et ça me permet de me concentrer sur la « technique », même si ça m’arrive de dévier significativement du plan en cours d’écriture. J’essaie d’écrire au plus propre dès le premier coup (qui n’est pas un vrai premier jet, vu le nombre d’itérations qui ont décanté dans ma tête), parce que le format fait que je n’aurai pas de vraie passe de corrections.
Il ne reste plus qu’à relire et corriger vite fait et publier, mais il n’y a rien de passionnant à dire là-dessus.
Pour ce qui est des délais : l’écriture/relecture est assez constante, entre 1 et 2 heures selon la longueur du texte (sauf pour le 21–22 à cause des contraintes de l’écriture pour jeunes enfants). J’ai appris la dactylographie, au moins je ne suis pas ralentie par des considérations mécaniques. La conception de l’histoire est beaucoup plus variable : certaines histoires me sont venues presque naturellement, d’autres fois (comme ce soir) j’ai mis des heures à trouver une idée qui ressemblait à peu près à quelque chose et qui ressemblait à peu près à une histoire. L’avantage, c’est que je peux réfléchir à plusieurs idées en même temps, et que je peux réfléchir à une histoire en faisant autre chose (on sous-estime les bienfaits d’une bonne douche sur l’imagination).
Et donc on dit aux lecteurs que tu as triché et qu’en fait tu n’avais pas de liste du tout, que tu n’as reçu pratiquement aucune proposition utilisable, et qu’en réalité tu as écrit ce que tu avais envie d’écrire ou parfois la seule idée qui te passait par la tête ?
Non.
Un retour sur tes derniers textes, maintenant que tu as dormi et que tu as pu les relire à froid ?
Eh bien je les classerais en gros en quatre catégories :
- Ceux que j’aime bien et dont je ferai quelque chose sans trop de difficulté.
- Ceux qui ont une bonne idée, mais qui vont demander beaucoup de travail pour être acceptables.
- 02 – Couleur canidé (il manque de rythme)
- 03 – Refuge pour mots oubliés (il manque d’une histoire, c’est une longue description)
- 05 – Stupidité artificielle (l’idée est classique et surtout la fin trop moralisatrice)
- 08 – Les vampires craignent-ils les lasers ? (il rame)
- 09 – Aliens aliénés (j’aime bien la blague, mais on peut beaucoup mieux l’écrire)
- 10 – La facture de réalité (il y a une idée, mais franchement en l’état c’est chiant)
- 14 – Le sous-marin rouge (uniquement si le contexte se prête aux blagues délayées)
- 18 – L’ami imaginaire (l’idée est là, mais pas le traitement. Savez-vous qu’il y a une version beaucoup plus gore de ce texte dans ma tête ?)
- 21–22 – La fleur téléguidée (il lui faudra au moins des dessins)
- 24 – Reconnaissance (l’idée est là, mais je ne suis pas satisfaite du traitement)
- 27 – Renarde (il ne marche pas du tout en l’état)
- Ceux qui ont des idées utilisables, mais dans un autre contexte, parce que franchement c’est des descriptions ou des vagues idées plus que des nouvelles.
- Ceux qui sont bons pour la poubelle
- 07 – Comme des mots écrits avec du savon
- 13 – La prophétie dans les titres (c’était amusant à écrire, mais n’a aucun intérêt à la relecture)
- 28 – Eulagisca gigantea et toute cette sorte de choses (c’était chiant à l’écriture aussi)
On remarque bien ce que j’ai ressenti pendant ce mois d’octobre : plus on avançait, plus j’étais fatiguée, et plus j’avais déjà utilisé des idées (je voulais éviter de réécrire plusieurs fois le même texte), et donc la qualité générale s’est dégradée. Mais il y a moins de déchets que ce que je craignais avant de commencer.
Un conseil à la lectrice et au lecteur qui s’attaqueraient à cette masse ?
Lisez ceux de la première catégorie (dans n’importe quel ordre), ceux de la seconde catégorie si vous avez du temps à perdre (idem) et ceux de la troisième si vraiment vous voulez me faire plaisir. Oubliez ceux de la dernière.
N’hésitez pas à me dire, même en deux mots, ce que vous avez aimé ou pas dans ces textes. Ça me fait plaisir et me permettra de m’améliorer !
Un mot général sur l’Inktober 2020 avant de finir sur ce point ?
C’était épuisant, mais très intéressant à faire. Et vos retours (oui, je te parle, lectrice ou lecteur) m’ont beaucoup motivée, je ne pense pas que j’aurais réussi sans eux.
Le rythme frénétique aide vraiment à écrire, mais fatigue peut-être trop : la contrainte « je dois sortir une nouvelle aujourd’hui quitte à écrire de la merde » incite à écrire parfois de la merde, ou à torcher des textes qui auraient pu être meilleurs, de loin. Mais ça a l’énorme avantage d’imposer le rythme. Ça interdit de procrastiner, ce qui serait possible en disant « écrit un peu tous les jours, mais si tu ne fais rien tant pis ».
