Je suis quelqu’un d’extraverti […] et quand je froisse quelqu’un, je vais immédiatement avoir tendance à être conciliant, faire amende honorable etc.
Je n’ai jamais rencontré d’ours qui reste dans sa grotte et grogne quand tu t’approches, mais je connais effectivement des profils avec lesquels ça peut piquer. Deux cas concrets : j’ai un collègue qui dit ce qu’il pense des gens. Tout le temps, et sans filtre. S’il pense que tu es un connard, il te le dira, et le dira aux autres gens. Ce n’est pas un exemple hypothétique, il a traité des gens de connard devant moi ; plusieurs fois. Dans le cas plus léger, il ajoutera un « je rigole » après coup comme si ça pardonnait tout.
Ce sont des cas très compliqués à gérer. Parce que si tu le critiques, il s’étonnera de s’être fait critiquer lui et pas l’autre connard (cas réel, encore une fois). De son point de vue, être un connard est gênant, dire que l’autre l’est passe si l’autre l’est effectivement. Soit tu le mets avec des gens compatibles, soit tu passes outre. Mais c’est compliqué, parce qu’il ne fera pas d’effort de son côté. Pour ma part, ça passe avec lui, car il ne m’insulte pas moi, je suis super prudent sur tout un tas de sujet, ce qui a tendance à le modérer, et je le prends comme il est : le jour où il ne sera pas d’accord avec moi, au moins, je le saurai. Quant aux insultes, plein de gens n’en pensent pas moins, lui a le mérite de la franchise à défaut de diplomatie. Paradoxalement, ce sont ses « je rigole » qui m’énervent. Soit tu es franc, et tu assumes, soit tu es diplomate, et tu te modères.
L’autre cas qui peut te paraître compliqué, ce sont les gens qui, comme moi , peuvent sortir des énormités choquantes l’air de rien. J’ai du mal à trouver un exemple concret, mais il m’arrive de choquer profondément les gens sans m’en rendre compte ; il y a des choses qui sont pour moi évidentes (car bien prouvées scientifiquement, par exemple), donc les gens qui ne sont pas d’accord sont forcément mésinformés. N’est-ce pas ? Et même lorsque je m’excuse d’avoir choqué, j’en rajoute souvent une couche sans m’en rendre compte. Ça passe facilement pour un comportement hautain ou de l’élitisme, alors que c’est très souvent une profonde maladresse. Je compense en essayant d’être diplomate autant que possible, mais ça rend mes bourdes d’autant plus marquantes.
Je pense qu’une fois que tu as compris comment je fonctionne, je ne suis pas trop dur à gérer. Parce qu’il n’y a pas de méchanceté. Mais avec certains profils, par exemple ceux qui attachent une grande importance au respect des croyances d’autrui, ça peut donner une mauvaise impression. D’ailleurs, de mon point de vue, toute croyance peut (pour ne pas dire doit) être critiquée. Une théorie solide est une théorie que l’on a échouée à mettre en défaut ; la critique est nécessaire. D’où incompatibilité éventuelle. En pratique, je n’aborderai pas les sujets qui fâchent, mais je risque de lâcher une connerie un jour.
Aussi je fonctionne beaucoup à l’intuition et même s’il y a des arguments logiques en face (que je respecte au plus haut point, au vu de la profession que j’excerçais), je suis capable de remettre beaucoup de choses en questions quand je sens que quelque chose pourrait être mieux fait.
Avis perso : je n’ai rien contre l’intuition. Il s’agit d’une façon rapide et efficace d’utiliser son expérience. Sauf qu’il s’agit d’une base de travail. On peut recommander une piste sur une intuition. Le choix final ne peut pas être décidé ainsi.
Pour faire passer la pilule face à des rationalistes, essais de justifier tes intuitions par une expérience. Tu ne peux pas dire formellement que c’est ce truc est mauvais, mais tu as rencontré un cas similaire dans lequel, etc. Pour eux, ça fera probablement une grande différence.
Un but supérieur. Un homme qui n’a pas de but dans sa vie, quelque chose qui lui donne envie de se lever le matin voire de se coucher tard le soir, je peux t’assurer que ça peut vite lui faire péter les plombs.
Je comprends tout à fait. C’est ce qui me manque dans mon boulot. Ça passe parce qu’il est techniquement très intéressant et que je m’éclate (malgré les nombreuses frustrations qu’il engendre ; pour moi ça va souvent de concert).
J’ai un truc à ajouter en tant qu’ancien grand malade : il faut aussi apprécier quand il n’y a rien de particulier. Quand on se contente de vivre tranquillement. Ces dernières années, j’aspire à une forme de sérénité.
