C’est un sujet qui revient régulièrement dans les médias. Un jour, Jeff Bezos est la personne la plus riche du monde. Le lendemain, c’est Elon Musk. Puis ce dernier poste une dinguerie sur son réseau social et c’est Bernard Arnault qui prend sa place. Alors, pourquoi ça bouge aussi facilement, et qu’est-ce que ça veut dire ? La réponse tient en un mot : tout ça, c’est de la connerie. Voilà, fin du billet. Comment ? Des explications ? Allez, décortiquons pourquoi cette notion de "personne la plus riche du monde" n’a aucun sens.
Travail, famille, patrimoine
Si vous cherchez à combien s’élève la fortune de milliardaires, vous tomberez sur des chiffres tels que 348 milliards de dollars, 221 milliards, etc. Pour faire du sensationnalisme, certains journaux s’amusent à comparer cela avec des objets valant extrêmement cher, comme des tableaux de Picasso ou de gros avions. La fortune de Mark Zuckerberg équivaut à 546 Airbus A350 ? Le PDG de Meta ne pourrait même pas s’en payer un seul. Du moins, pas avec son propre argent. Et ce pour une bonne raison : il n’a pas cet argent.
Oh, il a certainement quelques millions à disposition sur des comptes en banque quelconques. Mais quand on parle des centaines de milliards, on ne parle pas de son argent, mais de son patrimoine, c’est-à-dire l’ensemble de ses possessions. Cela inclut ses biens immobiliers (maisons, terrains, etc.), ses voitures, ses comptes bancaires, mais aussi et surtout ses parts de société. Pour rester sur le cas de Mark, il possède 13,4 % de sa société Meta1. Une recherche rapide nous informe que cette entreprise est valorisée à 1,46 billion (1460 milliards) de dollars2. On calcule, les parts de M. Zuckerberg représentent donc 195,64 milliards de dollars. Selon les sources et le moment où on cherche, la fortune du chef d’entreprise est estimée entre 196,9 et 206 milliards de dollars. On constate donc que 95% à 99% de son patrimoine est constitué de ses parts de Meta. Si le fondateur de Facebook voulait vraiment s’acheter personnellement3 quelques A350, il devrait vendre une partie de ses parts. C’est là qu’on arrive à la partie bullshit : comment on détermine la valeur d’une société ?
- Selon la page Wikipédia "Meta" consultée le 29/11/2024↩
- Recherche Google "valorisation meta" le 29/11/2024 vers 16h30. Cette valeur peut changer drastiquement en un rien de temps.↩
- "Personnellement", car en pratique, s’il voulait acquérir ces Airbus, il les ferait acheter par l’intermédiaire de sa société.↩
Valorisation, piège à con
On continue dans la finesse et la subtilité. Nous avons vu juste avant que la fortune de Mark Zuckerberg est essentiellement constituée des parts de la société Meta qu’il détient. Il en va de même pour la plupart des grandes fortunes, nous pourrions faire l’exercice avec d’autres grands patrons, il se trouve que j’ai pris Mark comme exemple un peu par hasard. 195 milliards de dollars de son patrimoine, soit jusqu’à 99% de sa fortune pour rappel, dépendent donc de la valeur de son entreprise. En l’occurrence, comme évoqué précédemment, au moment de l’écriture de ce billet, celle-ci est valorisée à 1460 milliards de dollars. La société Meta est divisée en environ 2,529 millions de parts. Une partie de ces parts sont échangées sur un marché, où on achète et vend au plus offrant : c’est ce qu’on appelle communément la bourse. La valeur d’une part (on parle aussi d’action), à un instant donné, correspond au prix de la dernière transaction. Et pour obtenir la valorisation d’une entreprise, on multiplie tout bêtement ce montant par le nombre total d’actions. Alors même que seulement une petite partie des parts est disponible à l’échange sur le marché, et que le prix correspond purement à ce que des gens sont prêts à dépenser et non à une réalité tangible. Vous commencez à comprendre la douille ?
Revenons sur ce que nous évoquions un peu plus tôt :
Si le fondateur de Facebook voulait vraiment s’acheter personnellement quelques A350, il devrait vendre une partie de ses parts
Les parts de Mark ne sont pas échangeables en bourse. Ce sont les siennes, elles ne peuvent pas être librement vendues en deux clics. Si notre PDG souhaite récupérer quelques milliards en cash1, il faut qu’il trouve quelqu’un qui accepte de les acheter… eh bien en cash, justement. Et comme on l’a évoqué précédemment, à peu près personne ne dispose de ce genre d’argent. Les grandes fortunes sont presque systématiquement constituées de patrimoine non liquide, c’est-à-dire qu’on ne peut pas vendre immédiatement : des maisons, des œuvres d’arts, des entreprises, etc. Accessoirement, à supposer qu’une telle transaction se fasse, un échange d’un montant aussi important ne passe pas inaperçu. Règlementairement, il doit y avoir des contraintes fortes (je n’ai pas creusé le sujet) et surtout, cela risque d’inquiéter les investisseurs. Pourquoi le patron vend ses parts ? C’est un mauvais présage ? Vite, vendons aussi… Et voilà potentiellement un début de crise économique.
On fait donc des titres aguicheurs en multipliant un prix qui n’a aucun sens concret par le nombre de parts total, et paf, ça fait du putaclic ! Et ça ne fait aucun sens réel, surtout. Les cours de bourse peuvent varier drastiquement à la hausse comme à la baisse en raison d’une annonce, d’une pandémie, d’une guerre ou du sens du vent. On lit parfois que telle grande fortune a perdu des milliards du jour au lendemain. La personne en question n’a rien perdu du tout. Elle possédait tant de parts de société hier, elle les possède toujours le jour d’après.
- En argent "réel", sur un compte en banque par exemple.↩
J’espère que ce billet vous permettra d’avoir un regard critique sur ces classements de fortunes. Aussi, quand vous entendrez des populistes et démagos clamer que "Elon Musk pourrait donner 43 euros à chaque personne sur Terre" ou ce genre d’idioties, vous pourrez leur expliquer à quel point leur propos est insensé. Encore que, parmi les personnes qui proclament des choses pareilles, certaines le font à dessein… et d’autres préfèrent ne pas remettre en cause leurs idées préconçues, il faudrait quand même pas trop user son cerveau.
Vous trouvez de l’agacement, de la provocation, des simplifications dans ce billet ? C’est normal. J’ai essayé de rédiger dans un style qui soit assez compréhensible et qui reflète ce que je ressens par rapport à ce sujet. Le but n’est pas d’être exhaustif ou de faire un cours, juste de faire comprendre la réalité derrière les titres sensationnels qui font du clic sur les réseaux sociaux. Il y a certainement beaucoup à redire par rapport à des approximations, vous pouvez en parler en commentaire. L’icone du billet a été générée par Microsoft Copilot.