Le problème des textes c’est qu’ils sont plus longs à lire qu’une image qui se regarde d’un coup d’œil, et donc avoir des lecteurs – et pire, des retours – sur mon travail a été plus difficile que pour les dessinateurs. Mais ça ne m’a pas empêché de voir des encouragements apparaitre de là où je ne l’aurais jamais imaginé :
- NdL : Encore merci à @SpaceFox pour la technique et l’hébergement. Je suis totalement incapable de gérer ce genre de chose, vous auriez eu un blogger tout pourri.↩
- NdL : le monde de l’édition française utilise le SEC – Signes Espaces Comprises – pour donner la longueur des textes, ce qui est beaucoup plus pertinent que les mots – utilisés en anglosaxonnie –, les phrases ou les pages qui sont par nature de longueur variable. Les pigistes utilisent aussi le feuillet hérité des machines à écrire, sur la base de 1 feuillet ≃ 1500 SEC.↩
Vers le futur, et au-delà !
Parlons un peu de tes projets futurs, en commençant par l’Inktober : comptes-tu le refaire en 2021 ?
Oui, sans aucune hésitation !
Quant au format, je verrai à ce moment-là ; mais à moins d’une liste de thèmes qui m’inspire je pense tordre un peu plus le concept et m’autoriser systématiquement l’écriture de nouvelles sur deux ou trois jours, dans le but d’être moins limitée par la longueur et d’éviter de devoir bâcler.
As-tu des projets pour tes textes d’Inktober 2020 ?
Je compte retravailler tous les textes que j’ai rangés dans les deux premières catégories un peu plus tôt pendant cet entretien, pour en faire des textes qui tiennent la route tout en gardant le concept de texte très court (puisqu’à l’origine ils sont censés être écrits en une seule journée) mais en les rendant intéressants à lire même en dehors de l’exercice de l’Inktober. Mais je ne vais pas faire ça tout de suite.
Pourquoi donc ?
Parce qu’il faut que je les laisse reposer assez longtemps, pour commencer. Et puis parce qu’avant ça, j’ai un autre projet que j’ai déjà commencé et qu’il me faut terminer.
Lequel ?
Tu te souviens qu’en 2018 tu as aussi fait un Inktober. Mais est-ce que tu te souviens que tu avais promis, toi, de ton côté, de travailler ces textes, et que deux ans plus tard tu as fait… très exactement du rien de qualité intersidérale. Or, malgré les déchets, tu avais des textes qui ne méritaient pas l’abandon sordide que tu leur as fait subir, père indigne, et c’est pourquoi j’ai décidé de les reprendre sous mon aile, de les polir et de les peaufiner pour en faire un recueil.
Le plus beau c’est que je n’ai même pas à te demander ton autorisation, puisque tes textes sont sous licence libre (CC BY 4.0 me disent les pieds de page du site), et donc que j’ai déjà cette autorisation.
Puisque tu as été sage, je te dévoile ce que devrait être la table des matières du recueil, sauf modifications d’ici là, insère toutes les précautions nécessaires ici :
- Insomnie au fond de la rivière
- Ce qui est dans le noir
- Les jardins de la Mort (si j’arrive à lui enlever son côté moralisateur)
- L’odeur d’un vieux placard
- Et si tu étais le double maléfique ?
- La boite à rythmes de Pandore
- Cette vague impression que quelqu’un vous regarde par la fenêtre
- Chants magnétiques dans une église en bois
- Ce qui t’effraie le plus/Le secret le plus intime
- Ce chat me donne la chair de poule
- Par-delà la fine membrane de la réalité
- Un pangolin
- Parachutisme sur Neptune
- L’ange déchu
- Le clown le plus isolé du monde
- Un très curieux dirigeable au-dessus de Venise
- Ce que les extraterrestres gris font aux vaches
- Un brave blaireau
- Nu de bon gout
Et j’ai la ferme intention de publier ce recueil de nouvelles, puis de faire de même avec mes textes d’Inktober 2020.
Tu veux dire que tu trouverais quelqu’un d’assez fou pour publier un recueil de nouvelles – format qui se vend assez mal –, très court, d’une inconnue, et de textes sous licence libre ?
Oui. Et tu sais très bien de qui je veux parler.
Tu veux qu’on leur parle de ça maintenant ?
Pourquoi pas ? À un moment ça va devenir public non ?
Exact. Alors, je vais publier ce recueil, puisque je fonde une maison d’édition dont vous entendrez bientôt parler. En fait, si les services officiels étaient plus réactifs, vous seriez déjà au courant.
J’en trépigne d’impatience !
Autre chose de prévu pour le futur ?
Plein ! Mais rien de définitif pour l’instant, je vais déjà travailler sur les deux recueils que j’ai mentionnés, et après on verra.
Merci beaucoup pour ton temps et tes réponses, Lisa.
Tout le plaisir a été pour moi, mon cher renard.
Une dernière question : on publie l’entretien avec mon compte ou avec le tien ?
Avec le mien, bien sûr ! Tu as déjà trop de publications ici ! Et ça me permettra d’avoir le dernier mot sur la transcription et de corriger tes sottises.