De mon employeur, qu’ils arrêtent de me voir comme une ressource humaine cantonnée à une tâche. Au-delà de ça, je dirais : qu’on arrête de voir les développeurs comme des ouvriers numériques (si, si !).
J’ai pour l’instant échappé à ce genre de problème. Je croise les doigts pour que ça continue. Un truc qui m’énerve fortement vis-à-vis de mes employeurs (et je pense que pas mal de gens au profil similaire au mien seront d’accord), c’est lorsqu’ils ne me donnent pas les moyens de travailler. Je suis embauché pour un travail, je dois pouvoir le faire. J’ai un collègue qui a mis plusieurs semaines avant d’avoir certains accès aux serveurs, c’est pour moi inadmissible. Et surtout, ce n’est pas à moi de compenser les erreurs de mon employeur : s’il a fallu 2 semaines pour que puisse travailler, le projet aura 2 semaines de retard. Après, je sais faire la part des choses entre un problème inattendu et ponctuel, et le fait que la clim des serveurs lâche chaque année aux premières chaleurs.
De la part de mes collègues, d’être en harmonie avec eux et ce malgré leurs différences.
Je dirai personnellement « pouvoir travailler ensemble intelligemment ». L’harmonie et moi… Mais je crois qu’on dit la même chose différemment.
Un peu la course à la carotte, la recherche de la facilité […], l’absence criante […] de remise en question et le manque de sensibilité.
Je suis d’accord sur ces points-là (sauf le dernier, peut-être). Pour la remise en question, je mettrai un bémol : c’est extrêmement compliqué de se remettre en question. Et pour pousser quelqu’un à se remettre en question, je crois que les questions qui comptent sont avant tout « pourquoi crois-tu ce que tu crois ; qu’est-ce qui pourrait te faire changer d’avis ». On ne réfléchit pas tous pareil, et ce qui est convainquant pour l’un ne le sera pas pour les autres. On peut avoir l’impression d’avoir donné d’excellent argument, sauf qu’ils ne le sont que pour nous. Et des arguments que l’on juge minables pourront convaincre d’autres gens. Et je dis ça sans juger personne. Si l’on veut discuter posément (je ne parle même pas de convaincre), on ne peut pas commencer à juger l’autre sur sa méthode avant même de commencer la discussion…
Et si tu veux une façon de penser pas comme toi, je vais répondre aux questions (en tout cas à ce dont je n’ai parlé plus haut) que je t’ai posé. Précision : je côtoie plein de gens dans l’informatique qui pensent encore différemment (ni comme toi, ni comme moi). Je ne suis qu’un exemple parmi d’autres.
Je suis pour ma part plutôt introverti au premier abord. Je n’irai jamais voir spontanément quelqu’un. Envoyer un mail au responsable des sports de la mairie pour louer une salle pour une association me demande un effort important. Une fois le premier contact fait, je me débloque assez vite. Je n’ai pas toujours toutes les conventions sociales, mais j’ai appris à faire sans. Ça peut rebuter. Une fois débloqué, je peux tout à fait avoir une grande gueule. Suffit de me lire sur ZdS, je peux donner mon avis ( ), rédiger des pavés y compris sur des choses personnelles, etc. Sauf que je suis chez moi.
Je considère une soirée au bar ou chez des amis comme fatiguant, et je préfère manger seul (j’allais écrire tranquillement) le midi. Mais je communique avec mon équipe au boulot, et je suis capable de demander et de tenir compte de l’avis des gens. Note aux extravertis : laisser des moments de pause aux introvertis. Et ces poses, ça peut être une heure à manger seul dans leur coin.
En relisant les questions, il n’y a que deux choses que je n’ai pas dites : j’attends de mon employeur non seulement quelque chose de techniquement (intellectuellement) intéressant, mais aussi une certaine liberté pour résoudre le problème. Sans aller jusqu’à l’indépendance, j’ai besoin d’une grande autonomie.
Pour les collègues (les gens de manière générale), il y a une chose que je ne supporte pas, c’est d’être pris pour un con. Que ce soit en médisant derrière mon dos tout en étant tout miel devant, en prenant pour un incapable, ou en déformant la réalité pour me faire passer pour un méchant. Je ne sais pas comment dire ça précisément, mais je peux perdre toute diplomatie dans cette situation.
On a tous un truc dans ce genre, un point à ne surtout pas aborder, une réaction à ne pas avoir en face. Il est important de trouver celle des autres si on veut pouvoir les manager.
En espérant que ce pavé bien trop long ait pu t’aider à comprendre comment fonctionnent certains de tes collègues potentiels.